« 50 ans après notre Indépendance, les musiciens changent mais c’est toujours la même musique, constate amer Thiat, l’un des membres du groupe Keur Gui. Les deniers publics sont gaspillés et les populations laissées en rade ». Les promesses de l’Alternance et du candidat Abdoulaye Wade semblent loin. Confrontés au chômage de masse, à l’envolée des prix des denrées de première nécessité et aux innombrables coupures de courant, les « Sénégalériens » déchantent. Faute de canalisations dans de nombreux quartiers, les eaux de pluie envahissent chaque été les maisons dont beaucoup ont fini par être abandonnées par une population livrée à son triste sort. « C’est nous, les jeunes, qui avons changé le régime, se souvient l’artiste. En tant que rappeurs, nous avions poussé les gens à aller voter. Nous avons fait élire Wade ! »
« Wade promettait des emplois pour les jeunes, mais il a transformé le pays en PME », ironisent les Sénégalais. Comprenez Papa, Maman et les Enfants. Plus les années passent, plus l’omniprésence de la famille présidentielle se fait sentir dans les affaires de l’Etat. « Gorgui » (« le vieux » en wolof), 86 ans, a d’ores et déjà annoncé sa candidature à la présidentielle de 2012 mais beaucoup le soupçonne de vouloir laisser le pouvoir à son fils Karim, ministre d’Etat, ministre de la Coopération internationale, des Transports aériens, des Infrastructures et de l’Energie. De son côté, la première dame gère une fondation alors que leur fille Syndiely, conseillère spéciale auprès de son père, était déléguée générale adjointe du troisième Festival mondial des arts nègres (Fesman), qui s’est tenu en décembre à Dakar dans l’opacité financière la plus totale.
Après avoir créé en janvier le mouvement citoyen « Y en a marre », le groupe Keur Gui, originaire de Kaolack, au centre du pays, annonce mercredi lors d’une conférence de presse improvisée dans une librairie son intention d’organiser une manifestation le 19 mars. « Même s’il y a une frange de la population qui veut s’approprier cette date, le 19 mars appartient aux Sénégalais », rappelle Thiat. D’ici là, le mouvement « Y en a marre » entend sillonner Dakar et sa banlieue à travers des concerts mobiles et faire signer un maximum de « plaintes contre le gouvernement du Sénégal » à ses habitants.
« Nous aussi les rappeurs, il fallait qu’on fasse quelque chose »
« On était là, à boire le thé comme d’habitude, raconte Thiat. Ce jour-là, y avait pas eu de courant de toute la journée. On parlait de ces vieillards de Guediawaye qui s’étaient levés (un collectif d’imams avait appelé au boycott des factures de courant). On s’est dit que nous aussi les rappeurs, il fallait qu’on fasse quelque chose. » « Y en a marre » décide alors de profiter du Forum social mondial, qui s’est tenu début février dans la capitale sénégalaise, et de la présence de la presse étrangère pour se faire connaître. « Le Forum nous a permis d’exposer le raz le bol des Sénégalais », raconte Thiat. En une matinée seulement à l’Université Cheikh Anta Diop, lieu de rassemblement des altermondialistes, 5000 personnes adhèrent au mouvement. « Beaucoup de gens nous disaient : on attendait que ça », confie Fadel Barro, l’un des initiateurs.
Une dizaine de rappeurs interpellés
Samedi matin, à une dizaine, ils prennent la route de Rufisque pour donner le coup d’envoi de la tournée de sensibilisation de « Y en a marre ». La veille, ils ont cotisé pour réunir les 150.000 francs CFA (environ 230 €) nécessaires à la location du camion et du groupe électrogène. La sono est prêtée par un animateur radio. Arrivés devant l’hôtel de ville de Rufisque, ils branchent les enceintes et commencent à distribuer les plaintes aux populations. « Les élèves, les marchands ambulants, les mécaniciens, tout le monde a suivi », sourit Thiat. Les 500 copies prévues pour la journée sont signées en trente minutes...
Tant mieux car la police aussi est au rendez-vous. Les organisateurs acceptent de mettre fin au rassemblement et de suivre le commissaire au poste. Au téléphone ou via les réseaux sociaux, la nouvelle se répand comme une traînée de poudre : Keur Gui et d’autres rappeurs ont été interpellés. Pendant quatre heures, la jeunesse sénégalaise s’indigne. « Les policiers ont eu un discours conciliant, rassure Thiat. Ils font leur boulot, mais on sent que quelque part ils nous soutiennent. » « Le hip-hop galsen fait trembler le pouvoir, commente Amadou Fall Ba, directeur du festival Festa 2H et de l’association Africulturban basée à Pikine en banlieue. Les Sénégalais s’identifient facilement aux artistes engagés alors que le métier d’homme politique se décrédibilise de jour en jour. On mobilise plus que n’importe quel parti et sans payer personne ni distribuer des tee-shirts ou des sandwichs. » À un an des Présidentielles, le mouvement « Y en a marre » n’a sans doute pas fini de faire parler de lui.
Le myspace de Keur Gui
« Wade promettait des emplois pour les jeunes, mais il a transformé le pays en PME », ironisent les Sénégalais. Comprenez Papa, Maman et les Enfants. Plus les années passent, plus l’omniprésence de la famille présidentielle se fait sentir dans les affaires de l’Etat. « Gorgui » (« le vieux » en wolof), 86 ans, a d’ores et déjà annoncé sa candidature à la présidentielle de 2012 mais beaucoup le soupçonne de vouloir laisser le pouvoir à son fils Karim, ministre d’Etat, ministre de la Coopération internationale, des Transports aériens, des Infrastructures et de l’Energie. De son côté, la première dame gère une fondation alors que leur fille Syndiely, conseillère spéciale auprès de son père, était déléguée générale adjointe du troisième Festival mondial des arts nègres (Fesman), qui s’est tenu en décembre à Dakar dans l’opacité financière la plus totale.
Après avoir créé en janvier le mouvement citoyen « Y en a marre », le groupe Keur Gui, originaire de Kaolack, au centre du pays, annonce mercredi lors d’une conférence de presse improvisée dans une librairie son intention d’organiser une manifestation le 19 mars. « Même s’il y a une frange de la population qui veut s’approprier cette date, le 19 mars appartient aux Sénégalais », rappelle Thiat. D’ici là, le mouvement « Y en a marre » entend sillonner Dakar et sa banlieue à travers des concerts mobiles et faire signer un maximum de « plaintes contre le gouvernement du Sénégal » à ses habitants.
« Nous aussi les rappeurs, il fallait qu’on fasse quelque chose »
« On était là, à boire le thé comme d’habitude, raconte Thiat. Ce jour-là, y avait pas eu de courant de toute la journée. On parlait de ces vieillards de Guediawaye qui s’étaient levés (un collectif d’imams avait appelé au boycott des factures de courant). On s’est dit que nous aussi les rappeurs, il fallait qu’on fasse quelque chose. » « Y en a marre » décide alors de profiter du Forum social mondial, qui s’est tenu début février dans la capitale sénégalaise, et de la présence de la presse étrangère pour se faire connaître. « Le Forum nous a permis d’exposer le raz le bol des Sénégalais », raconte Thiat. En une matinée seulement à l’Université Cheikh Anta Diop, lieu de rassemblement des altermondialistes, 5000 personnes adhèrent au mouvement. « Beaucoup de gens nous disaient : on attendait que ça », confie Fadel Barro, l’un des initiateurs.
Une dizaine de rappeurs interpellés
Samedi matin, à une dizaine, ils prennent la route de Rufisque pour donner le coup d’envoi de la tournée de sensibilisation de « Y en a marre ». La veille, ils ont cotisé pour réunir les 150.000 francs CFA (environ 230 €) nécessaires à la location du camion et du groupe électrogène. La sono est prêtée par un animateur radio. Arrivés devant l’hôtel de ville de Rufisque, ils branchent les enceintes et commencent à distribuer les plaintes aux populations. « Les élèves, les marchands ambulants, les mécaniciens, tout le monde a suivi », sourit Thiat. Les 500 copies prévues pour la journée sont signées en trente minutes...
Tant mieux car la police aussi est au rendez-vous. Les organisateurs acceptent de mettre fin au rassemblement et de suivre le commissaire au poste. Au téléphone ou via les réseaux sociaux, la nouvelle se répand comme une traînée de poudre : Keur Gui et d’autres rappeurs ont été interpellés. Pendant quatre heures, la jeunesse sénégalaise s’indigne. « Les policiers ont eu un discours conciliant, rassure Thiat. Ils font leur boulot, mais on sent que quelque part ils nous soutiennent. » « Le hip-hop galsen fait trembler le pouvoir, commente Amadou Fall Ba, directeur du festival Festa 2H et de l’association Africulturban basée à Pikine en banlieue. Les Sénégalais s’identifient facilement aux artistes engagés alors que le métier d’homme politique se décrédibilise de jour en jour. On mobilise plus que n’importe quel parti et sans payer personne ni distribuer des tee-shirts ou des sandwichs. » À un an des Présidentielles, le mouvement « Y en a marre » n’a sans doute pas fini de faire parler de lui.
Le myspace de Keur Gui