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Roger, migrant ivoirien en Libye : "J’ai aidé, seul, dans le noir, ma femme à accoucher"

Rédigé par leral.net le Jeudi 28 Mars 2019 à 09:34 | | 0 commentaire(s)|

Roger* est un Ivoirien de 34 ans. Bloqué en Libye avec sa femme enceinte, il l’a aidée à accoucher, seul, à la lumière des bougies et sans faire de bruit. Le couple était caché dans une chambre d’un appartement de Tripoli, tenu par des Libyens qui ignoraient leur présence. Aujourd’hui, le nourrisson de six mois et la mère sont en bonne santé. La petite famille espère pouvoir rentrer rapidement en Côte d’Ivoire.


Roger, migrant ivoirien en Libye : "J’ai aidé, seul, dans le noir, ma femme à accoucher"
Roger, 34 ans, a été contraint de fuir la Côte d’Ivoire avec sa femme à la fin de l’année 2015, après avoir reçu des pressions et des menaces de mort. Le couple se réfugie en Tunisie où il pensait reconstruire sa vie. Mais plus de deux ans après leur installation, Roger reçoit de nouvelles menaces d’Ivoiriens installés en Tunisie. Pris de panique, le couple s’enfuit vers la Libye l’année dernière avec l’espoir d’atteindre l’Europe et ainsi, être en sécurité.

La femme de Roger, Aline*, est alors enceinte de quatre mois

Arrivés en Libye, ils passent plusieurs semaines dans un "campo" près de Tripoli et tentent la traversée de la Méditerranée. Interceptés par les garde-côtes libyens, ils sont envoyés au centre de détention de Tarek el-Matar. Ils réussissent à en sortir quatre jours plus tard, après avoir payé 600 000 francs CFA (environ 900 euros) pour leur libération.

Le couple, sans solution, reprend contact avec des passeurs pour rentrer en Tunisie ou en Côte d’Ivoire, malgré les menaces qui pèsent sur lui. L’un des trafiquants contacté, les héberge dans une chambre d’un appartement situé à Tripoli, en attendant de pouvoir les aider à s’échapper du pays. C’est dans cette petite pièce qu'Aline met au monde son enfant, aidé par son mari. Roger raconte cet épisode.

"Le passeur nous a installés dans cette chambre, qui ne disposait ni d’eau ni d’électricité. Il nous a donné un matelas, des bougies pour éclairer la pièce le soir, de la nourriture et deux bidons de 7 litres d’eau que nous utilisions pour nous hydrater et faire notre toilette. Il nous a demandé de ne pas faire de bruit, sinon les autres locataires – des Libyens – appelleraient la police. Nous ne pouvions pas sortir de cette pièce.

Une nuit, vers 2h du matin, ma femme a commencé à avoir des contractions importantes. Elle se tordait de douleur. J’ai essayé d’appeler des gens que je connaissais en Libye pour qu’ils viennent nous aider, mais je n’ai réussi à joindre personne.

Nous avons eu très peur. Aline ne pouvait pas crier malgré les douleurs intenses alors je lui ai mis un chiffon dans la bouche. Heureusement que nous avions des bougies, ainsi nous avions un peu de lumière : pas beaucoup mais suffisamment pour ne pas être dans le noir total.

J’ai essayé d’aider ma femme, qui poussait de toutes ses forces, à faire sortir le bébé mais la vue du sang m’a fait paniquer, je tournais de l’œil. J’étais complètement apeuré par la situation, je ne savais pas quoi faire.


"Le bébé est sorti, il a glissé au sol"

Au bout de quatre heures de travail, le bébé est sorti, il a glissé au sol. Il pleurait, ma femme aussi.

Nous sommes restés de longues minutes à nous, demander comment couper le cordon ombilical. J’ai trouvé dans un coin de la chambre une lame de rasoir et une vieille bouteille d’eau de javel, j'ai donc pu la désinfecter. J’avais peur de mal faire. Mais je n’avais pas le choix alors j’ai coupé le cordon comme j’ai pu.

J’ai pris le bébé, je l’ai enveloppé dans du tissu – c’est tout ce que nous avions - et je l’ai installé sur le lit.

Il restait un autre problème de taille : ma femme avait toujours le placenta dans son ventre. Elle l’a enlevé toute seule.

Ensuite, pour empêcher le bébé de pleurer, elle lui a donné le sein.

Puis, il a fallu nettoyer tout le sang avant que le soleil ne se lève.

Quelques heures plus tard, le passeur est venu nous voir. Voyant le nouveau-né, il a fait venir dans la journée une femme africaine qui travaille dans une clinique de Tripoli. Ce n’était pas une sage-femme mais elle avait des notions médicales. Sa présence nous a rassurés.

Elle nous a dit que tout allait bien. Elle m’a aussi félicité car selon elle, le cordon ombilical avait été très bien coupé.

Aujourd’hui, notre petite fille a six mois, elle se porte très bien. Nous l'avons appelés Miracle, car à sa naissance, j'ai dit que c'était un miracle de Dieu, donc le prénom est resté.

Après plusieurs péripéties, nous sommes dans un centre de l’OIM (Organisation internationale des migrations), à Tripoli, en attendant notre retour en Côte d’Ivoire. Nous avons peur de rentrer au pays mais nous n’avons pas le choix. Nous allons nous cacher dans la campagne ivoirienne et tenter de reconstruire notre vie, loin de nos agresseurs.
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