Identification et enrôlement : “Mon ambition : arriver au vote dans la sérénité” Le Premier ministre Soro guillaume a entretenu, hier, la presse nationale et internationale, sans détours, sur l’enrôlement et les questions délicates. Je voudrais dire ma joie d’être à Fraternité Matin. Et également dire merci au directeur général pour l’opportunité qu’il m’offre de pouvoir échanger avec les journalistes. J’ai été impressionné par la visite à l’imprimerie. Qui montre bien qu’il y a l’outil de production et que le Groupe Fraternité Matin peut se porter très bien. Je prends bonne note, M. le directeur général, des doléances que vous avez formulées dans le cadre de la redynamisation. Je peux vous assurer que le gouvernement sera attentif aux préoccupations qui sont les vôtres. Fraternité Matin représente pour nous tout un symbole depuis sa création en 1964. Ce journal a traversé le temps. Il a su s’adapter. Nous souhaitons, bien entendu, que, dans le cadre de la conduite du processus de sortie de crise, Fraternité Matin puisse jouer son rôle qui est de faire en sorte qu’au bout de ce processus, les Ivoiriens se retrouvent au-delà des diversités. Lesquelles ont, du reste, toujours constitué une richesse pour notre pays. Et que Fraternité Matin permette aux Ivoiriens de se retrouver dans la paix et la sérénité. Après mon passage à Jeune Afrique et à la Télévision ivoirienne 1ère chaîne, les uns et les autres pourraient s’interroger de cette présence dans les médias surtout que notre ligne de conduite a été de dire qu’il faut travailler sans relâche quelquefois dans la discrétion. Mais, les résultats doivent parler d’eux-mêmes. Aujourd’hui, nous sommes à un carrefour important. Nous sommes dans la phase cruciale de la sortie de crise. Il est important que nous puissions informer largement les Ivoiriens et les sensibiliser aux questions d’identification et des élections. C’est donc avec beaucoup de plaisir que je viens me livrer aux questions des journalistes. Je suis venu avec mes collaborateurs que sont les ministres de la Défense; de la Justice; du Tourisme et de l’Artisanat, de la Communication et tout le cabinet pour être en mesure d’apporter les réponses justes aux questions que me poseront les journalistes. Encore une fois, merci de l’opportunité que vous m’offrez d’échanger sur l’avenir de notre pays.
Retard dans le processus d’identification
Mon avis concernant ce sujet, M. Choi (représentant spécial du secrétaire général de l’Onu en Côte d’Ivoire) le sait car nous avons échangé à plusieurs reprises, est qu’il faut que l’Etat de Côte d’Ivoire, dans un cadre consensuel avec les acteurs politiques, puisse se consacrer à la mise en œuvre intégrale des résolutions pertinentes de l’Accord politique de Ouagadou-gou dans un premier temps. Je ne le dirai jamais assez, quand j’avais été nommé Premier ministre, face à l’ampleur de la tâche et quelquefois aux subtilités qui n’étaient pas forcément perceptibles par tout le monde, j’avais suggéré que l’on fasse attention aux dates figées dans l’accord. Quand on fige une date dans un accord, elle s’impose à vous. Et quand vous la ratez, vous avez des problèmes. Naturellement nous sommes en démocratie et les opinions étaient diverses sur la question. Toujours est-il que l’on peut noter que plusieurs dates n’ont pas été tenues. Même si par la suite certains tentent, çà et là, de dire que ces dates étaient à titre indicatif; toujours est-il que du moment où la date est figée dans un accord, vous donnez les moyens aux uns et aux autres de faire des interprétations et de tirer des conclusions. C’est vrai que nous avons accusé des retards. Lesquels sont dus à la question de logistique. M. Y. J. Choi a raison d’en parler. Mais, ils sont dus également à des questions techniques. Pour mettre en œuvre toutes ces actions, les audiences foraines, le recensement et l’identification, nous avons d’abord été confrontés à la question financière. Je l’avais en son temps expliqué aux Ivoiriens. Et après plusieurs rencontres du Cea (Comité d’évaluation et d’accompagnement) à Ouagadou-gou et notre passage à Bruxelles, nous avons pu réunir un certain nombre de moyens pour essayer de lancer ces opérations. Quand nous les avons faites, nous avons été confrontés, par la suite, avec les opérateurs techniques nationaux, à des exigences d’ordre technique. Celles-ci ont freiné les opérations. Il faut retenir aujourd’hui que le gouvernement aussi bien que la Commission électorale indépendante et les autres structures sont déterminés à aller le plus rapidement possible à l’élection. D’ailleurs, hier (mardi 28 octobre, ndlr) nous avons tenu encore une réunion au cours de laquelle nous avons passé en revue toutes les diligences à réaliser pour aller rapidement aux élections. Je voudrais, à mon tour et à la suite de ce qu’a dit M. Choi, rassurer les uns et les autres. Nous avons connu des retards dans la mise en œuvre de ces programmes. Mais, notre soulagement vient du fait que ces programmes ont effectivement démarré et sont en cours d’exécution. Je pense que c’est important. Il y a encore quelques années, certains s’interrogeaient s’il était envisageable de lancer le processus. Aujourd’hui, je pense que c’est acquis. Je ne dis pas qu’il faut se complaire dans cette satisfaction. Il est question d’un calendrier à modeler et à regarder. C’est un acquis pour notre pays, la Côte d’Ivoire.
Suspicion autour de l’enrôlement
Il faut que les Ivoiriens se rassurent. Le principe qui a été adopté est que le lieu choisi pour le recensement est celui du vote. Ceci amène bien des fonctionnaires, qui ont l’intention après la présidentielle d’aller aux élections législatives, à retourner dans leur département ou leur village pour se faire enrôler et naturellement voter par la suite dans ces localités.
Sur la question globale de la suspicion, je voudrais rassurer les ivoiriens. Cela a été une des préoccupations du gouvernement. C’est pourquoi nous avons indiqué à la communauté internationale et aussi aux ivoiriens que nous allons prendre toutes les dispositions pour que ce scrutin soit transparent. A mon avis, et c’est ma conviction, la stabilité après l’élection est beaucoup liée à la qualité de l’enrôlement, de la liste électorale, à la transparence que nous mettrons dans ces opérations. C’est pourquoi nous avons mis un mécanisme transparent. On a déjà commencé la concertation et le consensus depuis les différentes discussions sur les textes liés aux élections. Ces textes ont été discutés avec la Commission électorale indépendante en toute transparence et responsabilité. Ensuite, ces textes ont été acheminés au gouvernement. Et je puis vous dire qu’au sein du gouvernement que je dirige, figurent toutes les sensibilités politiques quelquefois diamétralement opposées. Vous imaginez bien que s’il y avait quelques éléments qui pouvaient être sources de non transparence dans ce processus, naturellement le gouvernement aurait objecté. Je peux vous rassurer que tous ces textes ont été adoptés au gouvernement de façon consensuelle. Chacun a été vigilant sur le sens de tous les articles dans le texte. On ne s’est pas arrêté à cette étape. Le principe de l’organisation de cette élection est de créer les conditions d’une véritable transparence. C’est pourquoi, au lieu d’un opérateur technique pour faire les élections, la Côte d’Ivoire s’est payé le luxe d’avoir deux opérateurs techniques. Comme je le dis souvent les élections ont toujours été organisées en Côte d’Ivoire par un opérateur technique qui est l’Ins (Institut national de la statistique). Mais, compte tenu de la suspicion générale et pour éviter que l’on dise plus tard que ces élections n’ont pas été transparentes, l’Etat de Côte d’Ivoire a admis le principe qu’il y ait en plus de l’opérateur technique national, un opérateur technique privé qui est Sagem sécurité. Je pouvais me limiter à cela et vous dire que l’Ins va demeurer vigilant pour ne pas que la Sagem procède à des tripatouillages et vice versa. Voilà le socle qui nous permettra d’organiser les élections. Les deux opérateurs sont conjoints pour garantir et donner confiance aux acteurs politiques. Il sera difficile, à mon avis, de tricher. C’est pourquoi la Côte d’Ivoire paye le prix fort puisque c’est environ une centaine de milliards de francs CFA que la Côte d’Ivoire va dépenser pour organiser l’élection et les opérations d’identification et de recensement. On ne peut pas payer autant et permettre qu’il y ait des tripatouillages. Non seulement ces opérations seront conduites de façon transparente, mais en plus, il y a une certification des Nations Unies. Je ne crois pas que l’on puisse douter de l’impartialité des Nations Unies à certifier le processus que nous menons.
Budget de la Cei et autres opérations
Le budget de la Cei pour les élections est de 36 milliards. Nous avons signé un accord avec le Pnud, pour mettre en place ce qu’on appelle un basket fund. Hier, (Ndlr : mardi) j’ai eu confirmation encore, qu’il y a déjà 10 milliards dans ce basket fund. L’Union européenne va contribuer à hauteur de 13 milliards. L’Etat a déjà dégagé 5 milliards. Je parle sous le contrôle du président de la Cei (Robert Mambé Beugré). Lorsque nous nous sommes retrouvés à Ouagadougou avec M. Choi, les Nations Unies et tous les autres membres de la communauté internationale, nous avions déjà annoncé que les fonds que la Cei pouvait capter pour les élections, et surtout pour son budget, étaient prévus dans les 36 milliards. Il y a la part de l’Etat. Nous avons déjà dégagé 5 milliards. Il reste celle pour le budget de la Cei. Mais, je l’ai dit tantôt, l’Union européenne donnera 13 milliards, et nous avons déjà 10 milliards dans le panier, prêts à être utilisés par la Cei pour organiser les élections. Il n’y a pas que les élections. Il y a aussi les questions de la réinsertion, du désarmement et bien d’autres. Sécurité sur les lieux de collecte
Effectivement, nous avons procédé à une interruption pour permettre que tous les ingrédients soient réunis pour une bonne reprise des opérations. Et nous avons même constaté que la question de la sécurité est un préalable au bon déroulement des opérations d’identification et de recensement électoral. Je peux affirmer que des dispositions ont été prises par le Cci (Centre de commandement intégré). J’ai reçu des rapports à ce sujet, hier (Ndlr : mardi). Le Cci a été bien redéployé pour assurer la sécurité dans les centres de collecte. Mais, vous le savez, nous avons plus de 700 centres de collecte. Naturellement, le dispositif qui a été mis en place ne consistait pas à mettre par exemple, deux agents dans chaque centre de collecte. Le Cci dispose d’une cartographie des points des centres de collecte. Il positionne donc des troupes plus ou moins renforcées en fonction du niveau de sécurité de chaque point. Si vous constatez donc qu’il n’y a pas d’élément du Cci dans un centre, c’est qu’on considère a priori ce centre de collecte comme étant calme. Toutefois, le Cci reste vigilant. Il dispose d’un dispositif sécuritaire prêt à parer à toute éventualité. Et je suis heureux que depuis la reprise, l’on ne nous ait pas signalé un cas d’incident majeur dans un centre de collecte. Ce qui prouve que la sécurité est assurée, pour l’instant. J’ai eu les Généraux Mangou et Bakayoko au téléphone ce matin (Ndlr : mercredi). Ils m’ont indiqué que les troupes continuent progressivement de se mettre en place. Ils m’ont même assuré que des troupes venant de Bouaké (1000 éléments des Fafn) étaient en route pour Abidjan afin de compléter le dispositif sécuritaire. La fin de l’opération
Au cours d’une réunion tenue hier, (Ndlr : mardi) nous avons demandé à la Cei, en relation avec toutes les structures nationales, de nous élaborer un chronogramme fiable, indiquant non seulement, la fin de l’opération, mais aussi une date définitive des élections. Le travail est en cours. Il est prévu qu’on aille à l’intérieur du pays pour continuer de procéder à l’enrôlement des citoyens, une fois que l’opération gagne en intensité à Abidjan. Les valises de la Sagem emportées
Je ne crois pas que ces valises emportées au Plateau aient été retrouvées jusqu’à ce jour. Je sais que la première valise prise à Williamsville a été retrouvée. Mais les deux autres prises au Plateau n’ont pas encore été retrouvées.
Comment récupérer donc les données contenues dans ces valises ?
Sans être un grand technicien de Sagem, je pense quand même que c’est simple. Les valises n’ont pas été volées avec les formulaires. Donc, à mon avis, on peut toujours reconstituer, à partir des formulaires, la liste des personnes enrôlées dans le centre. Néanmoins, c’est une question d’ordre technique que les techniciens sont en train d’étudier pour voir comment la traiter. Naturellement, si l’on n peut pas reconstituer ces données à partir des formulaires, nous ferons appel aux uns et aux autres pour nous assurer qu’ils peuvent revenir se faire enrôler. Cela dit, nous nous avons instruit les forces de sécurité, pour non seulement retrouver ceux qui ont emporté ces valises, mais aussi les valises elles-mêmes. Une enquête a été ouverte à la suite de l’incident. Le ministre de la Justice a été instruit ; il y a eu une déclaration du secrétaire général du gouvernement sur la question. Absence de certains agents dans les centres
La reprise n’a concerné qu’Abidjan. Donc, que les agents de l’Ins ne soient pas présents à Dabou, c’est presque normal. Si c’est avant la reprise, c’est un autre cas. Je sais que Dabou faisait partie des centres-pilote, à l’instar de Ferkessédougou et d’autres villes. Effectivement, pour la première phase, on nous a signalé qu’il n’y avait pas d’agents de l’Ins dans certains centres de collecte. Mais depuis bien longtemps, nous avons convenu avec le président de la Cei et toutes les structures ici présentes, qu’à partir du moment où un décret fixait la collaboration entre les deux opérateurs techniques, si les agents de l’Ins n’étaient pas dans un centre de collecte, il fallait suspendre l’enrôlement dans ce centre. C’est valable pour les agents de Sagem. Ce sont des instructions précises qui ont été données aux chefs des centres de collecte. Et cela fait un bon moment qu’on ne me signale plus ce genre de problèmes. Je parle sous le couvert du directeur général de l’Ins et du représentant de la Sagem sécurité. Donc, c’est un problème réglé depuis plusieurs semaines, lorsque nous avons constaté quelques absences dans les centres.
C’est une opération menée par le ministère de la Justice. Qui a mis en place, une équipe projet qui s’occupe de la question. Mais, que ceux qui sont confrontés à diverses difficultés, au niveau de l’enrôlement pour problème d’acte de naissance, se rendent à la mairie ou sous-préfecture de leur lieu de naissance. Si par bonheur, le registre de l’état civil est disponible, avec tous ses éléments, on lui établit un acte de naissance. Il n’y aura de problème que si le registre a été détruit. Mais, si c’est le cas, ce citoyen est concerné par l’opération de reconstitution des registres d’état civil, s’il n’a plus un seul exemplaire de son acte de naissance. La reconstitution des régistres d’état civil
Comment va se dérouler cette opération? C’est simple. La première phase qui est en cours, c’est l’inventaire des registres d’état civil. C’est-à-dire que l’équipe projet passe partout pour s’assurer que les registres d’état civil existent bel et bien en doubles et en originaux. C’est cela l’inventaire. En outre, elle va vérifier que les 50 feuillets qui se trouvent dans chaque registre sont bel et bien présents. C’est donc un travail méticuleux et lent. Parce que, figurez-vous, si par exemple une seule lettre est invisible sur un feuillet, il faudra reconstituer ce feuillet. C’est un travail minutieux et délicat. Nous avions espéré boucler cette opération en deux ou trois mois. Nous avions même mentionné 4 mois, dans le décret. Mais la charge et le volume de travail à exécuter ont fait que ces délais sont en passe d’être prolongés. Mais l’opération continue d’être menée. Cela concerne la phase d’inventaire. Il y aura la phase judiciaire qui consistera en la reconstitution des registres d’état civil. Il y aura plusieurs cas de figure à ce niveau. Il y a des localités où l’on trouvera les originaux. Mais on s’assurera qu’il y a des doubles à ces originaux. En ce moment-là, on prendra ces registres originaux pour reconstituer les doubles. Il peut, par contre, se trouver que ce sont les originaux qui ont été détruits. Et comme au greffe, il y a les doubles, on prendra donc les doubles pour reconstituer les originaux. Le cas extrême, c’est lorsque ces registres n’existent plus, ni en originaux, ni en doubles. Pour ces cas là, un texte a été pris en Conseil des ministres pour instituer des commissions locales de reconstitution des registres d’état civil. Donc nous ferons la liste des registres qui n’existent plus en doubles et en originaux et la publier. Sur différents supports. Nous allons ensuite inviter tous les citoyens concernés à se rendre dans leur lieu de naissance, auprès des commissions locales qui ont été créées, avec des éléments indiquant qu’ils ont bel et bien figuré dans les registres. Ceux qui ont un extrait de naissance où l’on peut voir la référence du registre viendront avec. Ils passeront devant la commission qui va trancher. L’Etat pour sa part se donnera les moyens pour s’assurer qu’il n’y a pas de fraude. Pour ce faire, nous allons recourir, par exemple, aux anciens fichiers du recensement général de la population. L’INS nous a déjà remis des fichiers de 1995. Il est en train de travailler sur ceux de 1990. Donc, l’Etat a aussi sa mémoire pour procéder à la bonne et parfaite reconstitution des registres d’état civil. Ce qui est à souhaiter, et nous travaillons dans ce sens, c’est que cette opération de reconstitution de registre d’état civil prenne rapidement fin, pour permettre aux citoyens d’être dans les délais prévus par les opérations d’enrôlement pour l’identification et les élections. Concernant les questions militaires, le ministre de la Défense est là. Nous en avons longuement parlé ce week-end : la question des grades et des quotas, la réunification de l’armée, celle de l’unicité des caisses de l’Etat sont des questions qui, pour le moment, n’ont pas été définitivement réglées. Mais nous ne sommes pas restés dans l’immobilisme. Vous savez, il y a eu déjà plusieurs réunions, à Ouagadougou, pour en parler. Je peux vous dire que hier (mardi, ndlr) encore, le représentant spécial du facilitateur (Bouréima Badini) nous a remis un projet d’accord. Il m’a remis une copie, et une autre au Président de la République. Et nous sommes en train de travailler sur ces textes-là pour nous mettre d’accord définitivement sur la question des grades; et des quotas à accorder aux Forces armées des Forces nouvelles, et sur toutes les autres questions pendantes. Il y a une réunion du Cea le 10 novembre, à Ouagadougou, élargie au Cci. Ce sera encore une fois l’occasion pour les acteurs, de discuter et d’arriver à une solution définitive. Ce ne sont pas des questions qui ont été omises; elles continuent de faire l’objet de discussions entre nous. Vous me direz pourquoi cela prend autant de temps. C’est parce que ce sont des questions délicates et il ne faut pas se leurrer. Vous savez bien que l’un des piliers d’une nation, c’est l’armée. Elle constitue un pilier important. Comment régler ces questions en maintenant une harmonie sereine ? C’est ce que nous sommes en train de chercher. Et nous nous sommes dit : il faut aller progressivement, mais sereinement dans la résolution de ces questions. J’ai bon espoir que dans les semaines à venir, elles seront définitivement tranchées. Pour tout vous dire, il reste peut-être un point sur lequel on devrait se mettre d’accord. Si non, sur toutes les autres questions, il y a déjà eu des accords. Je pense que d’ici là, nous pourrons nous mettre d’accord sur les questions militaires. Autorité de l’état et grades
A propos de l’autorité de l’Etat, il ne faut pas se torturer avec cette question. On ne fera pas de miracle. Il faut que les Ivoiriens gardent la sérénité et s’enlèvent une pression inutile. L’année dernière, je suis allé à la finale du tournoi de handball à Luanda, en Angola, et j’ai été reçu par le Président Dos Santos. J’ai eu l’occasion de me rendre en Sierra Leone. J’y ai été reçu par le nouveau Président qui a effectué une visite officiell icie. Il ne faut pas se mettre une pression particulière. Je dois vous dire que vous deviez être plutôt heureux du travail que nous sommes en train de faire, parce que les préfets, les sous-préfets, les secrétaires généraux, sont dans les régions et jusqu’aujourd’hui, il n’y a pas eu d’incident avec un quelconque com’zone.
Le ministre de la Défense qui s’est rendu aussi à Luanda sait comment les questions sont en train d’être réglées. Du jour au lendemain, on n’a pas eu une situation des plus parfaite sur l’ensemble du territoire. Je ne mentirai pas aux Ivoiriens. Les préfets, les sous-préfets, les secrétaires généraux de préfecture, y sont. Il n’y a pas que la question de leurs relations avec les commandants de zone, il y en a d’autres. Par exemple, les moyens pour travailler, le logement, etc. C’est tout cela que nous sommes en train de régler et vous savez que des efforts sont faits. Vous dites que les com’zones ont plus d’autorité que les préfets et sous-préfets dans ces régions, à quand le basculement total ? Vous rappelez-vous de la période où certains hésitaient quant du redéploiement du corps préfectoral dans ces régions ? J’ai dit à certains préfets : “Vous ne pouvez pas prétendre à certains pouvoirs ou à l’autorité dans ces zones, si vous restez à Abidjan. Vous ne pouvez pas dire, nous voulons l’autorité là-bas, en restant à Abidjan. Il faut aller dans ces zones, vous asseoir et commencer à travailler. L’autorité s’acquerra au fur et à mesure”. L’autorité est à mon avis naturelle. Ce n’est pas parce que du jour au lendemain vous devenez Premier ministre que vous avez de l’autorité sur votre gouvernement. Il faut que vous travailliez et que les ministres voient bien votre méthode de travail. Qu’ils y adhèrent et commencent à travailler au fur et à mesure. Mon rôle en tant que chef du gouvernement, c’est de faire en sorte que de plus en plus, préfets et sous-préfets, puissent acquérir cette autorité. Et je peux vous le dire, vous êtes journalistes, faites de l’investigation. Il y a des zones où cela a peut-être mieux marché que d’autres. Mais, il y a des zones où vraiment c’est le préfet ou le sous-préfet qui décide. Je vous donne un exemple : le conseil municipal de M. Zémogo (Zémogo fofana, maire de Boundiali et transfuge du Rdr) veut faire une réunion à Boundiali. Il y a comme des risques de trouble à l’ordre public. Le préfet fait une réquisition des Forces nouvelles sur place pour assurer la sécurité. Je peux vous citer plusieurs exemples. Sur cette question, le Chef de l’Etat et moi sommes en phase. Il faut y aller avec beaucoup de courage et d’audace aussi et progressivement. A un moment donné, ces choses seront totalement et définitivement réglées. Moi, j’ai foi et j’ai confiance dans le fait que, au fur et à mesure que la présence des préfets sera constante, ils auront l’autorité dont on parle tant. Je veux vous rassurer, il ne faut pas que cela soit une préoccupation pour vous. Nous y veillons. Quand le Chef de l’Etat va à Bouna, c’est chez le préfet ou le sous-préfet que l’on va manger. Quand je mets en place un comité national pour préparer les visites du Chef de l’Etat dans ces régions, la commission locale est présidée par le préfet. Nous avançons. Maintenant s’il y a des difficultés particulières, je suis prêt à les regarder au cas par cas. Unicité des caisses de l’état
On a dit que l’unicité des caisses de l’Etat était un leurre! Ce n’est pas exact. Sur la question, nous avons eu à mettre en place un comité qui y a travaillé. C’est une question qui a été longuement discutée; et le principe pour aller à l’unicité des caisses de l’Etat est acquis. La seule difficulté que nous avons eue jusqu’à ce jour, c’est la question de la modalité de mise en œuvre. Quand je parle de modalité de mise en œuvre, c’est simple. Voilà des régions dans lesquelles des militaires se sont installés et ont eu pour habitude, dans leur organisation, de faire aussi la mobilisation des ressources. Maintenant, il s’agit de faire en sorte que les professionnels du ministère de l’Economie et des Finances puissent y retourner pour reprendre leurs activités normales. Nous avons dit qu’à partir du moment où cette situation qui a duré, a précarisé les populations, un retour brutal pourrait créer d’autres types de problèmes. Et qu’il fallait donc y retourner progressivement. En même temps, nous avons essayé de booster le processus de regroupement pour que, justement, les uns et les autres ayant été démobilisés ou acquis le statut de volontaires de la nouvelle armée et donc pris en charge par le budget de l’Etat, il n’y ait aucune raison pour quelqu’un d’insister sur la question de la mobilisation des ressources. Ce travail a démarré et dans l’accord, dont j’ai parlé tout à l’heure, cette question est aussi discutée et dans le détail. Parce que la stabilité du pays impose que toutes les mesures que nous prenons puissent non seulement être appliquées, mais aussi, ne pas être sources de conflits. Je pense donc que la question de l’unicité des caisses de l’Etat, au même titre que les questions de grades et de quotas, sont des questions importantes et délicates et sur lesquelles nous sommes en train de trouver un accord. Sur l’unicité, nous sommes tous d’accord. La question de la photocopie de l’extrait de naissance. On me demande pourquoi avoir admis la photocopie à l’enrôlement. La position que nous occupons n’est pas simple. Ce processus avance parce que nous prenons le temps du compromis et du consensus. Le choix d’un autre Premier ministre aurait, peut-être, été de dire qu’il tranche. Mais moi, je donne plutôt la responsabilité et l’initiative aux plaignants de me convaincre de la justesse de leurs propos. Si je suis convaincu, je considère alors que j’ai les moyens de faire l’arbitrage. Que s’est-il passé? Depuis l’Accord politique de Ouagadougou, l’objectif des signataires, que nous sommes, était de simplifier toutes les procédures pour régler une bonne fois pour toutes, la question de l’identification et celle de la liste électorale.
N’oubliez pas que nous avons toujours considéré que la question de l’identification était la question préjudicielle à la crise ivoirienne. Nous avons tout simplifié en disant que la pièce pour être inscrit sur la liste électorale est l’extrait de naissance. Et pas de certificat de nationalité ou autre document. C’est ce que nous les signataires avons convenu. Ainsi, les textes sont passés au Conseil des ministres pour bien stipuler que c’est l’acte de naissance que le citoyen doit présenter pour être inscrit sur la liste électorale. Nous avons même élaboré un mode opératoire consensuel, puisqu’il a été remis aux ministres à qui j’ai demandé de faire des observations par écrit, pour me permettre, dans la sérénité, de procéder à un arbitrage équilibré. Ce qui a été fait et le mode opératoire a été adopté par décret, en Conseil des ministres. Et le décret était si bref qu’il n’y a qu’un seul article qui stipule que le mode opératoire attenant a été adopté.
A la pratique, dès les premières semaines, nous avons été saisis de ce qu’il y avait une grande suspicion de fraude sur l’opération et qui risquait d’en compromettre le bon déroulement. Chaque jour, j’entendais, çà et là, qu’il y avait des problèmes dans les centres de collecte avec des questions d’insécurité en sus. Moi, je veux que le recensement électoral arrive à son terme et que les citoyens aient leurs cartes nationales d’identité et d’électeur.
Quand j’ai bien noté que la tension gagnait en intensité et que l’opération pouvait dégénérer en affrontements, convaincu en cela par les partis politiques qui faisaient des déclarations tendues, j’ai décidé d’instaurer le dialogue avec les partis. J’ai donc approché le président de la Cei avec qui j’ai convenu, dans un premier temps, de recevoir les partis politiques pour donner le maximum d’informations. Mais les problèmes ont continué. J’ai alors décidé de revoir les partis politiques. Il y a un parti politique, le Fpi, qui a demandé que l’on retienne l’acte de naissance dans les centres de collecte pour permettre à l’Etat de procéder à un certain nombre de vérifications et de contrôles. Les autres partis n’avaient pas évoqué cette question. Nous avons pris le temps de la réflexion. Car, je ne veux pas qu’un parti ou un citoyen dise qu’il ne va pas aux élections parce que le processus n’est pas transparent. Mon rôle est donc de faire en sorte que tous ceux qui le désirent aillent aux élections dans la sérénité. S’il y a déjà des affrontements pour le simple recensement, vous imaginez-vous ce que seront les élections ?
Nous sommes convaincus que le mécanisme que nous avons mis en place est transparent et ne favorise ou ne défavorise personne. Tant que l’on peut avoir des mesures qui rassurent tous les camps, il n’y a pas de problème. Autant, hier, quand on a dit que l’Ins constituait un problème, j’ai été de ceux qui ont milité pour que l’Ins et la Sagem travaillent ensemble, autant aujourd’hui, quand on me dit que si l’acte de naissance original n’est pas retenu dans le centre de collecte, il y a une telle fraude qu’on ne pourra pas contrôler, je me dis qu’il me faut trouver une solution qui apaise. C’est dans ce sens que, ayant réfléchi sur le risque ou l’injustice de délester le citoyen de son dernier et unique extrait de naissance, en le retenant dans le centre de collecte, nous avons proposé qu’il y ait une photocopie si et seulement si l’exigence se trouve au niveau de la clarté et de la transparence de la liste électorale. On a tous les éléments sur la photocopie pour s’assurer d’un contrôle futur dans le processus. J’ai donc pensé que la photocopie était un bon compromis. J’ai fait la proposition à la commission électorale et aux structures techniques qui l’ont acceptée. Puis nous avons appelé tous les partis politiques pour leur expliquer l’intérêt qu’il y a à avoir le consensus sur toutes les questions importantes du processus électoral. Le Fpi et tous les autres partis m’ont donné leur accord à la fin de la réunion et c’est ainsi que j’ai signé la circulaire. Voilà l’origine. Et l’historique de la photocopie dans le processus.
J’entendais les gens dire : est-ce que la photocopie ne sera pas utilisée à d’autres desseins ? Comme j’en avais déjà entendu parler, nous avons pris les dispositions : la photocopie sera retenue dans les centres de collecte et sera transmise à la Primature. Et c’est la Primature qui va stocker les photocopies et s’assurer que ni la Sagem, ni l’Ins, ni l’Oni, ni même la Cnsi ou la Cei n’auront la possibilité d’utiliser ces photocopies à d’autres objectifs ou manipulations. Donc les photocopies seront à la Primature. Et personne ne pourra utiliser la photocopie à d’autres fins. Mieux, on a même pris d’autres dispositions sur la photocopie. En prenant le soin d’y faire des annotations. Pour qu’on ait les preuves qu’effectivement, c’est une photocopie qui est passée dans les mains des agents régulièrement et qui a abouti à la Primature. Et je ne vais pas rentrer dans les détails. Donc, sachez qu’on prend des dispositions pour que nul n’ait un élément ou un argument pour taxer notre processus d’incohérent ou de non transparent.
On me dit que dans les villages, les populations ne pourront pas faire les photocopies. Nous avons aussi pensé à la difficulté qu’il y aurait pour nos braves populations rurales à régler ce problème. Les dispositions sont prises. Nous sommes en train d’y travailler et je parle encore en présence du président de la Commission électorale indépendante (Cei). Nous sommes en train d’envisager des mesures pour nous assurer que dans le village, personne ne soit exclu de l’enrôlement parce qu’il n’a pas de photocopie. L’Etat de Côte d’Ivoire veut se donner les moyens pour faire droit aux souhaits et à la volonté des citoyens qui veulent avoir une carte d’électeur ou une carte nationale d’identité. Maintenant à Abidjan, je ne crois qu’il y ait des difficultés particulières à faire des photocopies parce qu’à tous les coins de rue, il y a ces machines. On m’a même dit que les photocopies coûtent entre 15 et 25F CFA… Si vraiment on a envie d’avoir sa carte d’identité, on peut faire la photocopie. Je souhaite que les uns et les autres puissent faire leur photocopie. Et qu’ils acceptent au nom de la paix, de la réconciliation de faire l’enrôlement avec l’original et la photocopie. Je vous rappelle que c’est le ministre de l’Intérieur qui me disait, qu’il y a même un engorgement pour faire les passeports. Le passeport coûte 40.000 F CFA et pourtant il y a une affluence telle qu’ils ont le sentiment à des moments donnés qu’ils sont débordés. Pour notre opération, la photocopie coûte, même si j’extrapole, 50 F CFA. Je pense que ça devait pouvoir se faire. On me dit que certaines personnes ont déjà été enrôlées sans la photocopie. Qu’est-ce qu’on fait pour ces personnes ? Le président de la Cei mène la réflexion avec les structures nationales pour nous trouver une solution qui satisfasse tout le monde. Je pense qu’il y a plusieurs possibilités. Mais ce sera à la Cei de trouver la meilleure. Donc on est encore au stade de la réflexion; mais on sait de toute façon qui sont ceux qui ont été enrôlés sans photocopie. Puisqu’on a des données. Hier, il y a eu un début de discussions entre ceux qui pensent qu’il faudrait peut-être demander aux gens d’envoyer leurs photocopies par des canaux et ceux qui pensent que avec d’autres manipulations techniques, on peut trouver une solution. Mais enfin, il y a plusieurs propositions et nous avons demandé au président de la Cei de se saisir de cette préoccupation et de trouver la solution la meilleure. Et nous prendrons la solution la meilleure pour l’appliquer. Dispositions pour handicapés
Elles ont été prévues par une ordonnance. Les voies de substitution, pour quelqu’un qui n’a pas ses dix doigts au complet, existent. Rapport au temps
Je crois que le terme de fétichisme des dates a produit beaucoup de réflexions dans ce pays. Je m’en réjouis car c’est devenu presqu’un label. Mais je pense qu’en Afrique, on n’a pas la même notion du temps qu’en Europe. Je lisais quelque part dans un document, que le symbole de l’arbre à palabres en Afrique montre bien comment, pour l’Africain, le dialogue occupe une place, je ne dirai pas prioritaire mais importante. Je peux vous donner des exemples. Nous sommes allés à Linas-Marcoussis, en France. Le président de la Table, M. Pierre Mazeaud, grand constitutionnaliste français, a été chargé de mener les discussions. On lui a donné une semaine pour obtenir un Accord sur des problèmes vieux d’une décennie. C’est vrai qu’on a fini par signer un Accord. Mais c’était au pas de charge. On dormait même sur le site. Les matins, on était dans la salle et visiblement, face à la pression du temps, des questions peut-être n’ont pas été discutées à satisfaction. Résultat : on a eu des problèmes pour appliquer l’accord. Ça aussi, c’est le facteur temps. Ensuite, nous sommes allés à Accra (Ghana). On nous a donné 48h pour signer un accord. Et on a signé l’accord parce que la pression est là. Tout le monde est là et si tu ne signes pas, c’est toi qui as un problème. On dira : “ah ! c’est lui qui n’a pas signé”. Alors, on signait. Mais à peine on avait signé, que quand on sortait, on relisait l’Accord, quelle est la virgule qui peut nous permettre de ne pas l’appliquer. Résultat : Ça n’a pas été appliqué. Ça été la même chose à Pretoria. L’historique du dialogue direct
Le mot même dialogue direct, je l’ai entendu le 6 novembre 2006. Si vous vous rappelez, j’étais allé à New York en septembre à l’assemblée générale des Nations unies ; ensuite à Bucarest (Roumanie) pour la Francophonie et je suis revenu à Paris.
Je profite donc pour vous parler du dialogue direct parce que les gens racontent trop de choses. Le 4 novembre 2006, j’ai reçu un coup de fil du Président Blaise Compaoré. Il me dit : “M. Soro, le Président Gbagbo m’a envoyé un émissaire. Il veut discuter directement avec toi”. Je dis : “non, M. le Président. Tout ça, c’est pour éviter d’appliquer les résolutions des Nations unies. Je ne veux donc pas entrer dans une telle discussion”. Le Président Blaise Compaoré m’a laissé dire tout le mal que je pouvais penser de l’initiative d’une telle discussion. Il me dit : “mais autant venir à Ouagadougou puisqu’on est au téléphone”. Je lui ai dit : “Président, je viens”. Je suis arrivé à Ouagadougou le 6 novembre 2006. Le Président Blaise Compaoré m’a reçu et il m’a dit : “M. Soro Guillaume, secrétaire général des Forces nouvelles, le Président Gbagbo m’a envoyé un émissaire qui veut que vous discutiez”. Je lui dit : “M. le Président, vous savez, on est allés à Accra, Pretoria, on est allé partout, on n’a pas obtenu grand-chose. C’est encore pour trouver des arrangements pour ne pas les appliquer”. J’ai dit au Président Blaise Compaoré de me laisser le temps de la réflexion. Et je suis allé à Bouaké pour mener la concertation avec mes hommes. Quand j’ai fini de faire ces discussions, un jour le Président Compaoré m’appelle pour me dire que l’émissaire du Président Gbagbo est là; c’est M. Tagro. Le Président Compaoré me dit : “Il est là, qu’est-ce qu’on fait?” “Président, qu’il vous dise ce qu’il veut”, lui ai je repondu. Je vous dis tout cela non pour voir la grande méfiance, mais le rôle du temps dans tout ça. Je dis : “M. Tagro ?” Le Président Compaoré me dit : “oui”. A l’époque le ministre Tagro était porte-parole de la Présidence et il faisait de grandes déclarations sur RFI que je n’appréciais pas particulièrement. C’est lui qu’on m’envoie pour venir discuter ? Je dis : “Président, qu’il vous dise ce qu’il a envie de dire. Vraiment je ne souhaite pas lui parler”. Le Président Compaoré répond : “mais tu dois lui parler, tu ne peux pas ne pas lui parler. Il faut que tu lui parles”. Il ajoute : “demain, M. Tagro sera avec moi, je t’appelle et je te le passe”. Effectivement, le lendemain, mon téléphone sonne, c’est le Président Compaoré. Il me dit : “M. le secrétaire général des Forces nouvelles, je suis avec M. Tagro, je vous le passe”. On me passe M. Tagro qui me dit : “Le Président Gbagbo m’a chargé de venir dire au Président Compaoré qu’il souhaite engager le dialogue direct avec vous et il veut que vous parliez. Il a fait des propositions sur le Service civique…”
J’ai noté. Quand il a fini, j’ai dit au ministre Tagro: “Je vous reviendrai, passez-moi le Président Com-paoré”. On m’a passé le Président Compaoré et je dis : “M. le Président, j’ai compris ce qu’il a dit. Je vais réfléchir et je vais vous revenir”. J’ai appelé mes collaborateurs pour leur dire ce qui s’est passé. Et nous avons décidé de prendre date. On a donc décidé d’écrire au Président Compaoré. Je me souviens encore de l’introduction du courrier. J’ai mis : “comme suite à notre entretien téléphonique, vous m’avez passé M. Tagro qui m’a dit ceci. M. le Président, voici la réponse que nous donnons. Nous considérons qu’on a suffisamment et largement discuté des problèmes de la Côte d’Ivoire et qu’il serait presqu’inutile de reprendre ces discussions. Une résolution est venue sanctionner tout ceci. M. le Président, nous demandons au camp présidentiel de mettre en œuvre la résolution. Et s’il s’avère qu’il y a des difficultés dans la mise en œuvre de la résolution, alors nous sommes disposés à aller discuter des modalités de la bonne mise en œuvre des Accords et de la résolution. Sous votre facilitation”. Quelle ne fut ma surprise ! Parce que je pensais que j’avais subtilement évité le dialogue direct dans mon courrier. Quelle ne fut ma surprise quand le Président Compaoré m’a appelé trois jours après pour me dire qu’il a envoyé le courrier au Président Gbagbo et qu’il dit qu’il est très heureux, que c’est une très bonne chose et qu’il est d’accord avec ton courrier. Et qu’il est d’accord pour appliquer la résolution et tous les autres accords. Mais il veut que vous discutiez quand même pour avancer. Et j’ai dit mais on a un problème ! Et ce n’est qu’après ça que le Président Gbagbo a fait une déclaration le 19 décembre 2006 pour appeler au dialogue direct. Dans ce discours, il a dit : “j’appelle les rebelles”. Comme nous on cherchait tous les éléments pour ne pas aller aussi facilement au dialogue direct, j’ai appelé le Président Compaoré et j’ai dit que je ne me sens pas concerné parce qu’il parle des rebelles ; or je ne le suis pas.
Il dit : “bon, j’ai compris”. C’est ainsi que le Président de la République devait faire un second appel le 31 décembre 2006, avec le message du nouvel an. Cette fois, il a dit : “j’appelle mes frères qui ont pris les armes”. Je dis : “c’est bon, on peut discuter”. Et c’est comme ça que j’ai consulté le G7 dans lequel j’étais, j’ai consulté tout le monde. Et le 7 janvier 2007, j’ai fait une déclaration pour accepter le dialogue direct. Mais vous voyez, du 4 novembre 2006 au 7 janvier 2007, le temps a joué. Les discussions ont commencé le 5 février 2007 (je peux me tromper, vous vérifierez), alors que les esprits avaient été à peu près préparés à nous rencontrer. Et depuis janvier, nous avions commencé à discuter. Les discussions officielles que vous avez vu (conduites par les ministres Dacoury et Tagro ont démarré le 5 février 2007. Et on n’a signé l’Accord que le 4 mars 2007. Calculez le temps que nous avons mis à discuter. Je ne dis pas que là réside la clé de la réussite de l’Accord politique de Ouagadougou. Mais je dis que ça a été important. Tout ce temps de préparation pour qu’on ne vienne pas discuter dans la défiance, dans la méfiance, ça été important. Et je pense que le Président Compaoré a vu juste quand la communauté internationale a commencé à défiler à Ouagadougou pour lui dire de trouver rapidement une solution. Il a dit : “non, ici nous sommes au Burkina, c’est l’Afrique, vous me laissez discuter avec eux. Le jour où l’on sera prêt, on vous le dira”. Et on a pris le temps. Depuis le 4 novembre pour aboutir à l’Accord politique de Ouagadougou. Donc pour moi, le temps est un élément important. On croit devancer le temps quand, sous la pression, on vous dit de signer. Mais en réalité, on se trompe parce que le temps a toujours raison. Si peut-être on avait pris toutes ces dispositions pour créer ce cadre et qu’on avait laissé le temps jouer, on n’en serait peut-être pas là aujourd’hui.
Nomination au poste de premier ministre
Je vous donne un dernier exemple et pour terminer avec cette question hautement importante. Le 18 décembre 2002, sommet à Bamako, il y avait les Présidents Compaoré, Touré et Gbagbo. Le Président Compaoré propose au Président Gbagbo s’il veut aller vite dans le règlement de ce problème de nommer Guillaume Soro Premier ministre. C’était le 18 décembre 2002. Le Président a dit : “Guillaume Soro, mais c’est inimaginable”. Novembre 2005, le Président Obasanjo (du Nigeria) vient en Côte d’Ivoire pour la nomination d’un Premier ministre (successeur de Seydou Diarra). Les Forces nouvelles font une déclaration pour dire : il faut que leur secrétaire général soit Premier ministre en Côte d’Ivoire. Tollé ! Non pas seulement dans le camp présidentiel mais partout. Guillaume Soro Premier ministre ? inimaginable, impossible. Certains sont allés jusqu’à dire des méchancetés sur ma personne. Et Obasanjo de me recevoir en Allemagne. Pour me dire : “Guillaume, je suis moi, Président Obasanjo, convaincu que tu as le talent pour diriger le gouvernement ivoirien. Et de mon vivant, je sais que tu compteras dans ce processus. Mais pour le moment, ta nomination au poste de Premier ministre va beaucoup plus diviser la classe politique que la réconcilier. Je te demande d’y renoncer”. Parce qu’on avait dit de voter le Premier ministre. Comme les Forces nouvelles ont trois groupes (MPCI, MJP, MPIGO), quand les trois ont voté, j’étais premier de tous les candidats. Donc je m’imposais de fait aux gens. En tant que premier. Donc comment m’enlever de la liste ?
Moi, j’ai été voté par trois forces. Et personne parmi les candidats n’avait réussi cette prouesse-là. Il me dit d’accepter de renoncer. Je dis : “M. le Président Obasanjo, je suis votre conseil, je renonce”. Mais j’étais convaincu que tant qu’il y aura un Premier ministre qui va être un intermédiaire entre le camp présidentiel et nous, ça ne marchera pas. On perdra du temps, il n’y aura pas suffisamment la capacité de le faire. “Mais comme vous le suggérez, il n’y a aucun problème”. C’est comme ça que j’ai appelé mes collaborateurs pour dire : “l’histoire de Premier ministre, laissez tomber”. Le Président Obasanjo m’invite à Port Harcourt pour me consoler. Il me dit qu’il a besoin de conseil pour la nomination du Premier ministre en Côte d’Ivoire. J’ai donné mon avis. Nous sommes restés jusque tard dans la nuit. Il devait aller à Bamako où il y avait un sommet France Afrique pour décider du nom du Premier ministre de Côte d’Ivoire. Il a pris son avion il est allé à Bamako, il m’a dit de l’attendre à Abuja. Je l’y ai attendu et il est revenu me trouver à Abuja. Et il m’a dit : “Guillaume, après nos discussions, le Premier ministre que nous avons nommé, tous les Ivoiriens en sont heureux”. J’ai dit “M. le Président c’est vrai, mais c’est parce que tous les partis politiques ne sont pas d’accord”. Et comme ils ne pouvaient pas faire autrement, ils sont d’accord. Et voilà comment les choses se sont passées. Et puis le 29 mars, j’ai été désigné Premier ministre. Là aussi, c’est le temps qui a permis qu’un jour, je sois Premier ministre pour apporter une contribution au règlement de la crise ivoirienne. Donc je veux dire qu’après toutes ces discussions, j’ai une nouvelle façon de voir les problèmes en Afrique. Peut-être qu’un jour, on aura l’occasion de discuter de nos visions pour notre continent, mais j’ai de nouvelles perceptions sur ces questions-là.
Population électorale
Alors, vous dites un village de mille habitants se retrouve avec deux mille électeurs. Sur le principe, à mon avis, il n’y a aucun problème. Ce n’est pas le recensement général de la population. C’est différent. Il s’agit du recensement électoral. Donc, moi je peux être ici à Abidjan et puis aller me faire enrôler à Ferké. Donc il n’y a aucun problème là-dessus. Quant à la suspicion, elle ne se trouve pas dans le nombre d’électeur dans un village, mais plutôt dans la qualité de la liste. Et je l’ai déjà dit. Maintenant, le principe dans la confection de la liste, c’est qu’on enrôle avec des empruntes digitales et la photo numérique qui facilitent les contrôles et qui évitent les fraudes les plus répandues. A savoir la multiple inscription. Alors que là, il ne peut pas y avoir deux personnes qui aient les dix empruntes digitales identiques. Donc je pense que ça règle ce problème.
Sur le groupe de jeunes organisés en service d’ordre, c’est une information que je reçois. Colonel-Major, commandant du Centre de commandement intégré (Cci), on vous porte cette information, prenez les dispositions. Dans les centres de collecte, il ne peut pas y avoir de jeunes venus faire un service d’ordre. Il y a les forces de l’ordre. C’est leur travail d’assurer la sécurité. Alors, j’en profite, si c’est avéré, pour lancer un appel aux partis politiques : laissez l’Etat faire son travail. Ses démembrements sont là pour faire le travail. Le service d’ordre, ce n’est pas aux partis politiques de le faire. C’est à l’Etat. Nous avons nos démembrements, le CCI va assurer la sérénité.
Propos recueillis par Pascal Soro, Nimatoulaye Ba, Casimir Djézou, Emmanuel Kouassi, Rémi Coulibaly, Marie-Ddèle Djidjé, Paul Bagnini
Coordonnateur Franck A. Zagbayou
Demain, suite et fin
Retard dans le processus d’identification
Mon avis concernant ce sujet, M. Choi (représentant spécial du secrétaire général de l’Onu en Côte d’Ivoire) le sait car nous avons échangé à plusieurs reprises, est qu’il faut que l’Etat de Côte d’Ivoire, dans un cadre consensuel avec les acteurs politiques, puisse se consacrer à la mise en œuvre intégrale des résolutions pertinentes de l’Accord politique de Ouagadou-gou dans un premier temps. Je ne le dirai jamais assez, quand j’avais été nommé Premier ministre, face à l’ampleur de la tâche et quelquefois aux subtilités qui n’étaient pas forcément perceptibles par tout le monde, j’avais suggéré que l’on fasse attention aux dates figées dans l’accord. Quand on fige une date dans un accord, elle s’impose à vous. Et quand vous la ratez, vous avez des problèmes. Naturellement nous sommes en démocratie et les opinions étaient diverses sur la question. Toujours est-il que l’on peut noter que plusieurs dates n’ont pas été tenues. Même si par la suite certains tentent, çà et là, de dire que ces dates étaient à titre indicatif; toujours est-il que du moment où la date est figée dans un accord, vous donnez les moyens aux uns et aux autres de faire des interprétations et de tirer des conclusions. C’est vrai que nous avons accusé des retards. Lesquels sont dus à la question de logistique. M. Y. J. Choi a raison d’en parler. Mais, ils sont dus également à des questions techniques. Pour mettre en œuvre toutes ces actions, les audiences foraines, le recensement et l’identification, nous avons d’abord été confrontés à la question financière. Je l’avais en son temps expliqué aux Ivoiriens. Et après plusieurs rencontres du Cea (Comité d’évaluation et d’accompagnement) à Ouagadou-gou et notre passage à Bruxelles, nous avons pu réunir un certain nombre de moyens pour essayer de lancer ces opérations. Quand nous les avons faites, nous avons été confrontés, par la suite, avec les opérateurs techniques nationaux, à des exigences d’ordre technique. Celles-ci ont freiné les opérations. Il faut retenir aujourd’hui que le gouvernement aussi bien que la Commission électorale indépendante et les autres structures sont déterminés à aller le plus rapidement possible à l’élection. D’ailleurs, hier (mardi 28 octobre, ndlr) nous avons tenu encore une réunion au cours de laquelle nous avons passé en revue toutes les diligences à réaliser pour aller rapidement aux élections. Je voudrais, à mon tour et à la suite de ce qu’a dit M. Choi, rassurer les uns et les autres. Nous avons connu des retards dans la mise en œuvre de ces programmes. Mais, notre soulagement vient du fait que ces programmes ont effectivement démarré et sont en cours d’exécution. Je pense que c’est important. Il y a encore quelques années, certains s’interrogeaient s’il était envisageable de lancer le processus. Aujourd’hui, je pense que c’est acquis. Je ne dis pas qu’il faut se complaire dans cette satisfaction. Il est question d’un calendrier à modeler et à regarder. C’est un acquis pour notre pays, la Côte d’Ivoire.
Suspicion autour de l’enrôlement
Il faut que les Ivoiriens se rassurent. Le principe qui a été adopté est que le lieu choisi pour le recensement est celui du vote. Ceci amène bien des fonctionnaires, qui ont l’intention après la présidentielle d’aller aux élections législatives, à retourner dans leur département ou leur village pour se faire enrôler et naturellement voter par la suite dans ces localités.
Sur la question globale de la suspicion, je voudrais rassurer les ivoiriens. Cela a été une des préoccupations du gouvernement. C’est pourquoi nous avons indiqué à la communauté internationale et aussi aux ivoiriens que nous allons prendre toutes les dispositions pour que ce scrutin soit transparent. A mon avis, et c’est ma conviction, la stabilité après l’élection est beaucoup liée à la qualité de l’enrôlement, de la liste électorale, à la transparence que nous mettrons dans ces opérations. C’est pourquoi nous avons mis un mécanisme transparent. On a déjà commencé la concertation et le consensus depuis les différentes discussions sur les textes liés aux élections. Ces textes ont été discutés avec la Commission électorale indépendante en toute transparence et responsabilité. Ensuite, ces textes ont été acheminés au gouvernement. Et je puis vous dire qu’au sein du gouvernement que je dirige, figurent toutes les sensibilités politiques quelquefois diamétralement opposées. Vous imaginez bien que s’il y avait quelques éléments qui pouvaient être sources de non transparence dans ce processus, naturellement le gouvernement aurait objecté. Je peux vous rassurer que tous ces textes ont été adoptés au gouvernement de façon consensuelle. Chacun a été vigilant sur le sens de tous les articles dans le texte. On ne s’est pas arrêté à cette étape. Le principe de l’organisation de cette élection est de créer les conditions d’une véritable transparence. C’est pourquoi, au lieu d’un opérateur technique pour faire les élections, la Côte d’Ivoire s’est payé le luxe d’avoir deux opérateurs techniques. Comme je le dis souvent les élections ont toujours été organisées en Côte d’Ivoire par un opérateur technique qui est l’Ins (Institut national de la statistique). Mais, compte tenu de la suspicion générale et pour éviter que l’on dise plus tard que ces élections n’ont pas été transparentes, l’Etat de Côte d’Ivoire a admis le principe qu’il y ait en plus de l’opérateur technique national, un opérateur technique privé qui est Sagem sécurité. Je pouvais me limiter à cela et vous dire que l’Ins va demeurer vigilant pour ne pas que la Sagem procède à des tripatouillages et vice versa. Voilà le socle qui nous permettra d’organiser les élections. Les deux opérateurs sont conjoints pour garantir et donner confiance aux acteurs politiques. Il sera difficile, à mon avis, de tricher. C’est pourquoi la Côte d’Ivoire paye le prix fort puisque c’est environ une centaine de milliards de francs CFA que la Côte d’Ivoire va dépenser pour organiser l’élection et les opérations d’identification et de recensement. On ne peut pas payer autant et permettre qu’il y ait des tripatouillages. Non seulement ces opérations seront conduites de façon transparente, mais en plus, il y a une certification des Nations Unies. Je ne crois pas que l’on puisse douter de l’impartialité des Nations Unies à certifier le processus que nous menons.
Budget de la Cei et autres opérations
Le budget de la Cei pour les élections est de 36 milliards. Nous avons signé un accord avec le Pnud, pour mettre en place ce qu’on appelle un basket fund. Hier, (Ndlr : mardi) j’ai eu confirmation encore, qu’il y a déjà 10 milliards dans ce basket fund. L’Union européenne va contribuer à hauteur de 13 milliards. L’Etat a déjà dégagé 5 milliards. Je parle sous le contrôle du président de la Cei (Robert Mambé Beugré). Lorsque nous nous sommes retrouvés à Ouagadougou avec M. Choi, les Nations Unies et tous les autres membres de la communauté internationale, nous avions déjà annoncé que les fonds que la Cei pouvait capter pour les élections, et surtout pour son budget, étaient prévus dans les 36 milliards. Il y a la part de l’Etat. Nous avons déjà dégagé 5 milliards. Il reste celle pour le budget de la Cei. Mais, je l’ai dit tantôt, l’Union européenne donnera 13 milliards, et nous avons déjà 10 milliards dans le panier, prêts à être utilisés par la Cei pour organiser les élections. Il n’y a pas que les élections. Il y a aussi les questions de la réinsertion, du désarmement et bien d’autres. Sécurité sur les lieux de collecte
Effectivement, nous avons procédé à une interruption pour permettre que tous les ingrédients soient réunis pour une bonne reprise des opérations. Et nous avons même constaté que la question de la sécurité est un préalable au bon déroulement des opérations d’identification et de recensement électoral. Je peux affirmer que des dispositions ont été prises par le Cci (Centre de commandement intégré). J’ai reçu des rapports à ce sujet, hier (Ndlr : mardi). Le Cci a été bien redéployé pour assurer la sécurité dans les centres de collecte. Mais, vous le savez, nous avons plus de 700 centres de collecte. Naturellement, le dispositif qui a été mis en place ne consistait pas à mettre par exemple, deux agents dans chaque centre de collecte. Le Cci dispose d’une cartographie des points des centres de collecte. Il positionne donc des troupes plus ou moins renforcées en fonction du niveau de sécurité de chaque point. Si vous constatez donc qu’il n’y a pas d’élément du Cci dans un centre, c’est qu’on considère a priori ce centre de collecte comme étant calme. Toutefois, le Cci reste vigilant. Il dispose d’un dispositif sécuritaire prêt à parer à toute éventualité. Et je suis heureux que depuis la reprise, l’on ne nous ait pas signalé un cas d’incident majeur dans un centre de collecte. Ce qui prouve que la sécurité est assurée, pour l’instant. J’ai eu les Généraux Mangou et Bakayoko au téléphone ce matin (Ndlr : mercredi). Ils m’ont indiqué que les troupes continuent progressivement de se mettre en place. Ils m’ont même assuré que des troupes venant de Bouaké (1000 éléments des Fafn) étaient en route pour Abidjan afin de compléter le dispositif sécuritaire. La fin de l’opération
Au cours d’une réunion tenue hier, (Ndlr : mardi) nous avons demandé à la Cei, en relation avec toutes les structures nationales, de nous élaborer un chronogramme fiable, indiquant non seulement, la fin de l’opération, mais aussi une date définitive des élections. Le travail est en cours. Il est prévu qu’on aille à l’intérieur du pays pour continuer de procéder à l’enrôlement des citoyens, une fois que l’opération gagne en intensité à Abidjan. Les valises de la Sagem emportées
Je ne crois pas que ces valises emportées au Plateau aient été retrouvées jusqu’à ce jour. Je sais que la première valise prise à Williamsville a été retrouvée. Mais les deux autres prises au Plateau n’ont pas encore été retrouvées.
Comment récupérer donc les données contenues dans ces valises ?
Sans être un grand technicien de Sagem, je pense quand même que c’est simple. Les valises n’ont pas été volées avec les formulaires. Donc, à mon avis, on peut toujours reconstituer, à partir des formulaires, la liste des personnes enrôlées dans le centre. Néanmoins, c’est une question d’ordre technique que les techniciens sont en train d’étudier pour voir comment la traiter. Naturellement, si l’on n peut pas reconstituer ces données à partir des formulaires, nous ferons appel aux uns et aux autres pour nous assurer qu’ils peuvent revenir se faire enrôler. Cela dit, nous nous avons instruit les forces de sécurité, pour non seulement retrouver ceux qui ont emporté ces valises, mais aussi les valises elles-mêmes. Une enquête a été ouverte à la suite de l’incident. Le ministre de la Justice a été instruit ; il y a eu une déclaration du secrétaire général du gouvernement sur la question. Absence de certains agents dans les centres
La reprise n’a concerné qu’Abidjan. Donc, que les agents de l’Ins ne soient pas présents à Dabou, c’est presque normal. Si c’est avant la reprise, c’est un autre cas. Je sais que Dabou faisait partie des centres-pilote, à l’instar de Ferkessédougou et d’autres villes. Effectivement, pour la première phase, on nous a signalé qu’il n’y avait pas d’agents de l’Ins dans certains centres de collecte. Mais depuis bien longtemps, nous avons convenu avec le président de la Cei et toutes les structures ici présentes, qu’à partir du moment où un décret fixait la collaboration entre les deux opérateurs techniques, si les agents de l’Ins n’étaient pas dans un centre de collecte, il fallait suspendre l’enrôlement dans ce centre. C’est valable pour les agents de Sagem. Ce sont des instructions précises qui ont été données aux chefs des centres de collecte. Et cela fait un bon moment qu’on ne me signale plus ce genre de problèmes. Je parle sous le couvert du directeur général de l’Ins et du représentant de la Sagem sécurité. Donc, c’est un problème réglé depuis plusieurs semaines, lorsque nous avons constaté quelques absences dans les centres.
C’est une opération menée par le ministère de la Justice. Qui a mis en place, une équipe projet qui s’occupe de la question. Mais, que ceux qui sont confrontés à diverses difficultés, au niveau de l’enrôlement pour problème d’acte de naissance, se rendent à la mairie ou sous-préfecture de leur lieu de naissance. Si par bonheur, le registre de l’état civil est disponible, avec tous ses éléments, on lui établit un acte de naissance. Il n’y aura de problème que si le registre a été détruit. Mais, si c’est le cas, ce citoyen est concerné par l’opération de reconstitution des registres d’état civil, s’il n’a plus un seul exemplaire de son acte de naissance. La reconstitution des régistres d’état civil
Comment va se dérouler cette opération? C’est simple. La première phase qui est en cours, c’est l’inventaire des registres d’état civil. C’est-à-dire que l’équipe projet passe partout pour s’assurer que les registres d’état civil existent bel et bien en doubles et en originaux. C’est cela l’inventaire. En outre, elle va vérifier que les 50 feuillets qui se trouvent dans chaque registre sont bel et bien présents. C’est donc un travail méticuleux et lent. Parce que, figurez-vous, si par exemple une seule lettre est invisible sur un feuillet, il faudra reconstituer ce feuillet. C’est un travail minutieux et délicat. Nous avions espéré boucler cette opération en deux ou trois mois. Nous avions même mentionné 4 mois, dans le décret. Mais la charge et le volume de travail à exécuter ont fait que ces délais sont en passe d’être prolongés. Mais l’opération continue d’être menée. Cela concerne la phase d’inventaire. Il y aura la phase judiciaire qui consistera en la reconstitution des registres d’état civil. Il y aura plusieurs cas de figure à ce niveau. Il y a des localités où l’on trouvera les originaux. Mais on s’assurera qu’il y a des doubles à ces originaux. En ce moment-là, on prendra ces registres originaux pour reconstituer les doubles. Il peut, par contre, se trouver que ce sont les originaux qui ont été détruits. Et comme au greffe, il y a les doubles, on prendra donc les doubles pour reconstituer les originaux. Le cas extrême, c’est lorsque ces registres n’existent plus, ni en originaux, ni en doubles. Pour ces cas là, un texte a été pris en Conseil des ministres pour instituer des commissions locales de reconstitution des registres d’état civil. Donc nous ferons la liste des registres qui n’existent plus en doubles et en originaux et la publier. Sur différents supports. Nous allons ensuite inviter tous les citoyens concernés à se rendre dans leur lieu de naissance, auprès des commissions locales qui ont été créées, avec des éléments indiquant qu’ils ont bel et bien figuré dans les registres. Ceux qui ont un extrait de naissance où l’on peut voir la référence du registre viendront avec. Ils passeront devant la commission qui va trancher. L’Etat pour sa part se donnera les moyens pour s’assurer qu’il n’y a pas de fraude. Pour ce faire, nous allons recourir, par exemple, aux anciens fichiers du recensement général de la population. L’INS nous a déjà remis des fichiers de 1995. Il est en train de travailler sur ceux de 1990. Donc, l’Etat a aussi sa mémoire pour procéder à la bonne et parfaite reconstitution des registres d’état civil. Ce qui est à souhaiter, et nous travaillons dans ce sens, c’est que cette opération de reconstitution de registre d’état civil prenne rapidement fin, pour permettre aux citoyens d’être dans les délais prévus par les opérations d’enrôlement pour l’identification et les élections. Concernant les questions militaires, le ministre de la Défense est là. Nous en avons longuement parlé ce week-end : la question des grades et des quotas, la réunification de l’armée, celle de l’unicité des caisses de l’Etat sont des questions qui, pour le moment, n’ont pas été définitivement réglées. Mais nous ne sommes pas restés dans l’immobilisme. Vous savez, il y a eu déjà plusieurs réunions, à Ouagadougou, pour en parler. Je peux vous dire que hier (mardi, ndlr) encore, le représentant spécial du facilitateur (Bouréima Badini) nous a remis un projet d’accord. Il m’a remis une copie, et une autre au Président de la République. Et nous sommes en train de travailler sur ces textes-là pour nous mettre d’accord définitivement sur la question des grades; et des quotas à accorder aux Forces armées des Forces nouvelles, et sur toutes les autres questions pendantes. Il y a une réunion du Cea le 10 novembre, à Ouagadougou, élargie au Cci. Ce sera encore une fois l’occasion pour les acteurs, de discuter et d’arriver à une solution définitive. Ce ne sont pas des questions qui ont été omises; elles continuent de faire l’objet de discussions entre nous. Vous me direz pourquoi cela prend autant de temps. C’est parce que ce sont des questions délicates et il ne faut pas se leurrer. Vous savez bien que l’un des piliers d’une nation, c’est l’armée. Elle constitue un pilier important. Comment régler ces questions en maintenant une harmonie sereine ? C’est ce que nous sommes en train de chercher. Et nous nous sommes dit : il faut aller progressivement, mais sereinement dans la résolution de ces questions. J’ai bon espoir que dans les semaines à venir, elles seront définitivement tranchées. Pour tout vous dire, il reste peut-être un point sur lequel on devrait se mettre d’accord. Si non, sur toutes les autres questions, il y a déjà eu des accords. Je pense que d’ici là, nous pourrons nous mettre d’accord sur les questions militaires. Autorité de l’état et grades
A propos de l’autorité de l’Etat, il ne faut pas se torturer avec cette question. On ne fera pas de miracle. Il faut que les Ivoiriens gardent la sérénité et s’enlèvent une pression inutile. L’année dernière, je suis allé à la finale du tournoi de handball à Luanda, en Angola, et j’ai été reçu par le Président Dos Santos. J’ai eu l’occasion de me rendre en Sierra Leone. J’y ai été reçu par le nouveau Président qui a effectué une visite officiell icie. Il ne faut pas se mettre une pression particulière. Je dois vous dire que vous deviez être plutôt heureux du travail que nous sommes en train de faire, parce que les préfets, les sous-préfets, les secrétaires généraux, sont dans les régions et jusqu’aujourd’hui, il n’y a pas eu d’incident avec un quelconque com’zone.
Le ministre de la Défense qui s’est rendu aussi à Luanda sait comment les questions sont en train d’être réglées. Du jour au lendemain, on n’a pas eu une situation des plus parfaite sur l’ensemble du territoire. Je ne mentirai pas aux Ivoiriens. Les préfets, les sous-préfets, les secrétaires généraux de préfecture, y sont. Il n’y a pas que la question de leurs relations avec les commandants de zone, il y en a d’autres. Par exemple, les moyens pour travailler, le logement, etc. C’est tout cela que nous sommes en train de régler et vous savez que des efforts sont faits. Vous dites que les com’zones ont plus d’autorité que les préfets et sous-préfets dans ces régions, à quand le basculement total ? Vous rappelez-vous de la période où certains hésitaient quant du redéploiement du corps préfectoral dans ces régions ? J’ai dit à certains préfets : “Vous ne pouvez pas prétendre à certains pouvoirs ou à l’autorité dans ces zones, si vous restez à Abidjan. Vous ne pouvez pas dire, nous voulons l’autorité là-bas, en restant à Abidjan. Il faut aller dans ces zones, vous asseoir et commencer à travailler. L’autorité s’acquerra au fur et à mesure”. L’autorité est à mon avis naturelle. Ce n’est pas parce que du jour au lendemain vous devenez Premier ministre que vous avez de l’autorité sur votre gouvernement. Il faut que vous travailliez et que les ministres voient bien votre méthode de travail. Qu’ils y adhèrent et commencent à travailler au fur et à mesure. Mon rôle en tant que chef du gouvernement, c’est de faire en sorte que de plus en plus, préfets et sous-préfets, puissent acquérir cette autorité. Et je peux vous le dire, vous êtes journalistes, faites de l’investigation. Il y a des zones où cela a peut-être mieux marché que d’autres. Mais, il y a des zones où vraiment c’est le préfet ou le sous-préfet qui décide. Je vous donne un exemple : le conseil municipal de M. Zémogo (Zémogo fofana, maire de Boundiali et transfuge du Rdr) veut faire une réunion à Boundiali. Il y a comme des risques de trouble à l’ordre public. Le préfet fait une réquisition des Forces nouvelles sur place pour assurer la sécurité. Je peux vous citer plusieurs exemples. Sur cette question, le Chef de l’Etat et moi sommes en phase. Il faut y aller avec beaucoup de courage et d’audace aussi et progressivement. A un moment donné, ces choses seront totalement et définitivement réglées. Moi, j’ai foi et j’ai confiance dans le fait que, au fur et à mesure que la présence des préfets sera constante, ils auront l’autorité dont on parle tant. Je veux vous rassurer, il ne faut pas que cela soit une préoccupation pour vous. Nous y veillons. Quand le Chef de l’Etat va à Bouna, c’est chez le préfet ou le sous-préfet que l’on va manger. Quand je mets en place un comité national pour préparer les visites du Chef de l’Etat dans ces régions, la commission locale est présidée par le préfet. Nous avançons. Maintenant s’il y a des difficultés particulières, je suis prêt à les regarder au cas par cas. Unicité des caisses de l’état
On a dit que l’unicité des caisses de l’Etat était un leurre! Ce n’est pas exact. Sur la question, nous avons eu à mettre en place un comité qui y a travaillé. C’est une question qui a été longuement discutée; et le principe pour aller à l’unicité des caisses de l’Etat est acquis. La seule difficulté que nous avons eue jusqu’à ce jour, c’est la question de la modalité de mise en œuvre. Quand je parle de modalité de mise en œuvre, c’est simple. Voilà des régions dans lesquelles des militaires se sont installés et ont eu pour habitude, dans leur organisation, de faire aussi la mobilisation des ressources. Maintenant, il s’agit de faire en sorte que les professionnels du ministère de l’Economie et des Finances puissent y retourner pour reprendre leurs activités normales. Nous avons dit qu’à partir du moment où cette situation qui a duré, a précarisé les populations, un retour brutal pourrait créer d’autres types de problèmes. Et qu’il fallait donc y retourner progressivement. En même temps, nous avons essayé de booster le processus de regroupement pour que, justement, les uns et les autres ayant été démobilisés ou acquis le statut de volontaires de la nouvelle armée et donc pris en charge par le budget de l’Etat, il n’y ait aucune raison pour quelqu’un d’insister sur la question de la mobilisation des ressources. Ce travail a démarré et dans l’accord, dont j’ai parlé tout à l’heure, cette question est aussi discutée et dans le détail. Parce que la stabilité du pays impose que toutes les mesures que nous prenons puissent non seulement être appliquées, mais aussi, ne pas être sources de conflits. Je pense donc que la question de l’unicité des caisses de l’Etat, au même titre que les questions de grades et de quotas, sont des questions importantes et délicates et sur lesquelles nous sommes en train de trouver un accord. Sur l’unicité, nous sommes tous d’accord. La question de la photocopie de l’extrait de naissance. On me demande pourquoi avoir admis la photocopie à l’enrôlement. La position que nous occupons n’est pas simple. Ce processus avance parce que nous prenons le temps du compromis et du consensus. Le choix d’un autre Premier ministre aurait, peut-être, été de dire qu’il tranche. Mais moi, je donne plutôt la responsabilité et l’initiative aux plaignants de me convaincre de la justesse de leurs propos. Si je suis convaincu, je considère alors que j’ai les moyens de faire l’arbitrage. Que s’est-il passé? Depuis l’Accord politique de Ouagadougou, l’objectif des signataires, que nous sommes, était de simplifier toutes les procédures pour régler une bonne fois pour toutes, la question de l’identification et celle de la liste électorale.
N’oubliez pas que nous avons toujours considéré que la question de l’identification était la question préjudicielle à la crise ivoirienne. Nous avons tout simplifié en disant que la pièce pour être inscrit sur la liste électorale est l’extrait de naissance. Et pas de certificat de nationalité ou autre document. C’est ce que nous les signataires avons convenu. Ainsi, les textes sont passés au Conseil des ministres pour bien stipuler que c’est l’acte de naissance que le citoyen doit présenter pour être inscrit sur la liste électorale. Nous avons même élaboré un mode opératoire consensuel, puisqu’il a été remis aux ministres à qui j’ai demandé de faire des observations par écrit, pour me permettre, dans la sérénité, de procéder à un arbitrage équilibré. Ce qui a été fait et le mode opératoire a été adopté par décret, en Conseil des ministres. Et le décret était si bref qu’il n’y a qu’un seul article qui stipule que le mode opératoire attenant a été adopté.
A la pratique, dès les premières semaines, nous avons été saisis de ce qu’il y avait une grande suspicion de fraude sur l’opération et qui risquait d’en compromettre le bon déroulement. Chaque jour, j’entendais, çà et là, qu’il y avait des problèmes dans les centres de collecte avec des questions d’insécurité en sus. Moi, je veux que le recensement électoral arrive à son terme et que les citoyens aient leurs cartes nationales d’identité et d’électeur.
Quand j’ai bien noté que la tension gagnait en intensité et que l’opération pouvait dégénérer en affrontements, convaincu en cela par les partis politiques qui faisaient des déclarations tendues, j’ai décidé d’instaurer le dialogue avec les partis. J’ai donc approché le président de la Cei avec qui j’ai convenu, dans un premier temps, de recevoir les partis politiques pour donner le maximum d’informations. Mais les problèmes ont continué. J’ai alors décidé de revoir les partis politiques. Il y a un parti politique, le Fpi, qui a demandé que l’on retienne l’acte de naissance dans les centres de collecte pour permettre à l’Etat de procéder à un certain nombre de vérifications et de contrôles. Les autres partis n’avaient pas évoqué cette question. Nous avons pris le temps de la réflexion. Car, je ne veux pas qu’un parti ou un citoyen dise qu’il ne va pas aux élections parce que le processus n’est pas transparent. Mon rôle est donc de faire en sorte que tous ceux qui le désirent aillent aux élections dans la sérénité. S’il y a déjà des affrontements pour le simple recensement, vous imaginez-vous ce que seront les élections ?
Nous sommes convaincus que le mécanisme que nous avons mis en place est transparent et ne favorise ou ne défavorise personne. Tant que l’on peut avoir des mesures qui rassurent tous les camps, il n’y a pas de problème. Autant, hier, quand on a dit que l’Ins constituait un problème, j’ai été de ceux qui ont milité pour que l’Ins et la Sagem travaillent ensemble, autant aujourd’hui, quand on me dit que si l’acte de naissance original n’est pas retenu dans le centre de collecte, il y a une telle fraude qu’on ne pourra pas contrôler, je me dis qu’il me faut trouver une solution qui apaise. C’est dans ce sens que, ayant réfléchi sur le risque ou l’injustice de délester le citoyen de son dernier et unique extrait de naissance, en le retenant dans le centre de collecte, nous avons proposé qu’il y ait une photocopie si et seulement si l’exigence se trouve au niveau de la clarté et de la transparence de la liste électorale. On a tous les éléments sur la photocopie pour s’assurer d’un contrôle futur dans le processus. J’ai donc pensé que la photocopie était un bon compromis. J’ai fait la proposition à la commission électorale et aux structures techniques qui l’ont acceptée. Puis nous avons appelé tous les partis politiques pour leur expliquer l’intérêt qu’il y a à avoir le consensus sur toutes les questions importantes du processus électoral. Le Fpi et tous les autres partis m’ont donné leur accord à la fin de la réunion et c’est ainsi que j’ai signé la circulaire. Voilà l’origine. Et l’historique de la photocopie dans le processus.
J’entendais les gens dire : est-ce que la photocopie ne sera pas utilisée à d’autres desseins ? Comme j’en avais déjà entendu parler, nous avons pris les dispositions : la photocopie sera retenue dans les centres de collecte et sera transmise à la Primature. Et c’est la Primature qui va stocker les photocopies et s’assurer que ni la Sagem, ni l’Ins, ni l’Oni, ni même la Cnsi ou la Cei n’auront la possibilité d’utiliser ces photocopies à d’autres objectifs ou manipulations. Donc les photocopies seront à la Primature. Et personne ne pourra utiliser la photocopie à d’autres fins. Mieux, on a même pris d’autres dispositions sur la photocopie. En prenant le soin d’y faire des annotations. Pour qu’on ait les preuves qu’effectivement, c’est une photocopie qui est passée dans les mains des agents régulièrement et qui a abouti à la Primature. Et je ne vais pas rentrer dans les détails. Donc, sachez qu’on prend des dispositions pour que nul n’ait un élément ou un argument pour taxer notre processus d’incohérent ou de non transparent.
On me dit que dans les villages, les populations ne pourront pas faire les photocopies. Nous avons aussi pensé à la difficulté qu’il y aurait pour nos braves populations rurales à régler ce problème. Les dispositions sont prises. Nous sommes en train d’y travailler et je parle encore en présence du président de la Commission électorale indépendante (Cei). Nous sommes en train d’envisager des mesures pour nous assurer que dans le village, personne ne soit exclu de l’enrôlement parce qu’il n’a pas de photocopie. L’Etat de Côte d’Ivoire veut se donner les moyens pour faire droit aux souhaits et à la volonté des citoyens qui veulent avoir une carte d’électeur ou une carte nationale d’identité. Maintenant à Abidjan, je ne crois qu’il y ait des difficultés particulières à faire des photocopies parce qu’à tous les coins de rue, il y a ces machines. On m’a même dit que les photocopies coûtent entre 15 et 25F CFA… Si vraiment on a envie d’avoir sa carte d’identité, on peut faire la photocopie. Je souhaite que les uns et les autres puissent faire leur photocopie. Et qu’ils acceptent au nom de la paix, de la réconciliation de faire l’enrôlement avec l’original et la photocopie. Je vous rappelle que c’est le ministre de l’Intérieur qui me disait, qu’il y a même un engorgement pour faire les passeports. Le passeport coûte 40.000 F CFA et pourtant il y a une affluence telle qu’ils ont le sentiment à des moments donnés qu’ils sont débordés. Pour notre opération, la photocopie coûte, même si j’extrapole, 50 F CFA. Je pense que ça devait pouvoir se faire. On me dit que certaines personnes ont déjà été enrôlées sans la photocopie. Qu’est-ce qu’on fait pour ces personnes ? Le président de la Cei mène la réflexion avec les structures nationales pour nous trouver une solution qui satisfasse tout le monde. Je pense qu’il y a plusieurs possibilités. Mais ce sera à la Cei de trouver la meilleure. Donc on est encore au stade de la réflexion; mais on sait de toute façon qui sont ceux qui ont été enrôlés sans photocopie. Puisqu’on a des données. Hier, il y a eu un début de discussions entre ceux qui pensent qu’il faudrait peut-être demander aux gens d’envoyer leurs photocopies par des canaux et ceux qui pensent que avec d’autres manipulations techniques, on peut trouver une solution. Mais enfin, il y a plusieurs propositions et nous avons demandé au président de la Cei de se saisir de cette préoccupation et de trouver la solution la meilleure. Et nous prendrons la solution la meilleure pour l’appliquer. Dispositions pour handicapés
Elles ont été prévues par une ordonnance. Les voies de substitution, pour quelqu’un qui n’a pas ses dix doigts au complet, existent. Rapport au temps
Je crois que le terme de fétichisme des dates a produit beaucoup de réflexions dans ce pays. Je m’en réjouis car c’est devenu presqu’un label. Mais je pense qu’en Afrique, on n’a pas la même notion du temps qu’en Europe. Je lisais quelque part dans un document, que le symbole de l’arbre à palabres en Afrique montre bien comment, pour l’Africain, le dialogue occupe une place, je ne dirai pas prioritaire mais importante. Je peux vous donner des exemples. Nous sommes allés à Linas-Marcoussis, en France. Le président de la Table, M. Pierre Mazeaud, grand constitutionnaliste français, a été chargé de mener les discussions. On lui a donné une semaine pour obtenir un Accord sur des problèmes vieux d’une décennie. C’est vrai qu’on a fini par signer un Accord. Mais c’était au pas de charge. On dormait même sur le site. Les matins, on était dans la salle et visiblement, face à la pression du temps, des questions peut-être n’ont pas été discutées à satisfaction. Résultat : on a eu des problèmes pour appliquer l’accord. Ça aussi, c’est le facteur temps. Ensuite, nous sommes allés à Accra (Ghana). On nous a donné 48h pour signer un accord. Et on a signé l’accord parce que la pression est là. Tout le monde est là et si tu ne signes pas, c’est toi qui as un problème. On dira : “ah ! c’est lui qui n’a pas signé”. Alors, on signait. Mais à peine on avait signé, que quand on sortait, on relisait l’Accord, quelle est la virgule qui peut nous permettre de ne pas l’appliquer. Résultat : Ça n’a pas été appliqué. Ça été la même chose à Pretoria. L’historique du dialogue direct
Le mot même dialogue direct, je l’ai entendu le 6 novembre 2006. Si vous vous rappelez, j’étais allé à New York en septembre à l’assemblée générale des Nations unies ; ensuite à Bucarest (Roumanie) pour la Francophonie et je suis revenu à Paris.
Je profite donc pour vous parler du dialogue direct parce que les gens racontent trop de choses. Le 4 novembre 2006, j’ai reçu un coup de fil du Président Blaise Compaoré. Il me dit : “M. Soro, le Président Gbagbo m’a envoyé un émissaire. Il veut discuter directement avec toi”. Je dis : “non, M. le Président. Tout ça, c’est pour éviter d’appliquer les résolutions des Nations unies. Je ne veux donc pas entrer dans une telle discussion”. Le Président Blaise Compaoré m’a laissé dire tout le mal que je pouvais penser de l’initiative d’une telle discussion. Il me dit : “mais autant venir à Ouagadougou puisqu’on est au téléphone”. Je lui ai dit : “Président, je viens”. Je suis arrivé à Ouagadougou le 6 novembre 2006. Le Président Blaise Compaoré m’a reçu et il m’a dit : “M. Soro Guillaume, secrétaire général des Forces nouvelles, le Président Gbagbo m’a envoyé un émissaire qui veut que vous discutiez”. Je lui dit : “M. le Président, vous savez, on est allés à Accra, Pretoria, on est allé partout, on n’a pas obtenu grand-chose. C’est encore pour trouver des arrangements pour ne pas les appliquer”. J’ai dit au Président Blaise Compaoré de me laisser le temps de la réflexion. Et je suis allé à Bouaké pour mener la concertation avec mes hommes. Quand j’ai fini de faire ces discussions, un jour le Président Compaoré m’appelle pour me dire que l’émissaire du Président Gbagbo est là; c’est M. Tagro. Le Président Compaoré me dit : “Il est là, qu’est-ce qu’on fait?” “Président, qu’il vous dise ce qu’il veut”, lui ai je repondu. Je vous dis tout cela non pour voir la grande méfiance, mais le rôle du temps dans tout ça. Je dis : “M. Tagro ?” Le Président Compaoré me dit : “oui”. A l’époque le ministre Tagro était porte-parole de la Présidence et il faisait de grandes déclarations sur RFI que je n’appréciais pas particulièrement. C’est lui qu’on m’envoie pour venir discuter ? Je dis : “Président, qu’il vous dise ce qu’il a envie de dire. Vraiment je ne souhaite pas lui parler”. Le Président Compaoré répond : “mais tu dois lui parler, tu ne peux pas ne pas lui parler. Il faut que tu lui parles”. Il ajoute : “demain, M. Tagro sera avec moi, je t’appelle et je te le passe”. Effectivement, le lendemain, mon téléphone sonne, c’est le Président Compaoré. Il me dit : “M. le secrétaire général des Forces nouvelles, je suis avec M. Tagro, je vous le passe”. On me passe M. Tagro qui me dit : “Le Président Gbagbo m’a chargé de venir dire au Président Compaoré qu’il souhaite engager le dialogue direct avec vous et il veut que vous parliez. Il a fait des propositions sur le Service civique…”
J’ai noté. Quand il a fini, j’ai dit au ministre Tagro: “Je vous reviendrai, passez-moi le Président Com-paoré”. On m’a passé le Président Compaoré et je dis : “M. le Président, j’ai compris ce qu’il a dit. Je vais réfléchir et je vais vous revenir”. J’ai appelé mes collaborateurs pour leur dire ce qui s’est passé. Et nous avons décidé de prendre date. On a donc décidé d’écrire au Président Compaoré. Je me souviens encore de l’introduction du courrier. J’ai mis : “comme suite à notre entretien téléphonique, vous m’avez passé M. Tagro qui m’a dit ceci. M. le Président, voici la réponse que nous donnons. Nous considérons qu’on a suffisamment et largement discuté des problèmes de la Côte d’Ivoire et qu’il serait presqu’inutile de reprendre ces discussions. Une résolution est venue sanctionner tout ceci. M. le Président, nous demandons au camp présidentiel de mettre en œuvre la résolution. Et s’il s’avère qu’il y a des difficultés dans la mise en œuvre de la résolution, alors nous sommes disposés à aller discuter des modalités de la bonne mise en œuvre des Accords et de la résolution. Sous votre facilitation”. Quelle ne fut ma surprise ! Parce que je pensais que j’avais subtilement évité le dialogue direct dans mon courrier. Quelle ne fut ma surprise quand le Président Compaoré m’a appelé trois jours après pour me dire qu’il a envoyé le courrier au Président Gbagbo et qu’il dit qu’il est très heureux, que c’est une très bonne chose et qu’il est d’accord avec ton courrier. Et qu’il est d’accord pour appliquer la résolution et tous les autres accords. Mais il veut que vous discutiez quand même pour avancer. Et j’ai dit mais on a un problème ! Et ce n’est qu’après ça que le Président Gbagbo a fait une déclaration le 19 décembre 2006 pour appeler au dialogue direct. Dans ce discours, il a dit : “j’appelle les rebelles”. Comme nous on cherchait tous les éléments pour ne pas aller aussi facilement au dialogue direct, j’ai appelé le Président Compaoré et j’ai dit que je ne me sens pas concerné parce qu’il parle des rebelles ; or je ne le suis pas.
Il dit : “bon, j’ai compris”. C’est ainsi que le Président de la République devait faire un second appel le 31 décembre 2006, avec le message du nouvel an. Cette fois, il a dit : “j’appelle mes frères qui ont pris les armes”. Je dis : “c’est bon, on peut discuter”. Et c’est comme ça que j’ai consulté le G7 dans lequel j’étais, j’ai consulté tout le monde. Et le 7 janvier 2007, j’ai fait une déclaration pour accepter le dialogue direct. Mais vous voyez, du 4 novembre 2006 au 7 janvier 2007, le temps a joué. Les discussions ont commencé le 5 février 2007 (je peux me tromper, vous vérifierez), alors que les esprits avaient été à peu près préparés à nous rencontrer. Et depuis janvier, nous avions commencé à discuter. Les discussions officielles que vous avez vu (conduites par les ministres Dacoury et Tagro ont démarré le 5 février 2007. Et on n’a signé l’Accord que le 4 mars 2007. Calculez le temps que nous avons mis à discuter. Je ne dis pas que là réside la clé de la réussite de l’Accord politique de Ouagadougou. Mais je dis que ça a été important. Tout ce temps de préparation pour qu’on ne vienne pas discuter dans la défiance, dans la méfiance, ça été important. Et je pense que le Président Compaoré a vu juste quand la communauté internationale a commencé à défiler à Ouagadougou pour lui dire de trouver rapidement une solution. Il a dit : “non, ici nous sommes au Burkina, c’est l’Afrique, vous me laissez discuter avec eux. Le jour où l’on sera prêt, on vous le dira”. Et on a pris le temps. Depuis le 4 novembre pour aboutir à l’Accord politique de Ouagadougou. Donc pour moi, le temps est un élément important. On croit devancer le temps quand, sous la pression, on vous dit de signer. Mais en réalité, on se trompe parce que le temps a toujours raison. Si peut-être on avait pris toutes ces dispositions pour créer ce cadre et qu’on avait laissé le temps jouer, on n’en serait peut-être pas là aujourd’hui.
Nomination au poste de premier ministre
Je vous donne un dernier exemple et pour terminer avec cette question hautement importante. Le 18 décembre 2002, sommet à Bamako, il y avait les Présidents Compaoré, Touré et Gbagbo. Le Président Compaoré propose au Président Gbagbo s’il veut aller vite dans le règlement de ce problème de nommer Guillaume Soro Premier ministre. C’était le 18 décembre 2002. Le Président a dit : “Guillaume Soro, mais c’est inimaginable”. Novembre 2005, le Président Obasanjo (du Nigeria) vient en Côte d’Ivoire pour la nomination d’un Premier ministre (successeur de Seydou Diarra). Les Forces nouvelles font une déclaration pour dire : il faut que leur secrétaire général soit Premier ministre en Côte d’Ivoire. Tollé ! Non pas seulement dans le camp présidentiel mais partout. Guillaume Soro Premier ministre ? inimaginable, impossible. Certains sont allés jusqu’à dire des méchancetés sur ma personne. Et Obasanjo de me recevoir en Allemagne. Pour me dire : “Guillaume, je suis moi, Président Obasanjo, convaincu que tu as le talent pour diriger le gouvernement ivoirien. Et de mon vivant, je sais que tu compteras dans ce processus. Mais pour le moment, ta nomination au poste de Premier ministre va beaucoup plus diviser la classe politique que la réconcilier. Je te demande d’y renoncer”. Parce qu’on avait dit de voter le Premier ministre. Comme les Forces nouvelles ont trois groupes (MPCI, MJP, MPIGO), quand les trois ont voté, j’étais premier de tous les candidats. Donc je m’imposais de fait aux gens. En tant que premier. Donc comment m’enlever de la liste ?
Moi, j’ai été voté par trois forces. Et personne parmi les candidats n’avait réussi cette prouesse-là. Il me dit d’accepter de renoncer. Je dis : “M. le Président Obasanjo, je suis votre conseil, je renonce”. Mais j’étais convaincu que tant qu’il y aura un Premier ministre qui va être un intermédiaire entre le camp présidentiel et nous, ça ne marchera pas. On perdra du temps, il n’y aura pas suffisamment la capacité de le faire. “Mais comme vous le suggérez, il n’y a aucun problème”. C’est comme ça que j’ai appelé mes collaborateurs pour dire : “l’histoire de Premier ministre, laissez tomber”. Le Président Obasanjo m’invite à Port Harcourt pour me consoler. Il me dit qu’il a besoin de conseil pour la nomination du Premier ministre en Côte d’Ivoire. J’ai donné mon avis. Nous sommes restés jusque tard dans la nuit. Il devait aller à Bamako où il y avait un sommet France Afrique pour décider du nom du Premier ministre de Côte d’Ivoire. Il a pris son avion il est allé à Bamako, il m’a dit de l’attendre à Abuja. Je l’y ai attendu et il est revenu me trouver à Abuja. Et il m’a dit : “Guillaume, après nos discussions, le Premier ministre que nous avons nommé, tous les Ivoiriens en sont heureux”. J’ai dit “M. le Président c’est vrai, mais c’est parce que tous les partis politiques ne sont pas d’accord”. Et comme ils ne pouvaient pas faire autrement, ils sont d’accord. Et voilà comment les choses se sont passées. Et puis le 29 mars, j’ai été désigné Premier ministre. Là aussi, c’est le temps qui a permis qu’un jour, je sois Premier ministre pour apporter une contribution au règlement de la crise ivoirienne. Donc je veux dire qu’après toutes ces discussions, j’ai une nouvelle façon de voir les problèmes en Afrique. Peut-être qu’un jour, on aura l’occasion de discuter de nos visions pour notre continent, mais j’ai de nouvelles perceptions sur ces questions-là.
Population électorale
Alors, vous dites un village de mille habitants se retrouve avec deux mille électeurs. Sur le principe, à mon avis, il n’y a aucun problème. Ce n’est pas le recensement général de la population. C’est différent. Il s’agit du recensement électoral. Donc, moi je peux être ici à Abidjan et puis aller me faire enrôler à Ferké. Donc il n’y a aucun problème là-dessus. Quant à la suspicion, elle ne se trouve pas dans le nombre d’électeur dans un village, mais plutôt dans la qualité de la liste. Et je l’ai déjà dit. Maintenant, le principe dans la confection de la liste, c’est qu’on enrôle avec des empruntes digitales et la photo numérique qui facilitent les contrôles et qui évitent les fraudes les plus répandues. A savoir la multiple inscription. Alors que là, il ne peut pas y avoir deux personnes qui aient les dix empruntes digitales identiques. Donc je pense que ça règle ce problème.
Sur le groupe de jeunes organisés en service d’ordre, c’est une information que je reçois. Colonel-Major, commandant du Centre de commandement intégré (Cci), on vous porte cette information, prenez les dispositions. Dans les centres de collecte, il ne peut pas y avoir de jeunes venus faire un service d’ordre. Il y a les forces de l’ordre. C’est leur travail d’assurer la sécurité. Alors, j’en profite, si c’est avéré, pour lancer un appel aux partis politiques : laissez l’Etat faire son travail. Ses démembrements sont là pour faire le travail. Le service d’ordre, ce n’est pas aux partis politiques de le faire. C’est à l’Etat. Nous avons nos démembrements, le CCI va assurer la sérénité.
Propos recueillis par Pascal Soro, Nimatoulaye Ba, Casimir Djézou, Emmanuel Kouassi, Rémi Coulibaly, Marie-Ddèle Djidjé, Paul Bagnini
Coordonnateur Franck A. Zagbayou
Demain, suite et fin