En visite à Paris pour l'inauguration de la nouvelle ambassade d'Irak, le chef de la diplomatie de Bagdad demande à la France de récupérer des opposants iraniens détenteurs de passeports français, dont l'Irak ne veut plus.
LE FIGARO. - Après la défection de l'ambassadeur syrien en Irak, comment voyez-vous évoluer le conflit en Syrie?
Hoshyar ZEBARI. - La crise atteint désormais sa limite de rupture. L'opposition s'élargit. Le contrôle du régime sur le territoire diminue. La communauté des affaires, elle, ne croit plus aux réformes de Bachar el-Assad. Le régime est isolé et soumis à de fortes pressions économiques. Combien de temps pourra-t-il échapper aux défections de régiments et d'unités?
Pourtant, l'Irak et l'Iran l'aident financièrement?
Tout ce que l'on entend sur le soutien financier de l'Irak à la Syrie est faux. Notre banque centrale ne livre pas du cash à son homologue syrienne. Ce n'est pas la même chose pour l'Iran, qui aide la Syrie financièrement.
Vous avez évoqué récemment les combattants d'al-Qaida qui vont d'Irak en Syrie: y a-t-il un risque de voir se créer un axe djihadiste irako-syrien?
Après être entrés en Irak par la Syrie, les djihadistes font maintenant le chemin inverse. Ce n'est pas leur nombre qui importe, mais leur expérience. Ceux qui ont migré sont des experts en explosifs. En 2009, quand nous avons demandé à l'ONU d'établir un tribunal international pour punir la Syrie qui avait commandité des attentats contre des ministères à Bagdad, personne ne nous a soutenus. Aujourd'hui, l'Irak a peur des débordements du conflit. Nous redoutons qu'avec le chaos qui s'installe, la Syrie devienne une nouvelle base pour al-Qaida.
Il faut bien comprendre notre position. En Irak, nous avons un gouvernement dominé par les chiites, qui ont pris le pouvoir démocratiquement pour la première fois de l'histoire. Mais dans le reste du monde arabe, nous assistons à une domination des Frères musulmans, (sunnites, NDLR). Et il ne faut pas s'illusionner: en Syrie, l'alternative se fera autour des Frères musulmans. Nous nous sentons parfois encerclés, surtout quand nous voyons les pays qui les soutiennent: le Qatar et l'Arabie saoudite, qui ne sont pas des modèles de démocratie. Il y a quelques jours, j'ai félicité le président Morsi en Égypte d'être le premier islamiste démocratiquement élu. Ne le dis pas trop fort, m'a-t-il répondu, il y a des pays qui n'aiment pas trop ça. Sous entendu: l'Arabie saoudite, où il n'y a pas d'élection.
Comment sortir de la crise politique qui paralyse les institutions irakiennes?
Le réalignement des forces politiques a créé une instabilité. C'est un problème pour les investisseurs étrangers, je le reconnais. Aujourd'hui, des pressions de plus en plus fortes sont exercées sur le gouvernement Maliki par ses amis chiites au sein de la coalition. Le premier ministre doit les écouter, quand ils réclament un vaste programme de réformes. Après deux ans de gouvernement, nous n'avons toujours ni ministre de la Défense ni ministre de l'Intérieur et aucune loi pétrolière n'a été votée. Cela n'a pas de sens.
Que comptez-vous faire des opposants iraniens désormais indésirables en Irak?
Les 3 400 membres des Moudjahidins du peuple ont été déplacés du camp d'Ashraf vers le camp de transit de Liberty, au sud de Bagdad. Nous avons demandé au gouvernement français de récupérer ceux qui ont un passeport français. Nous l'avons fait aussi avec le Canada. Au début de l'année, nous avions trouvé un arrangement avec les États-Unis, la France et d'autres pays de l'Union européenne sur la fermeture d'Achraf. L'Irak s'est engagé à ne pas renvoyer ces opposants en Iran et, en échange, nos partenaires nous avaient garanti de les prendre en charge ou de leur trouver un pays d'accueil. Mais aujourd'hui, personne n'en veut. L'ONU joue les médiateurs. Mais nous ne voulons pas ouvrir un second Achraf.
Par Georges Malbrunot
LE FIGARO. - Après la défection de l'ambassadeur syrien en Irak, comment voyez-vous évoluer le conflit en Syrie?
Hoshyar ZEBARI. - La crise atteint désormais sa limite de rupture. L'opposition s'élargit. Le contrôle du régime sur le territoire diminue. La communauté des affaires, elle, ne croit plus aux réformes de Bachar el-Assad. Le régime est isolé et soumis à de fortes pressions économiques. Combien de temps pourra-t-il échapper aux défections de régiments et d'unités?
Pourtant, l'Irak et l'Iran l'aident financièrement?
Tout ce que l'on entend sur le soutien financier de l'Irak à la Syrie est faux. Notre banque centrale ne livre pas du cash à son homologue syrienne. Ce n'est pas la même chose pour l'Iran, qui aide la Syrie financièrement.
Vous avez évoqué récemment les combattants d'al-Qaida qui vont d'Irak en Syrie: y a-t-il un risque de voir se créer un axe djihadiste irako-syrien?
Après être entrés en Irak par la Syrie, les djihadistes font maintenant le chemin inverse. Ce n'est pas leur nombre qui importe, mais leur expérience. Ceux qui ont migré sont des experts en explosifs. En 2009, quand nous avons demandé à l'ONU d'établir un tribunal international pour punir la Syrie qui avait commandité des attentats contre des ministères à Bagdad, personne ne nous a soutenus. Aujourd'hui, l'Irak a peur des débordements du conflit. Nous redoutons qu'avec le chaos qui s'installe, la Syrie devienne une nouvelle base pour al-Qaida.
Il faut bien comprendre notre position. En Irak, nous avons un gouvernement dominé par les chiites, qui ont pris le pouvoir démocratiquement pour la première fois de l'histoire. Mais dans le reste du monde arabe, nous assistons à une domination des Frères musulmans, (sunnites, NDLR). Et il ne faut pas s'illusionner: en Syrie, l'alternative se fera autour des Frères musulmans. Nous nous sentons parfois encerclés, surtout quand nous voyons les pays qui les soutiennent: le Qatar et l'Arabie saoudite, qui ne sont pas des modèles de démocratie. Il y a quelques jours, j'ai félicité le président Morsi en Égypte d'être le premier islamiste démocratiquement élu. Ne le dis pas trop fort, m'a-t-il répondu, il y a des pays qui n'aiment pas trop ça. Sous entendu: l'Arabie saoudite, où il n'y a pas d'élection.
Comment sortir de la crise politique qui paralyse les institutions irakiennes?
Le réalignement des forces politiques a créé une instabilité. C'est un problème pour les investisseurs étrangers, je le reconnais. Aujourd'hui, des pressions de plus en plus fortes sont exercées sur le gouvernement Maliki par ses amis chiites au sein de la coalition. Le premier ministre doit les écouter, quand ils réclament un vaste programme de réformes. Après deux ans de gouvernement, nous n'avons toujours ni ministre de la Défense ni ministre de l'Intérieur et aucune loi pétrolière n'a été votée. Cela n'a pas de sens.
Que comptez-vous faire des opposants iraniens désormais indésirables en Irak?
Les 3 400 membres des Moudjahidins du peuple ont été déplacés du camp d'Ashraf vers le camp de transit de Liberty, au sud de Bagdad. Nous avons demandé au gouvernement français de récupérer ceux qui ont un passeport français. Nous l'avons fait aussi avec le Canada. Au début de l'année, nous avions trouvé un arrangement avec les États-Unis, la France et d'autres pays de l'Union européenne sur la fermeture d'Achraf. L'Irak s'est engagé à ne pas renvoyer ces opposants en Iran et, en échange, nos partenaires nous avaient garanti de les prendre en charge ou de leur trouver un pays d'accueil. Mais aujourd'hui, personne n'en veut. L'ONU joue les médiateurs. Mais nous ne voulons pas ouvrir un second Achraf.
Par Georges Malbrunot