Tokyo
Jour de liesse pour la droite japonaise. Le Parti libéral-démocrate, la principale force d'opposition au Japon, a porté à sa tête mercredi Shinzo Abe, le plus nationaliste et négationniste de ses membres. L'impopularité de la majorité actuelle est si forte qu'il pourrait devenir premier ministre d'ici à quelques mois. Shinzo Abe, 58 ans, a déjà l'expérience du pouvoir. En 2006, le populaire chef du gouvernement Junichiro Koizumi en avait fait son dauphin lorsqu'il avait quitté le pouvoir. Mais après avoir été le plus jeune premier ministre du Japon d'après-guerre, il avait piteusement démissionné au bout d'un an, invoquant des problèmes de santé. «Il est difficile de croire qu'il soit de retour après son expérience du pouvoir si désastreuse, marquée par un programme d'extrême droite, peu en phase avec l'opinion», estime Gerald Curtis, de l'université Columbia, spécialiste de la politique japonaise.
Le gouvernement doit annoncer la tenue d'élections législatives d'ici à l'été prochain. Elles pourraient avoir lieu dans quelques mois. Shinzo Abe est de ces hommes politiques japonais qui regrettent que leur pays ait perdu la Seconde Guerre mondiale. Pour lui, l'armée impériale ne fut pas responsable des réseaux de prostitution qui alimentèrent en «femmes de réconfort» sud-coréennes et chinoises les troupes déployées en Asie-Pacifique pendant la guerre. Il semble même ne plus se sentir lié par la «déclaration Kono», du nom du ministre des Affaires étrangères qui, en 1993, avait sans ambiguïté reconnu la responsabilité du Japon dans ces réseaux. Pour faire bonne mesure, il se rend chaque année au sanctuaire shinto nationaliste Yasukuni, dont le «musée» Yushukan, qui absout le Japon de tout crime de guerre, demeure un objet de scandale dans le monde entier. Abe souhaite enfin réviser la Constitution pour en ôter l'article 9, qui a condamné le pays au pacifisme après 1947. Il plaide pour une plus grande implication des Forces d'autodéfense nippones dans les conflits internationaux.
Nationalisme assumé
Le retour en grâce de Shinzo Abe a lieu à un moment de tension très forte entre le Japon et ses voisins, en particulier la Chine. La question de la souveraineté des Senkaku, ce chapelet d'îlots occupé par le Japon mais revendiqué par la Chine et Taïwan, donne lieu chaque jour depuis des semaines à des passes d'armes entre garde-côtes, pêcheurs et militaires dans les eaux alentours. Mardi, bateaux nippons et taïwanais se sont mutuellement tirés dessus au canon à eau. Les ministres des Affaires étrangères japonais et chinois se sont rencontrés à New York pour évoquer le différend mardi soir, mais chacun campe sur ses positions. Au sol, en Chine et au Japon, ont eu lieu émeutes et manifestations contre la population du pays opposé. Un tel contexte donne toute latitude à Shinzo Abe pour embarquer le pays vers un nationalisme assumé. Pour remporter l'élection interne de son parti, il a employé le ton le plus martial de tous les candidats. En 2006, il avait été obligé de se restreindre en raison de la pression des États-Unis, garde-fou de l'Archipel. Il n'aura peut-être plus les mêmes pudeurs.
Par Régis Arnaud
Jour de liesse pour la droite japonaise. Le Parti libéral-démocrate, la principale force d'opposition au Japon, a porté à sa tête mercredi Shinzo Abe, le plus nationaliste et négationniste de ses membres. L'impopularité de la majorité actuelle est si forte qu'il pourrait devenir premier ministre d'ici à quelques mois. Shinzo Abe, 58 ans, a déjà l'expérience du pouvoir. En 2006, le populaire chef du gouvernement Junichiro Koizumi en avait fait son dauphin lorsqu'il avait quitté le pouvoir. Mais après avoir été le plus jeune premier ministre du Japon d'après-guerre, il avait piteusement démissionné au bout d'un an, invoquant des problèmes de santé. «Il est difficile de croire qu'il soit de retour après son expérience du pouvoir si désastreuse, marquée par un programme d'extrême droite, peu en phase avec l'opinion», estime Gerald Curtis, de l'université Columbia, spécialiste de la politique japonaise.
Le gouvernement doit annoncer la tenue d'élections législatives d'ici à l'été prochain. Elles pourraient avoir lieu dans quelques mois. Shinzo Abe est de ces hommes politiques japonais qui regrettent que leur pays ait perdu la Seconde Guerre mondiale. Pour lui, l'armée impériale ne fut pas responsable des réseaux de prostitution qui alimentèrent en «femmes de réconfort» sud-coréennes et chinoises les troupes déployées en Asie-Pacifique pendant la guerre. Il semble même ne plus se sentir lié par la «déclaration Kono», du nom du ministre des Affaires étrangères qui, en 1993, avait sans ambiguïté reconnu la responsabilité du Japon dans ces réseaux. Pour faire bonne mesure, il se rend chaque année au sanctuaire shinto nationaliste Yasukuni, dont le «musée» Yushukan, qui absout le Japon de tout crime de guerre, demeure un objet de scandale dans le monde entier. Abe souhaite enfin réviser la Constitution pour en ôter l'article 9, qui a condamné le pays au pacifisme après 1947. Il plaide pour une plus grande implication des Forces d'autodéfense nippones dans les conflits internationaux.
Nationalisme assumé
Le retour en grâce de Shinzo Abe a lieu à un moment de tension très forte entre le Japon et ses voisins, en particulier la Chine. La question de la souveraineté des Senkaku, ce chapelet d'îlots occupé par le Japon mais revendiqué par la Chine et Taïwan, donne lieu chaque jour depuis des semaines à des passes d'armes entre garde-côtes, pêcheurs et militaires dans les eaux alentours. Mardi, bateaux nippons et taïwanais se sont mutuellement tirés dessus au canon à eau. Les ministres des Affaires étrangères japonais et chinois se sont rencontrés à New York pour évoquer le différend mardi soir, mais chacun campe sur ses positions. Au sol, en Chine et au Japon, ont eu lieu émeutes et manifestations contre la population du pays opposé. Un tel contexte donne toute latitude à Shinzo Abe pour embarquer le pays vers un nationalisme assumé. Pour remporter l'élection interne de son parti, il a employé le ton le plus martial de tous les candidats. En 2006, il avait été obligé de se restreindre en raison de la pression des États-Unis, garde-fou de l'Archipel. Il n'aura peut-être plus les mêmes pudeurs.
Par Régis Arnaud