A. PREMIERE PARTIE : Réflexions critiques sur la gestion des inondations
Des pluies importantes ont été recueillies sur l’ensemble du territoire sénégalais durant le mois d’août 2012, qui ont été à l’origine d’énormes dégâts matériels et malheureusement aussi la cause de beaucoup de pertes en vies humaines dans des conditions tragiques. On parle de plus de cinquante décès liés directement aux inondations. Certains n’ont pas hésité à qualifier ces pluies d’exceptionnelles, jamais enregistrées depuis 70 ans au Sénégal. Le dénuement des populations touchées est poignant, mais il est atténué par la forte mobilisation et il faut rendre hommage à l’ensemble du peuple sénégalais toutes couches confondues ainsi qu’au gouvernement, qui dans un élan de solidarité jamais égalée de par son ampleur et sa diversité, n’ont lésiné sur aucun moyen ou sacrifice pour venir en aide aux sinistrés. Certaines mesures immédiates sur les court et moyen termes ont été prises, d’autres annoncées par les autorités gouvernementales, la plus urgente des priorités étant le pompage des eaux hors des zones inondées.
Certes l’intensité des pluies (quantités d’eaux tombées dans un temps donné, souvent court) peut s’avérer exceptionnelle ; cependant, ce sont les volumes accumulés et la durée que mettent les réseaux existants pour évacuer les eaux des zones inondées qui sont déterminants. Il faut se rappeler qu’il y a 7 ans, à la même période et précisément les 16 et 17 août 2005, DAKAR avait enregistré en l’espace de 2 jours une amplitude de 184mm d’eau bien supérieure aux 92mm et 156mm qui ont déclenché les catastrophes que nous vivons présentement.
Les pluies d’août 2005 avaient contraint le Président Abdoulaye Wade à déclencher un plan national d’Organisation des Secours (ORSEC), ordonnant du même coup la réquisition sur l'ensemble du territoire sénégalais de toutes les motopompes et de tous les camions hydro-cureurs disponibles appartenant à des privés, après avoir mobilisé plus de 3000 sapeurs pompiers, 58 motopompes, 12 km de tuyaux, 10 000 litres de gasoil et 24 000 sacs de sable, pour faire face aux inondations. Il avait accompagné le plan ORSEC d’une mesure de déguerpissement massif des populations victimes des inondations et de mise en œuvre d’un plan dénommé PLAN JAXAAY, dont les objectifs étaient « d’éradiquer les phénomènes d’inondation quelles que soient leur nature et leur cause et de mettre les populations des zones inondées dans des sites de recasement préalablement aménagés et construits ». Le PLAN JAXAAY a été pris comme prétexte d’ailleurs, pour reporter les élections législatives de 2006. Pour ledit plan d’éradication des inondations, l’Assemblée Nationale du Sénégal, après un budget initial de 52 milliards de FCFA, a eu à voter successivement à deux reprises une loi rectificative des finances respectivement de 15 milliards de FCFA et de 5 milliards de FCFA, si les déclarations du Ministre de l’Habitat, de la Construction et de l’Hydraulique d’alors devant les Députés, lors de la session extraordinaire du 22 juillet 2010 consacrée aux inondations, étaient confirmées (voir Nouvel Horizon N°733 du 30/7/20110). Donc, au total ce sont vraisemblablement 72 milliards de FCFA qui ont été votés pour le PLAN JAXAAY qui, eu égard à ses objectifs fixés, aux financements reçus ainsi qu’aux résultats obtenus sur le terrain, a été sans doute un véritable échec.
Le 26 août 2009, quatre (4) années après le premier plan ORSEC de 2005 et le démarrage effectif du PLAN JAXAAY, le Président Abdoulaye Wade lançait encore un deuxième plan ORSEC, pour venir à bout des inondations causées par 9 jours successifs de pluies, qui totalisaient 187 mm. L’Etat du Sénégal avait débloqué 2 milliards de FCFA pour des opérations d’urgence et sollicité plusieurs partenaires au développement pour leur soutien. Des interventions correctives avaient également été menées sur le réseau infrastructurel de l’Office National de l’Assainissement du Sénégal (ONAS) en termes d’ouvrages d’assainissement (bassins de rétention, canalisations, stations de pompage, réhabilitations d’ouvrages). Malheureusement, aucune vision ou orientation stratégique de rupture ne s’était véritablement dégagée, pour éradiquer totalement les inondations. On a assisté au contraire à des moments de forte mobilisation parfois même de propagande politique pendant les catastrophes, mais après chaque hivernage, on s’est complu à habituer les populations à vivre avec des inondations résiduelles accumulées d’année en année. Un manque criard de visibilité a été constaté aussi bien dans la gestion du plan ORSEC par le Ministère de l’intérieur en particulier, que dans celle des inondations en général, résultant d’un cafouillage et d’un pilotage à vue favorisés par une multitude d’acteurs qui s’occupaient chacun de problèmes d’inondation sans la concertation inclusive incontournable qui sied en pareille circonstance. Les acteurs actifs identifiés et impliquées dans les questions relatives aux inondations étaient :
L’ONAS
L’Agence Nationale de lutte contre les inondations et les Bidonvilles, créée par décret N°2005-958 du 20 octobre 2005, pour préparer, concevoir et exécuter le PLAN JAXAAY
L’Agence Nationale pour l’Organisation de la Conférence Islamique (ANOCI)
L’Agence Autonome des Travaux Routiers (AATR)
Les Collectivités Locales (Communes, Communautés rurales, Conseils régionaux)
Le PLAN JAXXAY lui-même
Le Projet de Construction et de Réhabilitation du Patrimoine de l’Etat (PCRPE)
L’Agence Nationale chargée de la Promotion de l’Investissement des Grands Travaux (APIX)
La Direction de la Protection Civile (DPC)
Le Groupement National des Sapeurs Pompiers (GNSP)
Le Ministère de l’Hydraulique
La Fondation Droit à la Ville avec son programme de restructuration foncière
Ce déficit de concertation et de communication entre acteurs ainsi qu’une absence d’un leadership clair dans la gestion des inondations ont été considérés comme un handicap majeur et critiqués par les partenaires au développement du Sénégal dans le « Rapport d’évaluation des besoins post-catastrophe-Inondations urbaines à Dakar 2009 » et a conduit parfois à des conséquences fâcheuses ayant même en certaines circonstances participé à l’aggravation des inondations. Pour illustrer cette réalité, on peut citer deux exemples parmi d’autres :
1. Le PLAN JAXAAY dont l’objectif était d’éradiquer les inondations, a eu dans sa phase d’exécution à obstruer une importante buse d’évacuation des eaux pluviales, isolant ainsi KEUR MASSAR de son exutoire naturel et l’étouffant avec les inondations ;
2. Concernant la construction de l’autoroute à péage et la restructuration des quartiers de PIKINE-SUD traversés par l’ouvrage, l’APIX a eu à commanditer ses propres études relatives aux inondations, pour un montant de 3,5 milliards de FCFA, ignorant royalement le Ministère de l’Hydraulique chargé des questions y relatives. Les populations habitant le long de l’autoroute à péage le payent chèrement, car c’est maintenant seulement qu’on se rend compte des erreurs en matière d’assainissement aussi bien pour l’ouvrage lui-même que pour ses alentours immédiats.
Devant la récurrence des inondations et notre impuissance de les éradiquer ou même de les atténuer sensiblement, on a souvent tendance à mettre en exergue leur caractère imprévisible ou exceptionnel. Pourtant, des études scientifiques et des statistiques fiables ont été produites régulièrement depuis des décennies. Celles-ci montrent que les mêmes quantités de pluies sont régulièrement tombées dans la capitale durant les mois d’août. Les précipitations moyennes mensuelles mesurées à DAKAR, de 1950 à 2008, donc sur une durée de 58 ans (Source ANMS), indiquent une moyenne de 171 mm largement supérieures aux quantités de pluies qui ont causé les derniers dégâts d’août 2012. Les seules pluies vraiment exceptionnelles, furent celles de 1951 (901mm) et de 1967 (895mm).
Le gouvernement du Premier Ministre Abdoul MBAYE sur instruction du Président de la République a lui aussi été contraint par les inondations de déclencher le dimanche 26 août 2012 un plan ORSEC, le troisième du genre depuis 2005. Il se propose également à plus ou moins long terme, de régler définitivement le problème des inondations avec un budget prévisionnel de 400 milliards de FCFA selon le ministre chargé de l’Hydraulique et de l’Assainissement (un autre chiffre de 450 milliards a également été cité). Certaines propositions sont à nouveau fortement remises au goût du jour tendant à recourir au déguerpissement massif et au recasement des populations habitant les bas-fonds vers d’autres sites. On parle même de création de futures nouvelles villes ou même de délocaliser la capitale. Mais nous pensons que le déguerpissement n’est pas une solution à privilégier et devrait même être proscrit ! Un challenge pour les techniciens devrait être le « déguerpissement de l’eau » des zones habitées plutôt que le déguerpissement des populations des zones inondées. Il est en effet techniquement possible de régler de manière définitive la question des inondations en même temps que celui de l’assainissement des eaux usées, tout en maintenant les populations sur place. Pareils défis ont déjà été relevés dans d’autres pays avec des solutions techniques appropriées sans recourir à des déguerpissements de populations, même s’il ne faut pas exclure de l’envisager dans certaines circonstances ponctuelles exceptionnelles, mais seulement temporairement.
Diagnostic des causes des inondations
Pour pouvoir faire des propositions d’éradication des inondations, il est impératif de s’appuyer sur un diagnostic solide des causes de celles-ci. Beaucoup d’études scientifiques suffisamment poussées ont déjà été faites dans ce sens pour la région de DAKAR. Les techniciens (ingénieurs, architectes, géologues, urbanistes, géographes, climatologues, environnementalistes, aménagistes du territoire, etc) connaissent parfaitement les véritables causes d’ordre hydrologique, hydrogéologique, géologique, climatologique, urbanistique, géographique, pédologique, infrastructurel, environnemental et humain, qui sont à la base des inondations cycliques à DAKAR.
Concernant les causes imputables à l’action de l’Homme sur son environnement immédiat, il faudrait dépasser la polémique mais non sans remettre en question la culpabilisation d’une partie des citoyens qui occupent des zones non loties, mal loties ou même dites irrégulières (ex. PIKINE IRREGULIER). Ils sont souvent injustement stigmatisés soit par des techniciens ou des autorités étatiques, pour avoir osé construire dans des bas-fonds ou des zones dites non aedificandi (non constructibles). Mais quand en exemple, un ministre de la République du Sénégal, de surcroit chargé de l’Urbanisme et de l’Habitat ainsi que de la délivrance des autorisations de lotir, se donne le droit de construire sa maison dans une zone non aedificandi au vu et au su de tout le monde, ou quand des techniciens de l’Etat autorisent le lotissement d’un exutoire naturel des eaux pluviales comme la zone de captage de GRAND YOFF (LAC ORYX) mettant ainsi en péril, GRAND YOFF, la Cité Bellevue et l’Autoroute, ou assistent sans le dénoncer ou s’y opposer, au démantèlement scandaleux de la zone du CICES (Foire) à des fins de spéculation foncière, comment pouvons-nous nous offusquer du fait que de vrais nécessiteux en matière domaniale et de surcroit démunis, construisent leurs baraques ou habitat de fortune à GUINAW RAIL ou BENE BARAQUE dans des zones non aedificandi, surtout lorsque les Plans Directeurs d’Urbanisme (PDU) ne les y ont pas précédés ? Le principe de la continuité étant de rigueur, l’Etat du Sénégal devrait assumer sa culpabilité non partagée dans les inondations et leurs dégâts collatéraux, depuis le Président Léopold Sédar SENGHOR jusqu’au Président Macky SALL, en passant par les Présidents Abdou DIOUF et Abdoulaye WADE. Non seulement l’Etat a toujours été au courant des constructions illégales, par exemples, sur le Domaine Public Maritime (DPM) le long des Corniches maritimes de DAKAR, mais il était souvent aussi complice, car avec la DSCOS (Direction de Surveillance et de Contrôle de l’Occupation des Sols), le ministère de l’Urbanisme était en principe doté (et l’est toujours encore), d’un instrument opérationnel, pour localiser, arrêter ou faire détruire par qui de droit, toute construction ou occupation illégale de terrain sur l’ensemble du territoire national, à plus forte raison à DAKAR. Il faut juste la volonté et le courage politiques et donner à cette structure dirigée par un officier de l’armée, les moyens de son fonctionnement.
Si on veut caractériser la région de DAKAR en matière d’inondations, on peut dire que :
Elle est constituée d’une grande cuvette sablonneuse présentant les caractéristiques d’une zone de delta et ayant beaucoup d’emplacements de lacs jadis naturels ;
Elle est saturée d’eau pour ce qui concerne les zones inondées, avec plusieurs nappes dont la plus importante est la nappe des sables quaternaires du bassin de THIAROYE, dont la profondeur dépasse rarement 2 mètres. A certains endroits, cette nappe affleure (zone des NIAYES). En outre, elle monte chaque année de 15 cm et aggrave les inondations à PIKINE et GUEDIAWAYE ;
Avec les nombreuses constructions, les routes goudronnées et trottoirs pavés, l’eau ne peut plus s’infiltrer facilement. En 1947, seuls 16% de la surface de la région de Dakar était imperméabilisée ; présentement ce taux a dépassé 60% ;
Les surfaces urbanisables sont pratiquement épuisées. En effet, déjà lors du recensement de la population du Sénégal en 1988 (voir Plan de stratégie d’assainissement pour la Communauté Urbaine de DAKAR, 1990, BETURE SETAME, Ministère de l’Hydraulique) on savait qu’il n’y avait plus que 16,7% de terrains potentiellement urbanisables dans la capitale, avec 880 hectares à DAKAR et 2040 hectares à PIKINE. Tout a été construit entre temps et il ne reste aux populations que des zones non aedificandi. Même les zones dites de recasement ciblées dans le département de RUFISQUE sont en grande partie des zones potentiellement inondables !
Les pentes moyennes du terrain sont faibles pour une évacuation rapide des eaux par écoulement gravitaire.
Pour évacuer les eaux d’une cuvette, la seule solution qui s’offre est de les pomper hors de cette cuvette ; et dans le cas précis de DAKAR, il s’agit de les évacuer vers la mer, sinon on est confronté au principe de vases communicants dans la nappe sablonneuse, qui rend les pompages vains. A défaut de pomper l’eau vers la mer, on peut tenter de l’évacuer vers l’intérieur du pays et c’est précisément ce que propose la présente solution technique.
B. SECONDE PARTIE : Ebauche d’une solution technique pour éradiquer les inondations dans la région de DAKAR. Création de pôles de développement agricole à l’intérieur du Sénégal.
Les inondations sont devenues une des premières priorités pour le peuple sénégalais et pour le gouvernement. Lors de la déclaration de politique générale du lundi 10 septembre 2012 du premier ministre Abdoul MBAYE, pas moins de 15 Députés ont axé leur intervention sur les inondations. Le chef du gouvernement a déclaré à cette occasion que « le gouvernement ne trouvera pas de repos tant que les inondations ne seront pas réglées » (dixit). Il a également fait comprendre que les mesures d’urgence actuelles qui nécessitent 40 milliards, ne constituent qu’une solution conjoncturelle.
Dans la présente étude, nous voulons cependant proposer non pas une solution conjoncturelle, mais une solution structurelle globale de rupture, pour éradiquer définitivement non seulement les inondations dues aux pluies dans toute la région de DAKAR, mais également y associer dans le long terme, les eaux usées. Les objectifs fondamentaux visés par cette proposition sont :
L’éradication totale des inondations dans la région de DAKAR dans un délai de 3 ans ;
La suppression à terme de tout drainage des eaux de pluies vers la mer ;
La diminution du drainage des eaux usées vers la mer tout en planifiant leur intégration totale dans le long terme ;
La suppression du pompage des eaux usées de la station d’épuration de CAMBERENE vers le village de CAMBERENE ;
Le transport des eaux de pluie collectées dans la région de DAKAR vers les régions de THIES, DIOURBEL et LOUGA, et leur fourniture aux paysans installés le long de la conduite pour leurs activités agricoles ;
Une maîtrise parfaite des nappes phréatiques, que l’on peut rabattre à volonté, pour prévenir les inondations en les anticipant (fixation des hauteurs piézométriques).
Pour comprendre la quintessence de cette proposition, nous allons essayer d’expliquer le fonctionnement du schéma actuel d’approvisionnement de la région de DAKAR en eau potable à partir du LAC DE GUIERS. La capitale DAKAR, dont le besoin quotidien en eau est estimé à environ 300.000 m3 par jour, est alimentée en eau potable par un vaste réseau hydraulique à partir du lac de GUIRS dénommé ADDUCTION LAC DE GUIERS (ALG), distant de 240 kilomètres. Pour amener l’eau jusqu’à DAKAR, l’Etat du Sénégal par le biais de la SONEES devenue SONES, a réalisé un vaste programme en plusieurs projets hydrauliques et sur plusieurs années, avec l’appui de partenaires au développement, dont la Banque Mondiale, l’Agence Française de Développement, la KfW Entwicklungsbank (Allemagne), la Banque Européenne d’Investissement, la BOAD (Banque Ouest Occidentale de Développement) la BADEA (Banque Arabe pour le Développement Economique en Afrique). Les infrastructures hydrauliques de la SONES qui assurent l’acheminement de l’eau du lac de GUIERS jusque dans les foyers à LOUGA, THIES et DAKAR, y compris les villes situées sur sa trajectoire, sont très complexes, mais leur schéma peut être expliqué relativement facilement. Il s’agit d’abord de puiser l’eau de surface sur les rives du LAC DE GUIERS à deux endroits différents, en l’occurrence au village de GNITH et au village de KEUR MOMAR SARR. Cette eau subit un traitement physico-chimique approprié sur place pour la rendre potable et est pompée dans deux très grands tuyaux en fonte. Puisqu’il est difficile de pomper d’un trait ces immenses quantités d’eau directement jusqu’à Dakar pour plusieurs raisons techniques, on a créé des stations relais entre le LAC DE GUIERS et DAKAR. C’est ainsi que dans la commune de MEKHE située à 140 kilomètres de GNITH, on a construit une puissante station de pompage dotée de 5 surpresseurs capables de pomper chacune 2.700 mètres cubes (ou 2.700.000 litres) d’eau par heure pour un débit nominal de 260.000 mètres cubes par jour dans le réseau, en élevant sa hauteur manométrique à 236 mètres et en donnant ainsi à l’eau une pression pouvant aller jusqu’à 25 bars dans les deux conduites et la propulser jusqu’à DAKAR. A CARMEL, une station de surpression augmente la quantité d’eau à 300.000 mètres cubes par jour dans les deux grandes conduites de 1000mm et 1200mm de diamètre respectif. Tout au long de sa trajectoire, les conduites de l’ALG bénéficient de plusieurs apports supplémentaires en eau avec des forages. L’eau qui est ainsi pompée en continu dans ces tuyaux ne peut pas être consommée en totalité par les ménages et les industries ; pour cette raison, on a construit de très grands réservoirs de stockage, pour emmagasiner ce surplus. Il existe des réservoirs de stockage à THIES avec une capacité de 15.000 m3 (15.000.000 de litres d’eau) ainsi qu’en tête de réseau avec un réservoir sur la colline des MAMELLES près du monument de la Renaissance Africaine, dont la capacité est de 25.000 m3 (25.000.000 de litres d’eau). Ces réservoirs servent de tampons pour réguler les débits entre l’offre en eau pompée dans le réseau et la consommation des ménages, et permettent ainsi en cas de panne dans le réseau, d’éviter une rupture dans la fourniture. Ceci constitue une grande prouesse technique, qui demande beaucoup d’agents très compétents en ingénierie hydraulique comme en ingénierie mécanique, travaillant 24 heures sur 24, pour nous fournir le liquide précieux. Les agents de la SONES qui gèrent ces installations et ceux de la SDE méritent toute notre confiance et nos encouragements, pour avoir réussi à atteindre un taux d’approvisionnement en eau potable des ménages de Dakar à hauteur de 98,5% dépassant même la projection des OMD (Objectifs du Millénaire pour le Développement), qui avait fixé ce taux à atteindre à 95% mais seulement pour l’horizon 2015.
Plusieurs grands projets, dont certains sont encore en cours, ont été nécessaires pour atteindre ces résultats. Il s’agit :
1. Du Projet Sectoriel Eau (PSE) initié de 1996 à 2003 d’un coût de 216 milliards ;
2. Du Projet Sectoriel Eau Long Terme (PLT) de 2003 à 2007 d’un coût de 300 milliards qui a consacré 84 milliards de FCFA, pour la construction d’une nouvelle usine de captage et traitement d’eau à KEUR MOMAR SARR et
3. Du Programme National d’Eau Potable et d’Assainissement du Millénaire horizon 2015 (PEPAM 2015), qui court sur 10 ans de 2005 jusqu’en 2015, d’un coût de 515 milliards de FCFA et se propose d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (MOD). Dans ce budget global, 267 milliards sont destinés à l’approvisionnement en eau potable et 217 milliards à l’assainissement.
L’ordre de grandeur des importants investissements consentis dans ces secteurs vitaux par l’Etat du Sénégal avec l’appui des partenaires au développement depuis 1996 (donc depuis 16 ans), est d’environ 501 Milliards pour l’approvisionnement en eau potable contre 247 milliards pour l’assainissement sur l’ensemble du territoire national. Il apparaît donc clairement, que la volonté affichée par le nouveau gouvernement du Président Macky SALL d’investir 400 ou 450 milliards de FCFA rien que pour venir à bout des inondations sur l’ensemble du pays, constitue un challenge presque pharaonique pour notre pays, car ces investissements doivent se faire dans une période relativement courte, étant donné que les inondations qui s’aggravent d’année en année avec le phénomène d’accumulation et des nappes phréatiques saturées, ne nous accorde aucun répit.
Si le schéma hydraulique pour l’alimentation en eau de DAKAR expliqué ci-dessus est plausible, il faut imaginer maintenant, que l’Etat du Sénégal par le biais de l’ONAS envisage de répéter exactement le même schéma hydraulique du Projet ADDUCTION LAC DE GUIERS (ALG), mais en l’appliquant à l’assainissement des eaux pluviales à DAKAR et en prenant le chemin inverse, autrement dit, un Projet dénommé ASSAINISSEMENT LAC DE GUIERS/RETOUR (ALG/R), qui va collecter les eaux pluviales à DAKAR, pour les envoyer sous pression en direction du LAC DE GUIERS, mais en arrêtant le réseau dans la région de LOUGA.
En d’autres termes et c’est cela la quintessence de l’approche technique, il est tout à fait à notre portée, de construire un réseau de conduites forcées, pratiquement identique à celui du Projet ALG sans avoir nécessairement les mêmes dimensions, mais en suivant exactement le même tracé et en adoptant la même technologie. Pour ce schéma, le réservoir de départ à DAKAR, à l’image du LAC DE GUIERS pourrait être le plan d’eau du TECHNOPOLE ou un autre comme MBEUBEUSS. Une station de pompage dotée de puissants surpresseurs à l’image de ceux de MEKHE, pourrait être construite à KEUR MASSAR. Des réservoirs de stockage seront prévus sur le plateau de THIES couplés d’une seconde station de surpression. La fin de réseau sera déterminée par la quantité d’eau qu’on veut distribuer entre THIES et LOUGA, mais un réservoir de stockage sera prévu en fin de réseau, à l’image de celui des MAMELLES. Le long du tracé de l’ALG/R, plusieurs châteaux d’eau seront construits et approvisionnés par le réseau à des fins strictement agricoles.
Les deux questions les plus délicates sont de savoir, comment recueillir les eaux pluviales pour les envoyer dans le réseau et comment éradiquer les inondations ?
La réponse à ces deux questions cruciales est fournie par la configuration hydrologique optimale de DAKAR et des zones d’inondations, pour la collecte des eaux pluviales. La configuration de cuvette avec des bassins versants et des lacs naturels bien identifiés et proches les uns des autres, est un atout fondamental. La nature poreuse de la nappe principale proche, à savoir celle du bassin de THIAROYE, qui est un aquifère constitué par un massif sableux d’âge quaternaire, facilitera le pompage des eaux souterraines. Les bassins versants de la région de Dakar qui concernent notre étude, sont ceux du LAC TIOUROUR, de GOUNASS, du LAC WAROUWAYE, de MBEUBEUSS, de la GRANDE NIAYES, du LAC WOUYI, de SOTIBA, de SIPS, de DIAMAGUENE, du marigot de MBAO, de la station PASTEUR, LAC ORYX de la zone de captage de GRAND YOFF, de YOFF (centre de santé PHILIPPE MAGUILEN SENGHOR), du Km 14 Boulevard du Centenaire de la Commune et route nationale, de HLM GRAND YOFF, de GRAND MEDINE AMITIE.
Pour expliquer la collecte des eaux pluviales, on prendra l’exemple précis du bassin de GRAND YOFF, dont l’exutoire naturel est le LAC ORYX connu sous le nom de zone de captage. Toutes les eaux drainées du Front de Terre, Castors, Grand Yoff, Arafat, HLM Patte d’Oie ruissellent vers ce réceptacle, qui polarise une superficie de 463 hectares. Dans un rapport sur l’hivernage 2005 présenté par la Commission Nationale de Gestion Prévisionnelle des Inondations (Sous-commission Infrastructures et ouvrages hydrauliques du Ministère de l’Urbanisme et de l’Aménagement du Territoire MUAT), il a été établi que pendant les 5 jours de pluies du 16 au 20 août qui ont conduit au déclenchement du plan ORSEC en 2005, le bassin versant de la zone de captage a recueilli 426.700 m3 d’eau (ou 426.700.000 de litres d’eau). Cette quantité correspondant environ à un peu plus de la quantité d’eau potable consommée à DAKAR en une journée.
Si le TECHNOPOLE de DAKAR est adopté comme réservoir tête de départ du réseau de l’ALG/R, il faudra pomper les eaux de pluies recueillies au LAC ORYX en direction dudit réceptacle. La manière la plus efficace et la mieux contrôlable techniquement, est de construire sur le site même du LAC ORYX, après des travaux préalables de dragage, un grand château d’eau avec une puissante station de pompage. Une conduite sous pression reliera le LAC ORYX directement au plan d’eau du TECHNOPOLE. Avec ce dispositif perfectionné, les eaux de pluies qui tombent dans toute la zone de GRAND YOFF y compris celles de la Cité Bellevue, seront évacuées instantanément, l’évacuation étant plus rapide que le ruissellement.
Tous les autres exutoires de DAKAR, quelque soit leur localisation, pourront suivre la même logique de connexion avec le TECHNOPOLE. De la même manière que le LAC DE GUIERS est alimenté par la rivière TAOUEY venant du fleuve Sénégal, le réservoir du TECHNOPOLE re-profilé, sera alimenté directement ou en cascade par les eaux collectées dans les différents châteaux d’eau des bassins versants et des lacs artificiels. On construira sur le site également un puissant dispositif de pompage qui sera relayé par la station de surpression installée à KEUR MASSAR.
On devrait approximativement construire une quinzaine de châteaux d’eau équipés de la même manière que celui à prévoir au LAC ORYX pour quadriller ainsi toutes les zones d’inondations. La station de TECHNOPOLE devra être dimensionnée de telle manière à pouvoir pomper l’intégralité de tous les effluents collectés avec un coefficient suffisant de sécurité, pour éviter tout débordement des eaux.
Les avantages de cette solution hydraulique aux plans techniques, économiques et démographiques sont les suivants :
Eradication durable des inondations après le bouclage de la connexion de tous les exutoires et lacs artificiels ;
Les eaux pluviales ne seront plus pompées vers la mer, mais collectées et envoyées dans le réseau ALG/R puis utilisées pour l’agriculture irriguée dans les régions de DAKAR, THIES, DIOURBEL et LOUGA. Ainsi, les conditions sont réunies, pour créer de vastes pôles agricoles qui s’étendront de DAKAR jusqu’à LOUGA ;
Avec le maillage du réseau sur toute sa longueur par des châteaux d’eau directement branchés, les paysans disposeront d’une eau d’irrigation sous forte pression et pourront pratiquer aussi bien des cultures par aspersion que l’irrigation au goutte à goutte, sans être obligés de creuser des forages ou des puits traditionnels ;
L’excédent des eaux de pluies pourrait servir également à recharger les nappes phréatiques le long de la conduite du LAC DE GUIERS ;
Dans les zones d’inondations de DAKAR, les piézomètres des nappes phréatiques, surtout ceux de la nappe de THIAROYE pourront être contrôlés et rabattus à des niveaux compatibles avec les exigences environnementales et d’avancée de la langue salée ;
Ce projet constituera une forte attraction pour beaucoup de ressortissants de ces régions, qui préféreront quitter volontairement la capitale au profit de leurs terroirs, pour s’y adonner à l’agriculture irriguée et à l’élevage. Un avant-goût de ce possible formidable essor agricole a été fourni dans les années 80, quand certains villages du NDIAMBOUR et du CAYOR situés sur le tracé de la conduite de l’ADDUCTION LAC DE GUIERS (ALG) s’approvisionnaient directement en eau à partir dudit réseau, pour faire du maraîchage. Pour des raisons évidentes liées au déficit en eau potable des centres urbains et de DAKAR, la SONEES s’était trouvée dans l’obligation de mettre fin à ces ponctions d’eau.
Concernant l’assainissement des eaux usées, il pourra également être pris en charge par une extension du projet ALG/R. Pour ce faire, il faudrait privilégier dans le prochain Plan Directeur d’Assainissement de DAKAR, le système séparatif par rapport au système unitaire du « tout à l’égout ». Ce dernier très répandu au Sénégal est maintenant désuet et est à proscrire. Il est en effet hérité du 19ème siècle après la grande épidémie de choléra de 1826 à 1832 qui avait frappé l’Europe et qui a été suivie d’un grand mouvement hygiéniste, dont le leitmotiv était « qu’on lave tout et qu’on évacue tout à l’égout ». La notion du « tout à l’égout » est abandonnée progressivement dans beaucoup de pays, car elle suggère que tout et n’importe quoi peut être rejeté dans le réseau d’assainissement (sang des hôpitaux, huiles de vidange, produits chimiques des industries, etc). En France, le réseau totalement en « tout à l’égout » ne représente plus que 18%. Les catastrophes écologiques que le système du « tout à l’égout » peut engendre sont visibles dans la baie de HANN BEL AIR, fortement polluée par des effluents industriels de toutes sortes.
L’intégration des eaux usées dans le projet ALG/R devrait être précédée de la construction d’une station d’épuration beaucoup plus performante que celle de CAMBERENE. Le site le plus approprié pour une telle station est toujours le site du TECHNOPOLE, parce qu’elle pourra ainsi collecter les effluents les plus importants en provenance de DAKAR, PIKINE et GUEDIAWAYE. Les eaux épurées ayant reçu un traitement tertiaire dans cette super-station d’épuration, pourront être injectées dans le réseau ALG/R et servir à l’irrigation, en sus de la production d’engrais organique par compostage des boues d’épuration.
La mise en exploitation d’une telle station d épuration permettra d’éliminer définitivement le pompage des eaux usées vers CAMBERENE, car elle va prendre ces dernières en charge.
Faisabilité et planning d’exécution
Pour avoir une idée de l’envergure du projet proposé, il faut calculer sommairement les quantités d’eaux de pluies qui tombent sur DAKAR et la partie qu’on pourrait récupérer pour l’injecter dans le réseau. Des études pluviométriques faites de 1947 à 1972 dans la région de DAKAR font ressortir une valeur moyenne de 458mm d’eau cumulées par an (voir Rapport d’évaluation des besoins post-catastrophe de 2009 effectué par le gouvernement sénégalais). En faisant un choix raisonnable d’hypothèses de calculs pour les paramètres hydrauliques (coefficient de ruissellement, coefficient d’écoulement annuel, lame de ruissellement, fréquence, etc), on peut calculer les quantités d’eaux sur toute la surface de 53.550 hectares que couvre la région de DAKAR. Sans faire de développement ici, nous avons estimé la quantité d’eau qui tombe chaque année sur la région de DAKAR à 245.259.000 mètres cubes correspondant à deux (2) de consommation d’eau de la capitale, et la quantité moyenne d’eau ruisselée à 61.314.750 mètres cubes d’eau, qu’on pourrait récupérer dans le réseau de collecte. La quantité d’eau ruisselée correspond environ à l’équivalent de la quantité d’eau consommée en huit (8) mois dans la capitale. Même si parfois certaines données hydrométriques ne sont pas disponibles, on est suffisamment outillé pour estimer les apports d’eau vers les différents bassins versants. On peut avec ces chiffres bruts s’imaginer que les projets ALG et ALG/R auraient à peu près une envergure comparable en termes d’installations hydrauliques et hydro-électriques.
Les infrastructures hydrauliques à construire pour ALG/R sont schématisées ainsi qu’il suit :
1. Une station de prise d’eau et de pompage en tête de réseau au TECHNOPOLE alimentée par 15 châteaux d’eau et un réseau de 200 km de conduites forcées reliant ces châteaux d’eau au TECHNOPOLE ;
2. Une double conduite à gros diamètres jusqu’à KEUR MASSAR où sera construite une station de surpression ;
3. Une double conduite à gros diamètres jusqu’à THIES, où seront construits un réservoir de stockage et une station de surpression ;
4. Construction de deux antennes de déversement entre DAKAR et THIES ;
5. Conduite unique à gros diamètre jusqu’à LOUGA, où un réservoir de stockage sera construit en fin de réseau ;
6. Construction de 20 châteaux d’eau de distribution d’eau aux paysans avec chacun un rayon de 15 à 20 kilomètres, entre KEUR MASSAR et LOUGA, le long de la conduite.
Cette solution hydraulique devra être évaluée aux plans technique, économique, environnemental, démographique et enfin financier. Cependant, elle bénéficie déjà d’une primo-implantation en ce sens, qu’en termes d’études hydrauliques constructives, hydromécaniques, mécaniques et financière, elle peut s’appuyer sur beaucoup de données disponibles du projet ALG. Les débits peuvent différer, mais le tracé des conduites est identique et les infrastructures intermédiaires assimilables. Même en termes de coûts financiers, beaucoup de paramètres sont déjà disponibles, qui pourraient faciliter et accélérer considérablement les études techniques de faisabilité. Last but not least, la gestion et l’entretien des ouvrages sur les mêmes sites seront facilités pour l’ONAS et la SONES, même si l’ONAS sera le maître d’ouvrage délégué.
En termes de faisabilité technique, les études pourraient être bouclées en 6 mois compte tenu des données disponibles et le projet global exécuté en 3 ans. Dès l’exécution de la phase 1, c'est-à-dire du tronçon DAKAR-THIES, qui durera 2 ans, les inondations dans la région de DAKAR ne seront plus qu’un mauvais souvenir. La seconde phase du projet concernera la construction du tronçon THIES-LOUGA faisable en une année. En 3 ans d’exécution, le projet sera ainsi bouclé et tous les pôles agricoles seront opérationnels.
Pour ce qui concerne les coûts financiers, la première estimation à peaufiner est d’environ trois cent dix sept (317) milliards de FCFA. Les coûts définitifs ne peuvent être fournis qu’après études et dimensionnements des différentes composantes avec des données plus précises.
Grâce à ses effets induits découlant de la création de nouveaux pôles agricoles dans les régions de DAKAR, THIES, DIOURBEL et LOUGA, ce projet devrait être privilégié par rapport à toute approche classique, qui proposerait de déverser les eaux pluviales vers la mer.
Dakar, le 11 septembre 2012
Pr. Aliou DIACK
Ancien Professeur en Structures et Hydraulique
Ancien Chef du Département de Génie Civil de
l’Ecole Polytechnique de Thiès
Ancien Directeur Technique de la BHS
Directeur d’entreprise de Génie Civil
Des pluies importantes ont été recueillies sur l’ensemble du territoire sénégalais durant le mois d’août 2012, qui ont été à l’origine d’énormes dégâts matériels et malheureusement aussi la cause de beaucoup de pertes en vies humaines dans des conditions tragiques. On parle de plus de cinquante décès liés directement aux inondations. Certains n’ont pas hésité à qualifier ces pluies d’exceptionnelles, jamais enregistrées depuis 70 ans au Sénégal. Le dénuement des populations touchées est poignant, mais il est atténué par la forte mobilisation et il faut rendre hommage à l’ensemble du peuple sénégalais toutes couches confondues ainsi qu’au gouvernement, qui dans un élan de solidarité jamais égalée de par son ampleur et sa diversité, n’ont lésiné sur aucun moyen ou sacrifice pour venir en aide aux sinistrés. Certaines mesures immédiates sur les court et moyen termes ont été prises, d’autres annoncées par les autorités gouvernementales, la plus urgente des priorités étant le pompage des eaux hors des zones inondées.
Certes l’intensité des pluies (quantités d’eaux tombées dans un temps donné, souvent court) peut s’avérer exceptionnelle ; cependant, ce sont les volumes accumulés et la durée que mettent les réseaux existants pour évacuer les eaux des zones inondées qui sont déterminants. Il faut se rappeler qu’il y a 7 ans, à la même période et précisément les 16 et 17 août 2005, DAKAR avait enregistré en l’espace de 2 jours une amplitude de 184mm d’eau bien supérieure aux 92mm et 156mm qui ont déclenché les catastrophes que nous vivons présentement.
Les pluies d’août 2005 avaient contraint le Président Abdoulaye Wade à déclencher un plan national d’Organisation des Secours (ORSEC), ordonnant du même coup la réquisition sur l'ensemble du territoire sénégalais de toutes les motopompes et de tous les camions hydro-cureurs disponibles appartenant à des privés, après avoir mobilisé plus de 3000 sapeurs pompiers, 58 motopompes, 12 km de tuyaux, 10 000 litres de gasoil et 24 000 sacs de sable, pour faire face aux inondations. Il avait accompagné le plan ORSEC d’une mesure de déguerpissement massif des populations victimes des inondations et de mise en œuvre d’un plan dénommé PLAN JAXAAY, dont les objectifs étaient « d’éradiquer les phénomènes d’inondation quelles que soient leur nature et leur cause et de mettre les populations des zones inondées dans des sites de recasement préalablement aménagés et construits ». Le PLAN JAXAAY a été pris comme prétexte d’ailleurs, pour reporter les élections législatives de 2006. Pour ledit plan d’éradication des inondations, l’Assemblée Nationale du Sénégal, après un budget initial de 52 milliards de FCFA, a eu à voter successivement à deux reprises une loi rectificative des finances respectivement de 15 milliards de FCFA et de 5 milliards de FCFA, si les déclarations du Ministre de l’Habitat, de la Construction et de l’Hydraulique d’alors devant les Députés, lors de la session extraordinaire du 22 juillet 2010 consacrée aux inondations, étaient confirmées (voir Nouvel Horizon N°733 du 30/7/20110). Donc, au total ce sont vraisemblablement 72 milliards de FCFA qui ont été votés pour le PLAN JAXAAY qui, eu égard à ses objectifs fixés, aux financements reçus ainsi qu’aux résultats obtenus sur le terrain, a été sans doute un véritable échec.
Le 26 août 2009, quatre (4) années après le premier plan ORSEC de 2005 et le démarrage effectif du PLAN JAXAAY, le Président Abdoulaye Wade lançait encore un deuxième plan ORSEC, pour venir à bout des inondations causées par 9 jours successifs de pluies, qui totalisaient 187 mm. L’Etat du Sénégal avait débloqué 2 milliards de FCFA pour des opérations d’urgence et sollicité plusieurs partenaires au développement pour leur soutien. Des interventions correctives avaient également été menées sur le réseau infrastructurel de l’Office National de l’Assainissement du Sénégal (ONAS) en termes d’ouvrages d’assainissement (bassins de rétention, canalisations, stations de pompage, réhabilitations d’ouvrages). Malheureusement, aucune vision ou orientation stratégique de rupture ne s’était véritablement dégagée, pour éradiquer totalement les inondations. On a assisté au contraire à des moments de forte mobilisation parfois même de propagande politique pendant les catastrophes, mais après chaque hivernage, on s’est complu à habituer les populations à vivre avec des inondations résiduelles accumulées d’année en année. Un manque criard de visibilité a été constaté aussi bien dans la gestion du plan ORSEC par le Ministère de l’intérieur en particulier, que dans celle des inondations en général, résultant d’un cafouillage et d’un pilotage à vue favorisés par une multitude d’acteurs qui s’occupaient chacun de problèmes d’inondation sans la concertation inclusive incontournable qui sied en pareille circonstance. Les acteurs actifs identifiés et impliquées dans les questions relatives aux inondations étaient :
L’ONAS
L’Agence Nationale de lutte contre les inondations et les Bidonvilles, créée par décret N°2005-958 du 20 octobre 2005, pour préparer, concevoir et exécuter le PLAN JAXAAY
L’Agence Nationale pour l’Organisation de la Conférence Islamique (ANOCI)
L’Agence Autonome des Travaux Routiers (AATR)
Les Collectivités Locales (Communes, Communautés rurales, Conseils régionaux)
Le PLAN JAXXAY lui-même
Le Projet de Construction et de Réhabilitation du Patrimoine de l’Etat (PCRPE)
L’Agence Nationale chargée de la Promotion de l’Investissement des Grands Travaux (APIX)
La Direction de la Protection Civile (DPC)
Le Groupement National des Sapeurs Pompiers (GNSP)
Le Ministère de l’Hydraulique
La Fondation Droit à la Ville avec son programme de restructuration foncière
Ce déficit de concertation et de communication entre acteurs ainsi qu’une absence d’un leadership clair dans la gestion des inondations ont été considérés comme un handicap majeur et critiqués par les partenaires au développement du Sénégal dans le « Rapport d’évaluation des besoins post-catastrophe-Inondations urbaines à Dakar 2009 » et a conduit parfois à des conséquences fâcheuses ayant même en certaines circonstances participé à l’aggravation des inondations. Pour illustrer cette réalité, on peut citer deux exemples parmi d’autres :
1. Le PLAN JAXAAY dont l’objectif était d’éradiquer les inondations, a eu dans sa phase d’exécution à obstruer une importante buse d’évacuation des eaux pluviales, isolant ainsi KEUR MASSAR de son exutoire naturel et l’étouffant avec les inondations ;
2. Concernant la construction de l’autoroute à péage et la restructuration des quartiers de PIKINE-SUD traversés par l’ouvrage, l’APIX a eu à commanditer ses propres études relatives aux inondations, pour un montant de 3,5 milliards de FCFA, ignorant royalement le Ministère de l’Hydraulique chargé des questions y relatives. Les populations habitant le long de l’autoroute à péage le payent chèrement, car c’est maintenant seulement qu’on se rend compte des erreurs en matière d’assainissement aussi bien pour l’ouvrage lui-même que pour ses alentours immédiats.
Devant la récurrence des inondations et notre impuissance de les éradiquer ou même de les atténuer sensiblement, on a souvent tendance à mettre en exergue leur caractère imprévisible ou exceptionnel. Pourtant, des études scientifiques et des statistiques fiables ont été produites régulièrement depuis des décennies. Celles-ci montrent que les mêmes quantités de pluies sont régulièrement tombées dans la capitale durant les mois d’août. Les précipitations moyennes mensuelles mesurées à DAKAR, de 1950 à 2008, donc sur une durée de 58 ans (Source ANMS), indiquent une moyenne de 171 mm largement supérieures aux quantités de pluies qui ont causé les derniers dégâts d’août 2012. Les seules pluies vraiment exceptionnelles, furent celles de 1951 (901mm) et de 1967 (895mm).
Le gouvernement du Premier Ministre Abdoul MBAYE sur instruction du Président de la République a lui aussi été contraint par les inondations de déclencher le dimanche 26 août 2012 un plan ORSEC, le troisième du genre depuis 2005. Il se propose également à plus ou moins long terme, de régler définitivement le problème des inondations avec un budget prévisionnel de 400 milliards de FCFA selon le ministre chargé de l’Hydraulique et de l’Assainissement (un autre chiffre de 450 milliards a également été cité). Certaines propositions sont à nouveau fortement remises au goût du jour tendant à recourir au déguerpissement massif et au recasement des populations habitant les bas-fonds vers d’autres sites. On parle même de création de futures nouvelles villes ou même de délocaliser la capitale. Mais nous pensons que le déguerpissement n’est pas une solution à privilégier et devrait même être proscrit ! Un challenge pour les techniciens devrait être le « déguerpissement de l’eau » des zones habitées plutôt que le déguerpissement des populations des zones inondées. Il est en effet techniquement possible de régler de manière définitive la question des inondations en même temps que celui de l’assainissement des eaux usées, tout en maintenant les populations sur place. Pareils défis ont déjà été relevés dans d’autres pays avec des solutions techniques appropriées sans recourir à des déguerpissements de populations, même s’il ne faut pas exclure de l’envisager dans certaines circonstances ponctuelles exceptionnelles, mais seulement temporairement.
Diagnostic des causes des inondations
Pour pouvoir faire des propositions d’éradication des inondations, il est impératif de s’appuyer sur un diagnostic solide des causes de celles-ci. Beaucoup d’études scientifiques suffisamment poussées ont déjà été faites dans ce sens pour la région de DAKAR. Les techniciens (ingénieurs, architectes, géologues, urbanistes, géographes, climatologues, environnementalistes, aménagistes du territoire, etc) connaissent parfaitement les véritables causes d’ordre hydrologique, hydrogéologique, géologique, climatologique, urbanistique, géographique, pédologique, infrastructurel, environnemental et humain, qui sont à la base des inondations cycliques à DAKAR.
Concernant les causes imputables à l’action de l’Homme sur son environnement immédiat, il faudrait dépasser la polémique mais non sans remettre en question la culpabilisation d’une partie des citoyens qui occupent des zones non loties, mal loties ou même dites irrégulières (ex. PIKINE IRREGULIER). Ils sont souvent injustement stigmatisés soit par des techniciens ou des autorités étatiques, pour avoir osé construire dans des bas-fonds ou des zones dites non aedificandi (non constructibles). Mais quand en exemple, un ministre de la République du Sénégal, de surcroit chargé de l’Urbanisme et de l’Habitat ainsi que de la délivrance des autorisations de lotir, se donne le droit de construire sa maison dans une zone non aedificandi au vu et au su de tout le monde, ou quand des techniciens de l’Etat autorisent le lotissement d’un exutoire naturel des eaux pluviales comme la zone de captage de GRAND YOFF (LAC ORYX) mettant ainsi en péril, GRAND YOFF, la Cité Bellevue et l’Autoroute, ou assistent sans le dénoncer ou s’y opposer, au démantèlement scandaleux de la zone du CICES (Foire) à des fins de spéculation foncière, comment pouvons-nous nous offusquer du fait que de vrais nécessiteux en matière domaniale et de surcroit démunis, construisent leurs baraques ou habitat de fortune à GUINAW RAIL ou BENE BARAQUE dans des zones non aedificandi, surtout lorsque les Plans Directeurs d’Urbanisme (PDU) ne les y ont pas précédés ? Le principe de la continuité étant de rigueur, l’Etat du Sénégal devrait assumer sa culpabilité non partagée dans les inondations et leurs dégâts collatéraux, depuis le Président Léopold Sédar SENGHOR jusqu’au Président Macky SALL, en passant par les Présidents Abdou DIOUF et Abdoulaye WADE. Non seulement l’Etat a toujours été au courant des constructions illégales, par exemples, sur le Domaine Public Maritime (DPM) le long des Corniches maritimes de DAKAR, mais il était souvent aussi complice, car avec la DSCOS (Direction de Surveillance et de Contrôle de l’Occupation des Sols), le ministère de l’Urbanisme était en principe doté (et l’est toujours encore), d’un instrument opérationnel, pour localiser, arrêter ou faire détruire par qui de droit, toute construction ou occupation illégale de terrain sur l’ensemble du territoire national, à plus forte raison à DAKAR. Il faut juste la volonté et le courage politiques et donner à cette structure dirigée par un officier de l’armée, les moyens de son fonctionnement.
Si on veut caractériser la région de DAKAR en matière d’inondations, on peut dire que :
Elle est constituée d’une grande cuvette sablonneuse présentant les caractéristiques d’une zone de delta et ayant beaucoup d’emplacements de lacs jadis naturels ;
Elle est saturée d’eau pour ce qui concerne les zones inondées, avec plusieurs nappes dont la plus importante est la nappe des sables quaternaires du bassin de THIAROYE, dont la profondeur dépasse rarement 2 mètres. A certains endroits, cette nappe affleure (zone des NIAYES). En outre, elle monte chaque année de 15 cm et aggrave les inondations à PIKINE et GUEDIAWAYE ;
Avec les nombreuses constructions, les routes goudronnées et trottoirs pavés, l’eau ne peut plus s’infiltrer facilement. En 1947, seuls 16% de la surface de la région de Dakar était imperméabilisée ; présentement ce taux a dépassé 60% ;
Les surfaces urbanisables sont pratiquement épuisées. En effet, déjà lors du recensement de la population du Sénégal en 1988 (voir Plan de stratégie d’assainissement pour la Communauté Urbaine de DAKAR, 1990, BETURE SETAME, Ministère de l’Hydraulique) on savait qu’il n’y avait plus que 16,7% de terrains potentiellement urbanisables dans la capitale, avec 880 hectares à DAKAR et 2040 hectares à PIKINE. Tout a été construit entre temps et il ne reste aux populations que des zones non aedificandi. Même les zones dites de recasement ciblées dans le département de RUFISQUE sont en grande partie des zones potentiellement inondables !
Les pentes moyennes du terrain sont faibles pour une évacuation rapide des eaux par écoulement gravitaire.
Pour évacuer les eaux d’une cuvette, la seule solution qui s’offre est de les pomper hors de cette cuvette ; et dans le cas précis de DAKAR, il s’agit de les évacuer vers la mer, sinon on est confronté au principe de vases communicants dans la nappe sablonneuse, qui rend les pompages vains. A défaut de pomper l’eau vers la mer, on peut tenter de l’évacuer vers l’intérieur du pays et c’est précisément ce que propose la présente solution technique.
B. SECONDE PARTIE : Ebauche d’une solution technique pour éradiquer les inondations dans la région de DAKAR. Création de pôles de développement agricole à l’intérieur du Sénégal.
Les inondations sont devenues une des premières priorités pour le peuple sénégalais et pour le gouvernement. Lors de la déclaration de politique générale du lundi 10 septembre 2012 du premier ministre Abdoul MBAYE, pas moins de 15 Députés ont axé leur intervention sur les inondations. Le chef du gouvernement a déclaré à cette occasion que « le gouvernement ne trouvera pas de repos tant que les inondations ne seront pas réglées » (dixit). Il a également fait comprendre que les mesures d’urgence actuelles qui nécessitent 40 milliards, ne constituent qu’une solution conjoncturelle.
Dans la présente étude, nous voulons cependant proposer non pas une solution conjoncturelle, mais une solution structurelle globale de rupture, pour éradiquer définitivement non seulement les inondations dues aux pluies dans toute la région de DAKAR, mais également y associer dans le long terme, les eaux usées. Les objectifs fondamentaux visés par cette proposition sont :
L’éradication totale des inondations dans la région de DAKAR dans un délai de 3 ans ;
La suppression à terme de tout drainage des eaux de pluies vers la mer ;
La diminution du drainage des eaux usées vers la mer tout en planifiant leur intégration totale dans le long terme ;
La suppression du pompage des eaux usées de la station d’épuration de CAMBERENE vers le village de CAMBERENE ;
Le transport des eaux de pluie collectées dans la région de DAKAR vers les régions de THIES, DIOURBEL et LOUGA, et leur fourniture aux paysans installés le long de la conduite pour leurs activités agricoles ;
Une maîtrise parfaite des nappes phréatiques, que l’on peut rabattre à volonté, pour prévenir les inondations en les anticipant (fixation des hauteurs piézométriques).
Pour comprendre la quintessence de cette proposition, nous allons essayer d’expliquer le fonctionnement du schéma actuel d’approvisionnement de la région de DAKAR en eau potable à partir du LAC DE GUIERS. La capitale DAKAR, dont le besoin quotidien en eau est estimé à environ 300.000 m3 par jour, est alimentée en eau potable par un vaste réseau hydraulique à partir du lac de GUIRS dénommé ADDUCTION LAC DE GUIERS (ALG), distant de 240 kilomètres. Pour amener l’eau jusqu’à DAKAR, l’Etat du Sénégal par le biais de la SONEES devenue SONES, a réalisé un vaste programme en plusieurs projets hydrauliques et sur plusieurs années, avec l’appui de partenaires au développement, dont la Banque Mondiale, l’Agence Française de Développement, la KfW Entwicklungsbank (Allemagne), la Banque Européenne d’Investissement, la BOAD (Banque Ouest Occidentale de Développement) la BADEA (Banque Arabe pour le Développement Economique en Afrique). Les infrastructures hydrauliques de la SONES qui assurent l’acheminement de l’eau du lac de GUIERS jusque dans les foyers à LOUGA, THIES et DAKAR, y compris les villes situées sur sa trajectoire, sont très complexes, mais leur schéma peut être expliqué relativement facilement. Il s’agit d’abord de puiser l’eau de surface sur les rives du LAC DE GUIERS à deux endroits différents, en l’occurrence au village de GNITH et au village de KEUR MOMAR SARR. Cette eau subit un traitement physico-chimique approprié sur place pour la rendre potable et est pompée dans deux très grands tuyaux en fonte. Puisqu’il est difficile de pomper d’un trait ces immenses quantités d’eau directement jusqu’à Dakar pour plusieurs raisons techniques, on a créé des stations relais entre le LAC DE GUIERS et DAKAR. C’est ainsi que dans la commune de MEKHE située à 140 kilomètres de GNITH, on a construit une puissante station de pompage dotée de 5 surpresseurs capables de pomper chacune 2.700 mètres cubes (ou 2.700.000 litres) d’eau par heure pour un débit nominal de 260.000 mètres cubes par jour dans le réseau, en élevant sa hauteur manométrique à 236 mètres et en donnant ainsi à l’eau une pression pouvant aller jusqu’à 25 bars dans les deux conduites et la propulser jusqu’à DAKAR. A CARMEL, une station de surpression augmente la quantité d’eau à 300.000 mètres cubes par jour dans les deux grandes conduites de 1000mm et 1200mm de diamètre respectif. Tout au long de sa trajectoire, les conduites de l’ALG bénéficient de plusieurs apports supplémentaires en eau avec des forages. L’eau qui est ainsi pompée en continu dans ces tuyaux ne peut pas être consommée en totalité par les ménages et les industries ; pour cette raison, on a construit de très grands réservoirs de stockage, pour emmagasiner ce surplus. Il existe des réservoirs de stockage à THIES avec une capacité de 15.000 m3 (15.000.000 de litres d’eau) ainsi qu’en tête de réseau avec un réservoir sur la colline des MAMELLES près du monument de la Renaissance Africaine, dont la capacité est de 25.000 m3 (25.000.000 de litres d’eau). Ces réservoirs servent de tampons pour réguler les débits entre l’offre en eau pompée dans le réseau et la consommation des ménages, et permettent ainsi en cas de panne dans le réseau, d’éviter une rupture dans la fourniture. Ceci constitue une grande prouesse technique, qui demande beaucoup d’agents très compétents en ingénierie hydraulique comme en ingénierie mécanique, travaillant 24 heures sur 24, pour nous fournir le liquide précieux. Les agents de la SONES qui gèrent ces installations et ceux de la SDE méritent toute notre confiance et nos encouragements, pour avoir réussi à atteindre un taux d’approvisionnement en eau potable des ménages de Dakar à hauteur de 98,5% dépassant même la projection des OMD (Objectifs du Millénaire pour le Développement), qui avait fixé ce taux à atteindre à 95% mais seulement pour l’horizon 2015.
Plusieurs grands projets, dont certains sont encore en cours, ont été nécessaires pour atteindre ces résultats. Il s’agit :
1. Du Projet Sectoriel Eau (PSE) initié de 1996 à 2003 d’un coût de 216 milliards ;
2. Du Projet Sectoriel Eau Long Terme (PLT) de 2003 à 2007 d’un coût de 300 milliards qui a consacré 84 milliards de FCFA, pour la construction d’une nouvelle usine de captage et traitement d’eau à KEUR MOMAR SARR et
3. Du Programme National d’Eau Potable et d’Assainissement du Millénaire horizon 2015 (PEPAM 2015), qui court sur 10 ans de 2005 jusqu’en 2015, d’un coût de 515 milliards de FCFA et se propose d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (MOD). Dans ce budget global, 267 milliards sont destinés à l’approvisionnement en eau potable et 217 milliards à l’assainissement.
L’ordre de grandeur des importants investissements consentis dans ces secteurs vitaux par l’Etat du Sénégal avec l’appui des partenaires au développement depuis 1996 (donc depuis 16 ans), est d’environ 501 Milliards pour l’approvisionnement en eau potable contre 247 milliards pour l’assainissement sur l’ensemble du territoire national. Il apparaît donc clairement, que la volonté affichée par le nouveau gouvernement du Président Macky SALL d’investir 400 ou 450 milliards de FCFA rien que pour venir à bout des inondations sur l’ensemble du pays, constitue un challenge presque pharaonique pour notre pays, car ces investissements doivent se faire dans une période relativement courte, étant donné que les inondations qui s’aggravent d’année en année avec le phénomène d’accumulation et des nappes phréatiques saturées, ne nous accorde aucun répit.
Si le schéma hydraulique pour l’alimentation en eau de DAKAR expliqué ci-dessus est plausible, il faut imaginer maintenant, que l’Etat du Sénégal par le biais de l’ONAS envisage de répéter exactement le même schéma hydraulique du Projet ADDUCTION LAC DE GUIERS (ALG), mais en l’appliquant à l’assainissement des eaux pluviales à DAKAR et en prenant le chemin inverse, autrement dit, un Projet dénommé ASSAINISSEMENT LAC DE GUIERS/RETOUR (ALG/R), qui va collecter les eaux pluviales à DAKAR, pour les envoyer sous pression en direction du LAC DE GUIERS, mais en arrêtant le réseau dans la région de LOUGA.
En d’autres termes et c’est cela la quintessence de l’approche technique, il est tout à fait à notre portée, de construire un réseau de conduites forcées, pratiquement identique à celui du Projet ALG sans avoir nécessairement les mêmes dimensions, mais en suivant exactement le même tracé et en adoptant la même technologie. Pour ce schéma, le réservoir de départ à DAKAR, à l’image du LAC DE GUIERS pourrait être le plan d’eau du TECHNOPOLE ou un autre comme MBEUBEUSS. Une station de pompage dotée de puissants surpresseurs à l’image de ceux de MEKHE, pourrait être construite à KEUR MASSAR. Des réservoirs de stockage seront prévus sur le plateau de THIES couplés d’une seconde station de surpression. La fin de réseau sera déterminée par la quantité d’eau qu’on veut distribuer entre THIES et LOUGA, mais un réservoir de stockage sera prévu en fin de réseau, à l’image de celui des MAMELLES. Le long du tracé de l’ALG/R, plusieurs châteaux d’eau seront construits et approvisionnés par le réseau à des fins strictement agricoles.
Les deux questions les plus délicates sont de savoir, comment recueillir les eaux pluviales pour les envoyer dans le réseau et comment éradiquer les inondations ?
La réponse à ces deux questions cruciales est fournie par la configuration hydrologique optimale de DAKAR et des zones d’inondations, pour la collecte des eaux pluviales. La configuration de cuvette avec des bassins versants et des lacs naturels bien identifiés et proches les uns des autres, est un atout fondamental. La nature poreuse de la nappe principale proche, à savoir celle du bassin de THIAROYE, qui est un aquifère constitué par un massif sableux d’âge quaternaire, facilitera le pompage des eaux souterraines. Les bassins versants de la région de Dakar qui concernent notre étude, sont ceux du LAC TIOUROUR, de GOUNASS, du LAC WAROUWAYE, de MBEUBEUSS, de la GRANDE NIAYES, du LAC WOUYI, de SOTIBA, de SIPS, de DIAMAGUENE, du marigot de MBAO, de la station PASTEUR, LAC ORYX de la zone de captage de GRAND YOFF, de YOFF (centre de santé PHILIPPE MAGUILEN SENGHOR), du Km 14 Boulevard du Centenaire de la Commune et route nationale, de HLM GRAND YOFF, de GRAND MEDINE AMITIE.
Pour expliquer la collecte des eaux pluviales, on prendra l’exemple précis du bassin de GRAND YOFF, dont l’exutoire naturel est le LAC ORYX connu sous le nom de zone de captage. Toutes les eaux drainées du Front de Terre, Castors, Grand Yoff, Arafat, HLM Patte d’Oie ruissellent vers ce réceptacle, qui polarise une superficie de 463 hectares. Dans un rapport sur l’hivernage 2005 présenté par la Commission Nationale de Gestion Prévisionnelle des Inondations (Sous-commission Infrastructures et ouvrages hydrauliques du Ministère de l’Urbanisme et de l’Aménagement du Territoire MUAT), il a été établi que pendant les 5 jours de pluies du 16 au 20 août qui ont conduit au déclenchement du plan ORSEC en 2005, le bassin versant de la zone de captage a recueilli 426.700 m3 d’eau (ou 426.700.000 de litres d’eau). Cette quantité correspondant environ à un peu plus de la quantité d’eau potable consommée à DAKAR en une journée.
Si le TECHNOPOLE de DAKAR est adopté comme réservoir tête de départ du réseau de l’ALG/R, il faudra pomper les eaux de pluies recueillies au LAC ORYX en direction dudit réceptacle. La manière la plus efficace et la mieux contrôlable techniquement, est de construire sur le site même du LAC ORYX, après des travaux préalables de dragage, un grand château d’eau avec une puissante station de pompage. Une conduite sous pression reliera le LAC ORYX directement au plan d’eau du TECHNOPOLE. Avec ce dispositif perfectionné, les eaux de pluies qui tombent dans toute la zone de GRAND YOFF y compris celles de la Cité Bellevue, seront évacuées instantanément, l’évacuation étant plus rapide que le ruissellement.
Tous les autres exutoires de DAKAR, quelque soit leur localisation, pourront suivre la même logique de connexion avec le TECHNOPOLE. De la même manière que le LAC DE GUIERS est alimenté par la rivière TAOUEY venant du fleuve Sénégal, le réservoir du TECHNOPOLE re-profilé, sera alimenté directement ou en cascade par les eaux collectées dans les différents châteaux d’eau des bassins versants et des lacs artificiels. On construira sur le site également un puissant dispositif de pompage qui sera relayé par la station de surpression installée à KEUR MASSAR.
On devrait approximativement construire une quinzaine de châteaux d’eau équipés de la même manière que celui à prévoir au LAC ORYX pour quadriller ainsi toutes les zones d’inondations. La station de TECHNOPOLE devra être dimensionnée de telle manière à pouvoir pomper l’intégralité de tous les effluents collectés avec un coefficient suffisant de sécurité, pour éviter tout débordement des eaux.
Les avantages de cette solution hydraulique aux plans techniques, économiques et démographiques sont les suivants :
Eradication durable des inondations après le bouclage de la connexion de tous les exutoires et lacs artificiels ;
Les eaux pluviales ne seront plus pompées vers la mer, mais collectées et envoyées dans le réseau ALG/R puis utilisées pour l’agriculture irriguée dans les régions de DAKAR, THIES, DIOURBEL et LOUGA. Ainsi, les conditions sont réunies, pour créer de vastes pôles agricoles qui s’étendront de DAKAR jusqu’à LOUGA ;
Avec le maillage du réseau sur toute sa longueur par des châteaux d’eau directement branchés, les paysans disposeront d’une eau d’irrigation sous forte pression et pourront pratiquer aussi bien des cultures par aspersion que l’irrigation au goutte à goutte, sans être obligés de creuser des forages ou des puits traditionnels ;
L’excédent des eaux de pluies pourrait servir également à recharger les nappes phréatiques le long de la conduite du LAC DE GUIERS ;
Dans les zones d’inondations de DAKAR, les piézomètres des nappes phréatiques, surtout ceux de la nappe de THIAROYE pourront être contrôlés et rabattus à des niveaux compatibles avec les exigences environnementales et d’avancée de la langue salée ;
Ce projet constituera une forte attraction pour beaucoup de ressortissants de ces régions, qui préféreront quitter volontairement la capitale au profit de leurs terroirs, pour s’y adonner à l’agriculture irriguée et à l’élevage. Un avant-goût de ce possible formidable essor agricole a été fourni dans les années 80, quand certains villages du NDIAMBOUR et du CAYOR situés sur le tracé de la conduite de l’ADDUCTION LAC DE GUIERS (ALG) s’approvisionnaient directement en eau à partir dudit réseau, pour faire du maraîchage. Pour des raisons évidentes liées au déficit en eau potable des centres urbains et de DAKAR, la SONEES s’était trouvée dans l’obligation de mettre fin à ces ponctions d’eau.
Concernant l’assainissement des eaux usées, il pourra également être pris en charge par une extension du projet ALG/R. Pour ce faire, il faudrait privilégier dans le prochain Plan Directeur d’Assainissement de DAKAR, le système séparatif par rapport au système unitaire du « tout à l’égout ». Ce dernier très répandu au Sénégal est maintenant désuet et est à proscrire. Il est en effet hérité du 19ème siècle après la grande épidémie de choléra de 1826 à 1832 qui avait frappé l’Europe et qui a été suivie d’un grand mouvement hygiéniste, dont le leitmotiv était « qu’on lave tout et qu’on évacue tout à l’égout ». La notion du « tout à l’égout » est abandonnée progressivement dans beaucoup de pays, car elle suggère que tout et n’importe quoi peut être rejeté dans le réseau d’assainissement (sang des hôpitaux, huiles de vidange, produits chimiques des industries, etc). En France, le réseau totalement en « tout à l’égout » ne représente plus que 18%. Les catastrophes écologiques que le système du « tout à l’égout » peut engendre sont visibles dans la baie de HANN BEL AIR, fortement polluée par des effluents industriels de toutes sortes.
L’intégration des eaux usées dans le projet ALG/R devrait être précédée de la construction d’une station d’épuration beaucoup plus performante que celle de CAMBERENE. Le site le plus approprié pour une telle station est toujours le site du TECHNOPOLE, parce qu’elle pourra ainsi collecter les effluents les plus importants en provenance de DAKAR, PIKINE et GUEDIAWAYE. Les eaux épurées ayant reçu un traitement tertiaire dans cette super-station d’épuration, pourront être injectées dans le réseau ALG/R et servir à l’irrigation, en sus de la production d’engrais organique par compostage des boues d’épuration.
La mise en exploitation d’une telle station d épuration permettra d’éliminer définitivement le pompage des eaux usées vers CAMBERENE, car elle va prendre ces dernières en charge.
Faisabilité et planning d’exécution
Pour avoir une idée de l’envergure du projet proposé, il faut calculer sommairement les quantités d’eaux de pluies qui tombent sur DAKAR et la partie qu’on pourrait récupérer pour l’injecter dans le réseau. Des études pluviométriques faites de 1947 à 1972 dans la région de DAKAR font ressortir une valeur moyenne de 458mm d’eau cumulées par an (voir Rapport d’évaluation des besoins post-catastrophe de 2009 effectué par le gouvernement sénégalais). En faisant un choix raisonnable d’hypothèses de calculs pour les paramètres hydrauliques (coefficient de ruissellement, coefficient d’écoulement annuel, lame de ruissellement, fréquence, etc), on peut calculer les quantités d’eaux sur toute la surface de 53.550 hectares que couvre la région de DAKAR. Sans faire de développement ici, nous avons estimé la quantité d’eau qui tombe chaque année sur la région de DAKAR à 245.259.000 mètres cubes correspondant à deux (2) de consommation d’eau de la capitale, et la quantité moyenne d’eau ruisselée à 61.314.750 mètres cubes d’eau, qu’on pourrait récupérer dans le réseau de collecte. La quantité d’eau ruisselée correspond environ à l’équivalent de la quantité d’eau consommée en huit (8) mois dans la capitale. Même si parfois certaines données hydrométriques ne sont pas disponibles, on est suffisamment outillé pour estimer les apports d’eau vers les différents bassins versants. On peut avec ces chiffres bruts s’imaginer que les projets ALG et ALG/R auraient à peu près une envergure comparable en termes d’installations hydrauliques et hydro-électriques.
Les infrastructures hydrauliques à construire pour ALG/R sont schématisées ainsi qu’il suit :
1. Une station de prise d’eau et de pompage en tête de réseau au TECHNOPOLE alimentée par 15 châteaux d’eau et un réseau de 200 km de conduites forcées reliant ces châteaux d’eau au TECHNOPOLE ;
2. Une double conduite à gros diamètres jusqu’à KEUR MASSAR où sera construite une station de surpression ;
3. Une double conduite à gros diamètres jusqu’à THIES, où seront construits un réservoir de stockage et une station de surpression ;
4. Construction de deux antennes de déversement entre DAKAR et THIES ;
5. Conduite unique à gros diamètre jusqu’à LOUGA, où un réservoir de stockage sera construit en fin de réseau ;
6. Construction de 20 châteaux d’eau de distribution d’eau aux paysans avec chacun un rayon de 15 à 20 kilomètres, entre KEUR MASSAR et LOUGA, le long de la conduite.
Cette solution hydraulique devra être évaluée aux plans technique, économique, environnemental, démographique et enfin financier. Cependant, elle bénéficie déjà d’une primo-implantation en ce sens, qu’en termes d’études hydrauliques constructives, hydromécaniques, mécaniques et financière, elle peut s’appuyer sur beaucoup de données disponibles du projet ALG. Les débits peuvent différer, mais le tracé des conduites est identique et les infrastructures intermédiaires assimilables. Même en termes de coûts financiers, beaucoup de paramètres sont déjà disponibles, qui pourraient faciliter et accélérer considérablement les études techniques de faisabilité. Last but not least, la gestion et l’entretien des ouvrages sur les mêmes sites seront facilités pour l’ONAS et la SONES, même si l’ONAS sera le maître d’ouvrage délégué.
En termes de faisabilité technique, les études pourraient être bouclées en 6 mois compte tenu des données disponibles et le projet global exécuté en 3 ans. Dès l’exécution de la phase 1, c'est-à-dire du tronçon DAKAR-THIES, qui durera 2 ans, les inondations dans la région de DAKAR ne seront plus qu’un mauvais souvenir. La seconde phase du projet concernera la construction du tronçon THIES-LOUGA faisable en une année. En 3 ans d’exécution, le projet sera ainsi bouclé et tous les pôles agricoles seront opérationnels.
Pour ce qui concerne les coûts financiers, la première estimation à peaufiner est d’environ trois cent dix sept (317) milliards de FCFA. Les coûts définitifs ne peuvent être fournis qu’après études et dimensionnements des différentes composantes avec des données plus précises.
Grâce à ses effets induits découlant de la création de nouveaux pôles agricoles dans les régions de DAKAR, THIES, DIOURBEL et LOUGA, ce projet devrait être privilégié par rapport à toute approche classique, qui proposerait de déverser les eaux pluviales vers la mer.
Dakar, le 11 septembre 2012
Pr. Aliou DIACK
Ancien Professeur en Structures et Hydraulique
Ancien Chef du Département de Génie Civil de
l’Ecole Polytechnique de Thiès
Ancien Directeur Technique de la BHS
Directeur d’entreprise de Génie Civil