Le président guinéen affirme ne pas avoir demandé à la Côte d’Ivoire de bloquer la tentative de retour de Moussa Dadis Camara. Mercredi 26 août, l’ancien chef de la junte militaire, inculpé pour les crimes commis lors du massacre du 28 septembre 2009, a tenté sans succès un retour à Conakry, où il compte désormais l’opposant Cellou Dalein Diallo parmi ses défenseurs.
Mercredi, l’avion à bord duquel Moussa Dadis Camara tentait de quitter Ouagadougou pour rejoindre Conakry a été interdit d’atterrir à Abidjan et dérouté vers Accra, au Ghana. Il est ensuite reparti à son point de départ, au Burkina Faso. L’ancien chef de la junte militaire, qui a dirigé le pays de fin 2008 à fin 2009, tentait une nouvelle fois de rejoindre la Guinée et de mettre fin ainsi fin à son exil forcé depuis janvier 2010 à Ouagadougo
Accusé d’avoir demandé à la Côte d’Ivoire d’empêcher le retour de Moussa Dadis Camara, mercredi 26 août, le président guinéen Alpha Condé a réagi ce jeudi. « Je l’ai déjà dit. Je ne commente pas l’histoire de Dadis. Tout homme est libre », a d’abord insisté le président guinéen. Il a également réfuté être intervenu auprès des autorités ivoiriennes : « Je ne suis pas président de la Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire est un Etat souverain. Le président y prend les décisions qu’il estime devoir prendre dans son pays. Moi, je prends les décisions que j’estime devoir prendre. »
Le président guinéen est également revenu sur la procédure judiciaire, ouverte en Guinée pour faire la lumière sur les circonstances du massacre du 28 septembre 2009, au stade de Conakry. « Nous avons mis en place un pool de juges. Il y a plus de treize personnes qui sont inculpées. Y compris des gens qui sont à la présidence. Il revient aux juges de décider qui est coupable et qui n’est pas coupable. Inculpé ne veut pas dire coupable. Mais les gens inculpés, qu’ils soient présidents ou bien paysans, sont soumis aux mêmes choses », a déclaré le président guinéen. « Nous espérons que la justice guinéenne fera honneur à l’Afrique en étant capable de juger les atteintes aux droits de l’homme, et que l’on ne soit pas obligé d’envoyer quelqu’un à La Haye », à la Cour pénale internationale, a-t-il par ailleurs ajouté.
Cellou Dalein Diallo: des « manœuvres menées par M. Alpha Condé »
Des réfutations qui n’ont pas convaincu Cellou Dalein Diallo. Le chef de file de l’opposition guinéenne, avec qui Dadis Camara a scellé une alliance électorale, « déplore cette décision » qui « ne repose ni sur le droit communautaire, au niveau de la Cédéao, ni sur les droits nationaux ». Interrogé par RFI, Cellou Dalein Diallo juge que l’échec de la tentative de retour de l’ancien chef de la junte militaire « est le résultat de manœuvres menées par M. Alpha Condé».
« Il y a plusieurs facteurs. Le premier facteur, c’est que M. Dadis Camara a décidé de s’allier à moi pour l’élection présidentielle. Et ça, ça dérange Alpha Condé », estime l’opposant. Pour lui, une alliance électorale entre les Forces patriotiques pour la démocratie et le développement (le FPDD de Moussa Dadis Camara) et l’Union des forces démocratiques de Guinée (l’UFDG de Cellou Dalein Diallo), « pourrait être électoralement fatale au RPG », le parti d’Alpha Condé. «Peut être qu’ [Alpha Condé] ne veut pas voir la manifestation de la vérité dans les affaires du 28 septembre, accuse Dellçou Dalein Diallo. Parce que, sinon, M. Dadis Camara – qui a promis de contribuer à la manifestation de la vérité -, on lui aurait donné la possibilité de venir se présenter devant les tribunaux guinéens. »
A Abidjan, Kouadio Konan Bertin demande des comptes au gouvernement
L’affaire a des échos politiques en Côte d’Ivoire, également. Pour l’opposant ivoirien Kouadio Konan Bertin, député et candidat à l’élection présidentielle, la Côte d’Ivoire n’avait pas à intervenir dans les affaires intérieures de la Guinée. «C’est une décision surprenante, parce que jusque-là aucune décision antérieure n’a été signifiée à personne de ce que le sol ivoirien était interdit à M. Dadis Camara. C’est pourquoi le gouvernement ivoirien ne peut pas garder le silence sur cette affaire », estime Kouadio Konan Bertin au micro de RFI.
« Le gouvernement ivoirien n’avait pas à faire le boulot du gouvernement guinéen à sa place », juge-t-il. « On a trop souffert, nos frontières ont été trop souvent utilisées pour déstabiliser la Côte d’Ivoire. Il vaut mieux nous mettre à l’abri de mauvais coup. Il y a des échéances qui pointent à l’horizon. Nous avons beaucoup de choses qui nous occupent à l’intérieur du pays. Il faut, je pense, consacrer beaucoup plus d’énergie à nous occuper de nos affaires intérieures. »
RFI