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Sénégal / Egypte : Anticiper sur les risques de débordements (Par Mamadou Mouth Bane)

Ce mardi 29 mars 2022, se tiendra le premier match officiel des Lions du Sénégal, champions d’Afrique de football, dans ce stade « Abdoulaye Wade ». Que de symboles !

Rencontre décisive aux enjeux multiples, dans un contexte sportif où les supporters sénégalais n’envisagent nullement l’absence de leur équipe nationale au «Qatar 2022». Ce serait un naufrage, une grosse erreur dans l’histoire du football, de voir les champions d’Afrique éliminés aux barrages, en terre sénégalaise.


Rédigé par leral.net le Lundi 28 Mars 2022 à 10:27 | | 0 commentaire(s)|

Sur le plan purement sportif, le match aller était plein d'enseignements face à des "Pharaons" peu sûrs d’eux et pourtant, bien à la portée des "Lions". Il faudra qu’Aliou Cissé sache déverrouiller le «bloc bas» égyptien et le blocage des couloirs qui empêche Ismaïla Sarr, Sadio Mané et Saliou Ciss, de faire des montées sur les ailes. Qu’il sache aussi inciter ses garçons à jouer sur les autres attaquants, lorsque «l’enfant de Bambali» est pris en tenaille par les défenseurs égyptiens, prompts à s’affaler sur la pelouse pendant les actions offensives, pour influencer l’arbitre à arrêter le jeu en progression dans leur zone.

Au-delà de l'enjeu sportif, des risques sécuritaires pèsent sur ce match retour, du fait de l'engouement qu'il draine au Sénégal et de l’immense espoir qu’il suscite dans les quartiers, les maisons, les lieux de travail, les places publiques, les réseaux sociaux, etc.

La jeunesse sénégalaise n’a pas encore digéré la défaite au Caire. La déception du premier match a cédé la place à un sentiment de vengeance, l'envie tenace d'en découdre, une volonté ferme de laver l'affront face aux Égyptiens qui ont usé de tous les moyens non conventionnels, pour remporter ce match.

La détermination des supporters sénégalais fait craindre le pire puisqu’ils cherchent à tout prix, à prendre leur revanche chez eux, à Diamniadio. Le comportement du banc égyptien, les harcèlements subis par l'arbitre de la part de Salah, la pression du public sur fond d’insultes, la lumière des lasers fixée sur les yeux des joueurs, surtout contre Edouard Mendy, pour l'empêcher de voir la balle, sont autant de faits et d’astuces regrettables, que les Sénégalais ont du mal à tolérer.

Voilà ce qui explique cette ambiance folle à hauts risques, d’avant-match qui va, sans nul doute déteindre sur le déroulement de la rencontre de ce mardi.

Demain, on risque de voir plus de lumières laser brandies par les supporters à partir des tribunes que de projecteurs dans le stade et ses alentours. La consigne de venir avec une petite torche, a été donnée par les supporteurs eux-mêmes. Lorsque les Sénégalais feront leur entrée dans le stade avec leurs lasers, cela pourrait susciter la réaction des officiels. Et la FIFA pourrait prendre des sanctions contre le Sénégal en cas de perturbations.

Certes, les Egyptiens braquaient leurs lasers sur les joueurs sénégalais, mais d’une insidieuse manière. Cette sale besogne était confiée à quelques personnes positionnées dans les tribunes, pour ne pas attirer l’attention des officiels de la FIFA.

L'une des grosses fautes de l'équipe nationale, de l'encadrement et du staff sénégalais, c'est de n'avoir pas provoqué l'arrêt du match pour dénoncer l'usage de ces torches par les supporters égyptiens contre les joueurs. Cette réaction allait créer un tollé dans les média à travers le monde et la FIFA aurait même pu prendre des sanctions contre l’Egypte. Mais malheureusement, la délégation sénégalaise, comme toujours, accepte tout, même l’inacceptable et encaisse tout en silence, même les buts hors-jeu.

La timidité compromettante du président de la Fédération, Me Augustin Senghor, du Capitaine des Lions Kalidou Koulibaly, de la star du groupe Sadio Mané et de l'entraîneur, porte préjudice au collectif. A chaque rencontre, les "Lions" subissent de l’injustice sans recours…

D’ores et déjà, on comprend pourquoi les "Lions" décrochent souvent la distinction de l'équipe la plus fair-play. Mais «trop bon, trop con» dit-on.

En plus du talent, le football, c'est aussi une bataille psychologique entre les acteurs, un jeu d’influence jusqu’aux pieds de l'arbitre. Les Egyptiens usent toujours de stratagèmes pour sortir de leur duel et il n’est pas rare de voir le petit Salah sautiller devant l’arbitre, pour l’influencer. Les joueurs sénégalais, eux, se perdent dans un fair-play léthargique, oubliant que l’enjeu, c’est la Coupe du monde.

Demain, le comportement des supporters sénégalais dépendra de celui des joueurs sur le terrain. Attention ! Ils sont capables du meilleur comme du pire.

Durant tout le week-end, les lieux de vente des billets du match ne désemplissaient pas. Ils étaient envahis, jusque tard dans la nuit du samedi au dimanche, par les supporters surexcités, presque en transes, lorsqu’ils commentaient le match aller. Pour la majeure partie, ce sont des jeunes âgés entre 20 et 35 ans, très déterminés à aller en «guerre» contre les "Pharaons".

Face à cette effervescence débordante, la première faille à éviter dans l'organisation, c'est la vente de plus de billets que de places réellement disponibles. Cela créerait des débordements aux alentours du stade et de la frustration, qui sera difficile à canaliser par les Forces de l’ordre, comme ce fut le cas lors de l'inauguration. Ainsi, il sera impossible de contenir la colère des jeunes qui, malgré les billets qu’ils ont achetés, seront condamnés à suivre les dribbles de Sadio Manè dans la savane de Diamniadio balayée par un vent glacial, avec leurs téléphones portables ou leurs postes radios. Ils n'hésiteraient pas alors, à manifester leur mécontentement par des casses, des saccages, à brûler des biens publics et à affronter les Forces de l’ordre.

Ensuite, dans le stade, l'ambiance sera électrique. C'est une lapalissade de dire que les supporters qui ont cassé la tirelire pour acheter un ticket d’entrée, payer le transport jusqu’à Diamniadio, en plus du péage, n'épargneront rien pour pousser les "Lions" à la victoire finale.

Ils chanteront, ils danseront, ils jubileront, tant qu'ils verront Sadio et ses frères dominer le jeu, en marquant des buts, surtout à l’entame de la rencontre. C’est dans ce cas seulement qu’ils seront généreux en mots et en actions élogieux à l’égard des onze. Rien ne sera de trop pour exprimer leur joie, et la mélodie de «bodio bodio yi» sera certainement leur hymne préféré durant cette rencontre.

Cependant, le problème majeur, c'est que les supporters sénégalais admettent difficilement les contre-performances des "Lions". Ils réagissent virulemment à la dimension de l'admiration qu'ils portent pour leur équipe.

Certes, la Fédération pourra bien compter sur le public, toutefois une défaite ou la non-qualification des "Lions" au Mondial, aura l'effet d'une bombe à travers le pays mais surtout à «Diamniadio».

Premier match officiel au stade «Abdoulaye Wade », première élimination au Mondial», absence des champions d’Afrique au Qatar, les jeunes l’accepteraient difficilement. Pour les Forces de l’ordre, il faudra mettre en place un dispositif spécial, afin de gérer les mouvements de foule en cas de victoire, tout comme en cas d’élimination.

Ces millions de jeunes Sénégalais qui ont accompagné l'équipe nationale lors de son retour de Cameroun dans les rues de Dakar pendant 7h de temps, de l'aéroport au palais de la République, constituent une force dynamique qu’il faudra encadrer lors de ce match.

L’expérience a montré que face à la déception, à l’échec, ces jeunes perdent la raison et deviennent violents. Il faudra également tenir compte des délinquants qui vont se fondre dans la masse, pour effectuer des opérations dans le stade, ses alentours, sur les routes du retour et peut-être même, dans certains quartiers. L’autoroute doit être éclairée alors avant le jour du match, de même que toutes les voies qui mènent vers le stade, avec une présence dissuasive des forces de sécurité.

Des émeutes dans les rues de Dakar, des casses au stade, des manifestations ne sont pas à écarter. Du fait que cette jeunesse qui avait accueilli les "Lions" en grande pompe, est un monstre à plusieurs visages. Récemment, à cause de la colère des supporters, les « Nawétanes » ont été suspendus sur toute l’étendue du territoire, des lutteurs sanctionnés, des pelouses saccagés, des stades fermés et des jeunes envoyés en prison.

Les Sénégalais veulent continuer leur rêve du 6 février 2022. Pour eux, l’euphorie collective, la joie du Peuple uni derrière les "Lions", ne doivent pas être abrégées par cette même équipe qu'ils ont battue, il y a quelques semaines. Les supporters sénégalais n’envisagent pas l'absence des "Lions" au Mondial.

Il va falloir alors anticiper sur tout. En commençant d’abord par la sécurité des deux équipes, des officiels et des autorités, qui feront le déplacement.

Il est de la responsabilité de la Fédération et du Ministère des Sports, de sensibiliser les supporters afin d'éviter des débordements, quelle que soit l’issue du match. On se rappelle une rencontre entre le Sénégal et la Gambie en 2008, au stade Léopold Sedar Senghor, lorsque le bus d'El Hadji Diouf et ses coéquipiers a été caillassé par des supporters déçus, qui avaient du mal à accepter de voir la petite équipe gambienne tenir en échec les finalistes de 2002. Le scénario de l’équipe du Togo de Adebayor reste encore frais dans les mémoires.

La passion du football a souvent des conséquences dramatiques sur les jeunes. Ce n’est pas le propre des Sénégalais, car le vendredi dernier, des supporters camerounais ont voulu lyncher Samuel Eto'o, président de la Fecafoot après la défaite des «Lions indomptables» face à l'Algérie.

Alors, ce match retour est un évènement à risques majeurs. Les cartels de la délinquance urbaine et de la criminalité organisée, y trouvent une aubaine pour faire de bonnes affaires, à quelques jours du mois de Ramadan. Surtou,t lorsqu’on sait que le stade se situe à proximité de la grande banlieue dakaroise, où la pauvreté est la chose la mieux partagée et la délinquance est rangée dans le registre des actes de bravoure.

Les Forces de sécurité doivent redoubler de vigilance. De plus, il faudra que toutes les dispositions soient prises avant, pendant et après la rencontre, dans le stade, ses alentours, sur l'autoroute, sur les routes secondaires et dans certains quartiers de Dakar.

Prions pour une belle qualification des "Lions" au Mondial, qui annihilerait certainement tout risque de débordement après le match.

«Manko Utti Ndamli !»

Mamadou Mouth Bane