Ils se sont cherchés et ils se sont vite trouvés. François Hollande, en costume soyeux, d'une solennité un peu raide, Nicolas Sarkozy plus direct. Les duellistes se sont livrés aux premiers échanges à fleurets mouchetés, dans le débat du second tour de l'élection présidentielle, d'abord à travers leur mot d'introduction. L'occasion pour Hollande, qui parlait en premier, d'esquisser en creux une première critique du bilan de son adversaire en se présentant notamment comme «le président du rassemblement». «Pendant trop d'années, les Français ont été opposés les uns aux autres», assure le candidat socialiste. L'attaque n'échappe pas à Sarkozy qui, pour son introduction, juge la présentation de Hollande «assez classique. C'est ce qu'on dit à chaque débat, “je serai un président extraordinaire, et mon prédécesseur était nul”». L'affrontement se noue.
Chacun va alors rappeler à l'autre les insultes et quolibets essuyés durant la campagne. Le président sortant se félicite qu'il n'y ait eu aucune violence durant son quinquennat, aucune réforme retirée par la pression de la rue. Puis il attaque sur «l'esprit de rassemblement» qu'avait revendiqué son challenger en s'indignant qu'un candidat socialiste, Axel Kahn, ait comparé le rassemblement du Trocadéro «au congrès de Nuremberg». «Avez-vous condamné ce propos?» demande Nicolas Sarkozy, qui rappelle qu'il avait dénoncé les propos de l'UMP Lionnel Luca envers Valérie Trierweiler, la compagne de François Hollande. Puis le président-candidat égrène les comparaisons dont il a été l'objet: «Quand on m'a comparé à Franco, à Laval, à Pétain, et pourquoi pas à Hitler, vous n'avez pas dit un mot. Quand Mme Aubry me traite de Madoff -183 ans de prison- et que le leader de la famille ne dit rien, c'est qu'il cautionne.» Hollande se raidit. «Vous aurez du mal à passer pour une victime, pour un agneau, réplique-t-il. Vos amis m'ont comparé à je ne sais quel bestiaire, j'ai eu droit à tous les animaux des zoos, aux comparaisons les moins flatteuses.» Le socialiste s'arrête là dans l'accusation: «Vous pensez que j'ai cru que c'était vous (qui étiez à l'origine de ces accusations)?» ironise-t-il pour tenter de couper court à la passe d'armes.
Le débat devait faire apparaître les caractères, deux styles se dessinent: Hollande en héraut de la France apaisée, Sarkozy en candidat de l'authenticité, avouant qu'il veut «convaincre les indécis». Les stratégies de l'un et de l'autre commencent aussi à apparaître. Hollande veut systématiquement renvoyer Sarkozy à son bilan, notamment sur l'emploi. «Vous aviez dit que si le chômage ne descendait pas à 5%, ce serait un échec. C'est un échec», lance le socialiste. Sarkozy veut faire apparaître des ambiguïtés dans les positions de Hollande, notamment sur la lutte contre l'immigration clandestine. L'échange est particulièrement tendu. Tout au long de la soirée, le dérapage n'est jamais très loin: «mensonge», «calomnies»…
Puis le débat glisse sur un terrain plus technique: l'emploi, le chômage et la compétitivité. Sarkozy évoque la crise, le bilan des 35 heures, le manque d'implication des collectivités territoriales dirigées par la gauche. «Avec vous, c'est très simple, rétorque Hollande. Ce n'est jamais de votre faute. Vous avez toujours un bouc émissaire. Là, ce sont les régions, sur le chômage: “Ce n'est pas moi c'est la crise.”»
Mais pour Sarkozy, c'est aussi le moment de montrer à son adversaire toute l'attention qu'il a accordée aux débats de la primaire socialiste. Lorsque Hollande évoque sa proposition de créer un contrat de génération, Sarkozy lui assure être «d'accord avec Martine Aubry qui avait dit (…) que ça allait créer un effet d'aubaine considérable». Puis, un peu plus tard, alors que Hollande s'emploie à démonter la proposition de TVA sociale de son adversaire, ce dernier lui rétorque: «On se demande bien pourquoi votre propre porte-parole Manuel Valls en a fait son thème de campagne.» Hollande encaisse sans relever. Mais une demi-heure plus tard, lorsque Sarkozy lui propose de lui rappeler les sobriquets dont l'avait affublé Laurent Fabius, Hollande réplique: «Vous avez toujours un socialiste qui vous sert de référence.»
Match de l'expérience
Le débat se fait plus dense. Au fil des échanges, les empoignades se multiplient. Les interlocuteurs s'interrompent, s'interpellent, s'interrogent. À plusieurs reprises, Sarkozy aligne les chiffres, insiste sur les détails. Le président sortant se fait un malin plaisir de rappeler à Hollande qu'il est «depuis si longtemps éloigné des dossiers». Il se place ostensiblement sur le terrain de l'expérience et de la connaissance, en position de maître devant son élève: «Je vais me permettre de vous apprendre quelque chose», lance-t-il à Hollande, à propos de la TVA en Allemagne. Le candidat socialiste se rebiffe: «Ce n'est pas vous qui posez les questions et qui donnez les notes!» Sarkozy réplique: «Ce n'est pas quand ça fait mal qu'il faut protester.» Plus tard, les rôles s'inversent: c'est Hollande qui exige de Sarkozy de répondre sur le niveau des prélèvements obligatoires qui ont augmenté tout au long quinquennat. «Je ne vais pas répondre à votre question», élude le président, avant de se défendre: il a dû affronter la crise. La passe d'armes répétée rappelle l'échange Giscard-Mitterrand de 1981.
Ce match de l'expérience face à l'inexpérience se prolongera tout au long de l'émission. Ainsi, lors du débat sur la croissance. «Monsieur Hollande, j'ai créé, j'ai participé à tous les Conseils européens, je peux vous en parler.» «C'est normal, vous êtes président», réagit aussitôt Hollande. «M. Mitterrand aurait pu vous confier une responsabilité, vous avez été son collaborateur pendant dix ans», pique-t-il pour appuyer sur le point faible de son adversaire. «Vous croyez qu'il suffit d'arriver avec son petit costume, vous croyez que c'est facile de régler la crise de l'euro!», s'indigne Sarkozy
Chaque candidat est attaqué sur les principaux points de son programme. Nicolas Sarkozy sur la formation: pourquoi n'avoir rien fait plus tôt?, demande François Hollande. Quant au socialiste, c'est sur les 60.000 embauches dans l'Éducation nationale qu'il est titillé. Sarkozy lui reproche sa «folie dépensière». Réponse de Hollande: «Je protège les enfants de la République, vous, vous protégez les plus privilégiés.»
Autre dossier sensible, le nucléaire. Nicolas Sarkozy attaque sur la proposition de François Hollande de réduire la part de cette énergie. Ce dernier précise: il ne fermera qu'une centrale, celle de Fessenheim. Et il ajoute explicitement: «Je ne suis pas lié sur cette question avec les Verts», renvoyant la responsabilité de l'accord «à Martine Aubry». Le président candidat attaque: «Vous avez vendu les ouvriers de Fessenheim sur l'autel d'un accord misérable et politicien.» «Je n'accepte pas ce vocabulaire», réplique Hollande.
Mais c'est lorsque les duettistes abordent leur conception de la présidence de la République que le débat atteint son climax. Sarkozy commence en évoquant son expérience et la crise: «On ne peut pas s'en remettre aux vieilles lunes.» Le socialiste avait préparé ce passage: une longue tirade dont chaque phrase commence par: «Moi président de la République» et dont la suite est une déconstruction méthodique du style Sarkozy. La plus perfide: «Moi président de la République, je m'efforcerai d'avoir un comportement exemplaire.» Sarkozy ironise en disant avoir la larme à l'œil et le renvoie à sa prétention d'incarner un président normal. «Votre normalité n'est pas à la hauteur des enjeux.» Et l'échange se termine par des accusations autour de Dominique Strauss-Kahn. Sarkozy accuse Hollande d'avoir joué les «Ponce Pilate» en ne disant pas ce qu'il savait sur les affaires. Rarement un débat aura été aussi tendu.
Sarkozy: «C'est une calomnie! Un mensonge!»
Dans ses meetings, Nicolas Sarkozy n'a eu de cesse d'accuser François Hollande de «mensonge». Il a répété ce reproche, tout au long du débat. «Vous êtes toujours content de vous! Les Français le sont moins», a ironisé Hollande. «C'est un mensonge!», se défend Sarkozy. Le candidat PS poursuit: «Donc, vous êtes mécontent de vous, j'ai dû me tromper!» «Monsieur Hollande, ce n'est pas le concours de la petite blague», a rétorqué le président, qui, plus tard, s'est agacé de se voir reprocher d'avoir fait des «cadeaux aux riches». «C'est une calomnie, un mensonge!», s'indigne-t-il. Hollande rit, avant d'attaquer: «Vous ajoutez maintenant la calomnie au mensonge… Vous n'êtes pas capable de tenir un raisonnement sans être désagréable (…) et vous dites que vous êtes un président rassembleur?»
Chacun va alors rappeler à l'autre les insultes et quolibets essuyés durant la campagne. Le président sortant se félicite qu'il n'y ait eu aucune violence durant son quinquennat, aucune réforme retirée par la pression de la rue. Puis il attaque sur «l'esprit de rassemblement» qu'avait revendiqué son challenger en s'indignant qu'un candidat socialiste, Axel Kahn, ait comparé le rassemblement du Trocadéro «au congrès de Nuremberg». «Avez-vous condamné ce propos?» demande Nicolas Sarkozy, qui rappelle qu'il avait dénoncé les propos de l'UMP Lionnel Luca envers Valérie Trierweiler, la compagne de François Hollande. Puis le président-candidat égrène les comparaisons dont il a été l'objet: «Quand on m'a comparé à Franco, à Laval, à Pétain, et pourquoi pas à Hitler, vous n'avez pas dit un mot. Quand Mme Aubry me traite de Madoff -183 ans de prison- et que le leader de la famille ne dit rien, c'est qu'il cautionne.» Hollande se raidit. «Vous aurez du mal à passer pour une victime, pour un agneau, réplique-t-il. Vos amis m'ont comparé à je ne sais quel bestiaire, j'ai eu droit à tous les animaux des zoos, aux comparaisons les moins flatteuses.» Le socialiste s'arrête là dans l'accusation: «Vous pensez que j'ai cru que c'était vous (qui étiez à l'origine de ces accusations)?» ironise-t-il pour tenter de couper court à la passe d'armes.
Le débat devait faire apparaître les caractères, deux styles se dessinent: Hollande en héraut de la France apaisée, Sarkozy en candidat de l'authenticité, avouant qu'il veut «convaincre les indécis». Les stratégies de l'un et de l'autre commencent aussi à apparaître. Hollande veut systématiquement renvoyer Sarkozy à son bilan, notamment sur l'emploi. «Vous aviez dit que si le chômage ne descendait pas à 5%, ce serait un échec. C'est un échec», lance le socialiste. Sarkozy veut faire apparaître des ambiguïtés dans les positions de Hollande, notamment sur la lutte contre l'immigration clandestine. L'échange est particulièrement tendu. Tout au long de la soirée, le dérapage n'est jamais très loin: «mensonge», «calomnies»…
Puis le débat glisse sur un terrain plus technique: l'emploi, le chômage et la compétitivité. Sarkozy évoque la crise, le bilan des 35 heures, le manque d'implication des collectivités territoriales dirigées par la gauche. «Avec vous, c'est très simple, rétorque Hollande. Ce n'est jamais de votre faute. Vous avez toujours un bouc émissaire. Là, ce sont les régions, sur le chômage: “Ce n'est pas moi c'est la crise.”»
Mais pour Sarkozy, c'est aussi le moment de montrer à son adversaire toute l'attention qu'il a accordée aux débats de la primaire socialiste. Lorsque Hollande évoque sa proposition de créer un contrat de génération, Sarkozy lui assure être «d'accord avec Martine Aubry qui avait dit (…) que ça allait créer un effet d'aubaine considérable». Puis, un peu plus tard, alors que Hollande s'emploie à démonter la proposition de TVA sociale de son adversaire, ce dernier lui rétorque: «On se demande bien pourquoi votre propre porte-parole Manuel Valls en a fait son thème de campagne.» Hollande encaisse sans relever. Mais une demi-heure plus tard, lorsque Sarkozy lui propose de lui rappeler les sobriquets dont l'avait affublé Laurent Fabius, Hollande réplique: «Vous avez toujours un socialiste qui vous sert de référence.»
Match de l'expérience
Le débat se fait plus dense. Au fil des échanges, les empoignades se multiplient. Les interlocuteurs s'interrompent, s'interpellent, s'interrogent. À plusieurs reprises, Sarkozy aligne les chiffres, insiste sur les détails. Le président sortant se fait un malin plaisir de rappeler à Hollande qu'il est «depuis si longtemps éloigné des dossiers». Il se place ostensiblement sur le terrain de l'expérience et de la connaissance, en position de maître devant son élève: «Je vais me permettre de vous apprendre quelque chose», lance-t-il à Hollande, à propos de la TVA en Allemagne. Le candidat socialiste se rebiffe: «Ce n'est pas vous qui posez les questions et qui donnez les notes!» Sarkozy réplique: «Ce n'est pas quand ça fait mal qu'il faut protester.» Plus tard, les rôles s'inversent: c'est Hollande qui exige de Sarkozy de répondre sur le niveau des prélèvements obligatoires qui ont augmenté tout au long quinquennat. «Je ne vais pas répondre à votre question», élude le président, avant de se défendre: il a dû affronter la crise. La passe d'armes répétée rappelle l'échange Giscard-Mitterrand de 1981.
Ce match de l'expérience face à l'inexpérience se prolongera tout au long de l'émission. Ainsi, lors du débat sur la croissance. «Monsieur Hollande, j'ai créé, j'ai participé à tous les Conseils européens, je peux vous en parler.» «C'est normal, vous êtes président», réagit aussitôt Hollande. «M. Mitterrand aurait pu vous confier une responsabilité, vous avez été son collaborateur pendant dix ans», pique-t-il pour appuyer sur le point faible de son adversaire. «Vous croyez qu'il suffit d'arriver avec son petit costume, vous croyez que c'est facile de régler la crise de l'euro!», s'indigne Sarkozy
Chaque candidat est attaqué sur les principaux points de son programme. Nicolas Sarkozy sur la formation: pourquoi n'avoir rien fait plus tôt?, demande François Hollande. Quant au socialiste, c'est sur les 60.000 embauches dans l'Éducation nationale qu'il est titillé. Sarkozy lui reproche sa «folie dépensière». Réponse de Hollande: «Je protège les enfants de la République, vous, vous protégez les plus privilégiés.»
Autre dossier sensible, le nucléaire. Nicolas Sarkozy attaque sur la proposition de François Hollande de réduire la part de cette énergie. Ce dernier précise: il ne fermera qu'une centrale, celle de Fessenheim. Et il ajoute explicitement: «Je ne suis pas lié sur cette question avec les Verts», renvoyant la responsabilité de l'accord «à Martine Aubry». Le président candidat attaque: «Vous avez vendu les ouvriers de Fessenheim sur l'autel d'un accord misérable et politicien.» «Je n'accepte pas ce vocabulaire», réplique Hollande.
Mais c'est lorsque les duettistes abordent leur conception de la présidence de la République que le débat atteint son climax. Sarkozy commence en évoquant son expérience et la crise: «On ne peut pas s'en remettre aux vieilles lunes.» Le socialiste avait préparé ce passage: une longue tirade dont chaque phrase commence par: «Moi président de la République» et dont la suite est une déconstruction méthodique du style Sarkozy. La plus perfide: «Moi président de la République, je m'efforcerai d'avoir un comportement exemplaire.» Sarkozy ironise en disant avoir la larme à l'œil et le renvoie à sa prétention d'incarner un président normal. «Votre normalité n'est pas à la hauteur des enjeux.» Et l'échange se termine par des accusations autour de Dominique Strauss-Kahn. Sarkozy accuse Hollande d'avoir joué les «Ponce Pilate» en ne disant pas ce qu'il savait sur les affaires. Rarement un débat aura été aussi tendu.
Sarkozy: «C'est une calomnie! Un mensonge!»
Dans ses meetings, Nicolas Sarkozy n'a eu de cesse d'accuser François Hollande de «mensonge». Il a répété ce reproche, tout au long du débat. «Vous êtes toujours content de vous! Les Français le sont moins», a ironisé Hollande. «C'est un mensonge!», se défend Sarkozy. Le candidat PS poursuit: «Donc, vous êtes mécontent de vous, j'ai dû me tromper!» «Monsieur Hollande, ce n'est pas le concours de la petite blague», a rétorqué le président, qui, plus tard, s'est agacé de se voir reprocher d'avoir fait des «cadeaux aux riches». «C'est une calomnie, un mensonge!», s'indigne-t-il. Hollande rit, avant d'attaquer: «Vous ajoutez maintenant la calomnie au mensonge… Vous n'êtes pas capable de tenir un raisonnement sans être désagréable (…) et vous dites que vous êtes un président rassembleur?»