Nous n’avons pas la prétention à l’exhaustivité en passant en revue les différentes plaintes et leurs motivations que le fils du Président Wade a servies à des gens, notamment des journalistes. Aussi, nous limiterons-nous à quelques exemples, à titre simplement illustratif. Karim Wade pourrait figurer dans le livre Guinness des «porteurs de plaintes». Jamais, un homme d’Etat sénégalais n’a autant servi de plaintes que le fils du Président Wade, le plus souvent pour «diffamation», atteinte à son «honneur» et à sa «considération».
Ceux dont la mémoire est restée fidèle se souviennent sans doute de la plainte en diffamation déposée par Wade fils auprès de la 17e Chambre correctionnelle du tribunal de Paris contre le magazine Le Nouvel Economiste, coupable, dans sa livraison du 17 au 28 janvier 2003, d’avoir écrit que Karim Wade détient des actions dans le Centre d’appels téléphoniques (Pcci), non sans décrire le Sénégal comme un pays nimbé dans «le clientélisme, le népotisme et la corruption». Défendu par l’avocat du Barreau de Paris, Rasseck Bourgi, (le frère de l’autre Bourgi), Karim Wade avait réclamé plus de 32 millions de francs Cfa de dommages et intérêts, comme l’avait rapporté notre confrère de Jeune Afrique.
Presque deux ans après, en 2005, s’ouvre un épisode entre Karim Wade et le journal Le Quotidien qui avait repris une information du site balancingact, basé à Londres et spécialisé dans le télécom. L’information concernait une prise d’actions par le fils du Président Wade dans Maroc Télécom pour une troisième licence de téléphonie. Dans sa plainte, Karim Wade réclamait 4 millions de livres sterling à balancingact et une condamnation du Dirpub du Quotidien et du journaliste, auteur de l’article. L’enjeu était un pactole de près de 200 milliards de francs Cfa que pouvait rapporter cette licence. Le procès sera finalement vidé à l’amiable, après que Le Quotidien a présenté ses excuses, dans la foulée du propriétaire de balancingact, qui s’était fendu d’un démenti.
En décembre 2005, le quotidien L’Observateur prend sa part au sujet de la fameuse affaire des «Chantiers de Thiès». Il s’agissait d’une nébuleuse histoire de trafic de devises. Nos confrères de L’Obs avaient publié en septembre 2005 un article expliquant les véritables raisons de l’inimité entre Karim Wade et Idrissa Seck sur fond «d’une affaire de pactole non reversé à qui de droit» et d’interpellation de Karim, transportant «dans un avion des devises importantes», par la Douane française. Il a été question, dans cet article, de l’intervention de l’ancien Président Diouf pour venir au secours de Karim. Le Secrétaire général de la Francophonie avait démenti toute intervention. Karim Wade avait porté plainte contre L’Obs pour diffamation et il lui réclamait 750 millions de francs Cfa, à titre de dommages et intérêts.
Vers janvier 2007, Vincent Hugeux, journaliste à L’Express, auteur d’un livre fulgurant qui brocarde «les sorciers blancs», ces «faux amis Français de l’Afrique», évoque un passage de L’Express concernant les caïmans qui s’agitent dans le «marigot de la françafrique». Karim Wade s’effarouche des propos rapportés par le journaliste français sur les mœurs du régime de Wade : «L’affairisme s’aggrave (…) Sur fond d’impunité garantie, la boulimie d’argent du premier cercle est devenue insatiable. Sous Abdou Diouf-le prédécesseur socialiste de Me Wade, l’unité de compte de la corruption était le million de Cfa (1500 euros environ). Aujourd’hui, ce n’est pas le milliard, mais la dizaine de milliards.» Hier timorés ou allusifs, patrons et investisseurs ne rechignent plus à désigner «la clef de voûte du système» : le fils Karim. «Tout passe par lui, martèle l’un d’eux. Décrocher un marché en le contournant relève du miracle. Ici, comme ailleurs, on a arrosé un peu les partis en vue, notamment en période électorale. Mais l’omniprésence de Wade Junior devient gênante. C’est d’ailleurs avec l’aval du père que je me tiens à distance de l’héritier». Aveu plus sidérant encore d’un édile du Pds, partisan du scénario, pour le moins aléatoire, de la succession dynastique : «Karim a commis des erreurs de jeunesse. Disons qu’il s’est constitué un trésor de guerre pour l’avenir.» Karim lui envoie un droit de réponse qui ne sera pas publié. On annonce une plainte de Wade-fils contre le journaliste, mais dont on ne parle plus depuis.
Epaisseur dans les fonctions et frénésie de plaintes
En janvier 2009, Karim Wade et sa sœur Sindiély se rendent auprès des tribunaux canadiens, à Montréal, pour les besoins du procès en diffamation contre l’ancien conseiller en communication de Idrissa Seck, Souleymane Jules Diop. Sindiély, révèle la presse, renonce à sa plainte, contre l’assurance de ce dernier de ne plus s’attaquer à elle. Karim, lui, poursuit la procédure judiciaire contre Souleymane Jules Diop pour l’avoir accusé d’être mêlé à un trafic de devises.
En 2010, l’affaire de la société Millicom cellular éclate sur fond d’une révélation du journal américain Business insider ; révélation selon laquelle Karim Wade, alors conseiller du Président, a réclamé à cette société 90 milliards F Cfa afin qu’elle continue, via Tigo, ses activités au Sénégal. Là, Karim se contente de brandir la menace d’une plainte contre Business insider et le journaliste auprès des tribunaux américains. Seulement, aux Etats-Unis, il revient au plaignant de donner les preuves qu’il a été diffamé. Trop risqué d’ester au pays de Obama !
En janvier 2011, Weekend magazine réussit à obtenir des confidences sur l’affaire du Jet privé, appartenant à Karim Wade, de marque Falcon, payé à 6,5 milliards Cfa. Il parle des membres de l’équipage du Jet pouvant transporter 10 personnes. Là aussi, une plainte est annoncée contre le magazine. Sans suite.
En août 2011, encore une affaire de diffamation, avec encore Karim dans le rôle de plaignant. Sont concernés le quotidien Le Populaire et le magazine Afrique Education. Me François Sarr est annoncé pour mettre le fer au feu judiciaire au Sénégal contre Le Populaire, alors que Me Rasseck Bourgi se chargerait du magazine à Paris. On annonce une citation directe. Le Populaire avait repris un élément du dossier d’Afrique Education, consacré au Président Wade et à son fils. Morceau choisi sur la gestion de l’Anoci : «L’objet de l’Anoci, est sans équivoque : préparer l’organisation du Sommet islamique de 2008 et conduire la construction d’infrastructures hôtelières sur la Corniche Ouest à Dakar. Wade ayant trimé pendant un quart de siècle dans l’opposition avec en prime deux séjours en prison, a de la suite dans les idées en nommant son fils Karim, président de cette institution (…) Karim n’a pas fait dans la dentelle. En 4 années d’existence, 2004 à 2008, les pays du Golfe ont financé pour 432 milliards de F Cfa (650 millions d’euros) de travaux. La famille du Président en a profité pour se sucrer, pour s’enrichir au détriment du Trésor public sénégalais qui devra rembourser l’argent obtenu à cette occasion, car il s’agit de prêts et non de dons (…).»
Les dernières plaintes de Karim Wade sont encore très fraîches dans les mémoires pour mériter que l’on s’y attarde ; d’autant plus, que les clameurs qui y sont liées ne sont pas estompées. Il s’agit de la plainte déclarée contre l’avocat Franco-sénégalais, Robert Bourgi, à propos de mallettes d’argent et celle «envisagée» contre Le Quotidien à propos de Karim Wade pris en possession de haschich au Maroc. Cette dernière information a été reprise de Wikileaks qui publie des télégrammes confidentiels de diplomates américains.
On remarquera au passage que si certaines plaintes de Karim Wade ont atterri devant les tribunaux ; d’autres sont restées à l’état de simples annonces et/ou menaces. Tout comme, il est à constater que les plaintes contre les journalistes ont connu un rythme frénétique au fur et à mesure que les fonctions du fils du Président Wade prenaient de l’épaisseur. Autre remarque : la grande majorité des plaintes de Karim portent les mentions : «pour diffamation». «Atteinte à mon honneur et à ma considération.» On a l’impression que, quelque part, dans un ordinateur, figure un texte prêt à l’usage et où il suffit seulement de corriger les dates et les noms.
De Karim et ses nombreuses plaintes, on pourrait évoquer, convoquer et invoquer cette métaphore proverbiale haalpular : «Il est normal que quelqu’un ait des problèmes avec Samba Peulh ou Coumba Peulh; mais, ça ne l’est plus quand il a des problèmes avec tout un village de Peulhs.»
LE QUOTIDIEN
Ceux dont la mémoire est restée fidèle se souviennent sans doute de la plainte en diffamation déposée par Wade fils auprès de la 17e Chambre correctionnelle du tribunal de Paris contre le magazine Le Nouvel Economiste, coupable, dans sa livraison du 17 au 28 janvier 2003, d’avoir écrit que Karim Wade détient des actions dans le Centre d’appels téléphoniques (Pcci), non sans décrire le Sénégal comme un pays nimbé dans «le clientélisme, le népotisme et la corruption». Défendu par l’avocat du Barreau de Paris, Rasseck Bourgi, (le frère de l’autre Bourgi), Karim Wade avait réclamé plus de 32 millions de francs Cfa de dommages et intérêts, comme l’avait rapporté notre confrère de Jeune Afrique.
Presque deux ans après, en 2005, s’ouvre un épisode entre Karim Wade et le journal Le Quotidien qui avait repris une information du site balancingact, basé à Londres et spécialisé dans le télécom. L’information concernait une prise d’actions par le fils du Président Wade dans Maroc Télécom pour une troisième licence de téléphonie. Dans sa plainte, Karim Wade réclamait 4 millions de livres sterling à balancingact et une condamnation du Dirpub du Quotidien et du journaliste, auteur de l’article. L’enjeu était un pactole de près de 200 milliards de francs Cfa que pouvait rapporter cette licence. Le procès sera finalement vidé à l’amiable, après que Le Quotidien a présenté ses excuses, dans la foulée du propriétaire de balancingact, qui s’était fendu d’un démenti.
En décembre 2005, le quotidien L’Observateur prend sa part au sujet de la fameuse affaire des «Chantiers de Thiès». Il s’agissait d’une nébuleuse histoire de trafic de devises. Nos confrères de L’Obs avaient publié en septembre 2005 un article expliquant les véritables raisons de l’inimité entre Karim Wade et Idrissa Seck sur fond «d’une affaire de pactole non reversé à qui de droit» et d’interpellation de Karim, transportant «dans un avion des devises importantes», par la Douane française. Il a été question, dans cet article, de l’intervention de l’ancien Président Diouf pour venir au secours de Karim. Le Secrétaire général de la Francophonie avait démenti toute intervention. Karim Wade avait porté plainte contre L’Obs pour diffamation et il lui réclamait 750 millions de francs Cfa, à titre de dommages et intérêts.
Vers janvier 2007, Vincent Hugeux, journaliste à L’Express, auteur d’un livre fulgurant qui brocarde «les sorciers blancs», ces «faux amis Français de l’Afrique», évoque un passage de L’Express concernant les caïmans qui s’agitent dans le «marigot de la françafrique». Karim Wade s’effarouche des propos rapportés par le journaliste français sur les mœurs du régime de Wade : «L’affairisme s’aggrave (…) Sur fond d’impunité garantie, la boulimie d’argent du premier cercle est devenue insatiable. Sous Abdou Diouf-le prédécesseur socialiste de Me Wade, l’unité de compte de la corruption était le million de Cfa (1500 euros environ). Aujourd’hui, ce n’est pas le milliard, mais la dizaine de milliards.» Hier timorés ou allusifs, patrons et investisseurs ne rechignent plus à désigner «la clef de voûte du système» : le fils Karim. «Tout passe par lui, martèle l’un d’eux. Décrocher un marché en le contournant relève du miracle. Ici, comme ailleurs, on a arrosé un peu les partis en vue, notamment en période électorale. Mais l’omniprésence de Wade Junior devient gênante. C’est d’ailleurs avec l’aval du père que je me tiens à distance de l’héritier». Aveu plus sidérant encore d’un édile du Pds, partisan du scénario, pour le moins aléatoire, de la succession dynastique : «Karim a commis des erreurs de jeunesse. Disons qu’il s’est constitué un trésor de guerre pour l’avenir.» Karim lui envoie un droit de réponse qui ne sera pas publié. On annonce une plainte de Wade-fils contre le journaliste, mais dont on ne parle plus depuis.
Epaisseur dans les fonctions et frénésie de plaintes
En janvier 2009, Karim Wade et sa sœur Sindiély se rendent auprès des tribunaux canadiens, à Montréal, pour les besoins du procès en diffamation contre l’ancien conseiller en communication de Idrissa Seck, Souleymane Jules Diop. Sindiély, révèle la presse, renonce à sa plainte, contre l’assurance de ce dernier de ne plus s’attaquer à elle. Karim, lui, poursuit la procédure judiciaire contre Souleymane Jules Diop pour l’avoir accusé d’être mêlé à un trafic de devises.
En 2010, l’affaire de la société Millicom cellular éclate sur fond d’une révélation du journal américain Business insider ; révélation selon laquelle Karim Wade, alors conseiller du Président, a réclamé à cette société 90 milliards F Cfa afin qu’elle continue, via Tigo, ses activités au Sénégal. Là, Karim se contente de brandir la menace d’une plainte contre Business insider et le journaliste auprès des tribunaux américains. Seulement, aux Etats-Unis, il revient au plaignant de donner les preuves qu’il a été diffamé. Trop risqué d’ester au pays de Obama !
En janvier 2011, Weekend magazine réussit à obtenir des confidences sur l’affaire du Jet privé, appartenant à Karim Wade, de marque Falcon, payé à 6,5 milliards Cfa. Il parle des membres de l’équipage du Jet pouvant transporter 10 personnes. Là aussi, une plainte est annoncée contre le magazine. Sans suite.
En août 2011, encore une affaire de diffamation, avec encore Karim dans le rôle de plaignant. Sont concernés le quotidien Le Populaire et le magazine Afrique Education. Me François Sarr est annoncé pour mettre le fer au feu judiciaire au Sénégal contre Le Populaire, alors que Me Rasseck Bourgi se chargerait du magazine à Paris. On annonce une citation directe. Le Populaire avait repris un élément du dossier d’Afrique Education, consacré au Président Wade et à son fils. Morceau choisi sur la gestion de l’Anoci : «L’objet de l’Anoci, est sans équivoque : préparer l’organisation du Sommet islamique de 2008 et conduire la construction d’infrastructures hôtelières sur la Corniche Ouest à Dakar. Wade ayant trimé pendant un quart de siècle dans l’opposition avec en prime deux séjours en prison, a de la suite dans les idées en nommant son fils Karim, président de cette institution (…) Karim n’a pas fait dans la dentelle. En 4 années d’existence, 2004 à 2008, les pays du Golfe ont financé pour 432 milliards de F Cfa (650 millions d’euros) de travaux. La famille du Président en a profité pour se sucrer, pour s’enrichir au détriment du Trésor public sénégalais qui devra rembourser l’argent obtenu à cette occasion, car il s’agit de prêts et non de dons (…).»
Les dernières plaintes de Karim Wade sont encore très fraîches dans les mémoires pour mériter que l’on s’y attarde ; d’autant plus, que les clameurs qui y sont liées ne sont pas estompées. Il s’agit de la plainte déclarée contre l’avocat Franco-sénégalais, Robert Bourgi, à propos de mallettes d’argent et celle «envisagée» contre Le Quotidien à propos de Karim Wade pris en possession de haschich au Maroc. Cette dernière information a été reprise de Wikileaks qui publie des télégrammes confidentiels de diplomates américains.
On remarquera au passage que si certaines plaintes de Karim Wade ont atterri devant les tribunaux ; d’autres sont restées à l’état de simples annonces et/ou menaces. Tout comme, il est à constater que les plaintes contre les journalistes ont connu un rythme frénétique au fur et à mesure que les fonctions du fils du Président Wade prenaient de l’épaisseur. Autre remarque : la grande majorité des plaintes de Karim portent les mentions : «pour diffamation». «Atteinte à mon honneur et à ma considération.» On a l’impression que, quelque part, dans un ordinateur, figure un texte prêt à l’usage et où il suffit seulement de corriger les dates et les noms.
De Karim et ses nombreuses plaintes, on pourrait évoquer, convoquer et invoquer cette métaphore proverbiale haalpular : «Il est normal que quelqu’un ait des problèmes avec Samba Peulh ou Coumba Peulh; mais, ça ne l’est plus quand il a des problèmes avec tout un village de Peulhs.»
LE QUOTIDIEN