Si l'Humanité ne fait rien pour réduire ses émissions de gaz carbonique, le climat sur Terre à l'horizon 2100-2150 va se rapprocher de celui de l'Éocène. Il y a environ 50 millions d'années, la Terre possédait alors des forêts humides et marécageuses semblables à celles de la Floride, jusqu'en Arctique.
Une équipe de chercheurs en géosciences anglo-saxons a joué à un jeu que plusieurs de leurs collègues, et eux-mêmes, ont déjà pratiqué depuis un certain temps déjà. Il s'agit d'utiliser les prédictions de modèles climatiques selon différents scénarios de maîtrise des émissions de gaz carbonique, considérés par le Giec, pour tenter de les connecter aux données paléoclimatologiques.
Mais, comme le montre leur travail publié dans un article de Proceedings of the National Academy of Sciences (Pnas), ce n'est pas à quelques centaines de milliers d'années qu'ils ont été contraints de remonter mais à plusieurs millions d'années pour rendre compte des effets du réchauffement climatique en cours.
Le scénario le plus inquiétant, et ils ne sont pas les premiers à aboutir à cette conclusion, les oblige à remonter à environ 50 millions d'années dans le passé. Plus précisément, à une période de l'histoire de la Terre où elle n'était encore pas très loin de ce qui est appelé le maximum thermique du Paléocène-Éocène (Paleocene-Eocene Thermal Maximum, ou PETM).
En fouillant les archives géologiques, on a en effet découvert, qu'il y a environ 56 millions d'années, les températures mondiales auraient alors augmenté d'environ 5 à 8 °C en seulement 20.000 ans. Cette augmentation s'est accompagnée d'une hausse correspondante du niveau des mers, en même temps que les océans se réchauffaient. Le Groenland méritait bien son nom de pays verdoyant à cette époque qui voyait, de plus, l'apparition des premières baleines, des premiers chevaux et des premiers primates.
En fait, comme l'explique la vidéo ci-dessous, tout l'Arctique était complètement libre de glace et ressemblait par endroit aux régions humides, chaudes et marécageuses que l'on peut trouver aujourd'hui, par exemple en Floride. Cet état de chose va persister pendant quelques millions d'années après la fin du PETM il y a 53 millions d'années. La calotte polaire ne reviendra qu'il y a environ 35 millions d'années. L'origine exacte du PETM est mal comprise, bien que l'on sache qu'elle fut la conséquence d'une augmentation de la présence de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, en l'occurrence du gaz carbonique mais peut-être aussi du méthane.
Dans l'article de Pnas, les chercheurs ont utilisé trois des principaux modèles climatiques étudiés par des instituts prestigieux. En l'occurrence et par exemple, le HadCM3 (abréviation de Hadley Center Coupled Model, version 3), un modèle qui permet de simuler à la fois la circulation atmosphérique mais aussi la circulation océanique avec le couplage atmosphère-océan (AOGCM) développé au Centre Hadley au Royaume-Uni. C'était l'un des principaux modèles utilisés dans le troisième rapport d'évaluation du Giec en 2001. Ces modèles ont des limites et des défauts mais pas assez pour que l'on ne puisse pas prendre sérieusement leurs prédictions.
Deux scénarios ont servi de base aux calculs des superordinateurs avec ces modèles parmi les quatre dits scénarios RCP (Representative Concentration Pathway) établis par le Giec et qui sont quatre scénarios de trajectoire du forçage radiatif jusqu'à l'horizon 2300. Ils sont plus précisément nommés d'après la gamme de forçage radiatif ainsi obtenue pour l'année 2100. On a ainsi le scénario RCP2.6 qui correspond à un forçage de +2,6 W/m2, le scénario RCP4.5 à +4,5 W/m2, et de même pour les scénarios RCP6 et RCP8.53.
Plus cette valeur est élevée, plus le système terre-atmosphère gagne en énergie et se réchauffe, et plus la valeur moyenne de la température de la Terre est élevée. L'article de Pnas considère RCP4.5 et RCP8.53, ce qui, compte tenu des incertitudes, donne respectivement des températures moyennes qui seront quelque part entre 1,1 - 2,6 °C pour RCP4.5 et entre 2,6 - 4,8 °C pour RCP8.5 qui est le scenario « business-as-usual », c'est-à-dire celui où l'on ne fait rien ou presque pour stopper le réchauffement climatique. Dans ce dernier cas, le climat de la Terre atteindra déjà celui du Pliocène, il y a 3 millions d'années, en 2030 et sinon en 2040 avec RCP4.5.
Si l'on continue sur la trajectoire RCP8.5, le climat de la Terre commencera à ressembler à celui du début de l'Éocène déjà vers 2100 et devrait l'atteindre en 2150 sans que l'on soit assuré qu'il s'y stabilise. Pire, les modèles montrent que, avec RCP8.5, de « nouveaux » climats émergeront sur près de 9 % de la planète, qui n'ont pas de précédent géologique ou historique connu, en Asie de l'Est et du Sud-Est, au nord de l'Australie et sur le littoral des Amériques.
On peut faire une comparaison avec l'arrivée du maximum thermique du Paléocène-Éocène, mais il faut garder à l'esprit que bien qu'il se soit installé très rapidement à l'échelle géologique, l'Humanité est en train de produire un changement climatique bien plus rapide. Et cela n'incite pas à l'optimisme quant à la capacité de la biosphère à s'adapter à un tel bouleversement. On aurait donc tort de croire que finalement l'Humanité n'aura qu'à s'installer « tranquillement » dans les régions arctiques devenues tempérées et accueillantes, peut-être, au cours du XXIIe siècle.
CE QU'IL FAUT RETENIR
Laurent Sacco (Futura Sciences)
Mais, comme le montre leur travail publié dans un article de Proceedings of the National Academy of Sciences (Pnas), ce n'est pas à quelques centaines de milliers d'années qu'ils ont été contraints de remonter mais à plusieurs millions d'années pour rendre compte des effets du réchauffement climatique en cours.
Le scénario le plus inquiétant, et ils ne sont pas les premiers à aboutir à cette conclusion, les oblige à remonter à environ 50 millions d'années dans le passé. Plus précisément, à une période de l'histoire de la Terre où elle n'était encore pas très loin de ce qui est appelé le maximum thermique du Paléocène-Éocène (Paleocene-Eocene Thermal Maximum, ou PETM).
En fouillant les archives géologiques, on a en effet découvert, qu'il y a environ 56 millions d'années, les températures mondiales auraient alors augmenté d'environ 5 à 8 °C en seulement 20.000 ans. Cette augmentation s'est accompagnée d'une hausse correspondante du niveau des mers, en même temps que les océans se réchauffaient. Le Groenland méritait bien son nom de pays verdoyant à cette époque qui voyait, de plus, l'apparition des premières baleines, des premiers chevaux et des premiers primates.
En fait, comme l'explique la vidéo ci-dessous, tout l'Arctique était complètement libre de glace et ressemblait par endroit aux régions humides, chaudes et marécageuses que l'on peut trouver aujourd'hui, par exemple en Floride. Cet état de chose va persister pendant quelques millions d'années après la fin du PETM il y a 53 millions d'années. La calotte polaire ne reviendra qu'il y a environ 35 millions d'années. L'origine exacte du PETM est mal comprise, bien que l'on sache qu'elle fut la conséquence d'une augmentation de la présence de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, en l'occurrence du gaz carbonique mais peut-être aussi du méthane.
Le retour de l'Éocène au XXIIe siècle, si l'on ne fait rien pour le climat
Dans l'article de Pnas, les chercheurs ont utilisé trois des principaux modèles climatiques étudiés par des instituts prestigieux. En l'occurrence et par exemple, le HadCM3 (abréviation de Hadley Center Coupled Model, version 3), un modèle qui permet de simuler à la fois la circulation atmosphérique mais aussi la circulation océanique avec le couplage atmosphère-océan (AOGCM) développé au Centre Hadley au Royaume-Uni. C'était l'un des principaux modèles utilisés dans le troisième rapport d'évaluation du Giec en 2001. Ces modèles ont des limites et des défauts mais pas assez pour que l'on ne puisse pas prendre sérieusement leurs prédictions.
Deux scénarios ont servi de base aux calculs des superordinateurs avec ces modèles parmi les quatre dits scénarios RCP (Representative Concentration Pathway) établis par le Giec et qui sont quatre scénarios de trajectoire du forçage radiatif jusqu'à l'horizon 2300. Ils sont plus précisément nommés d'après la gamme de forçage radiatif ainsi obtenue pour l'année 2100. On a ainsi le scénario RCP2.6 qui correspond à un forçage de +2,6 W/m2, le scénario RCP4.5 à +4,5 W/m2, et de même pour les scénarios RCP6 et RCP8.53.
Plus cette valeur est élevée, plus le système terre-atmosphère gagne en énergie et se réchauffe, et plus la valeur moyenne de la température de la Terre est élevée. L'article de Pnas considère RCP4.5 et RCP8.53, ce qui, compte tenu des incertitudes, donne respectivement des températures moyennes qui seront quelque part entre 1,1 - 2,6 °C pour RCP4.5 et entre 2,6 - 4,8 °C pour RCP8.5 qui est le scenario « business-as-usual », c'est-à-dire celui où l'on ne fait rien ou presque pour stopper le réchauffement climatique. Dans ce dernier cas, le climat de la Terre atteindra déjà celui du Pliocène, il y a 3 millions d'années, en 2030 et sinon en 2040 avec RCP4.5.
Si l'on continue sur la trajectoire RCP8.5, le climat de la Terre commencera à ressembler à celui du début de l'Éocène déjà vers 2100 et devrait l'atteindre en 2150 sans que l'on soit assuré qu'il s'y stabilise. Pire, les modèles montrent que, avec RCP8.5, de « nouveaux » climats émergeront sur près de 9 % de la planète, qui n'ont pas de précédent géologique ou historique connu, en Asie de l'Est et du Sud-Est, au nord de l'Australie et sur le littoral des Amériques.
On peut faire une comparaison avec l'arrivée du maximum thermique du Paléocène-Éocène, mais il faut garder à l'esprit que bien qu'il se soit installé très rapidement à l'échelle géologique, l'Humanité est en train de produire un changement climatique bien plus rapide. Et cela n'incite pas à l'optimisme quant à la capacité de la biosphère à s'adapter à un tel bouleversement. On aurait donc tort de croire que finalement l'Humanité n'aura qu'à s'installer « tranquillement » dans les régions arctiques devenues tempérées et accueillantes, peut-être, au cours du XXIIe siècle.
CE QU'IL FAUT RETENIR
- Les climats du passé sont riches en enseignement pour comprendre le présent et en particulier le réchauffement climatique en cours.
- Il est cependant beaucoup plus rapide qu'à d'autres périodes de l'histoire de la Terre et il est causé par l'Homme de sorte que l'impact sur la biosphère devrait être considérable et inédit.
- Si l'Humanité ne fait rien pour maîtriser ses émissions de gaz carbonique, l'Arctique deviendra tempéré et vert comme au début de l'Éocène il y a environ 50 millions d'années.
Laurent Sacco (Futura Sciences)
Les fossiles de l'Arctique racontent le climat il y a 50 millions d'années. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Canadian Museum of Nature/Musée canadien de la nature
Une présentation du maximum thermique du Paléocène-Éocène au début de l'Éocène. Sa fin a laissé tout de même pendant des millions d'années un climat chaud sans glace en Arctique dont nous pourrions nous rapprocher au cours du prochain siècle si nous ne faisons rien pour lutter contre le réchauffement climatique que nous provoquons. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © PBS Eons