L'Union européenne va se réunir en sommet dès jeudi pour tenter d'apporter enfin des réponses au drame des migrants en Méditerranée, après un nouveau naufrage qui aurait fait des centaines de morts.
"Nous ne pouvons pas continuer comme cela, nous ne pouvons accepter que des centaines de personnes meurent en essayant de traverser la mer pour venir en Europe", a affirmé le président du Conseil européen, Donald Tusk, en annonçant cette réunion extraordinaire des chefs d'Etat et de gouvernement.
Un tel sommet d'urgence avait été demandé par le Premier ministre italien, Matteo Renzi, après le naufrage dans lequel entre 700 et 950 personnes pourraient avoir péri au large des côtes libyennes dimanche.
Mais M. Tusk a prévenu "ne pas attendre de solutions rapides aux causes profondes des migrations, parce qu'il n'y en a pas". "S'il y en avait, nous les aurions mises en ?uvre depuis longtemps", a-t-il insisté.
Il a listé certaines des pistes d'actions: arrêter les trafiquants d'êtres humains, mieux aider les Etats membres les plus touchés, accroître notre coopération avec les pays d'origine et de transit.
"Nous n'avons plus d'alibi", a lancé la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, lors d'une réunion conjointe des ministres des Affaires étrangères et de l'Intérieur de l'UE à Luxembourg. "Les tragédies de ces derniers jours, de ces derniers mois, de ces dernières années, c'en est trop", a-t-elle martelé.
La nouvelle du naufrage du chalutier au large de la Libye a provoqué un choc dans le monde entier. Des survivants ont raconté que des centaines de personnes, jusqu'à 950 dont une cinquantaine d'enfants et 200 femmes, étaient mortes après qu'il eut chaviré à l'approche d'un cargo portugais qui venait lui porter secours.
Les garde-côtes italiens, qui ont repêché 24 corps et 28 survivants, ne confirment pour l'instant pas ce bilan. Les dépouilles des victimes ont été débarquées lundi sur l'île de Malte. Les rescapés étaient attendus plus tard dans la journée à Catane, en Sicile.
- 'Véritable politique migratoire' -
L'urgence est devenue encore plus évidente après que l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a annoncé avoir reçu un appel à l'aide d'une personne affirmant que son navire, avec 300 personnes à bord, était en train de couler dans les eaux internationales.
La chancelière allemande Angela Merkel s'est dit "bouleversée". "Nous ferons tout pour empêcher que de nouvelles victimes meurent devant notre porte de la façon la plus cruelle", a-t-elle ajouté. Le pape François a appelé la communauté internationale à "agir avec décision et rapidité".
"On a besoin de mesures immédiates de la part de l'UE et des Etats membres", a assuré Mme Mogherini, citant le renforcement de l'opération européenne de surveillance maritime Triton, mais aussi une meilleure répartition de l'accueil des migrants au sein de l'Union, alors que l'Italie, la Grèce, Malte et l'Espagne portent la quasi-totalité du fardeau.
Les Européens sont très réticents à renforcer le secours en mer et à accueillir plus de gens, craignant que cela ne crée un appel d'air alors que le flot de migrants n'a jamais été aussi élevé. Selon le Haut commissariat aux réfugiés, 35.000 migrants sont arrivés par bateau dans le sud de l'Europe depuis le début de l'année, et 1.600 sont portés disparus.
"La réputation de l'Union européenne est en jeu", a jugé le chef de la diplomatie italienne, Paolo Gentiloni. A court terme, un renforcement de Triton se profile.
Les Européens misent aussi sur la coopération avec les pays d'origine et de transit pour mieux réguler les flux. Ils pèsent ainsi de toutes leurs forces pour la formation d'un gouvernement d'union en Libye afin de mettre fin au chaos dans le pays, où l'organisation Etat islamique (EI) s'est implantée.
La stabilité en Libye semble le seul moyen d'endiguer durablement les départs de migrants africains et de réfugiés syriens massés sur ses côtes. L'UE promet un "soutien", mais reste vague sur les options envisagées.
Les négociations s'annoncent très difficiles sur l'accueil des migrants. Mme Mogherini a reconnu qu'il n'y avait "pas de solution facile, de solution magique", mais elle a appelé "tous les Etats membres" à la "responsabilité" pour mettre au point "une véritable politique migratoire".
Le commissaire européen en charge de la question, Dimitris Avramopoulos, doit présenter à la mi-mai une "stratégie" européenne.