D epuis deux cent cinquante ans, les Etats-Unis se veulent un symbole de démocratie, un exemple de la liberté et de la souveraineté auxquelles peut aspirer le reste du monde. Notre Déclaration d’indépendance et notre Constitution ont longtemps été considérées comme des modèles à suivre pour garantir ces droits humains et ces libertés. Nous n’en sommes plus là, hélas. En engageant notre pays sur la voie de l’autoritarisme, Donald Trump s’aligne sur des dictateurs et des despotes qui partagent son mépris de la démocratie et de l’Etat de droit.
Le 24 février, rompant avec ce qui était la position américaine de longue date, l’administration Trump a voté contre une résolution des Nations unies dans laquelle la Russie était clairement désignée comme l’initiatrice de la guerre effroyable contre l’Ukraine. Dans cette résolution, il était également exigé de la Russie qu’elle retire ses forces de l’Ukraine occupée, conformément au droit international. Ce texte était porté par nos plus proches alliés, dont le Royaume-Uni, l’Australie, le Canada, la France, l’Allemagne, le Japon et des dizaines d’autres démocraties. En tout, 93 pays [sur 193] ont voté pour.
Plutôt que de se joindre à nos alliés historiques pour défendre la démocratie et respecter le droit international, le président a préféré voter contre cette résolution, aux côtés de régimes autoritaires tels que la Russie, la Corée du Nord, l’Iran et la Biélorussie. Parmi les autres pays qui ont voté contre figurent beaucoup d’Etats non démocratiques soutenus militairement par la Russie.
Ne nous leurrons pas : ce vote n’a rien d’anodin. Ce faisant, le président des Etats-Unis a tourné le dos à 250 ans d’histoire américaine et s’est aligné ouvertement sur le dictateur russe, Vladimir Poutine. Ce faisant, le président des Etats-Unis a mis en péril l’indépendance de l’Ukraine.
Virage vers l’autoritarisme
Ne perdons pas non plus de vue qui est Vladimir Poutine. C’est l’homme qui a stoppé la marche de la Russie vers la démocratie après la fin de la guerre froide. Il truque les élections, fait assassiner les opposants et piétine la liberté de la presse. Il se maintient au pouvoir grâce au marché tout simple qu’il a proposé aux oligarques russes : « Donnez-moi tous les pouvoirs et je vous laisserai dépouiller le peuple russe autant que vous le voulez. » Il a déclenché le conflit le plus meurtrier qu’ait connu l’Europe depuis la seconde guerre mondiale.
Trois ans se sont écoulés depuis que la Russie a lancé l’invasion brutale, non provoquée et à grande échelle de l’Ukraine. Plus de un million de personnes ont été tuées ou blessées du fait de l’agression du Kremlin. Jour après jour, la Russie fait pleuvoir des centaines de missiles et de drones sur les villes ukrainiennes. Les troupes de Vladimir Poutine ont massacré des civils et enlevé des milliers d’enfants ukrainiens pour les envoyer dans des camps de « rééducation » russes. Ces atrocités ont conduit la Cour pénale internationale à délivrer en 2023 un mandat d’arrêt contre le président russe pour crimes de guerre.
Non content de s’aligner sur la Russie, Donald Trump est prêt à extorquer à l’Ukraine ses ressources naturelles. Alors qu’une nation fière livre un combat désespéré pour sa survie, il ne pense qu’à aider ses amis milliardaires à gagner des fortunes avec l’extraction de terres rares et d’autres minerais.
Son virage vers l’autoritarisme et son rejet du droit international ne se manifestent pas seulement à propos de l’Ukraine. Le président considère les dictateurs du monde entier comme ses amis, nos alliés démocratiques comme ses ennemis et le recours à la force militaire comme le moyen d’atteindre ses objectifs. Il est scandaleux qu’il veuille expulser 2,2 millions de Palestiniens de leur patrie afin d’aménager un lieu de villégiature pour milliardaires à Gaza.
Marche vers la liberté
Il parle ouvertement d’annexer le Groenland, territoire autonome du Danemark. Il affirme que les Etats-Unis doivent reprendre le contrôle du canal de Panama. Et il rompt notre amitié avec nos voisins canadiens en leur disant qu’ils feraient bien de devenir le 51e Etat des Etats-Unis.
De même que les autres oligarques de Russie, d’Arabie saoudite et d’ailleurs, Donald Trump veut un monde dirigé de façon autoritaire, où la force prime sur le droit et où la démocratie et les valeurs morales n’ont plus cours.
Il y a un peu plus d’un siècle, une poignée de monarques, d’empereurs et de tsars régnaient sur la majeure partie du monde. Installés dans une opulence extrême, ils prétendaient que leur pouvoir absolu était de « droit divin ». Les peuples n’étaient pas de cet avis. Partout dans le monde, ils se frayèrent lentement et péniblement un chemin vers la démocratie et rejetèrent le colonialisme.
Les Etats-Unis ont montré le meilleur d’eux-mêmes en participant activement à la marche vers la liberté. De la bataille de Gettysburg [en 1863, qui marqua un tournant dans la guerre de Sécession] au débarquement de Normandie en 1944, des millions d’Américains ont combattu et beaucoup sont morts pour défendre la démocratie, souvent aux côtés d’hommes et de femmes courageux d’autres nationalités.
Nous sommes à un tournant, à un moment crucial pour l’histoire de l’humanité. Nous dirigeons-nous vers un monde plus démocratique, plus juste et plus humain ? Ou bien reculons-nous vers l’oligarchie, l’autoritarisme, le colonialisme et le refus du droit international ? Les Américains que nous sommes ne peuvent pas rester les bras croisés pendant que Donald Trump met une croix sur des siècles d’engagement en faveur de la démocratie. Nous devons nous battre ensemble pour nos valeurs et coopérer avec celles et ceux qui les partagent dans le monde.
Cette tribune parue dans The Guardian est traduite de l’anglais par Juliette Kopecka.
Bernie Sanders, figure de la gauche américaine, représente depuis 2007 l’Etat du Vermont au Sénat des Etats-Unis.

Source : https://www.seneplus.com/opinions/trump-tourne-le-...