Pour mieux camper le contexte dans lequel intervient cette grève des travailleurs de DPW, il est important de rappeler qu’en 2006, la multinationale arabe Dubaï Port World (Dpw) avait gagné l’appel d’offres pour l’exploitation et le développement des infrastructures du terminal à conteneurs du Pad. Et ce, au détriment principalement de la multinationale française Bolloré Africa Logistics Sénégal dont l’expertise et l’expérience en matière de manutention et de transport et logistique ne sont plus à démontrer. Une cession voire une « confiscation » qui avait défrayé la chronique à l’époque puisque l’attribution du marché au profit de Dpw renfermait de beaucoup de zones d’ombre. Toujours est-il que, malgré la levée de boucliers qui avait accueilli cette attribution, la multinationale dubaiote s’était installée au Port de Dakar après avoir bravé de forts vents et de puissantes marées de contestation. Et en accostant sur les quais de ce port, Dpw avait jeté par-dessus bord des centaines de travailleurs du groupe Bolloré Sénégal. Lequel avait, du coup, perdu les 65 % de ses activités sur la plateforme portuaire de Dakar. La bataille pour le terminal à conteneurs du port de la capitale sénégalaise définitivement remportée par le puissant groupe émirati, les responsables de la filiale locale de Bolloré Africa Logistics avaient tourné la page et continué leurs activités sur d’autres segments tout en poursuivant leur partenariat avec l’Etat afin de sauver les emplois de centaines de travailleurs de notre pays. Depuis lors, c’est-à-dire depuis 2006, Dubaï Port World (Dpw) avait en charge toutes les opérations de manutention sur le terminal à conteneurs du Port de Dakar. Et il serait singulièrement malhonnête de prétendre que cette société n’a pas réalisé d’importants investissements dans ce port. Bien au contraire ! Car la multinationale dubaiote a modernisé le terminal à conteneurs avec des ponts roulants et autres portiques ultramodernes. Grâce à la maîtrise des technologies de pointe, Dp World s’était également pliée au respect de la plupart des clauses contenues dans le cahier des charges défini d’un commun accord avec l’Etat du Sénégal. Mais, disent les adversaires de Dpw, cette dernière n’a rien fait d’extraordinaire puisque, dans tous les ports modernes du monde, on trouve des portiques et autres ponts roulants ! Convenons tout de même que Dp World a le mérite d’avoir respecté ses engagements sur ces points précis. Et ce encore une fois même si toutes les sociétés qui avaient soumissionné à cet appel d’offres s’étaient engagées comme elle à doter le port de Dakar d’équipements spécialisés (modernes, rapides et sûrs) dans le chargement et le déchargement des conteneurs transportés par les navires porte-conteneurs.
Cela dit, la grève des travailleurs de Dp World confirme aujourd’hui « Le Témoin » qui avait dénoncé à l’époque — et dans plusieurs papiers — la décision du gouvernement libéral d’attribuer le monopole de l’exploitation du terminal à conteneurs à un seul et unique opérateur. Et ce dans un secteur aussi stratégique et névralgique que le Port de Dakar. Voilà toute la problématique de cette position dominante de Dp World dans ce port. En effet, il a suffi que ses employés déclenchent une grève de zèle pour paralyser toute l’économie nationale. Sans démagogie aucune, et à l’analyse de la situation, il semble que ces pauvres pères de famille grévistes sont dans leurs droits puisqu’ils réclament l’amélioration de leurs conditions de travail et de vie sociale. Hélas, quand l’économie du pays est en danger comme c’est le cas présentement s’agissant de ce conflit social à Dpw, aucune revendication ne peut être justifiée ! Et si aujourd’hui la grève des employés de Dp World a des conséquences aussi graves sur le fonctionnement de l’économie nationale, cela est dû surtout à l’absence totale d’une concurrence saine et loyale sur le quai du terminal à conteneurs du Port de Dakar. Comme quoi, il n’y a aucune solution alternative ou concurrentielle pour décanter la situation ou, en tout cas, contourner les grévistes de Dp World. Et de ce point de vue, il est plus que regrettable qu’un service public aussi stratégique que le Port de Dakar soit affaibli par une entreprise privée dont les travailleurs prennent en otage les usagers pour des intérêts personnels. Le Port de Dakar ne doit-il pas être comme l’aéroport Léopold Sédar Senghor ? La solution idéale consisterait donc à confier le port à plusieurs opérateurs comme dans le domaine des télécommunications avec les Expresso, Orange, Tigo etc. De même que le secteur pétrolier où une véritable concurrence existe avec les Total, Oil Libya, Elton, Eydon etc. À défaut, il conviendrait alors de mettre en place des dispositifs de sauvegarde permettant de prémunir l’intérêt général contre les abus de monopoles qui transforment des grévistes en « héros » ovationnés pour avoir réussi l’exploit de « brûler » le drapeau de l’économie nationale.
Une chose est sûre : non seulement le mouvement de grève des employés de Dpw est en passe d’entraîner des conséquences dramatiques sur la compétitivité du port de Dakar, mais encore il cause des dégâts collatéraux au détriment des transitaires et importateurs comme les frais de magasinage, les détentions de conteneurs, l’immobilisation de la logistique des transporteurs, les livraisons tardives des marchandises en cette période de fin d’année marquée par le prochain Magal de Touba, la Foire de Dakar, les cadeaux du nouvel an etc… « Nous, organisations et acteurs portuaires, demandons à l’Etat de prendre toutes les dispositions idoines pour une reprise en charge immédiate des activités au Port de Dakar où transitent 95 % de nos échanges commerciaux » ont demandé l’Union Nationale des Commerçants et Industriels du Sénégal (Unacois), le Syndicat des Auxiliaires de Transport du Sénégal (Sats), l’Union sénégalaise des Entreprises de Transit et de Transport Agréées (Usetta) etc. C’était dans un communiqué cosigné où tous les acteurs portuaires ont fustigé le mouvement d’humeur des employés de Dp World. Cette sortie des transitaires et commerçants de notre pays n’a pas laissé indifférent l’Etat. Pour faire tourner les activités et contourner la lenteur des soupapes de Dpw, il a, à travers la direction générale du Port Autonome de Dakar (Pad), réquisitionné quatre grandes sociétés spécialisées dans la manutention et le transport / logistique. Il s’agit de Maersk Line, Bolloré Sénégal, Getma Sénégal et Msc Sénégal. Leur mission ? Tenter de décanter la situation et voler au secours de l’économie. Inutile de vous dire que ces quatre grandes entreprises ayant à leur tête Bolloré Africa Sénégal sont allées déterrer et graisser leurs grues et portiques (sans doute rouillées par le temps) pour procéder à des opérations de chargement et de déchargement des navires en rade au large des côtes dakaroises. Qui l’eut cru ? « Bien que les opérations soient lentes, elles sont très salutaires ! Dommage que les sociétés réquisitionnées ne s’étaient pas bien préparées pour parer à d’éventuelles situations de ce genre… » nous confie un cadre en service à la direction du Port de Dakar.
Enrôlés dans l’ « Armée des Finances » comme de braves soldats de l’économie à l’appel du devoir, Maersk Line, Bolloré Sénégal, Getma Sénégal et Msc Sénégal ont certainement dû plonger transitaires, transporteurs, armateurs et commerçants dans un profond soulagement. Mais pour combien de temps ?
Pape NDIAYE
« Le Témoin » N° 1107 –Hebdomadaire Sénégalais ( DECEMBRE 2012)
Cela dit, la grève des travailleurs de Dp World confirme aujourd’hui « Le Témoin » qui avait dénoncé à l’époque — et dans plusieurs papiers — la décision du gouvernement libéral d’attribuer le monopole de l’exploitation du terminal à conteneurs à un seul et unique opérateur. Et ce dans un secteur aussi stratégique et névralgique que le Port de Dakar. Voilà toute la problématique de cette position dominante de Dp World dans ce port. En effet, il a suffi que ses employés déclenchent une grève de zèle pour paralyser toute l’économie nationale. Sans démagogie aucune, et à l’analyse de la situation, il semble que ces pauvres pères de famille grévistes sont dans leurs droits puisqu’ils réclament l’amélioration de leurs conditions de travail et de vie sociale. Hélas, quand l’économie du pays est en danger comme c’est le cas présentement s’agissant de ce conflit social à Dpw, aucune revendication ne peut être justifiée ! Et si aujourd’hui la grève des employés de Dp World a des conséquences aussi graves sur le fonctionnement de l’économie nationale, cela est dû surtout à l’absence totale d’une concurrence saine et loyale sur le quai du terminal à conteneurs du Port de Dakar. Comme quoi, il n’y a aucune solution alternative ou concurrentielle pour décanter la situation ou, en tout cas, contourner les grévistes de Dp World. Et de ce point de vue, il est plus que regrettable qu’un service public aussi stratégique que le Port de Dakar soit affaibli par une entreprise privée dont les travailleurs prennent en otage les usagers pour des intérêts personnels. Le Port de Dakar ne doit-il pas être comme l’aéroport Léopold Sédar Senghor ? La solution idéale consisterait donc à confier le port à plusieurs opérateurs comme dans le domaine des télécommunications avec les Expresso, Orange, Tigo etc. De même que le secteur pétrolier où une véritable concurrence existe avec les Total, Oil Libya, Elton, Eydon etc. À défaut, il conviendrait alors de mettre en place des dispositifs de sauvegarde permettant de prémunir l’intérêt général contre les abus de monopoles qui transforment des grévistes en « héros » ovationnés pour avoir réussi l’exploit de « brûler » le drapeau de l’économie nationale.
Une chose est sûre : non seulement le mouvement de grève des employés de Dpw est en passe d’entraîner des conséquences dramatiques sur la compétitivité du port de Dakar, mais encore il cause des dégâts collatéraux au détriment des transitaires et importateurs comme les frais de magasinage, les détentions de conteneurs, l’immobilisation de la logistique des transporteurs, les livraisons tardives des marchandises en cette période de fin d’année marquée par le prochain Magal de Touba, la Foire de Dakar, les cadeaux du nouvel an etc… « Nous, organisations et acteurs portuaires, demandons à l’Etat de prendre toutes les dispositions idoines pour une reprise en charge immédiate des activités au Port de Dakar où transitent 95 % de nos échanges commerciaux » ont demandé l’Union Nationale des Commerçants et Industriels du Sénégal (Unacois), le Syndicat des Auxiliaires de Transport du Sénégal (Sats), l’Union sénégalaise des Entreprises de Transit et de Transport Agréées (Usetta) etc. C’était dans un communiqué cosigné où tous les acteurs portuaires ont fustigé le mouvement d’humeur des employés de Dp World. Cette sortie des transitaires et commerçants de notre pays n’a pas laissé indifférent l’Etat. Pour faire tourner les activités et contourner la lenteur des soupapes de Dpw, il a, à travers la direction générale du Port Autonome de Dakar (Pad), réquisitionné quatre grandes sociétés spécialisées dans la manutention et le transport / logistique. Il s’agit de Maersk Line, Bolloré Sénégal, Getma Sénégal et Msc Sénégal. Leur mission ? Tenter de décanter la situation et voler au secours de l’économie. Inutile de vous dire que ces quatre grandes entreprises ayant à leur tête Bolloré Africa Sénégal sont allées déterrer et graisser leurs grues et portiques (sans doute rouillées par le temps) pour procéder à des opérations de chargement et de déchargement des navires en rade au large des côtes dakaroises. Qui l’eut cru ? « Bien que les opérations soient lentes, elles sont très salutaires ! Dommage que les sociétés réquisitionnées ne s’étaient pas bien préparées pour parer à d’éventuelles situations de ce genre… » nous confie un cadre en service à la direction du Port de Dakar.
Enrôlés dans l’ « Armée des Finances » comme de braves soldats de l’économie à l’appel du devoir, Maersk Line, Bolloré Sénégal, Getma Sénégal et Msc Sénégal ont certainement dû plonger transitaires, transporteurs, armateurs et commerçants dans un profond soulagement. Mais pour combien de temps ?
Pape NDIAYE
« Le Témoin » N° 1107 –Hebdomadaire Sénégalais ( DECEMBRE 2012)