De notre envoyé spécial à Alep
Trois par trois, réguliers, méthodiques, tirés par des artilleurs professionnels, les obus tombent par salves sur les faubourgs d'Alep. Les explosions résonnent comme si quelqu'un tapait sur la porte d'un immense garage. À part les minarets qui appellent à la prière, la grande ville est comme morte. Seuls les chats errent dans les rues pleines de tas d'ordures. Beaucoup d'habitants sont partis. Les autres sont terrés chez eux, protection insuffisante contre les tirs d'artillerie: dans les faubourgs populaires, les maisons à un ou deux étages n'ont pas de cave et sont faites de simples moellons.
La contre-offensive des forces gouvernementales syriennes a commencé samedi matin, une semaine après l'entrée par surprise des révolutionnaires de l'Armée syrienne libre dans Alep. Les renforts envoyés par le régime de Bachar el-Assad se sont rassemblés dans les parties nord et ouest de la ville, encore contrôlées par le gouvernement, et ont pris position dans le centre-ville, autour de la citadelle. Les hélicoptères ont longuement survolé la ville pour repérer les positions des révolutionnaires. Puis les canons ont commencé à tirer.
Attaque brutale
Après la préparation d'artillerie vient l'attaque. Elle est brutale. En début de matinée, samedi, des fusillades nourries éclatent dans plusieurs secteurs de l'est et du sud de la ville, où se trouvent les positions rebelles. Vers 11 heures, au quartier général des rebelles, installé dans une école du quartier de Sarhour, deux pick-up chargés de combattants arrivent en trombe. Les révolutionnaires débarquent en larmes, s'effondrent en sanglotant sur les marches de l'école. Ils sortent de la voiture le corps criblé de balles de l'un des leurs, qu'ils étreignent en pleurant. Dans la caisse du second véhicule, trois autres corps de révolutionnaires tués. Ils enroulent les corps dans des couvertures. Ils sont bientôt évacués vers les villages du nord pour des funérailles.
«On n'a même pas eu le temps de voir d'où venait l'attaque», explique un des combattants. «Les balles ont plu sur nous comme de la grêle, venues des toits et de troupes au sol.» Il montre le pistolet et la kalachnikov de l'un de ses camarades, le métal déformé par les impacts.
Dans la journée de samedi, plusieurs positions rebelles subissent des attaques du même genre. Les uns après les autres, plusieurs commandants des groupes de l'Armée syrienne libre qui ont mené l'audacieux raid vers Alep sont tués. Ces pertes sont particulièrement cuisantes pour des combattants qui manquent de chefs expérimentés et dont la cohésion est assurée par des liens familiaux ou de voisinage.
Au lieu des soldats démoralisés qui se débandaient devant eux, les rebelles se retrouvent soudain face à des troupes motivées, agressives. L'initiative et la surprise ont changé de camp.
Dimanche, les révolutionnaires se sont ressaisis malgré les pertes et les combats se poursuivent dans les secteurs de Salaheddine au sud et de Nasaken Hanano et Sahrour à l'est. L'autoroute de l'aéroport, qui traverse le sud-est d'Alep, est sous le feu des chars. «Nous n'abandonnerons pas Alep, nous nous battons pour défendre la population», disent les révolutionnaires.
Un coup symbolique
Mais les rebelles de l'Armée syrienne libre sont à présent devant le dilemme classique des guérillas face à des forces régulières. Leur avancée sur Alep a porté un coup symbolique important au régime de Bachar el-Assad, mais n'a pas réussi à soulever la ville, restée en partie sous le contrôle du gouvernement, soit par peur, soit par fidélité aux autorités légales. Retranchées dans des commissariats de police et dans la citadelle d'Alep, les forces du régime qui n'ont pas été balayées pendant les premiers jours de l'arrivée des révolutionnaires ont tenu bon, ralentissant puis arrêtant leur avance, permettant aux renforts d'arriver à la rescousse. Les rebelles, en trop petit nombre pour tenir une immense agglomération, n'ont pas réussi à s'implanter dans les quartiers ouest et nord d'Alep.
La contre-offensive en cours les oblige à revoir leur stratégie. La logique de la guérilla voudrait qu'ils abandonnent leurs positions pour mener une défense mobile, en profondeur, attendre que les blindés se déploient dans les rues pour les attaquer par surprise. Mais ils laisseraient ainsi les forces gouvernementales reprendre le contrôle des quartiers qui se sont ralliés à eux, et les chabiha, les escadrons de la mort du régime, exercer des représailles contre les civils.
S'ils décident en revanche de s'accrocher au terrain, ils risquent l'encerclement et la destruction par un ennemi à la puissance de feu largement supérieure.
La bataille d'Alep est entrée dans sa seconde phase. Le régime a pris l'initiative et a montré sa détermination à reprendre coûte que coûte le contrôle de la deuxième ville du pays.
Par Adrien Jaulmes
Trois par trois, réguliers, méthodiques, tirés par des artilleurs professionnels, les obus tombent par salves sur les faubourgs d'Alep. Les explosions résonnent comme si quelqu'un tapait sur la porte d'un immense garage. À part les minarets qui appellent à la prière, la grande ville est comme morte. Seuls les chats errent dans les rues pleines de tas d'ordures. Beaucoup d'habitants sont partis. Les autres sont terrés chez eux, protection insuffisante contre les tirs d'artillerie: dans les faubourgs populaires, les maisons à un ou deux étages n'ont pas de cave et sont faites de simples moellons.
La contre-offensive des forces gouvernementales syriennes a commencé samedi matin, une semaine après l'entrée par surprise des révolutionnaires de l'Armée syrienne libre dans Alep. Les renforts envoyés par le régime de Bachar el-Assad se sont rassemblés dans les parties nord et ouest de la ville, encore contrôlées par le gouvernement, et ont pris position dans le centre-ville, autour de la citadelle. Les hélicoptères ont longuement survolé la ville pour repérer les positions des révolutionnaires. Puis les canons ont commencé à tirer.
Attaque brutale
Après la préparation d'artillerie vient l'attaque. Elle est brutale. En début de matinée, samedi, des fusillades nourries éclatent dans plusieurs secteurs de l'est et du sud de la ville, où se trouvent les positions rebelles. Vers 11 heures, au quartier général des rebelles, installé dans une école du quartier de Sarhour, deux pick-up chargés de combattants arrivent en trombe. Les révolutionnaires débarquent en larmes, s'effondrent en sanglotant sur les marches de l'école. Ils sortent de la voiture le corps criblé de balles de l'un des leurs, qu'ils étreignent en pleurant. Dans la caisse du second véhicule, trois autres corps de révolutionnaires tués. Ils enroulent les corps dans des couvertures. Ils sont bientôt évacués vers les villages du nord pour des funérailles.
«On n'a même pas eu le temps de voir d'où venait l'attaque», explique un des combattants. «Les balles ont plu sur nous comme de la grêle, venues des toits et de troupes au sol.» Il montre le pistolet et la kalachnikov de l'un de ses camarades, le métal déformé par les impacts.
Dans la journée de samedi, plusieurs positions rebelles subissent des attaques du même genre. Les uns après les autres, plusieurs commandants des groupes de l'Armée syrienne libre qui ont mené l'audacieux raid vers Alep sont tués. Ces pertes sont particulièrement cuisantes pour des combattants qui manquent de chefs expérimentés et dont la cohésion est assurée par des liens familiaux ou de voisinage.
Au lieu des soldats démoralisés qui se débandaient devant eux, les rebelles se retrouvent soudain face à des troupes motivées, agressives. L'initiative et la surprise ont changé de camp.
Dimanche, les révolutionnaires se sont ressaisis malgré les pertes et les combats se poursuivent dans les secteurs de Salaheddine au sud et de Nasaken Hanano et Sahrour à l'est. L'autoroute de l'aéroport, qui traverse le sud-est d'Alep, est sous le feu des chars. «Nous n'abandonnerons pas Alep, nous nous battons pour défendre la population», disent les révolutionnaires.
Un coup symbolique
Mais les rebelles de l'Armée syrienne libre sont à présent devant le dilemme classique des guérillas face à des forces régulières. Leur avancée sur Alep a porté un coup symbolique important au régime de Bachar el-Assad, mais n'a pas réussi à soulever la ville, restée en partie sous le contrôle du gouvernement, soit par peur, soit par fidélité aux autorités légales. Retranchées dans des commissariats de police et dans la citadelle d'Alep, les forces du régime qui n'ont pas été balayées pendant les premiers jours de l'arrivée des révolutionnaires ont tenu bon, ralentissant puis arrêtant leur avance, permettant aux renforts d'arriver à la rescousse. Les rebelles, en trop petit nombre pour tenir une immense agglomération, n'ont pas réussi à s'implanter dans les quartiers ouest et nord d'Alep.
La contre-offensive en cours les oblige à revoir leur stratégie. La logique de la guérilla voudrait qu'ils abandonnent leurs positions pour mener une défense mobile, en profondeur, attendre que les blindés se déploient dans les rues pour les attaquer par surprise. Mais ils laisseraient ainsi les forces gouvernementales reprendre le contrôle des quartiers qui se sont ralliés à eux, et les chabiha, les escadrons de la mort du régime, exercer des représailles contre les civils.
S'ils décident en revanche de s'accrocher au terrain, ils risquent l'encerclement et la destruction par un ennemi à la puissance de feu largement supérieure.
La bataille d'Alep est entrée dans sa seconde phase. Le régime a pris l'initiative et a montré sa détermination à reprendre coûte que coûte le contrôle de la deuxième ville du pays.
Par Adrien Jaulmes