Dehors, le soleil tape, et le ciel est presque invariablement bleu. A l’intérieur de la patinoire, il fait vingt degrés de moins. Dans les vestiaires, René-Charles Angélil s’équipe : maillot, culotte, bas, casque, et enfin patins et gants. Le tout aux couleurs du Storm, le club de hockey sur glace de Las Vegas qu’il a rejoint il y a trois ans. Le match commence. Crosse en main, il est un ado comme les autres. Personne ne lui fait de cadeau. Il n’en fait pas non plus. Ailier droit, son job consiste à mettre sans cesse la pression sur le camp d’en face, à le gêner dans sa progression, à bloquer ses adversaires dans les coins. Au mieux, à récupérer le palet pour le passer aux buteurs. Un travail de fond où l’agressivité prime, où les chocs sont violents, permanents.
Du haut de son bon mètre soixante-quinze, René-Charles le costaud, qui fête ses seize ans ce 25 janvier, y va franco, percute, bataille, se retrouve souvent à terre, à moitié K.-O. Le hockey est un sport d’homme, de dur à cuire. Ce jour-là, le Storm l’emporte, de justesse. René-Charles n’a pas marqué, mais il a fait le boulot. Dans les vestiaires, on se félicite, on se congratule, on laisse redescendre l’adrénaline. Des pizzas sont livrées pour tout le monde, personne ne voit passer la note. René-Charles a déjà réglé d’avance. Il se douche, se change, la limousine l’attend devant le Las Vegas Ice Center à la façade en forme de château fort en carton-pâte. Il est prêt à revenir dans l’autre monde, celui qu’ont forgé rien que pour lui sa mère, Céline Dion, et son père, le défunt René Angélil, disparu il y a un an.
Un univers sur mesure. La maison familiale n’est pas très loin de la patinoire, à Lake Las Vegas de l’autre côté de la ville, près d’un lac artificiel et entourée de terrains de golf, l’autre sport préféré de René-Charles. Dans le quartier, les voisins s’appellent Mike Tyson, Andre Agassi ou encore Steffi Graf. Quant à la maison elle-même… Un palais ? Pas vraiment. Avec sa piscine et ses trois chambres, René-Charles y est chez lui. Il y retrouve ses petits frères de six ans, Nelson et Eddy, et sa mère. Cette dernière chante quatre jours par semaine au Caesars Palace en fin d’après-midi, et regagne la maison vers 21 h 30, pour dîner. C’est dans ces murs que son père, René, est mort d’un cancer le 14 janvier 2016. Rien ou presque n’a bougé depuis. Une des chambres est quasi inoccupée, puisque Céline dort encore et toujours avec les jumeaux. Tous les soirs, mère et fils embrassent la photo de René, posée sur la table de chevet. René-Charles, lui, se couche quand il veut dans le studio qu’elle lui a construit dans l’enceinte de la propriété. Comme sa maman, qui a l’habitude de vivre la nuit. L’école, les études ? Des précepteurs à domicile depuis son plus jeune âge. Chez les Dion-Angélil, on n’aime pas trop les contraintes, on aime l’entre-soi, même avec des métiers si publics. On peut se le permettre. Longtemps, René-Charles a d’ailleurs vécu comme un nomade, trimbalé d’avion en avion, de palace en palace, de continent en continent, au gré des obligations et des tournées de sa mère. A l’époque, il avait les cheveux longs, très longs, parce qu’il ne voulait pas qu’on les lui coupe, parce qu’il pouvait ainsi se cacher des regards d’un public friand de tout voir, de tout savoir de Céline.
Il est un gamin à part, il le sait. Sa naissance, le 25 janvier 2001 en Floride, a fait l’objet de dépêches urgentes des agences de presse. Tout comme l’annonce de la grossesse de Céline à la une des médias du monde entier. Le choix de son prénom a également été décortiqué : René comme son père, Charles comme le grand-père paternel de sa mère. Constamment, au fil d’interviews où elle ne cache rien, Céline revient sur ces moments. Elle explique qu’une fois maman, elle a voulu tout arrêter, ne s’occuper que de lui, tant elle a désiré ce premier enfant, tant elle a peiné pour lui donner vie à force de FIV et d’injections d’hormones. Ainsi, René-Charles peut lire sa propre histoire dans les journaux comme dans l’imposante biobibliographie consacrée au couple qu’elle formait avec René. Drôle de miroir, en vérité, que cette avalanche de récits et d’échos plus ou moins bienveillants à laquelle il ne peut échapper.
Dernier exemple en date : dans son livre Céline : René, un amour plus fort que la mort (Ed. L’Archipel), le journaliste québécois Jean Beaunoyer révèle qu’en 2002, juste avant le début des répétitions, elle était prête à tout laisser tomber, à annuler ses concerts à Vegas dans cette salle du Colosseum construite rien que pour elle. Elle rachètera d’ailleurs son contrat (47 millions d’euros payés rubis sur l’ongle) pour ne pas quitter son fils une seconde. Fin négociateur, son époux l’avait convaincue de revenir sur sa décision, argumentant qu’elle pourrait répéter avec René-Charles à ses côtés, qu’il ne serait jamais loin. Désormais, René-Charles connaît même le prix de l’amour maternel. Il sait aussi que maman ne sera jamais très loin de lui.
Il a eu un temps une petite copine ? Céline s’en va raconter face caméra à la terre entière qu’elle est patineuse artistique et qu’ils sont allés, une fois, au cinéma. Elle précise aussi que les parents de la jeune fille les accompagnaient, donc elle n’était pas inquiète. Et que le jour où elle verra une fille poser la main sur la cuisse de son fils, elle risque de défaillir. Comble du comble, Céline Dion chante même dans son nouvel album une chanson qui s’appelle Les Yeux au ciel, enjoignant directement son fils à lever de temps en temps le regard de ses écrans, portables et tablettes. Bref, tout ce que les ados adorent, surtout de la part de leur mère.
René-Charles ne vient pas non plus d’une famille comme les autres. Dans son sang coule la chaleur de la Syrie et du Liban des Angélil, installés depuis le début du XXe siècle à Montréal. Des gens chaleureux, charmants, entreprenants, au verbe facile, portés sur les études et le dialogue. Dans son sang coule aussi le Québec de la tribu Dion et ses quatorze enfants, un monde rude et rugueux seulement guidé par le bon sens, d’un autre temps. Récemment, Céline a raconté que le grand-père de René-Charles, Adhémar Dion, mort en 2003, venait d’une lignée « d’alcooliques », et que sa mère Thérèse avait su protéger ses enfants, à la façon d’« une sainte ». La star justifiait ainsi son peu d’appétence pour les soirées mondaines et les boissons fortes comme ses inquiétudes permanentes pour ses enfants. Surtout pour ce René-Charles qui ressemble de plus en plus physiquement à son grand-père… Sa grand-mère Thérèse, elle, est toujours là, debout. A l’enterrement de son gendre René à Notre-Dame de Montréal l’an passé, elle était au bras de son petit-fils René-Charles, comme une figure tutélaire et bienveillante de cette époque révolue. Devant les caméras du monde entier, comme il se doit.
De fait, René-Charles grandit quelque part entre surexposition et surprotection, une position que l’on pourrait qualifier d’inconfortable, voire d’instable. Il paraît pourtant bien dans ses baskets, à l’aise sur ses patins lorsqu’il rigole avec ses copains du hockey sur la glace de la patinoire de Las Vegas. Crosse en main, enfin anonyme, caché sous son casque et sa visière.
gala.fr
Du haut de son bon mètre soixante-quinze, René-Charles le costaud, qui fête ses seize ans ce 25 janvier, y va franco, percute, bataille, se retrouve souvent à terre, à moitié K.-O. Le hockey est un sport d’homme, de dur à cuire. Ce jour-là, le Storm l’emporte, de justesse. René-Charles n’a pas marqué, mais il a fait le boulot. Dans les vestiaires, on se félicite, on se congratule, on laisse redescendre l’adrénaline. Des pizzas sont livrées pour tout le monde, personne ne voit passer la note. René-Charles a déjà réglé d’avance. Il se douche, se change, la limousine l’attend devant le Las Vegas Ice Center à la façade en forme de château fort en carton-pâte. Il est prêt à revenir dans l’autre monde, celui qu’ont forgé rien que pour lui sa mère, Céline Dion, et son père, le défunt René Angélil, disparu il y a un an.
Un univers sur mesure. La maison familiale n’est pas très loin de la patinoire, à Lake Las Vegas de l’autre côté de la ville, près d’un lac artificiel et entourée de terrains de golf, l’autre sport préféré de René-Charles. Dans le quartier, les voisins s’appellent Mike Tyson, Andre Agassi ou encore Steffi Graf. Quant à la maison elle-même… Un palais ? Pas vraiment. Avec sa piscine et ses trois chambres, René-Charles y est chez lui. Il y retrouve ses petits frères de six ans, Nelson et Eddy, et sa mère. Cette dernière chante quatre jours par semaine au Caesars Palace en fin d’après-midi, et regagne la maison vers 21 h 30, pour dîner. C’est dans ces murs que son père, René, est mort d’un cancer le 14 janvier 2016. Rien ou presque n’a bougé depuis. Une des chambres est quasi inoccupée, puisque Céline dort encore et toujours avec les jumeaux. Tous les soirs, mère et fils embrassent la photo de René, posée sur la table de chevet. René-Charles, lui, se couche quand il veut dans le studio qu’elle lui a construit dans l’enceinte de la propriété. Comme sa maman, qui a l’habitude de vivre la nuit. L’école, les études ? Des précepteurs à domicile depuis son plus jeune âge. Chez les Dion-Angélil, on n’aime pas trop les contraintes, on aime l’entre-soi, même avec des métiers si publics. On peut se le permettre. Longtemps, René-Charles a d’ailleurs vécu comme un nomade, trimbalé d’avion en avion, de palace en palace, de continent en continent, au gré des obligations et des tournées de sa mère. A l’époque, il avait les cheveux longs, très longs, parce qu’il ne voulait pas qu’on les lui coupe, parce qu’il pouvait ainsi se cacher des regards d’un public friand de tout voir, de tout savoir de Céline.
Il est un gamin à part, il le sait. Sa naissance, le 25 janvier 2001 en Floride, a fait l’objet de dépêches urgentes des agences de presse. Tout comme l’annonce de la grossesse de Céline à la une des médias du monde entier. Le choix de son prénom a également été décortiqué : René comme son père, Charles comme le grand-père paternel de sa mère. Constamment, au fil d’interviews où elle ne cache rien, Céline revient sur ces moments. Elle explique qu’une fois maman, elle a voulu tout arrêter, ne s’occuper que de lui, tant elle a désiré ce premier enfant, tant elle a peiné pour lui donner vie à force de FIV et d’injections d’hormones. Ainsi, René-Charles peut lire sa propre histoire dans les journaux comme dans l’imposante biobibliographie consacrée au couple qu’elle formait avec René. Drôle de miroir, en vérité, que cette avalanche de récits et d’échos plus ou moins bienveillants à laquelle il ne peut échapper.
Dernier exemple en date : dans son livre Céline : René, un amour plus fort que la mort (Ed. L’Archipel), le journaliste québécois Jean Beaunoyer révèle qu’en 2002, juste avant le début des répétitions, elle était prête à tout laisser tomber, à annuler ses concerts à Vegas dans cette salle du Colosseum construite rien que pour elle. Elle rachètera d’ailleurs son contrat (47 millions d’euros payés rubis sur l’ongle) pour ne pas quitter son fils une seconde. Fin négociateur, son époux l’avait convaincue de revenir sur sa décision, argumentant qu’elle pourrait répéter avec René-Charles à ses côtés, qu’il ne serait jamais loin. Désormais, René-Charles connaît même le prix de l’amour maternel. Il sait aussi que maman ne sera jamais très loin de lui.
Il a eu un temps une petite copine ? Céline s’en va raconter face caméra à la terre entière qu’elle est patineuse artistique et qu’ils sont allés, une fois, au cinéma. Elle précise aussi que les parents de la jeune fille les accompagnaient, donc elle n’était pas inquiète. Et que le jour où elle verra une fille poser la main sur la cuisse de son fils, elle risque de défaillir. Comble du comble, Céline Dion chante même dans son nouvel album une chanson qui s’appelle Les Yeux au ciel, enjoignant directement son fils à lever de temps en temps le regard de ses écrans, portables et tablettes. Bref, tout ce que les ados adorent, surtout de la part de leur mère.
René-Charles ne vient pas non plus d’une famille comme les autres. Dans son sang coule la chaleur de la Syrie et du Liban des Angélil, installés depuis le début du XXe siècle à Montréal. Des gens chaleureux, charmants, entreprenants, au verbe facile, portés sur les études et le dialogue. Dans son sang coule aussi le Québec de la tribu Dion et ses quatorze enfants, un monde rude et rugueux seulement guidé par le bon sens, d’un autre temps. Récemment, Céline a raconté que le grand-père de René-Charles, Adhémar Dion, mort en 2003, venait d’une lignée « d’alcooliques », et que sa mère Thérèse avait su protéger ses enfants, à la façon d’« une sainte ». La star justifiait ainsi son peu d’appétence pour les soirées mondaines et les boissons fortes comme ses inquiétudes permanentes pour ses enfants. Surtout pour ce René-Charles qui ressemble de plus en plus physiquement à son grand-père… Sa grand-mère Thérèse, elle, est toujours là, debout. A l’enterrement de son gendre René à Notre-Dame de Montréal l’an passé, elle était au bras de son petit-fils René-Charles, comme une figure tutélaire et bienveillante de cette époque révolue. Devant les caméras du monde entier, comme il se doit.
De fait, René-Charles grandit quelque part entre surexposition et surprotection, une position que l’on pourrait qualifier d’inconfortable, voire d’instable. Il paraît pourtant bien dans ses baskets, à l’aise sur ses patins lorsqu’il rigole avec ses copains du hockey sur la glace de la patinoire de Las Vegas. Crosse en main, enfin anonyme, caché sous son casque et sa visière.
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