Souleymane Jules Diop, vous êtes un cyber dissident sénégalais établi au Canada depuis plusieurs années. Qu’est-ce qui explique votre opposition au régime de Wade?
Il s’agit d’une opposition de principe, qui n’a rien de personnel. Le président Wade lui-même le sait. Je lui ai voué une admiration sans fin pour ce qu’il a accompli en tant qu’opposant sénégalais. Il a été un exemple de courage, de détermination, d’abnégation. Nous pensions que dans l’opposant, se cachait un grand président, nous nous sommes trompés. Quand on met de côté quelques réalisations, sa présidence a été une catastrophe, une succession de scandales financiers, fonciers, d’initiatives malheureuses. Je ne pouvais pas fermer les yeux et faire comme si rien ne s’était passé. Le principal problème que j’ai eu avec lui a été l’implication de l’aile mafieuse de son parti dans les affaires de l’Etat. Sa famille est venue après, ce qui n’a pas arrangé les choses.
Comment jugez-vous le bilan du président sénégalais à la tête de votre pays?
On peut, comme je viens de le dire, mettre quelques réalisations à son actif. Mais il est clair qu’il a été le président des hommes riches, en oubliant les gens paumés qui l’ont porté au pouvoir. Le train de vie de l’Etat a augmenté considérablement. Les Hauts fonctionnaires, les responsables du commandement territorial ont vu leurs moyens multipliés pour certains par dix. Les magistrats qui gagnaient moins de 500 000 francs gagnent dix fois plus. Il a donc appauvri les pauvre pour enrichir les riches, dans le but de les corrompre. Pendant ce temps, la moyenne classe s’est effondrée. Des quartiers comme les Sicap, le Point-E, Fann, sont chassés de leurs résidents par de nouveaux riches, qui font preuve d’une boulimie foncière encouragée et promue par le chef de l’Etat lui-même. Dans les campagnes, les paysans sont chassés de leurs terres, obligés de devenir des ouvriers agricoles, au nom de la modernisation de notre agriculture. Et pour ceux qui seraient tentés de protester, la police est là pour réprimer. Les cas d’abus, de torture, se sont multipliés et nous avons une vingtaines de cas de bavures qui ont conduit à la mort de pauvres innocents. Les libertés sont restreintes et la presse, qui devait jouer un rôle de veille, s’est laissé infantiliser par ce qu’on appelle le « people ». La presse d’Etat, qui avait pour vocation d’informer, d’éduquer et d’amuser, ne joue même plus que ce dernier rôle, elle distrait. Quand ce n’est pas la propagande d’Etat, c’est la lutte. En même temps, l’imagerie populaire, véhiculée par les médias de masse, promeut un nouveau type de sénégalais cupide, assoiffé d’argent, soumis au diktat du paraître et de la réussite par tous les moyens. Les dossiers d’audit, les cas de fraude, de détournement, de blanchiment d’argent, qui sont répertoriés et documentés, restent impunis, ou alors les sanctions se limitent à quelques lampistes sans défense.
N’êtes-vous pas trop dur avec le régime ?
Je vous décris exactement la réalité tel qu’elle est ressentie et vécue. Le fils du président de la République voyage en Jet privé. Il a ses bureaux dans des locaux spéciaux, là où il avait logé l’Anoci et personne ne s’est avisé de demander à qui appartiennent ces deux appartements, et dans quelles conditions ils sont loués à l’Etat. Nous n’avons aucun moyen de contrôle sur les conditions dans lesquelles son avion a été acquis, celui qui paie les frais. Personne n’aurait pu imaginer qu’au Sénégal, pareil scénario pouvait se produire. Nous avons l’impression d’être plongés dans un cauchemar sans fin.
A trois mois de la présidentielle de 2012, la coalition Bennoo Siggil Senegaal n’a pas pu trouver un candidat de l’unité et du rassemblement. Qu’est-ce qui selon vous explique ce blocage?
A la nature de l’engagement des hommes, à l’idée que nous nous faisons de la politique dans ce pays. Chacun pense que c’est un moyen de promotion facile, un moyen d’anticiper sur les honneurs et la reconnaissance sociale que cela confère. La politique devient donc une question de réussite individuelle et non de promotion de la collectivité. Ceux qui entourent les candidats pensent au moyen de promotion sociale que cela peut leur offrir, naturellement. Nous nous retrouvons donc dans un choc de personnalités, au lieu d’une confrontation des idées et des projets. Chacun veut être candidat pour être reconnu. Dans notre pays, nous assistons maintenant à une comédie loufoque, préjudiciable à la qualité des débats et au sérieux qui doit accompagner la désignation d’un président de la République.
Nous ne pouvons pas ignorer le parcours des deux hommes qui étaient restés en lice, Niasse et Tanor, fait de mesquineries, de trahisons, depuis que pour la première fois, Niasse a fait venir Tanor à la présidence de la République, à la demande de Senghor. C’est finalement ce même tanor qui va présider la réunion de Bureau politique qui a exclu Niasse du Ps, en juin 1999. Aujourd’hui, le Ps accuse Niasse de lui avoir fait perdre le pouvoir. Mais au-delà de ces explications, c’est le comportement politique fondamental du Sénégalais et en même temps la nature de l’engagement politique qui doivent être questionnés. Les gens se présentent, non pas pour gagner, mais pour la notoriété. Et nous ne nous sommes pas dotés de moyens institutionnels pour prévenir de tels abus. Aujourd’hui, l’Etat dépense en moyenne 500 millions de francs pour chaque candidat, qui n’en débourse que 65. C’est donc un financement rentable pour tous les opérateurs politiques, qui bénéficient d’une publicité, d’une promotion médiatique gratuite pendant trois semaines. Le président de la République, en fonctionnarisant ses alliés, en leur donnant tous les mois des salaires supérieurs à ceux des cadres de l’administration, a encouragé ce phénomène.
Cette coalition a-t-elle des chances de remporter la présidentielle?
Je ne pense pas, si je veux rester honnête, que Benno, quelle que puisse être la combinaison retenue, puisse remporter les élections. Il est possible qu’un sursaut soit possible de ce côté-là, par un rejet des libéraux. Mais je pense qu’il y a un phénomène d’usure qui frappe une bonne partie de la classe politique. Les Sénégalais ont, je pense, profondément besoin de tourner la page des 50 dernières années. A quel prix, là reste la question, puisque le danger est de reproduire Abdoulaye Wade en plus jeune, en gardant le même système prébendier qu’il a insidieusement instauré. Qui connaît certes des limites, mais qui a produit un phénomène sociopolitique surprenant. Aujourd’hui, ce sont ses fils spirituels qui tiennent la dragée, même dans l’opposition. C’est un phénomène inoui. Je ne pense pas que ce soit par un phénomène de hasard, puisqu’il l’avait lui-même théorisé, par sa théorie des contradictions internes. Il disait qu’en exacerbant les contractions par le fait de la compétition, il permettait à l’opposition de s’organiser dans son propre camp, au lieu d’aller grandir le camp des ennemis. C’est par son travail, par une incapacité notoire de l’actuelle opposition à mobiliser, conjuguée au fait que les Sénégalais souhaitent vivement un saut générationnel, qu’il y a ce phénomène. Il y a donc une forte probabilité que celui qui sera élu après Wade soit un dissident de son régime. De toutes les façons, c’est le même scénario auquel nous avons assisté en 2000. Ce sont les dissidents du Ps, Wade en tête, qui ont fait tomber ce parti.
L’ancien Premier ministre Idrissa Seck s’est distingué ces derniers jours par des attaques contre Macky Sall, un autre ancien Premier ministre. Est-ce qu’il ne se trompe pas d’adversaire?
C’est dans la logique de ce que je viens de vous décrire. Ils se disputent l’héritage de Wade. Ils ont conscience qu’ils ont une majorité sociologique, que l’électorat de Wade doit leur revenir. Ils se battent donc pour qu’il ne se présente pas, en se disant qu’ils en seront les premiers bénéficiaires. L’effet, c’est que tous ceux qui se battent pour que Wade ne se présente pas travaillent d’une certaine manière pour Idrissa Seck et Macky Sall. Il est donc normal qu’ils se disputent cette deuxième place qui sera synonyme de première place, dès que Wade s’efface.
A votre avis, qu’est ce qui explique ces attaques?
Idrissa Seck a sans doute noté que Macky Sall est son plus grand et peut-être seul obstacle. Mais ils savent aussi que si Wade se présente, ils n’ont pas beaucoup de chance. La perspective d’un désistement de Wade, atteint par la réalité constitutionnelle qui est celle que nous connaissons et par l’âge, se dessine en leur faveur.
Les candidatures indépendantes comme celles du Pr. Ibrahima Fall ont-elle une chance d’aboutir à un résultat satisfaisant?
Non, il n’y a pas de cas similaire dans notre histoire. Ibrahima Fall fera un parcours intéressant. Il a à son actif son propre parcours, sa probité morale supposée, son encrage dans le pays wolof profond. Mais il est peu connu des nouvelles générations, il n’a pas une organisation pour porter sans candidature et dispose de peu de moyens de ses ambitions. La question des moyens aurait pu régler le problème du retard qu’il a dans l’opinion, mais il n’en a pas et n’a pas un état-major expérimenté pour remplir ce gap. Il est adulé par les Sénégalais sur Internet parce que c’est une classe de gens instruits à 75%, qui ont une lecture différente de celle du sénégalais de Lambaye. Tous ceux qui se sont présentés en acteurs individuels ont eu des résultats dérisoires.
Le chanteur Youssou Ndour a promis de descendre dans l’arène politique. Pensez-vous que ce soit une bonne décision? Quel bénéfice peut-il en tirer?
Youssou Ndour est intéressant en tant que phénomène, parce qu’il représente quelque chose de nouveau dans notre paysage politique. N’oubliez pas toute la charge sociologique négative attachée à la fonction de griot et au métier de chanteur. Voilà un homme presque renié par son père, quand il s’est lancé dans la chanson, qu’on ne pouvait pas imaginer dans une sphère décisionnelle, qui est celle de la politique, et qui, par des efforts louables, est devenu un grand promoteur à la tête d’un empire médiatique, qui veut transformer cette influence médiatique en une un pouvoir d’influence politique. Evidemment, c’est mal vu par les politiciens, qui sont jaloux de leurs acquis. Mais c’est un homme qui peut être écouté partout dans le pays, qui peut drainer des foules immenses. Youssou Ndour est devenu un leader d’opinion et qui a aussi une plateforme médiatique, qu’il a négociée intelligemment et qu’il pourra mettre à son service. Il a des réseaux internationaux puissants dans les affaires, les organisations internationales. Sa voix peut être mieux entendue que celle de n’importe lequel de nos politiciens. Il est donc une menace sérieuse pour le régime, il ne faut pas le négliger. Lui demander de se limiter à la chanson, avec dédain, c’est insulter tous ceux qui sont partis de rien dans ce pays, et qui ont réussi. Arnord Schwarzenneger a dirigé la cinquième puissance économique du monde. Reagan, un acteur de cinéma, a été un des meilleurs présidents de l’Amérique. Le parcours académique et la langue sont une chose, mais il faut autre chose pour faire un grand président. Le président Lula, qui a assuré la prospérité économique du Brésil, avait un certificat de soudeur. Cette question des diplômes est un grand mythe. On ne forme un bon président dans aucune école du monde. Il faut du bon sens et du leadership. On l’a ou on ne l’a pas. Regardez où professeur Wade veut nous conduire, où professeur Gbagbo a conduit la Côte d’Ivoire.
Il serait plus indiqué d’attaquer Youssou N’dour sur ses pratiques, sur son programme, mais pas sur ce qu’il est. Je ne lui dénierai jamais le droit de s’engager en politique
Ndeye Khady Lo
blog.slateafrique.com
PiccMi.Com - La Rédaction
Il s’agit d’une opposition de principe, qui n’a rien de personnel. Le président Wade lui-même le sait. Je lui ai voué une admiration sans fin pour ce qu’il a accompli en tant qu’opposant sénégalais. Il a été un exemple de courage, de détermination, d’abnégation. Nous pensions que dans l’opposant, se cachait un grand président, nous nous sommes trompés. Quand on met de côté quelques réalisations, sa présidence a été une catastrophe, une succession de scandales financiers, fonciers, d’initiatives malheureuses. Je ne pouvais pas fermer les yeux et faire comme si rien ne s’était passé. Le principal problème que j’ai eu avec lui a été l’implication de l’aile mafieuse de son parti dans les affaires de l’Etat. Sa famille est venue après, ce qui n’a pas arrangé les choses.
Comment jugez-vous le bilan du président sénégalais à la tête de votre pays?
On peut, comme je viens de le dire, mettre quelques réalisations à son actif. Mais il est clair qu’il a été le président des hommes riches, en oubliant les gens paumés qui l’ont porté au pouvoir. Le train de vie de l’Etat a augmenté considérablement. Les Hauts fonctionnaires, les responsables du commandement territorial ont vu leurs moyens multipliés pour certains par dix. Les magistrats qui gagnaient moins de 500 000 francs gagnent dix fois plus. Il a donc appauvri les pauvre pour enrichir les riches, dans le but de les corrompre. Pendant ce temps, la moyenne classe s’est effondrée. Des quartiers comme les Sicap, le Point-E, Fann, sont chassés de leurs résidents par de nouveaux riches, qui font preuve d’une boulimie foncière encouragée et promue par le chef de l’Etat lui-même. Dans les campagnes, les paysans sont chassés de leurs terres, obligés de devenir des ouvriers agricoles, au nom de la modernisation de notre agriculture. Et pour ceux qui seraient tentés de protester, la police est là pour réprimer. Les cas d’abus, de torture, se sont multipliés et nous avons une vingtaines de cas de bavures qui ont conduit à la mort de pauvres innocents. Les libertés sont restreintes et la presse, qui devait jouer un rôle de veille, s’est laissé infantiliser par ce qu’on appelle le « people ». La presse d’Etat, qui avait pour vocation d’informer, d’éduquer et d’amuser, ne joue même plus que ce dernier rôle, elle distrait. Quand ce n’est pas la propagande d’Etat, c’est la lutte. En même temps, l’imagerie populaire, véhiculée par les médias de masse, promeut un nouveau type de sénégalais cupide, assoiffé d’argent, soumis au diktat du paraître et de la réussite par tous les moyens. Les dossiers d’audit, les cas de fraude, de détournement, de blanchiment d’argent, qui sont répertoriés et documentés, restent impunis, ou alors les sanctions se limitent à quelques lampistes sans défense.
N’êtes-vous pas trop dur avec le régime ?
Je vous décris exactement la réalité tel qu’elle est ressentie et vécue. Le fils du président de la République voyage en Jet privé. Il a ses bureaux dans des locaux spéciaux, là où il avait logé l’Anoci et personne ne s’est avisé de demander à qui appartiennent ces deux appartements, et dans quelles conditions ils sont loués à l’Etat. Nous n’avons aucun moyen de contrôle sur les conditions dans lesquelles son avion a été acquis, celui qui paie les frais. Personne n’aurait pu imaginer qu’au Sénégal, pareil scénario pouvait se produire. Nous avons l’impression d’être plongés dans un cauchemar sans fin.
A trois mois de la présidentielle de 2012, la coalition Bennoo Siggil Senegaal n’a pas pu trouver un candidat de l’unité et du rassemblement. Qu’est-ce qui selon vous explique ce blocage?
A la nature de l’engagement des hommes, à l’idée que nous nous faisons de la politique dans ce pays. Chacun pense que c’est un moyen de promotion facile, un moyen d’anticiper sur les honneurs et la reconnaissance sociale que cela confère. La politique devient donc une question de réussite individuelle et non de promotion de la collectivité. Ceux qui entourent les candidats pensent au moyen de promotion sociale que cela peut leur offrir, naturellement. Nous nous retrouvons donc dans un choc de personnalités, au lieu d’une confrontation des idées et des projets. Chacun veut être candidat pour être reconnu. Dans notre pays, nous assistons maintenant à une comédie loufoque, préjudiciable à la qualité des débats et au sérieux qui doit accompagner la désignation d’un président de la République.
Nous ne pouvons pas ignorer le parcours des deux hommes qui étaient restés en lice, Niasse et Tanor, fait de mesquineries, de trahisons, depuis que pour la première fois, Niasse a fait venir Tanor à la présidence de la République, à la demande de Senghor. C’est finalement ce même tanor qui va présider la réunion de Bureau politique qui a exclu Niasse du Ps, en juin 1999. Aujourd’hui, le Ps accuse Niasse de lui avoir fait perdre le pouvoir. Mais au-delà de ces explications, c’est le comportement politique fondamental du Sénégalais et en même temps la nature de l’engagement politique qui doivent être questionnés. Les gens se présentent, non pas pour gagner, mais pour la notoriété. Et nous ne nous sommes pas dotés de moyens institutionnels pour prévenir de tels abus. Aujourd’hui, l’Etat dépense en moyenne 500 millions de francs pour chaque candidat, qui n’en débourse que 65. C’est donc un financement rentable pour tous les opérateurs politiques, qui bénéficient d’une publicité, d’une promotion médiatique gratuite pendant trois semaines. Le président de la République, en fonctionnarisant ses alliés, en leur donnant tous les mois des salaires supérieurs à ceux des cadres de l’administration, a encouragé ce phénomène.
Cette coalition a-t-elle des chances de remporter la présidentielle?
Je ne pense pas, si je veux rester honnête, que Benno, quelle que puisse être la combinaison retenue, puisse remporter les élections. Il est possible qu’un sursaut soit possible de ce côté-là, par un rejet des libéraux. Mais je pense qu’il y a un phénomène d’usure qui frappe une bonne partie de la classe politique. Les Sénégalais ont, je pense, profondément besoin de tourner la page des 50 dernières années. A quel prix, là reste la question, puisque le danger est de reproduire Abdoulaye Wade en plus jeune, en gardant le même système prébendier qu’il a insidieusement instauré. Qui connaît certes des limites, mais qui a produit un phénomène sociopolitique surprenant. Aujourd’hui, ce sont ses fils spirituels qui tiennent la dragée, même dans l’opposition. C’est un phénomène inoui. Je ne pense pas que ce soit par un phénomène de hasard, puisqu’il l’avait lui-même théorisé, par sa théorie des contradictions internes. Il disait qu’en exacerbant les contractions par le fait de la compétition, il permettait à l’opposition de s’organiser dans son propre camp, au lieu d’aller grandir le camp des ennemis. C’est par son travail, par une incapacité notoire de l’actuelle opposition à mobiliser, conjuguée au fait que les Sénégalais souhaitent vivement un saut générationnel, qu’il y a ce phénomène. Il y a donc une forte probabilité que celui qui sera élu après Wade soit un dissident de son régime. De toutes les façons, c’est le même scénario auquel nous avons assisté en 2000. Ce sont les dissidents du Ps, Wade en tête, qui ont fait tomber ce parti.
L’ancien Premier ministre Idrissa Seck s’est distingué ces derniers jours par des attaques contre Macky Sall, un autre ancien Premier ministre. Est-ce qu’il ne se trompe pas d’adversaire?
C’est dans la logique de ce que je viens de vous décrire. Ils se disputent l’héritage de Wade. Ils ont conscience qu’ils ont une majorité sociologique, que l’électorat de Wade doit leur revenir. Ils se battent donc pour qu’il ne se présente pas, en se disant qu’ils en seront les premiers bénéficiaires. L’effet, c’est que tous ceux qui se battent pour que Wade ne se présente pas travaillent d’une certaine manière pour Idrissa Seck et Macky Sall. Il est donc normal qu’ils se disputent cette deuxième place qui sera synonyme de première place, dès que Wade s’efface.
A votre avis, qu’est ce qui explique ces attaques?
Idrissa Seck a sans doute noté que Macky Sall est son plus grand et peut-être seul obstacle. Mais ils savent aussi que si Wade se présente, ils n’ont pas beaucoup de chance. La perspective d’un désistement de Wade, atteint par la réalité constitutionnelle qui est celle que nous connaissons et par l’âge, se dessine en leur faveur.
Les candidatures indépendantes comme celles du Pr. Ibrahima Fall ont-elle une chance d’aboutir à un résultat satisfaisant?
Non, il n’y a pas de cas similaire dans notre histoire. Ibrahima Fall fera un parcours intéressant. Il a à son actif son propre parcours, sa probité morale supposée, son encrage dans le pays wolof profond. Mais il est peu connu des nouvelles générations, il n’a pas une organisation pour porter sans candidature et dispose de peu de moyens de ses ambitions. La question des moyens aurait pu régler le problème du retard qu’il a dans l’opinion, mais il n’en a pas et n’a pas un état-major expérimenté pour remplir ce gap. Il est adulé par les Sénégalais sur Internet parce que c’est une classe de gens instruits à 75%, qui ont une lecture différente de celle du sénégalais de Lambaye. Tous ceux qui se sont présentés en acteurs individuels ont eu des résultats dérisoires.
Le chanteur Youssou Ndour a promis de descendre dans l’arène politique. Pensez-vous que ce soit une bonne décision? Quel bénéfice peut-il en tirer?
Youssou Ndour est intéressant en tant que phénomène, parce qu’il représente quelque chose de nouveau dans notre paysage politique. N’oubliez pas toute la charge sociologique négative attachée à la fonction de griot et au métier de chanteur. Voilà un homme presque renié par son père, quand il s’est lancé dans la chanson, qu’on ne pouvait pas imaginer dans une sphère décisionnelle, qui est celle de la politique, et qui, par des efforts louables, est devenu un grand promoteur à la tête d’un empire médiatique, qui veut transformer cette influence médiatique en une un pouvoir d’influence politique. Evidemment, c’est mal vu par les politiciens, qui sont jaloux de leurs acquis. Mais c’est un homme qui peut être écouté partout dans le pays, qui peut drainer des foules immenses. Youssou Ndour est devenu un leader d’opinion et qui a aussi une plateforme médiatique, qu’il a négociée intelligemment et qu’il pourra mettre à son service. Il a des réseaux internationaux puissants dans les affaires, les organisations internationales. Sa voix peut être mieux entendue que celle de n’importe lequel de nos politiciens. Il est donc une menace sérieuse pour le régime, il ne faut pas le négliger. Lui demander de se limiter à la chanson, avec dédain, c’est insulter tous ceux qui sont partis de rien dans ce pays, et qui ont réussi. Arnord Schwarzenneger a dirigé la cinquième puissance économique du monde. Reagan, un acteur de cinéma, a été un des meilleurs présidents de l’Amérique. Le parcours académique et la langue sont une chose, mais il faut autre chose pour faire un grand président. Le président Lula, qui a assuré la prospérité économique du Brésil, avait un certificat de soudeur. Cette question des diplômes est un grand mythe. On ne forme un bon président dans aucune école du monde. Il faut du bon sens et du leadership. On l’a ou on ne l’a pas. Regardez où professeur Wade veut nous conduire, où professeur Gbagbo a conduit la Côte d’Ivoire.
Il serait plus indiqué d’attaquer Youssou N’dour sur ses pratiques, sur son programme, mais pas sur ce qu’il est. Je ne lui dénierai jamais le droit de s’engager en politique
Ndeye Khady Lo
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PiccMi.Com - La Rédaction