En effet s’il y a un domaine qui jusque-là n’a pas imprimé ses marques après l’alternance de 2000, c’est bien celui de la solidarité nationale. L’on pourrait même parler de détournement d’objectif. Mise en œuvre depuis 2003, la stratégie de solidarité nationale devait s’inspirer du modèle tunisien en vue d’aider les couches sociales vivant dans des conditions de précarité. Ce modèle visait à :
-créer des villages de solidarité en ciblant des zones pauvres et enclavées
-améliorer les conditions des habitants de ces villages;
-assurer une base économique dans ces villages par le biais de projets générateurs de revenus
-alimenter le fonds de solidarité à travers trois sources principales : l’État, les citoyens et les entreprises.
Malheureusement ce modèle n’a toujours pas été exécuté tel que conçu et pratiqué en Tunisie. Le Sénégal l’a mal adapté dans son contexte. À la limite, le gouvernement hérita même les tares du système tunisien que le docteur en économie politique Beatrice Hibou, directeur du CNRS appelait une gestion clientéliste de la ressource. Selon ce spécialiste il n’a eu en Tunisie ni grille de répartition des ressources, ni évaluation des actions menées, ce qui laisse craindre, plus qu'une non redistribution effective, une gestion clientéliste des ressources. La solidarité est instrumentalisée dans ce pays par le pouvoir, afin de renforcer son contrôle sur la population, en déterminant les « bons » et les « mauvais » pauvres, en canalisant les pratiques de charité, en renforçant le quadrillage de la société par le parti dont les cellules locales sont notamment chargées d'identifier les récipiendaires.
L’analyse de la situation au Sénégal donne ainsi le même scenario. La solidarité nationale et ses fonds n’ont servi qu’à une clientèle particulière. Pourtant une bonne dynamique était enclenchée au départ, notamment avec le premier et lucratif téléthon organisé par Farba Senghor, à l’époque ministre délégué à la solidarité nationale. Téléthon qui, jusque-là n’a jamais fait l’objet de bilan. Ne serait-ce qu’informer les sénégalais donateurs sur les destinations de leurs contributions.
Des sénégalais affirmaient à juste raison qu’ils ne contribueraient plus si le téléthon ou autres moyens de collecte étaient menés. L’ancien régime venait de briser un élan, un esprit noble qui en réalité, avait réactivé les réseaux traditionnels de solidarité qui faisaient partie de nos valeurs sociales. Des mains inexpertes ou même des prédateurs se sont emparés du secteur en le détournant de sa mission première. Des mains qui sont allées jusqu’à séparer la solidarité nationale de l’Action sociale au point de se substituer à celle-ci. Alors qu’en réalité, elle n’est qu’une composante, une stratégie. En effet la solidarité nationale n’est qu’une forme de réactivation ou de remodélisation de l’Aide sociale primitive toujours mis en œuvre par la Direction de l’Action sociale (DAS).
Telle que appliqué sous le régime de Wade, la solidarité nationale a littéralement délaissé ses ambitions premières en se focalisant sur deux approches :
-une approche de prévention tertiaire notamment la réduction des conséquences ou séquelles d’une catastrophe (incendie, noyade, naufrage etc), ou d’un drame social.
-la distribution de vivres aux personnes et organisations dans le besoins.
Ces pratiques ont été sélectives et sectaires. Pire, elles se sont opérées loin des sphères techniques déconcentrées de l’État (Centres de Promotion et de réinsertion sociale) et avec des pilotages à vue.
Aujourd’hui tirer le bilan du passé permet de mieux faire. Et si le nouveau président de la république veut s’inscrire dans une rupture totale avec les pratiques anciennes, il doit tirer le bilan du passé, éviter les errements, imprimer un travail collégial des différentes entités qui tournent autour de la solidarité nationale. Ces entités sont :
-la délégation nationale à la protection sociale et à la solidarité
-le ministère de la santé qui abrite le fonds de solidarité national
-la direction générale de l’Action sociale qui s’occupe des couches sociales vulnérables et des maladies chroniques.
Le gouvernement y gagnerait en efficience et efficacité. Aussi l’évaluation sera-t-elle plus facile et les résultats plus probants. Il s’agit dans ces conditions de :
- privilégier la prévention primaire (anticipation sur les éventuels problèmes) pour minimiser les interventions sur le tertiaire (réparation des dégâts).
-travailler à la réduction des méfaits de la pauvreté et de la précarité en focusant sur les plus vulnérables (bourses et appui scolaire aux enfants issus de familles pauvres, prise en charge des enfants de la rue et orphelins aux personnes handicapées etc).
-Appuyer les plus vulnérables (femmes et personnes âgées en situation de pauvreté) dans les domaines de la santé maternelle, infantile et des maladies chroniques.
Pour y arriver le gouvernement doit privilégier:
- la mise en place d’un « Observatoire sociale » qui, en permanence fait le diagnostic social et zoomer sur les problèmes saillants relatifs à la précarité afin de diligenter des solutions d’urgence efficaces et durables. Dans ces conditions, la solidarité nationale épousera réellement les contours de protection sociale. De cet « Observatoire sociale » naîtraient certainement des résolutions qui pourraient aider l’Etat à asseoir une politique et un programme national d’Action sociale et de solidarité nationale efficace et durable.
-activer des réseaux traditionnels de solidarité (valeurs sociales en état de latence à cause des crises économiques et le développement de l’individualisme).
-Réactiver l’élan unitaire de solidarité brisé par l’ancien régime
-asseoir une politique cohérente de collecte et de gestions des fonds ciblant des donateurs nationaux (travailleurs, citoyens, Entreprises) et étrangers.
En tant que travailleur social, porter la réflexion aux nouvelles autorités est un devoir, sinon, le silence ne serait pas d’or mais plutôt… coupable.
Alioune SECK,
Université de Montréal
Département Médecine sociale et préventive/Canada
-créer des villages de solidarité en ciblant des zones pauvres et enclavées
-améliorer les conditions des habitants de ces villages;
-assurer une base économique dans ces villages par le biais de projets générateurs de revenus
-alimenter le fonds de solidarité à travers trois sources principales : l’État, les citoyens et les entreprises.
Malheureusement ce modèle n’a toujours pas été exécuté tel que conçu et pratiqué en Tunisie. Le Sénégal l’a mal adapté dans son contexte. À la limite, le gouvernement hérita même les tares du système tunisien que le docteur en économie politique Beatrice Hibou, directeur du CNRS appelait une gestion clientéliste de la ressource. Selon ce spécialiste il n’a eu en Tunisie ni grille de répartition des ressources, ni évaluation des actions menées, ce qui laisse craindre, plus qu'une non redistribution effective, une gestion clientéliste des ressources. La solidarité est instrumentalisée dans ce pays par le pouvoir, afin de renforcer son contrôle sur la population, en déterminant les « bons » et les « mauvais » pauvres, en canalisant les pratiques de charité, en renforçant le quadrillage de la société par le parti dont les cellules locales sont notamment chargées d'identifier les récipiendaires.
L’analyse de la situation au Sénégal donne ainsi le même scenario. La solidarité nationale et ses fonds n’ont servi qu’à une clientèle particulière. Pourtant une bonne dynamique était enclenchée au départ, notamment avec le premier et lucratif téléthon organisé par Farba Senghor, à l’époque ministre délégué à la solidarité nationale. Téléthon qui, jusque-là n’a jamais fait l’objet de bilan. Ne serait-ce qu’informer les sénégalais donateurs sur les destinations de leurs contributions.
Des sénégalais affirmaient à juste raison qu’ils ne contribueraient plus si le téléthon ou autres moyens de collecte étaient menés. L’ancien régime venait de briser un élan, un esprit noble qui en réalité, avait réactivé les réseaux traditionnels de solidarité qui faisaient partie de nos valeurs sociales. Des mains inexpertes ou même des prédateurs se sont emparés du secteur en le détournant de sa mission première. Des mains qui sont allées jusqu’à séparer la solidarité nationale de l’Action sociale au point de se substituer à celle-ci. Alors qu’en réalité, elle n’est qu’une composante, une stratégie. En effet la solidarité nationale n’est qu’une forme de réactivation ou de remodélisation de l’Aide sociale primitive toujours mis en œuvre par la Direction de l’Action sociale (DAS).
Telle que appliqué sous le régime de Wade, la solidarité nationale a littéralement délaissé ses ambitions premières en se focalisant sur deux approches :
-une approche de prévention tertiaire notamment la réduction des conséquences ou séquelles d’une catastrophe (incendie, noyade, naufrage etc), ou d’un drame social.
-la distribution de vivres aux personnes et organisations dans le besoins.
Ces pratiques ont été sélectives et sectaires. Pire, elles se sont opérées loin des sphères techniques déconcentrées de l’État (Centres de Promotion et de réinsertion sociale) et avec des pilotages à vue.
Aujourd’hui tirer le bilan du passé permet de mieux faire. Et si le nouveau président de la république veut s’inscrire dans une rupture totale avec les pratiques anciennes, il doit tirer le bilan du passé, éviter les errements, imprimer un travail collégial des différentes entités qui tournent autour de la solidarité nationale. Ces entités sont :
-la délégation nationale à la protection sociale et à la solidarité
-le ministère de la santé qui abrite le fonds de solidarité national
-la direction générale de l’Action sociale qui s’occupe des couches sociales vulnérables et des maladies chroniques.
Le gouvernement y gagnerait en efficience et efficacité. Aussi l’évaluation sera-t-elle plus facile et les résultats plus probants. Il s’agit dans ces conditions de :
- privilégier la prévention primaire (anticipation sur les éventuels problèmes) pour minimiser les interventions sur le tertiaire (réparation des dégâts).
-travailler à la réduction des méfaits de la pauvreté et de la précarité en focusant sur les plus vulnérables (bourses et appui scolaire aux enfants issus de familles pauvres, prise en charge des enfants de la rue et orphelins aux personnes handicapées etc).
-Appuyer les plus vulnérables (femmes et personnes âgées en situation de pauvreté) dans les domaines de la santé maternelle, infantile et des maladies chroniques.
Pour y arriver le gouvernement doit privilégier:
- la mise en place d’un « Observatoire sociale » qui, en permanence fait le diagnostic social et zoomer sur les problèmes saillants relatifs à la précarité afin de diligenter des solutions d’urgence efficaces et durables. Dans ces conditions, la solidarité nationale épousera réellement les contours de protection sociale. De cet « Observatoire sociale » naîtraient certainement des résolutions qui pourraient aider l’Etat à asseoir une politique et un programme national d’Action sociale et de solidarité nationale efficace et durable.
-activer des réseaux traditionnels de solidarité (valeurs sociales en état de latence à cause des crises économiques et le développement de l’individualisme).
-Réactiver l’élan unitaire de solidarité brisé par l’ancien régime
-asseoir une politique cohérente de collecte et de gestions des fonds ciblant des donateurs nationaux (travailleurs, citoyens, Entreprises) et étrangers.
En tant que travailleur social, porter la réflexion aux nouvelles autorités est un devoir, sinon, le silence ne serait pas d’or mais plutôt… coupable.
Alioune SECK,
Université de Montréal
Département Médecine sociale et préventive/Canada