La faim a un visage et le plus souvent, ce visage est celui d’une femme ou d’une fille. Ouedraogo Belga est un de ces visages. A 45 ans, elle est mère de quatre enfants et vit dans le village de Song Naba, au Burkina Faso.
«La vie est vraiment plus difficile cette année», se lamente Belga qui fait partie des petits agriculteurs de subsistance qui fournissent 70% de la production agricole totale du Burkina Faso.
Les réserves agricoles de Belga, tout comme celles des autres habitants de son village, étaient malheureusement épuisées dès le mois de janvier. Maintenant, elle est obligée d'acheter les vivres nécessaires à l’alimentation de sa famille sur le marché local.
Mais avec l’augmentation des prix des denrées alimentaires —le prix du riz a par exemple doublé depuis l'année dernière— elle se demande comment elle pourra tenir avec sa famille, jusqu’à la prochaine récolte en octobre ou novembre.
Danger, sécheresse!
Tout comme des millions de personnes dans la région du Sahel, Belga a été touchée par la sécheresse qui dévaste une grande partie du territoire en passant par le Niger, la Mauritanie, le Mali, le Tchad, le Sénégal, la Gambie, le Burkina Faso et le Cameroun.
Les zones les plus touchées par les mauvaises pluviométries sont celles où les populations vivent exclusivement de l’agriculture et de l’élevage. Le phénomène s'est aggravé et les pluies tardives et irrégulières ont conduit à cette situation difficile que des millions de personnes doivent affronter, pour la troisième fois depuis 2005.
La fréquence récurrente des sécheresses dans la région du Sahel donne très peu de temps aux communautés pour se remettre des chocs précédents. La sécheresse de 2008-2009 avait déjà tué leur bétail et détruit leurs économies. Les mauvaises récoltes de 2012 ont, en outre, été aggravées par la hausse des prix alimentaires, les coûts élevés du carburant et les invasions de parasites.
Dans la région du Sahel, les populations souffrent de la faim et vivent dans des conditions extrêmement difficiles. D'ores et déjà, le manque de nourriture a forcé un grand nombre de familles à développer des mécanismes d’adaptation, comme réduire le nombre de repas, manger des racines ou des feuilles bouillies à l’eau, retirer les enfants de l'école ou vendre les animaux et autres biens du ménage à des prix dérisoires.
Les femmes face au défi de la faim
Les inégalités entre les sexes, de même que l'accès limité à l'éducation et au crédit, posent un certain nombre de défis pour les femmes des zones rurales. En outre, la crise économique mondiale, le changement climatique et les crises alimentaires, comme on le voit dans la corne de l'Afrique et dans la région du Sahel, ont aggravé la situation.
Cependant, les femmes sont aussi le relais le plus efficace pour prévenir et combattre la faim. Dans de nombreux pays, y compris le Burkina Faso, les femmes sont considérées comme des actifs productifs ou simplement comme une main-d’œuvre non payée; elles sont cependant les maillons importants des systèmes de production alimentaire.
En fait, les femmes rurales sont responsables de la moitié de la production alimentaire en Afrique subsaharienne, et dans la plupart des pays en développement, elles assurent entre 60 et 80% de la production de subsistance.
A ce titre, le Programme alimentaire mondial a célébré le 8 mars la Journée internationale de la femme, sous le thème de «L'autonomisation des femmes des zones rurales, finissons-en avec la faim et la pauvreté», en reconnaissance du rôle essentiel qu’elles jouent dans le domaine de la sécurité alimentaire.
Les femmes contribuent à améliorer le développement agricole et rural et aident à réduire le niveau de pauvreté de leurs familles. De ce fait, elles luttent contre la pauvreté au niveau de leurs communautés.
L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) estime que si les agricultrices reçoivent le soutien et les outils dont elles ont besoin, comme l'éducation, les semences, les engrais et l'accès au financement, elles peuvent augmenter de 20 à 30% les rendements sur leurs exploitations et libérer environ 100 à 150 millions de personnes du cycle de la faim.
La faim tue plus que le VIH
La faim tue, paralyse, détruit les capacités intellectuelles, réduit la scolarisation, fait baisser les salaires et ralentit la croissance économique. La faim est le risque numéro un de la santé mondiale. Chaque année, elle tue plus de personnes que le VIH, le paludisme et la tuberculose réunis.
D’autres axes de développement ne peuvent être développés sans au préalable répondre aux besoins fondamentaux humains. Avec la faim, les médicaments sont moins efficaces, les étudiants ne peuvent pas apprendre et les adultes ne sont pas aussi productifs.
Mais vaincre la faim est aussi un défi à notre portée. Pour le relever, nous devons d’abord nous attaquer à ses conséquences dévastatrices et reconnaître l'énorme potentiel que la moitié de la population représente, à savoir les femmes. Encourager la participation de la femme au développement économique et social de la communauté est aujourd’hui plus que jamais nécessaire.
Selon les propos de Michelle Bachelet, directrice exécutive d'ONU-Femmes:
«J'ai vu moi-même ce que les femmes, souvent dans les pires conditions, peuvent accomplir pour leurs familles et les communautés, pour peu qu’on leur donne l'opportunité d’agir. La force, l'ingéniosité et la sagesse des femmes demeurent la plus grande ressource inexploitée de l’humanité. Nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre encore 100 ans pour libérer ce potentiel.»
Un avenir libéré de la faim grâce aux femmes
Les femmes comme Belga ont un rôle crucial à jouer dans la lutte contre la faim. En tant que mères, agricultrices, enseignantes, entrepreneuses et leaders d'opinion, elles ont la solution pour bâtir un avenir libéré de la faim.
Les femmes jouent également un rôle primordial pour garantir la sécurité alimentaire des ménages. L'expérience montre que dans les mains des femmes, la nourriture est beaucoup plus susceptible d'atteindre la bouche d'un enfant qui a faim.
Soutenir les femmes des zones rurales n'est donc pas un choix. C’est la condition préalable à un monde libéré de la faim. Résoudre le problème de la faim, c’est stimuler le développement économique et social. Résoudre le problème de la faim, c’est favoriser le développement physique et mental de la génération future. Résoudre le problème de la faim, c’est construire un monde plus fort, plus prospère et plus sécuritaire.
Les femmes ont souvent été désignées comme l'arme secrète pour lutter contre la faim. Profitons de cette Journée internationale de la femme pour faire en sorte que ces efforts ne soient pas gardés comme un secret.
Renforçons le rôle des femmes. Impliquons-les, faisons d’elles les principales actrices de la lutte contre la faim et la pauvreté.
Angelline Rudakubana, est membre du Programme alimentaire mondial (PAM)
Cet article a d’abord été publié sur Youphil
«La vie est vraiment plus difficile cette année», se lamente Belga qui fait partie des petits agriculteurs de subsistance qui fournissent 70% de la production agricole totale du Burkina Faso.
Les réserves agricoles de Belga, tout comme celles des autres habitants de son village, étaient malheureusement épuisées dès le mois de janvier. Maintenant, elle est obligée d'acheter les vivres nécessaires à l’alimentation de sa famille sur le marché local.
Mais avec l’augmentation des prix des denrées alimentaires —le prix du riz a par exemple doublé depuis l'année dernière— elle se demande comment elle pourra tenir avec sa famille, jusqu’à la prochaine récolte en octobre ou novembre.
Danger, sécheresse!
Tout comme des millions de personnes dans la région du Sahel, Belga a été touchée par la sécheresse qui dévaste une grande partie du territoire en passant par le Niger, la Mauritanie, le Mali, le Tchad, le Sénégal, la Gambie, le Burkina Faso et le Cameroun.
Les zones les plus touchées par les mauvaises pluviométries sont celles où les populations vivent exclusivement de l’agriculture et de l’élevage. Le phénomène s'est aggravé et les pluies tardives et irrégulières ont conduit à cette situation difficile que des millions de personnes doivent affronter, pour la troisième fois depuis 2005.
La fréquence récurrente des sécheresses dans la région du Sahel donne très peu de temps aux communautés pour se remettre des chocs précédents. La sécheresse de 2008-2009 avait déjà tué leur bétail et détruit leurs économies. Les mauvaises récoltes de 2012 ont, en outre, été aggravées par la hausse des prix alimentaires, les coûts élevés du carburant et les invasions de parasites.
Dans la région du Sahel, les populations souffrent de la faim et vivent dans des conditions extrêmement difficiles. D'ores et déjà, le manque de nourriture a forcé un grand nombre de familles à développer des mécanismes d’adaptation, comme réduire le nombre de repas, manger des racines ou des feuilles bouillies à l’eau, retirer les enfants de l'école ou vendre les animaux et autres biens du ménage à des prix dérisoires.
Les femmes face au défi de la faim
Les inégalités entre les sexes, de même que l'accès limité à l'éducation et au crédit, posent un certain nombre de défis pour les femmes des zones rurales. En outre, la crise économique mondiale, le changement climatique et les crises alimentaires, comme on le voit dans la corne de l'Afrique et dans la région du Sahel, ont aggravé la situation.
Cependant, les femmes sont aussi le relais le plus efficace pour prévenir et combattre la faim. Dans de nombreux pays, y compris le Burkina Faso, les femmes sont considérées comme des actifs productifs ou simplement comme une main-d’œuvre non payée; elles sont cependant les maillons importants des systèmes de production alimentaire.
En fait, les femmes rurales sont responsables de la moitié de la production alimentaire en Afrique subsaharienne, et dans la plupart des pays en développement, elles assurent entre 60 et 80% de la production de subsistance.
A ce titre, le Programme alimentaire mondial a célébré le 8 mars la Journée internationale de la femme, sous le thème de «L'autonomisation des femmes des zones rurales, finissons-en avec la faim et la pauvreté», en reconnaissance du rôle essentiel qu’elles jouent dans le domaine de la sécurité alimentaire.
Les femmes contribuent à améliorer le développement agricole et rural et aident à réduire le niveau de pauvreté de leurs familles. De ce fait, elles luttent contre la pauvreté au niveau de leurs communautés.
L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) estime que si les agricultrices reçoivent le soutien et les outils dont elles ont besoin, comme l'éducation, les semences, les engrais et l'accès au financement, elles peuvent augmenter de 20 à 30% les rendements sur leurs exploitations et libérer environ 100 à 150 millions de personnes du cycle de la faim.
La faim tue plus que le VIH
La faim tue, paralyse, détruit les capacités intellectuelles, réduit la scolarisation, fait baisser les salaires et ralentit la croissance économique. La faim est le risque numéro un de la santé mondiale. Chaque année, elle tue plus de personnes que le VIH, le paludisme et la tuberculose réunis.
D’autres axes de développement ne peuvent être développés sans au préalable répondre aux besoins fondamentaux humains. Avec la faim, les médicaments sont moins efficaces, les étudiants ne peuvent pas apprendre et les adultes ne sont pas aussi productifs.
Mais vaincre la faim est aussi un défi à notre portée. Pour le relever, nous devons d’abord nous attaquer à ses conséquences dévastatrices et reconnaître l'énorme potentiel que la moitié de la population représente, à savoir les femmes. Encourager la participation de la femme au développement économique et social de la communauté est aujourd’hui plus que jamais nécessaire.
Selon les propos de Michelle Bachelet, directrice exécutive d'ONU-Femmes:
«J'ai vu moi-même ce que les femmes, souvent dans les pires conditions, peuvent accomplir pour leurs familles et les communautés, pour peu qu’on leur donne l'opportunité d’agir. La force, l'ingéniosité et la sagesse des femmes demeurent la plus grande ressource inexploitée de l’humanité. Nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre encore 100 ans pour libérer ce potentiel.»
Un avenir libéré de la faim grâce aux femmes
Les femmes comme Belga ont un rôle crucial à jouer dans la lutte contre la faim. En tant que mères, agricultrices, enseignantes, entrepreneuses et leaders d'opinion, elles ont la solution pour bâtir un avenir libéré de la faim.
Les femmes jouent également un rôle primordial pour garantir la sécurité alimentaire des ménages. L'expérience montre que dans les mains des femmes, la nourriture est beaucoup plus susceptible d'atteindre la bouche d'un enfant qui a faim.
Soutenir les femmes des zones rurales n'est donc pas un choix. C’est la condition préalable à un monde libéré de la faim. Résoudre le problème de la faim, c’est stimuler le développement économique et social. Résoudre le problème de la faim, c’est favoriser le développement physique et mental de la génération future. Résoudre le problème de la faim, c’est construire un monde plus fort, plus prospère et plus sécuritaire.
Les femmes ont souvent été désignées comme l'arme secrète pour lutter contre la faim. Profitons de cette Journée internationale de la femme pour faire en sorte que ces efforts ne soient pas gardés comme un secret.
Renforçons le rôle des femmes. Impliquons-les, faisons d’elles les principales actrices de la lutte contre la faim et la pauvreté.
Angelline Rudakubana, est membre du Programme alimentaire mondial (PAM)
Cet article a d’abord été publié sur Youphil