Lieu de transmission de savoir par excellence, l’école est, aussi, un endroit où se nouent, souvent, des relations affectives entre élèves et enseignants. Au-delà des cours qui les lient généralement, ils se considèrent comme une famille : des pères, des fils, des filles, des frères et sœurs et parfois même de grands-parents. Ils vivent le même stress pendant les examens de passage. Que ce soit le Certificat de fin d’études élémentaires (Cfee), le Brevet de fin d’études moyennes (Bfem) et le Baccalauréat, ils veulent tous un excellent résultat. Et durant les vacances, c’est la nostalgie totale.
Par Mariama DIEME
« Enseigner, c’est plus que transmettre des connaissances ; c’est inspirer le changement. Apprendre, c’est plus qu’absorber des faits, c’est acquérir une compréhension », disait l’écrivain américain William Arthur Ward. Mais, au-delà de ces deux situations, l’école crée également des liens uniques entre les élèves et le corps enseignant. Ces derniers se considèrent comme une famille biologique et ont un objectif commun : avoir de bons résultats à la fin de l’année, notamment pendant les examens de passage.
En ce mois de juillet, c’est déjà le début des vacances pour certains élèves et la période des examens pour d’autres. Nous sommes au Collège d’enseignement moyen (Cem) Les Martyrs de Thiaroye. C’est le jour de la délibération des résultats du Brevet de fin d’études moyennes (Bfem) (lundi 10 juillet). Étant de la « même famille », ils sont tous, élèves comme professeurs, obsédés par les résultats. Ils veulent tous un bon taux de réussite.
Professeur d’histoire et de géographie (HG), Farba Diouf a quitté le lycée de Mbao où il était correcteur pendant l’examen, pour s’enquérir de la situation de ses élèves au Cem Les Martyrs. « Je viens de mon jury où nous avons déjà délibéré. Mais, je suis un peu obnubilé par les résultats de mon lycée », confie-t-il, le sourire aux lèvres et transpirant à cause de la forte canicule. À la question de savoir pourquoi toute cette peine, il répond : « Le professeur aussi est comme s’il était en examen. Parce que l’évaluation des élèves, c’est également l’évaluation des professeurs. C’est à travers les élèves qu’on l’évalue. Tant que les résultats ne sont pas délibérés et que nous avons de bons résultats, nous n’avons pas l’esprit tranquille. Nous sommes aussi sous pression et cela se comprend », soutient-il d’un air enthousiaste. Une joie qui se justifie par les résultats de ses élèves qui sont jugés « acceptables » par la Principale du Collège.
Cette gaieté, Khadim Fall l’éprouve également. Rencontré à Dakar, cet enseignant de l’élémentaire dans la région de Diourbel vient d’avoir un taux de réussite de 75% au Cfee. « Lorsque mon Directeur d’école m’a appelé pour me féliciter, j’ai failli pleurer de joie. C’est une relation extraordinaire que nous avons avec nos élèves. C’est quelque chose qu’on ne peut pas expliquer. C’est un sentiment que seuls les gens qui le vivent peuvent comprendre. Parce que l’école constitue notre seconde famille. Les élèves sont donc comme nos fils, nos neveux et nièces, nos frères. Avec mes élèves, nous avons une relation très fraternelle », explique M. Fall qui profite de ses vacances avec sa famille installée à Dakar.
Les vacances, un moment de nostalgie
Pour son « honneur », ce jeune enseignant demandait tout le temps à ses proches de prier pour ses élèves afin qu’ils aient un bon taux de réussite à l’examen. « Tout ce que je leur souhaite, c’est la réussite. Parce qu’il y va de mon honneur, de ma réussite en quelque sorte », renchérit-il d’un ton sérieux. D’après M. Diouf, ce sont des relations « tout à fait naturelles ». Parce qu’ils passent plus de temps avec les élèves qu’avec leur famille et ils les considèrent comme leurs enfants. « C’est la raison pour laquelle, pendant les vacances, nous nous sentons un peu délaissés. On ne peut pas passer 9 mois avec les élèves et ne pas les apprécier. Nous les considérons comme nos propres enfants et ils nous le rendent bien. On n’a pas souvent d’écart de discipline dans cet établissement. Si cela arrive, nous avons des outils pour le régler et ce sont souvent des cas isolés », avoue, par ailleurs, le Professeur d’Histoire et de géographie au Cem Les Martyrs.
« Exceptionnels », certains professeurs le sont vraiment, selon Aminata Wade, élève au lycée de Thiaroye. Ces derniers, souligne-t-elle, entretiennent de « bonnes relations » avec leurs élèves, même au-delà des cours. « Nous les respectons au-delà de tout. C’est notre deuxième famille. Nous passons plus de temps à l’école qu’à la maison. Nous sortons le matin avant 8h et nous restons à l’école jusqu’à 18h. Nous considérons donc nos professeurs comme nos parents. Ils nous adorent également », témoigne cette élève rencontrée à quelques mètres de son lycée. Aminata rapporte qu’elle tisse des liens très fraternels avec un de ses professeurs, notamment son professeur d’Anglais, M. Seck. « C’est quelqu’un qui m’est cher. En plus d’être un professeur, il nous donne des conseils sur la vie courante. C’est pourquoi il me manque durant les vacances. J’ai aussi rencontré tout à l’heure un de mes anciens enseignants à l’école primaire, M. Ndiaye et je ne peux pas vous dire combien j’ai été contente de le retrouver. Chaque fois qu’il me voit, même dans la circulation, il s’arrête pour échanger quelques mots avec moi avant de partir. C’est un enseignant que je n’oublierai jamais », narre-t-elle toute joviale.
Président du jury 1 pour le Bfem au Cem Les Martyrs et Professeur de mathématiques au Collège de Pikine Est, Samba Guèye vient juste de proclamer ses résultats. Dans son bureau, il remplit les listes avec les membres de son jury avant l’affichage. Interpellé sur le sujet, il explique que parfois, dans les classes, il rencontre des élèves qui sont « vraiment aimables » et qui font beaucoup d’efforts. « Ce sont des enfants qui méritent d’être soutenus. Les relations que nous avons avec eux, nous permettent, parfois, de savoir les difficultés auxquelles ils font face dans leur foyer et d’essayer de trouver des solutions », indique ce professeur de Maths, la cinquantaine révolue.
Élan de solidarité à l’endroit des élèves démunis
Notre interlocuteur nous explique que souvent, il rencontre des élèves qui ont des problèmes de restauration qu’il a gérés avec l’administration de son établissement. Ils achètent parfois des livres, des cahiers, du matériel didactique pour ces élèves. « Tout cela, nous le gérons, parce que nous sommes déjà des pères de famille. Nous avons des enfants. Si toutefois nous voyons un enfant qui a des difficultés et qui vient vers nous, nous le gérons. Surtout que, parfois, ce sont des élèves très attachants qui viennent vers nous pour des informations, etc. Malgré le nombre d’années que nous avons fait à l’école, nous continuons à gérer ces cas et au-delà, à prendre en charge les problèmes dans leur foyer », ajoute ce doyen avec fierté.
Avec l’âge, M. Guèye est devenu un grand-père pour ses élèves. « Certains m’appellent Papa ou Mame M. Guèye », rapporte-t-il. Mais, ce doyen relève que les anciens élèves étaient « plus attachants ». Aujourd’hui, M. Guèye trouve que les enfants sont un « peu obnubilés » par les réseaux sociaux. Ils s’intéressent plus aux réseaux sociaux qu’aux cours que le professeur donne. « Souvent à la fin du cours, la première chose qu’ils font, c’est de prendre leur téléphone et de voir ce qui se passe sur les réseaux sociaux. Au lieu d’aller voir le professeur et lui poser des questions sur le cours, la première chose qu’ils font c’est d’aller sur les réseaux sociaux. Nous sommes concurrencés par ces outils qui gagnent encore du terrain. C’est un phénomène qu’il faut gérer pour que l’école aille de l’avant. Ce ne sont pas tous les élèves quand même. Il y a des exceptions, des cas particuliers. Je me rappelle, dans les années 2005-2006, où, nous n’avions pas encore vu ce rush vers Internet, ce n’était pas le cas », affirme-t-il d’un air nostalgique.
Source : https://lesoleil.sn/relation-eleves-professeurs-qu...