Les présidents américain Barack Obama et cubain Raul Castro se retrouvent samedi à Panama pour des entretiens historiques, quelques heures après avoir symboliquement scellé le rapprochement entre leurs deux pays par une poignée de main qui fera date.
Selon la Maison Blanche, les deux dirigeants auront une "conversation" en marge du Sommet des Amériques. Il s'agira du premier échange entre chefs d'Etat des Etats-Unis et de Cuba depuis 1956, cinq ans avant la rupture de leurs relations diplomatiques.
Le sommet de 35 chefs d'Etat s'est ouvert vendredi sur cette poignée de main alors que les deux hommes, souriants, échangeaient quelques mots devant les caméras.
"Les amabilités entre les présidents Barack Obama et Raul Castro donnent l'espoir d'un sommet libéré des chaînes de la Guerre froide", relève Arturo Lopez-Levy, du Centre d'études globales de l'Université de New York.
Les deux dirigeants s'étaient déjà serré la main une fois en 2013 en Afrique du Sud, lors de l'hommage funèbre à Nelson Mandela.
Samedi, leur face à face très attendu doit consacrer le réchauffement annoncé au terme de 18 mois de tractations menées dans le plus grand secret, qui ont permis de tourner la page de plus d'un demi-siècle de conflit entre Washington et l'île communiste.
"Nous sommes en terre inconnue ici (...) Il s'agit de changer fondamentalement la manière dont les Etats-Unis considèrent Cuba, son gouvernement, sa population, sa société civile", a résumé Ben Rhodes, l'un des conseillers d'Obama.
- Vers la réouverture d'ambassades? -
Au menu des discussions figurera certainement la reprise des relations diplomatiques, qui tardent à se concrétiser malgré trois séries de discussions de haut niveau à La Havane et Washington.
Le principal obstacle à la réouverture d'ambassades réside dans la mention de Cuba sur la liste américaine des Etats soutenant le terrorisme, qui prive l'île d'une partie de l'aide internationale.
La Maison Blanche a indiqué que Barack Obama n'était "pas encore au stade" de prendre une décision sur ce point, sans toutefois écarter l'éventualité d'"une annonce" au Panama.
"Le simple fait qu?il y ait un dialogue est historique. A partir de ce moment, il va y avoir plus de contacts" entre les Etats-Unis et Cuba, prédit Santiago Canton, responsable du centre Robert F. Kennedy pour la justice et les droits de l'Homme.
Au-delà des relations diplomatiques, le chemin de la normalisation reste semé de nombreux points de contentieux, dont l'embargo total sur les transactions économiques et financières avec Cuba, imposé depuis 1962.
Le président américain a demandé au Congrès, contrôlé par les républicains et seul habilité à le faire, de travailler à la levée de cette mesure. Mais les deux chambres sont très partagées sur la question.
En attendant, Barack Obama a assoupli l'embargo, dans la limite de ses prérogatives présidentielles, mais cela est jugé "insuffisant" par La Havane.
- Dans le vif du sujet -
Samedi, les chefs d'Etat doivent avoir plusieurs réunions de travail en session plénière et à huis clos, avant la clôture officielle prévue en fin d'après-midi.
Le sommet, officiellement consacré à la "prospérité dans l'égalité", a reçu l'appui du pape François. Dans un message, il a fustigé samedi "les inégalités et la distribution injuste des richesses (...) source de conflits et de violences" sur le continent.
Les réunions devraient toutefois se terminer sans déclaration finale, les Etats-Unis refusant d'y voir mentionné un soutien à Caracas dans sa dispute avec Washington, qui a qualifié le Venezuela, principal partenaire économique de Cuba, de "menace" pour la sécurité intérieure des Etats-Unis.
Depuis plusieurs semaines, le président américain est très critiqué en Amérique latine en raison de ce décret qui a imposé en mars des sanctions contre de hauts responsables vénézuéliens.
"Ce serait une bonne chose si Obama, qui représente un pays si important en Amérique et dans le monde, faisait des propositions nous permettant de nous unir et de nous convertir en une Amérique de paix", a estimé vendredi son homologue socialiste bolivien Evo Morales, sur la chaîne Telesur.
Les 11 chefs d'Etat de l'Alliance bolivarienne pour les Amériques (Alba), qui compte les principaux alliés du Venezuela, doivent se réunir en marge du sommet pour décider des actions à mener, a indiqué M. Morales
Dans un souci d'apaisement, la Maison Blanche a pour sa part expliqué qu'elle cherchait à établir "un dialogue direct avec le Venezuela", tandis que M. Obama a assuré vendredi que le temps des "ingérences" de Washington sur le continent était révolu.