Plus un jour sans que les Senkaku, ce minuscule archipel coincé entre les côtes japonaises et chinoises, fassent l'objet d'une démonstration de force. Vendredi, six bateaux des gardes-côtes chinois sont entrés dans les eaux territoriales nippones, au large des Senkaku. Samedi, l'ambassade du Japon à Pékin a essuyé l'ire de foules chinoises. Des manifestations d'une ampleur inédite depuis la normalisation des relations entre le Japon et la Chine en 1972.
À l'époque, lorsque le premier ministre japonais Kakuei Tanaka avait demandé à son homologue chinois, Zhou Enlai, ce qu'il pensait de la question des Senkaku, ce dernier avait répondu: «N'en parlons pas, on verra plus tard.» Quarante ans plus tard, on ne parle que de cela. Ces cinq îlots font depuis des semaines la une des quotidiens japonais. Annexés en 1895 par le Japon, ils sont contestés depuis les années 1970 par leurs voisins chinois et taïwanais. Ulcéré par les intrusions répétées de bateaux de pêche et militaires chinois, le maire de Tokyo, Shintaro Ishihara, a lancé en avril une collecte de fonds pour les racheter à leur propriétaire japonais. Les 14 millions d'euros qu'il a récoltés en quelques mois montrent à quel point les Japonais sont sensibles au sujet. Craignant que la situation ne s'envenime, le gouvernement les a finalement préemptées, rallumant la colère de Pékin.
Les Senkaku ont un intérêt davantage diplomatique qu'économique pour le Japon. «Le Japon se targue d'avoir devancé par son État-nation ses voisins chinois et coréen encore empêtrés dans leur féodalisme, pour intégrer administrativement et juridiquement, dès la fin du XIXe siècle, le pourtour de la périphérie insulaire, posant ainsi en germe les discordes futures», explique l'historien Christian Kessler, spécialiste de l'histoire japonaise. Cette énième dispute a fait basculer l'Archipel dans une crise avec son immense voisin. Les relations entre la Chine et le Japon sont entrecoupées d'affrontements publics, de temps court, et de raccommodements privés, de temps long.
Un solide contre-pouvoir
Leurs relations commerciales, les flots bilatéraux de touristes, d'échanges culturels, d'aides au développement semblent cimenter les relations entre les deux puissances, mais ce vernis craque régulièrement pour des disputes territoriales et historiques. Ce d'autant que pour les Senkaku, le Japon ne peut pas compter sur l'Oncle Sam comme arbitre. «La Chine, contrairement à la Corée du Sud, ne vit pas sous la tutelle américaine. Libre de ses mouvements, décomplexée, elle n'a de comptes à rendre qu'à elle-même», note un lobbyiste. Le Japon paiera cher cette nouvelle querelle. La Chine, avec qui elle ne déplore qu'un petit déficit commercial, est son premier partenaire économique. Elle est à la fois son fournisseur et son marché d'avenir. Déjà, les principales agences de voyage chinoises annulent leurs offres pour le Japon.
Ces crises ont un seul avantage: elles font du Japon, de fait, le plus solide contre-pouvoir à la volonté hégémonique de la Chine qui, de plus en plus, ulcère ses voisins et inquiète les chancelleries occidentales. À cet égard, l'Archipel peut compter sur le soutien tacite de l'Amérique et la sympathie d'une partie de l'Asie du Sud-Est. Il s'est récemment adjoint la bienveillance de Laurent Fabius, «qui a bien connu les Japonais sous Mitterrand», comme le rappelle un diplomate. Hélas, la confusion entretenue par Tokyo entre ses revendications territoriales et sa responsabilité dans le saccage de la Chine pendant la Seconde Guerre mondiale le prive d'un soutien international entier.
Par Régis Arnaud
À l'époque, lorsque le premier ministre japonais Kakuei Tanaka avait demandé à son homologue chinois, Zhou Enlai, ce qu'il pensait de la question des Senkaku, ce dernier avait répondu: «N'en parlons pas, on verra plus tard.» Quarante ans plus tard, on ne parle que de cela. Ces cinq îlots font depuis des semaines la une des quotidiens japonais. Annexés en 1895 par le Japon, ils sont contestés depuis les années 1970 par leurs voisins chinois et taïwanais. Ulcéré par les intrusions répétées de bateaux de pêche et militaires chinois, le maire de Tokyo, Shintaro Ishihara, a lancé en avril une collecte de fonds pour les racheter à leur propriétaire japonais. Les 14 millions d'euros qu'il a récoltés en quelques mois montrent à quel point les Japonais sont sensibles au sujet. Craignant que la situation ne s'envenime, le gouvernement les a finalement préemptées, rallumant la colère de Pékin.
Les Senkaku ont un intérêt davantage diplomatique qu'économique pour le Japon. «Le Japon se targue d'avoir devancé par son État-nation ses voisins chinois et coréen encore empêtrés dans leur féodalisme, pour intégrer administrativement et juridiquement, dès la fin du XIXe siècle, le pourtour de la périphérie insulaire, posant ainsi en germe les discordes futures», explique l'historien Christian Kessler, spécialiste de l'histoire japonaise. Cette énième dispute a fait basculer l'Archipel dans une crise avec son immense voisin. Les relations entre la Chine et le Japon sont entrecoupées d'affrontements publics, de temps court, et de raccommodements privés, de temps long.
Un solide contre-pouvoir
Leurs relations commerciales, les flots bilatéraux de touristes, d'échanges culturels, d'aides au développement semblent cimenter les relations entre les deux puissances, mais ce vernis craque régulièrement pour des disputes territoriales et historiques. Ce d'autant que pour les Senkaku, le Japon ne peut pas compter sur l'Oncle Sam comme arbitre. «La Chine, contrairement à la Corée du Sud, ne vit pas sous la tutelle américaine. Libre de ses mouvements, décomplexée, elle n'a de comptes à rendre qu'à elle-même», note un lobbyiste. Le Japon paiera cher cette nouvelle querelle. La Chine, avec qui elle ne déplore qu'un petit déficit commercial, est son premier partenaire économique. Elle est à la fois son fournisseur et son marché d'avenir. Déjà, les principales agences de voyage chinoises annulent leurs offres pour le Japon.
Ces crises ont un seul avantage: elles font du Japon, de fait, le plus solide contre-pouvoir à la volonté hégémonique de la Chine qui, de plus en plus, ulcère ses voisins et inquiète les chancelleries occidentales. À cet égard, l'Archipel peut compter sur le soutien tacite de l'Amérique et la sympathie d'une partie de l'Asie du Sud-Est. Il s'est récemment adjoint la bienveillance de Laurent Fabius, «qui a bien connu les Japonais sous Mitterrand», comme le rappelle un diplomate. Hélas, la confusion entretenue par Tokyo entre ses revendications territoriales et sa responsabilité dans le saccage de la Chine pendant la Seconde Guerre mondiale le prive d'un soutien international entier.
Par Régis Arnaud