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Retrait d'Afghanistan: le risque de devenir une cible

Rédigé par leral.net le Lundi 11 Juin 2012 à 10:33 | | 0 commentaire(s)|

Dans une guerre, l'heure de la retraite est toujours compliquée. En partant avant les autres, les Français aggravent encore le danger de l'opération.


Retrait d'Afghanistan: le risque de devenir une cible
Lorsqu'il s'était rendu en Kapissa le mois dernier, François Hollande avait justifié sa décision de retirer au plus vite les troupes de combat françaises en affirmant que la mission de lutte contre le terrorisme en Afghanistan était presque terminée. La nouvelle attaque suicide menée samedi contre des soldats français prouve, s'il en était encore besoin, qu'il n'en est rien.

Les talibans ont reconquis une grande partie du pays. Ils attendent, impatients, que les forces internationales aient tourné les talons pour tenter de forcer les serrures qui mènent au pouvoir jusqu'à Kaboul. En Kapissa, ils ont profité du fait que les soldats français ont reçu l'ordre de la part du pouvoir politique de limiter leurs sorties hors des bases depuis juillet dernier, afin d'éviter tout accident pendant la campagne électorale présidentielle, pour regagner peu à peu du terrain.

«Lorsqu'il a annoncé en 2011 son intention de retirer les troupes américaines avant la fin 2014, Barack Obama a commis une grave erreur. Ce fut un signal de faiblesse envoyé à l'insurrection. Dans le domaine militaire, on n'annonce jamais à l'avance son intention de partir» commente un officier français.

Le nouveau président français a-t-il eu raison de faire de l'accélération du retrait français - qui d'ailleurs n'en est pas vraiment une, car elle colle au calendrier établi par son prédécesseur - un marqueur de sa campagne électorale? Pour l'Élysée, l'attaque de samedi n'a rien à voir avec l'annonce du départ des troupes.

Mais pour les insurgés, qui font de la surenchère car ils se disputent le pouvoir et exploitent la caisse de résonance médiatique, la France est une cible de choix. D'abord parce que les pressions ont plus d'impact en période électorale. Ensuite parce que l'annonce d'un retrait anticipé, alors même que la passation de pouvoir n'a pas encore eu lieu avec l'Armée nationale afghane (ANA) en Kapissa, a montré que la France était devenue un maillon faible de la coalition. En agissant sur cet allié, les talibans espèrent sans doute renforcer les doutes qui travaillent les autres petits partenaires de la coalition. À Londres et à Washington, on a longtemps craint que la décision française incite d'autres pays membres de l'Isaf à accélérer eux aussi leur retrait.

Dans une guerre, l'heure de la retraite est toujours dangereuse et compliquée. Celle des soldats français s'annonce risquée. En partant avant tout le monde, sans la protection qu'offre d'ordinaire une opération réalisée de concert entre alliés, ne risquent-ils pas d'être désignés comme des cibles idéales? Si la majorité des forces combattantes doit plier bagage avant la fin de l'année, qui protégera les soldats restés sur place pour désengager le matériel? «Il y aura d'autres morts pendant le retrait», prévient le même officier.

Conscient que tout signe de précipitation supplémentaire serait préjudiciable à la sécurité des soldats français, François Hollande a affiché sa détermination à ne pas modifier le calendrier d'un iota. «Ce qui s'est passé ne change rien, n'accélère ni ne ralentit le retrait» a-t-il dit. Les soldats français ont parfois l'impression de devoir partir d'Afghanistan sans avoir terminé leur mission. Mais lorsque l'heure de leur départ aura sonné, nul doute que les combattants américains ressentiront la même chose…

Le Figaro