Le dimanche 15 décembre, des combats éclatent à Juba entre des soldats de la garde nationale et d'autres de la garde présidentielle. Depuis quelques jours, l'agitation politique était à son comble entre le président Salva Kiir et une frange de contestataires au sein de son parti, le SPLM (Mouvement populaire de libération du Soudan).
Ce qui est d'abord présenté comme un incident isolé entre deux groupes armés devient dans la version officielle une tentative de coup d'État orchestrée par l'ex-vice-président Riek Machar. Celui-ci dément et accuse le président Salva Kiir de vouloir éliminer les contestataires. Il s'enfuit dès le 15 avec quelques dizaines d'hommes pour gagner l'État de Jonglei.
Guerre civile
Dans les jours qui suivent, plusieurs hauts responsables militaires se rallient à lui et des combats éclatent dans la ville de Bor qui devient l'épicentre de la rébellion. En moins de 48 heures, le Soudan du Sud bascule dans la guerre civile. De nombreuses casernes et garnisons se déchirent. Des dizaines de milliers de personnes fuyant les combats se regroupent dans les bases des Nations unies.
La guerre civile prend une tournure ethnique. La communauté Dinka du président Kiir et celle Nuer de son adversaire ravivent les vieilles haines. Les pays voisins et le grand parrain américain assistent impuissant au suicide de la plus jeune Nation du continent. Trois ans après son indépendance, le Soudan du Sud est en plein chaos.
Jamais sans doute Khartoum n'aurait imaginé pareil scénario. Voir le Soudan du Sud s'effondrer en quelques jours dans une guerre fratricide a de quoi réjouir les durs du régime d'Oma el-Béchir, ceux qui n'ont jamais réellement accepté l'indépendance des sudistes.
Le soutien intéressé de Khartoum
Depuis 2011, Khartoum se plaint régulièrement de son voisin. Sur la question pétrolière, sur celle de l'enclave d'Abyei, sur celle des mouvements armés du Khordofan, Khartoum a toujours exercé une pression maximum sur les dirigeants sudistes. Aujourd'hui, que le pays est à genoux, Omar el-Béchir sait que Juba ne pourra plus lui refuser grand chose. Voilà pourquoi le président soudanais soutient sans réserve son homologue Salva Kiir, un homme qui, espère-t-on à Khartoum, sera demain plus conciliant envers les intérêts nordistes.
Reste que la partie est risquée. Si le Soudan du Sud sombre dans l'anarchie, Khartoum en sera affecté ne serait ce que parce que les champs pétroliers pourraient devenir inexploitables. Le Soudan veut donc éviter le pire des scénarios. Un médiateur soudanais est présent à Addis Abeba. Et Khartoum a promis d'envoyer au plus vite ses experts relever l'industrie pétrolière de son voisin. Reste à savoir si la main tendue ne sera pas au final celle qui passe les menottes.