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Soutien limité pour une action armée en Syrie

Rédigé par leral.net le Jeudi 31 Mai 2012 à 08:29 | | 0 commentaire(s)|

La Russie, la Chine, mais aussi plusieurs pays occidentaux rejettent l'éventualité évoquée mardi par François Hollande.Nouveau massacre près de Deir ez-Zor, dans l'est du pays


Soutien limité pour une action armée en Syrie
Intervenir militairement en Syrie avec l'aval de l'ONU? L'hypothèse a été explicitement évoquée par François Hollande qui ne l'a «pas exclue» dans son interview à France 2, mardi soir. Si le mot a été lâché cette fois, l'esprit de cette déclaration s'inscrit dans le droit fil des propos tenus par les prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Ce dernier avait évoqué, en avril, des discussions sur une résolution «sous cha­pitre 7» de la charte des Nations unies, c'est-à-dire incluant un possible recours à la force. Cette continuité avec l'ancien gouvernement a conduit Jean-François Copé à accorder à François Hollande un satisfecit sur la Syrie. «C'est une position (…) qui me paraît conforme aux valeurs qui sont les nôtres», a dit mercredi le secrétaire général de l'UMP, tout en mettant en garde le chef de l'État contre une «atteinte aux crédits budgétaires de la défense nationale».

La détermination affichée par François Hollande, l'émotion très considérable suscitée par le massacre de Houla (108 morts, dont 49 enfants) et la poursuite des atrocités, les obstacles rencontrés par la mission de Kofi Annan, l'épuisement des sanctions: autant de facteurs qui contribueraient plutôt à crédibiliser une intervention armée. L'urgence mise en avant par certains, tel Bernard-Henri Lévy, comme naguère à Benghazi, va dans le même sens.

Cette nouvelle phase de dramatisation ne préfigure pas pour autant une option militaire. Les paramètres de la crise qui a éclaté en Syrie en mars 2011 n'ont pas fondamentalement changé. La Russie est venue rappeler ces constantes de géopolitique ­régionale, mercredi, en ne déviant pas d'un pouce de ses réticences habituelles. Moscou a ainsi jugé «prématurée» toute nouvelle action de l'ONU contre la Syrie et condamné le renvoi «contre-productif» des ambassadeurs syriens décidé par plusieurs capitales occidentales. Andreï Denissov, vice-ministre russe des Affaires étran­gères, a jugé les propos de François Hollande davantage dictés par les «émotions politiques» que par les «évaluations et l'analyse». Une intervention extérieure? «Il faut se poser la question: et après?» a dit M. Denissov en résumant la position de la Russie, hostile à toute initiative qui remettrait en cause son influence en Syrie (à travers sa base navale de Tartous notamment) et dans la région.

Pour s'opposer à toute nouvelle initiative, les ­Russes continuent d'invoquer la résolution 1973 sur l'intervention en Libye, qu'ils se seraient fait arracher et dont le mandat aurait été, selon eux, outrepassé. La question sera au menu des entretiens qu'aura, vendredi à l'Élysée, François Hollande avec Vladimir Poutine. «À moi, à d'autres, de convaincre Russes et Chinois et aussi de trouver une solution qui ne serait pas forcément militaire», a dit mardi soir à la télévision le président français, une façon d'indiquer que la voie diplomatique demeure la plus plausible. «Le message du chef de l'État, vendredi, sera qu'il faut faire bloc autour de Kofi Annan et de son plan» induisant une transition politique à Damas, insiste-t-on à l'Élysée. Avec Vladimir Poutine, qui avait reproché au président d'alors, Dmitri Medvedev, son nihil obstat à l'intervention en Libye, la confiance sera à établir à l'occasion du premier contact personnel avec François Hollande. La Syrie aura valeur de test. Le nouvel occupant de l'Élysée fera valoir à son visiteur que le président syrien est un «problème». Il a néanmoins franchi une ligne rouge aux yeux de Moscou en déclarant, mardi soir, qu'il fallait «chasser le régime de Bachar el-Assad». Or, si les dirigeants russes ont affirmé qu'ils ne se sentaient pas liés à Bachar, tout ce qui ressemble de près ou de loin à un changement de régime provoqué de l'extérieur leur hérisse le poil.

Pas de plan à l'Otan
L'option diplomatique a la faveur de toutes les capitales. Berlin a rappelé mercredi ne voir aucune raison de «spéculer sur des options militaires» . La démarche tentée récemment par Washington auprès de la Russie pour amorcer une transition «à la yéménite» témoigne de la priorité américaine en faveur du dialogue. On voit mal Barack Obama, briguant sa réélection, se lancer, après l'Irak et l'Afghanistan, en Syrie. Le terrain y est autrement plus compliqué qu'en Libye, compte tenu de l'équation communautaire et démographique, des combats urbains et de la forte défense antiaérienne. Sans parler des répercussions régionales, jusque sur le dossier du nucléaire iranien. L'Otan n'est pas davantage partante: le sujet n'a même pas été abordé à Chicago.

Au moins 13 civils ont été liquidés dans la région de Deir ez-Zor, à l'est de la Syrie, selon l'Observatoire des droits de l'homme, basé à Londres. Le chef des observateurs de l'ONU en Syrie, le général Robert Mood, s'est dit «profondément perturbé» par cette nouvelle découverte macabre, quelques jours après
le massacre de Houla, où 108 personnes ont été tuées, dont 49 enfants, la plupart sommairement exécutées par des miliciens prorégime (shabiha). À Deir ez-Zor, «tous les corps avaient les mains liées derrière le dos, et certains semblent avoir été tués d'une balle dans la tête à bout portant», selon un communiqué publié par le général Mood. Mercredi, le Japon et la Turquie ont emboîté le pas à de nombreux pays occidentaux en annonçant l'expulsion des diplomates syriens de leurs capitales, en représailles au carnage de Houla.
Damas a riposté en ordonnant le départ, sous 72 heures, de la chargée d'affaires des Pays-Bas, une des rares diplomates occidentales encore en poste en Syrie. Pour sortir de l'impasse actuelle, l'opposition estime qu'un «départ d'Assad est le seul moyen de sauver le plan Annan et de trouver une issue politique, faute de quoi la situation risque d'exploser et menacera toute la région»

Par Alain Barluet