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Syrie : comment se prépare l'après-Assad

Rédigé par leral.net le Mardi 24 Juillet 2012 à 08:50 | | 0 commentaire(s)|

Afin d'éviter un vide sécuritaire et institutionnel, deux entités sont en chantier : un conseil militaire d'un côté, et un gouvernement de transition de l'autre.


Syrie : comment se prépare l'après-Assad
En coulisses, les grandes manœuvres s'intensifient pour préparer l'après-Assad. «Même si le régime peut encore mordre, reconnaît un diplomate français, l'attentat du 18 juillet marque un basculement, qui nous impose de réfléchir à la vraie question du jour d'après.» Avec une hantise clairement affichée: «Nous craignons une situation à la libyenne où les chefs de guerre tiendraient le haut du pavé, ou une situation à l'irakienne, avec un désert institutionnel», poursuit le diplomate.

Dans les chancelleries, deux mécanismes sont à l'étude pour pallier ces vides politique et sécuritaire. Tout d'abord, sur le modèle de la transition égyptienne, la création d'une sorte de Conseil suprême des forces armées, regroupant les généraux déserteurs et ceux qui sont toujours en service. Ce conseil gérerait la période transitoire - neuf mois environ - à l'issue de laquelle des élections seraient organisées, et un projet de Constitution rédigé. Cette première option s'inspire des travaux sur la transition du médiateur international, Kofi Annan, et des recommandations adoptées par l'ensemble de l'opposition lors de sa dernière réunion au Caire, début juillet. Un homme pourrait jouer un rôle central: le général Manaf Tlass, ce haut gradé de la Garde républicaine qui a quitté Damas pour la France, il y a trois semaines. Depuis, cet ami d'enfance de Bachar el-Assad n'a rompu le silence que pour affirmer dans un texte adressé à l'AFP qu'il prônait «une opposition constructive».

L'armée garante de la stabilité
Selon certaines sources, le général Tlass, un sunnite comme les rebelles, originaire de Rastan, un des bastions de la révolte, travaillerait à la mise en place d'un «commandement militaire renforcé» de l'Armée syrienne libre (ASL), pour y intégrer les autres généraux qui, comme lui, ont récemment fait défection. À cette fin, il aurait pris langue avec son cousin, le colonel Abderazzak Tlass, qui commande la brigade al-Farouk, active à Homs et dans la région de Rastane, ainsi qu'avec d'autres figures dissidentes sur le terrain en Syrie. Malgré de récents progrès, les déserteurs et les civils en armes qui ont rejoint ces derniers mois l'ASL restent incapables d'assurer la relève à la chute de Bachar. Ils auront besoin de se reposer sur l'armée. Justement, «les Américains et les Britanniques pensent que les bonnes relations de Manaf Tlass avec les généraux syriens peuvent permettre à l'armée de garantir la stabilité et la sécurité pendant une phase de transition», poursuit un Syrien, en contact avec Washington et Londres. «On pourrait imaginer un scénario dans lequel le général Tlass sorte de son silence pour annoncer la constitution de ce Haut Conseil, tout en appelant Bachar el-Assad à céder le pouvoir», explique un diplomate dans l'entourage de Kofi Annan. Assad aurait, selon lui, demandé des garanties à ses alliés russes et chinois qu'il ne serait pas traduit devant la justice internationale. Dimanche, en réunion au Qatar, les 22 pays de la Ligue arabe - sauf un, vraisemblablement l'Algérie - ont offert à Assad une «porte de sortie sûre» pour lui-même et sa famille. Il pourrait se voir offrir refuge à Dubaï ou Abu Dhabi, où sa famille a de nombreux intérêts, financiers notamment.

Contenir les islamistes
À Doha, le grand manitou de la diplomatie qatarienne, cheikh Hamad Ben Jassem, a appelé «l'opposition et l'ASL à former un gouvernement d'unité nationale». C'est le second volet du dispositif de transition. Il épouse le souhait français exprimé samedi par Laurent Fabius de voir l'opposition «se mettre en ordre de marche» pour former rapidement un gouvernement de transition dans lequel seraient inclus le Conseil national syrien, la principale composante de cette opposition - où Paris compte de nombreux amis - mais aussi «l'ASL, des représentants de l'opposition intérieure, ainsi que des grandes familles sunnites bourgeoises de Damas qui peuvent jouer un rôle structurant pour l'avenir», précise le diplomate. Mais, à ce stade, Français et Américains divergeraient. Préoccupé par la sécurité, Washington privilégie, dans un premier temps, l'établissement du Conseil militaire. D'autre part, «les Américains ne tiennent pas à donner trop de place aux islamistes», souligne-t-on dans l'entourage d'Annan, tandis que, sur le terrain, les groupes intégristes ou même djihadistes s'affranchissent de plus en plus de la tutelle de l'ASL, alors que des accrochages meurtriers sont signalés entre leaders de ces deux mouvances rivales.

Limiter les règlements de comptes
Autre souci: comment limiter, à la chute du régime, les règlements de comptes anti-alaouites, dont seraient victimes les membres de la minorité, qui soutient le clan Assad. Les initiatives se multiplient pour éviter les affrontements communautaires. Paris a demandé à ses ambassades, en Égypte notamment, de prendre contact avec les instances religieuses sunnites pour qu'elles incitent les cadres sunnites de la rébellion à «une attitude responsable». D'autre part, l'oncle de Bachar, Rifaat el-Assad, exilé à Paris, a été approché pour transmettre des messages d'apaisement aux membres de sa communauté alaouite.

«Ce n'est pas facile de fédérer une structure politique ou militaire, après des mois d'éclatement des groupes armés en Syrie, avec une multitude de parrains, le Qatar, l'Arabie saoudite, la Turquie, la France…», reconnaît Samir Aïta, responsable de l'opposition à Paris. Enfin, que disent les Russes de ce plan de transition? «Bachar reste pendant cette transition, répète inlassablement Moscou. Son sort doit être décidé par les Syriens eux-mêmes lors d'une élection.» De son côté, un porte-parole du raïs a exclu lundi tout départ d'el-Assad.


Par Georges Malbrunot