Après quinze mois de violences qui ont fait plus de 14.000 morts, le conflit en Syrie change dramatiquement de nature. La guerre civile a commencé. Massacres et enlèvements sont désormais monnaie courante dans les zones mixtes, entre opposants sunnites et alaouites partisans du régime. Le niveau des violences augmente encore.
Pour la seule journée de mardi, 80 personnes ont été tuées, et 18 autres mercredi, tandis que les forces gouvernementales entraient à Deir ez-Zor et pilonnaient certains quartiers de Homs, alors qu'à quelques dizaines de kilomètres à l'ouest, 200 rebelles préféraient se retirer de Haffé, une ville sunnite entourée de villages alaouites, soumise à des bombardements répétés.
Cette intensification de la répression s'expliquerait par «la panique du régime à l'idée de voir ses alliés russes modifier leur position», affirme un diplomate membre de la mission de Kofi Annan, le médiateur mandaté par l'ONU et la Ligue arabe pour trouver une issue négociée à la crise. Sans annoncer le moins du monde une rupture avec Bachar el-Assad, Moscou a toutefois affirmé son intention de convoquer une conférence internationale avec tous les acteurs du conflit en vue d'amorcer une transition politique.
«Assad tient à arriver en position de force à cette conférence internationale», analyse un homme d'affaires alaouite en contact avec la hiérarchie sécuritaire syrienne. Mais la nomenklatura serait divisée sur la tactique pour y parvenir. Les plus impliqués dans la répression - ceux qui n'échapperont pas à la justice internationale - militent pour une éradication de l'insurrection par tous les moyens. Conscients que l'option militaire est vouée à l'échec, d'autres souhaitent au contraire faire émerger une direction issue de la révolte, avec laquelle ils pourraient négocier dans le cadre du forum préconisé par leurs alliés russes.
«Le problème, ajoute l'homme d'affaires, c'est que personne parmi les opposants de l'intérieur n'est prêt à jouer ce jeu, sauf si les Russes leur fournissent des garanties que Bachar ne sera pas candidat à sa succession dans le cadre d'une élection présidentielle anticipée», c'est-à-dire avant 2014, l'échéance prévue par la Constitution.
Défendre «le pays utile»
Sans véritable alternative, le régime semble s'engager dans une «stratégie à l'algérienne», c'est-à-dire un combat de longue haleine contre ses ennemis de l'intérieur. Un rapport initial des observateurs de l'ONU déployés en Syrie indique que 40 % du territoire habité échappent au pouvoir central, soit environ un tiers environ de la superficie totale du pays.
«Le problème pour l'opposition, ajoute une source proche des observateurs, c'est que ce gros tiers de la Syrie ne constitue encore qu'un réseau d'îlots de résistance que les insurgés ne parviennent pas à relier entre eux». Impossible d'en faire une zone libérée à partir de laquelle l'opposition rassemblerait ses forces. Les insurgés manquent cruellement de moyens de communication sécurisés. «Le régime garde le contrôle des points stratégiques, comme les routes et les autoroutes», souligne un responsable de l'opposition.
Depuis décembre, le nombre des points d'affrontements avec les forces loyales à Assad reste également à peu près le même. Selon un décompte du Comité de coordination nationale, une formation de l'opposition, il s'établissait à 24 mardi soir, dans huit secteurs du pays: 6 dans la banlieue de Damas, 6 à Homs et sa périphérie, 3 à Hama et sa proche région, 2 à Lattaquié, 2 dans la banlieue d'Alep, 2 à Deir ez-Zor et 3 à Deraa. À ce tableau, il convient d'ajouter l'ensemble ou presque de la région d'Idlib - en particulier le Djabal Akrad - où l'État n'exerce plus qu'un très faible contrôle. En termes de population, 30 % des Syriens participeraient aux manifestations et à la lutte armée contre le pouvoir, selon un responsable militaire de l'opposition.
Face à la persistance de la guérilla, Assad aurait opté pour une stratégie de défense de la «Syrie utile», c'est-à-dire des trois plus importants bassins de population: autour de Damas, d'Alep et de Homs (là où sont rassemblés la majorité des 70 % de Syriens encore passifs). Ce repli tactique ne concerne pas, en revanche, la région Nord, au-delà d'Idlib, limitrophe de la Turquie, où se sont repliés de nombreux opposants armés.
D'où la pression exercée ces derniers jours sur Haffé, pour couper les liaisons des rebelles avec la Turquie. Pour ceux-ci, le temps presse. Ce qui explique les récents approvisionnements en armes antitank plus sophistiquées, des RPG 9 notamment. «Il nous faut rééquilibrer le rapport de forces, si jamais on devait prochainement négocier face au régime», prévient un cadre de cette opposition impliqué dans son armement.
Assassinat d'Hariri: le Tribunal spécial pour le Liban contesté
Les avocats de quatre membres du Hezbollah, accusés de l'assassinat en 2005 de l'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri, ont affirmé mercredi devant le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) que le Conseil de sécurité de l'ONU avait «abusé de ses pouvoirs» en créant le TSL.
«Le Conseil de sécurité a abusé de ses pouvoirs tels qu'ils sont inscrits dans la charte des Nations unies», a déclaré Antoine Korkmaz, l'avocat de Moustafa Badreddine, qui est accusé d'avoir été le «cerveau» de l'attentat contre Rafic Hariri, au cours d'une audience devant le TSL.
M. Korkmaz a dès lors contesté la compétence du Tribunal, qui est entré en service le 1er mars 2009 à Leidschendam, dans la banlieue de La Haye, et affirmé que les poursuites relevaient de la compétence des autorités libanaises et non du TSL. Créé à la demande du Liban par les Nations unies via une résolution du Conseil de sécurité le 30 mai 2007, le TSL est chargé de juger les responsables présumés de l'attentat ayant coûté la vie à Rafic Hariri et à 22 autres personnes, le 14 février 2005 à Beyrouth.
Par Georges Malbrunot
Par Service infographie du Figaro
Pour la seule journée de mardi, 80 personnes ont été tuées, et 18 autres mercredi, tandis que les forces gouvernementales entraient à Deir ez-Zor et pilonnaient certains quartiers de Homs, alors qu'à quelques dizaines de kilomètres à l'ouest, 200 rebelles préféraient se retirer de Haffé, une ville sunnite entourée de villages alaouites, soumise à des bombardements répétés.
Cette intensification de la répression s'expliquerait par «la panique du régime à l'idée de voir ses alliés russes modifier leur position», affirme un diplomate membre de la mission de Kofi Annan, le médiateur mandaté par l'ONU et la Ligue arabe pour trouver une issue négociée à la crise. Sans annoncer le moins du monde une rupture avec Bachar el-Assad, Moscou a toutefois affirmé son intention de convoquer une conférence internationale avec tous les acteurs du conflit en vue d'amorcer une transition politique.
«Assad tient à arriver en position de force à cette conférence internationale», analyse un homme d'affaires alaouite en contact avec la hiérarchie sécuritaire syrienne. Mais la nomenklatura serait divisée sur la tactique pour y parvenir. Les plus impliqués dans la répression - ceux qui n'échapperont pas à la justice internationale - militent pour une éradication de l'insurrection par tous les moyens. Conscients que l'option militaire est vouée à l'échec, d'autres souhaitent au contraire faire émerger une direction issue de la révolte, avec laquelle ils pourraient négocier dans le cadre du forum préconisé par leurs alliés russes.
«Le problème, ajoute l'homme d'affaires, c'est que personne parmi les opposants de l'intérieur n'est prêt à jouer ce jeu, sauf si les Russes leur fournissent des garanties que Bachar ne sera pas candidat à sa succession dans le cadre d'une élection présidentielle anticipée», c'est-à-dire avant 2014, l'échéance prévue par la Constitution.
Défendre «le pays utile»
Sans véritable alternative, le régime semble s'engager dans une «stratégie à l'algérienne», c'est-à-dire un combat de longue haleine contre ses ennemis de l'intérieur. Un rapport initial des observateurs de l'ONU déployés en Syrie indique que 40 % du territoire habité échappent au pouvoir central, soit environ un tiers environ de la superficie totale du pays.
«Le problème pour l'opposition, ajoute une source proche des observateurs, c'est que ce gros tiers de la Syrie ne constitue encore qu'un réseau d'îlots de résistance que les insurgés ne parviennent pas à relier entre eux». Impossible d'en faire une zone libérée à partir de laquelle l'opposition rassemblerait ses forces. Les insurgés manquent cruellement de moyens de communication sécurisés. «Le régime garde le contrôle des points stratégiques, comme les routes et les autoroutes», souligne un responsable de l'opposition.
Depuis décembre, le nombre des points d'affrontements avec les forces loyales à Assad reste également à peu près le même. Selon un décompte du Comité de coordination nationale, une formation de l'opposition, il s'établissait à 24 mardi soir, dans huit secteurs du pays: 6 dans la banlieue de Damas, 6 à Homs et sa périphérie, 3 à Hama et sa proche région, 2 à Lattaquié, 2 dans la banlieue d'Alep, 2 à Deir ez-Zor et 3 à Deraa. À ce tableau, il convient d'ajouter l'ensemble ou presque de la région d'Idlib - en particulier le Djabal Akrad - où l'État n'exerce plus qu'un très faible contrôle. En termes de population, 30 % des Syriens participeraient aux manifestations et à la lutte armée contre le pouvoir, selon un responsable militaire de l'opposition.
Face à la persistance de la guérilla, Assad aurait opté pour une stratégie de défense de la «Syrie utile», c'est-à-dire des trois plus importants bassins de population: autour de Damas, d'Alep et de Homs (là où sont rassemblés la majorité des 70 % de Syriens encore passifs). Ce repli tactique ne concerne pas, en revanche, la région Nord, au-delà d'Idlib, limitrophe de la Turquie, où se sont repliés de nombreux opposants armés.
D'où la pression exercée ces derniers jours sur Haffé, pour couper les liaisons des rebelles avec la Turquie. Pour ceux-ci, le temps presse. Ce qui explique les récents approvisionnements en armes antitank plus sophistiquées, des RPG 9 notamment. «Il nous faut rééquilibrer le rapport de forces, si jamais on devait prochainement négocier face au régime», prévient un cadre de cette opposition impliqué dans son armement.
Assassinat d'Hariri: le Tribunal spécial pour le Liban contesté
Les avocats de quatre membres du Hezbollah, accusés de l'assassinat en 2005 de l'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri, ont affirmé mercredi devant le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) que le Conseil de sécurité de l'ONU avait «abusé de ses pouvoirs» en créant le TSL.
«Le Conseil de sécurité a abusé de ses pouvoirs tels qu'ils sont inscrits dans la charte des Nations unies», a déclaré Antoine Korkmaz, l'avocat de Moustafa Badreddine, qui est accusé d'avoir été le «cerveau» de l'attentat contre Rafic Hariri, au cours d'une audience devant le TSL.
M. Korkmaz a dès lors contesté la compétence du Tribunal, qui est entré en service le 1er mars 2009 à Leidschendam, dans la banlieue de La Haye, et affirmé que les poursuites relevaient de la compétence des autorités libanaises et non du TSL. Créé à la demande du Liban par les Nations unies via une résolution du Conseil de sécurité le 30 mai 2007, le TSL est chargé de juger les responsables présumés de l'attentat ayant coûté la vie à Rafic Hariri et à 22 autres personnes, le 14 février 2005 à Beyrouth.
Par Georges Malbrunot
Par Service infographie du Figaro