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Syrie : les combattants islamistes progressent

Rédigé par leral.net le Jeudi 11 Octobre 2012 à 09:25 | | 0 commentaire(s)|

Dans les zones «libérées» du Nord, 2000 djihadistes étrangers sont infiltrés au côté des combattants locaux, avec un agenda qui va bien au-delà de la chute de Bachar el-Assad.


Syrie : les combattants islamistes progressent
Et si les déserteurs étaient en train de se faire voler leur révolution par des volontaires islamistes mieux armés qu'eux? «Le Qatar et l'Arabie saoudite n'ont aucun intérêt à ce que la crise syrienne s'arrête», avertit un diplomate européen à Damas.

L'enlisement nourrit la mouvance la plus radicale de la révolte, soutenue par les chaînes de télévision al-Jazeera (du Qatar) et al-Arabiya (à capitaux saoudiens). Devant le Conseil de sécurité de l'ONU, Lakhdar Brahimi, le médiateur international, a estimé à un peu «moins de 2000» le nombre des djihadistes étrangers en Syrie, dont l'agenda va bien au-delà de la chute de Bachar el-Assad.

Ils étaient environ trois fois moins il y a six mois. Vont-ils - comme en Irak à partir de 2003, où nombre d'entre eux furent formés - unir leurs forces avec des salafistes syriens dans un Conseil des moudjahidins, qui verrait les combattants locaux désigner les cibles à frapper et les étrangers œuvrer, surtout, au recrutement et au financement de leur mouvement?

Quoi qu'il en soit, les derniers attentats revendiqués par leur branche locale, le Front al-Nosra, commencent à sérieusement inquiéter les Occidentaux, qui - fait rarissime - ont condamné vendredi 5 octobre à l'ONU la triple attaque d'Alep à la voiture piégée (48 tués).

Les salafistes en embuscade
«La présence djihadiste, surtout dans le Nord, a créé un malaise parmi la population, ajoute ce diplomate. Les gens d'Alep s'en plaignent ouvertement. Mais c'est trop tard, le ver est maintenant dans le fruit. La révolution est passée à une autre échelle, car certains groupes ont désormais une stratégie complètement autonome.»

Ce pourrait être le cas également des salafistes syriens, dont le principal groupe, Ahrar al-Sham, a su capter à son profit le rejet que suscite la pression exercée par ses rivaux, les Frères musulmans, depuis leur base arrière turque. «Les salafistes sont plus proches des gens», assurent certains insurgés. Ils sont bien implantés dans la région conservatrice d'Idleb, laissée-pourcompte du régime, où des tribunaux islamiques ont remplacé les institutions judiciaires étatiques. Mais, contrairement aux Frères musulmans, engagés dans une stratégie claire de conquête du pouvoir, les salafistes se contenteraient, dans un premier temps, de régner sur des enclaves territoriales dans une Syrie de l'après-Assad fractionnée.

Outre leurs propres groupes armés, «les Frères ont tout construit à part, souligne Hussein al-Odat, un vieil opposant damascène. Ils ont leur réseau financier, leur réseau d'aide sociale. À Homs par exemple, ils aident 10.000 familles» qui doivent, ensuite, leur être loyales. Leurs détracteurs leur reprochent d'avoir imité la stratégie de leur fossoyeur, Hafez el-Assad: infiltrer la rébellion et la diviser, pour mieux la contrôler. Ainsi les Frères aident-ils également des brigades d'orientation salafiste, comme al-Tahwid (près d'Alep), al-Farouk (à Homs et Hama) ou Ansar al-Islam (près de Damas). Ce qui rend suspecte leur profession de foi en faveur d'un État laïque.

Mais «il ne faut pas en avoir peur», tempère al-Odat. Leur poids dans la société ne dépasserait pas 15 % ou 20 %. Toutes leurs tentatives pour négocier un retour en Syrie dans les années 1990 ont échoué. Au cours de cette période, les salafistes, eux, ont pu rapatrier certaines familles, parties il y a longtemps en Arabie saoudite. D'où un terreau plus favorable, même si les services de renseignements pourchassèrent ensuite des membres de cellules dormantes salafistes.


Par Georges Malbrunot