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Said Djinnit en Mauritanie : Les dits et les non dits d’une visite à Nouakchott.

Rédigé par leral.net le Jeudi 7 Juin 2012 à 20:00 | | 0 commentaire(s)|

Officiellement, selon le communiqué de presse publié par le Bureau régional, le représentant du Secrétaire Général de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest, Said Djinnit, n’était venu en Mauritanie que pour s’entretenir avec les autorités et la classe politique sur la situation au Mali. Officieusement, le représentant de l’ONU aurait rapporté, à l’issue de ses rencontres avec certains leaders de l’opposition, les préoccupations de l’ONU par rapport à la situation en Mauritanie.


Said Djinnit en Mauritanie : Les dits et les non dits d’une visite à Nouakchott.
Selon le communiqué de presse publié le 3 juin dernier à Dakar, par le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest, le représentant de l’ONU dans cette région, Said Djinnit a effectué les 2 et 3 juin une visite à Nouakchott au cours de laquelle il s’est entretenu avec le président Mohamed Ould Abdel Aziz, le président de l’Assemblée nationale Messaoud Ould Boulkheïr, le ministre des Affaires étrangères, les responsables politiques du pays et des représentants de la communauté internationale.

Ces entretiens ont porté, selon le communiqué, sur la situation dans le Sahel, en particulier au Mali, en plus de la situation politique et socioéconomique en Mauritanie.

Les dits officiels

Le communiqué a tu les impressions de Said Djinnit sur cette dernière question, pour ne retenir que les échos relatifs à la situation au Mali où une divergence de vue semble s’être dégagée entre lui et ses interlocuteurs mauritaniens. Tous ont réaffirmé, selon les termes du communiqué, la nécessité de préserver l’unité et l’intégrité territoriale de ce pays, non sans souligner le rôle clé des Maliens eux-mêmes, à travers leurs organes de transition, pour toute recherche de solution.

Il a de ce fait réitéré le soutien de l’ONU à cette transition, tout en exhortant les parties à respecter les institutions civiles de transition, encourageant la CEDEAO à coopérer avec les pays du champ et avec l’Union africaine. Il a également évoqué, avec les responsables mauritaniens, la tenue prochaine à Abidjan d’une réunion de concertation sur le Mali, sur initiative de l’Union africaine. Le même contenu officiel de la visite de Said Djinnit a marqué la déclaration de presse qu’il a livrée à l’issue de son entretien dimanche dernier avec Ould Abdel Aziz.

Il a soutenu avoir requis l’appui de la Mauritanie aux efforts déployés par l’ONU, l’Union africaine et la CEDEAO, en vue de résoudre la crise malienne, à travers notamment la consolidation d’un processus démocratique transitionnel acceptable par tous, l’appui matériel nécessaire pour faire face aux défis divers que connaît le Mali, dont le rétablissement de l’intégrité territoriale du pays, la lutte contre le danger terroriste qui sévit dans le Nord du pays et dont les impacts négatifs sont, selon le communiqué, non seulement nuisibles à l’unité du Mali mais aussi à la stabilité de l’ensemble de la région sahélienne.

Il est clair que la contribution de la Mauritanie à l’effort de guerre de la CEDEAO est requise, à l’heure où certains pays, comme le Sénégal, le Niger, le Nigéria et autres, ont déjà annoncé les effectifs qu’ils comptent mettre à la disposition de la force africaine chargée de nettoyer le Nord Mali et rétablir l’unité territoriale du pays.

Les non-dits

Par delà le contenu du communiqué de presse publié par le Bureau de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest et les déclarations officielles de Saïd Djinnit, quelques indiscrétions attribuées au Représentant de l’ONU font état d’un diagnostic peu reluisant qu’il aurait fait sur la situation générale en Mauritanie. Il faut dire qu’entre Saïd Djinnit et la Mauritanie subsistent encore de vieilles déceptions amoureuses, notamment par rapport à son apport à la crise politique qui avait secoué le pays entre 2008 et 2009.

C’était dans le cadre d’efforts internationaux destinés à l’époque à rétablir les institutions constitutionnelles après le coup d’Etat contre Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Les Mauritaniens se rappellent parfaitement des navettes incessantes de Saïd Djinnit pour résoudre la crise et de son rôle dans les fameux Accords de Dakar qui ont permis la tenue des élections présidentielles du 18 juillet 2009.

Trois ans sont passés depuis, sans que Saïd Djinnit, Jean Ping ni aucun autre membre de la communauté internationale présent lors de la signature de ces fameux accords, ne reviennent en Mauritanie pour obliger la majorité à respecter le deuxième volet de ces accords relatifs au dialogue inclusif, que le président Aziz et ses partisans ont vite fait de ranger au placard alors que l’opposition n’a jamais cessé d’exiger son application.

Résultat, la Mauritanie est revenue au moment fort de la crise politique qui avait sévit avant la conclusion des Accords de Dakar. La crise s’est davantage creusé entre un pouvoir qui exige un dialogue politique sans conditions, et une opposition qui réclame la référence aux accords de Dakar.

En fait, l’opposition avait posé quelques conditions avant d’entamer le dialogue, dont deux essentiels, l’ouverture des médias d’Etat aux partis politiques et l’autorisation des marches pacifiques. Des conditions que la majorité a jugées contraignantes, avant de procéder à la partition de l’opposition, parvenant sans mal à mettre dans son escarcelle Messaoud Ould Boulkheïr, Boïdiel Ould Houmeïd et Abdessalam Ould Horma.

Ces trois leaders de l’opposition, qui acceptèrent les conditions du pouvoir, engagèrent avec ce dernier un dialogue dont les résultats continuent d’être réfutés par l’écrasante majorité de leurs anciens frères d’armes. Ces derniers, face aux manœuvres jugées dilatoires du pouvoir, comprirent que les Accords de Dakar ne seront jamais appliqués dans leur totalité et engagèrenti l’escalade. Désormais, ils ne réclament plus le dialogue, mais le départ du régime en place. Cette crise ouverte sous fond d’hostilité frisant la rupture, devient ainsi le catalyseur d’une révolution en germe qui a encore du mal à s’embraser.




Source:Cheikh Aïdara.