Fin 2015, Whatsapp représentait 11% du trafic mobile en Afrique subsaharienne, deux fois plus que Facebook et 2,5 fois plus que YouTube, selon une étude du cabinet Sandvine. Mieux : dans ce domaine l’application affichait une croissance de 50% entre fin 2014 et fin 2015. Et celle-ci semble loin d’avoir faibli depuis, notamment parce que ses concepteurs ont su jouer plusieurs cartes gagnantes.
Ingrédient n°1 : des messages gratuits et un faible besoin de connexion
On ne va pas se mentir : l’argument numéro un de Whatsapp est la gratuité. En concurrence avec les messageries des opérateurs traditionnels, qui multiplient toujours les surtaxes pour les envois à l’étranger, Whatsapp a fait le choix du gratuit. Atout non négligeable : votre répertoire se synchronise automatiquement avec l’application.
Résultat : bon nombre d’Africains, dans leur vie privée ou professionnelle, privilégient Whatsapp par rapport à la messagerie traditionnelle pour leurs échanges de texte, de photos et de vidéos. Bien qu’il faille être connecté en 3G, 4G ou wifi, ce coût de connexion est largement compensé par les économies de SMS, en particulier lorsqu’il s’agit d’une discussion de groupe.
Un argument massue dans les pays d’Afrique subsaharienne comme au Maghreb, d’autant que l’application ne nécessite qu’un faible niveau de connexion internet. En rachetant Whatsapp en 2014 pour 22 milliards de dollars, Facebook a acquis un outil de plus afin de consolider sa croissance dans les pays en développement.
Ingrédient n°2 : des appels gratuits et des nouveautés en pagaille
C’est sans doute l’atout essentiel de Whatsapp : la gratuité des appels, mise en place début février 2015. Face aux surtaxes des appels à l’étranger, Whatsapp s’est posé en concurrent redoutable des opérateurs téléphoniques, dont il utilise néanmoins les licences 3G ou 4G pour fonctionner.
Whatsapp revendique plus de 100 millions d’appels vocaux émis chaque jour dans le monde
Un énorme atout pour les Subsahariens et leur diaspora. Le créateur de l’application l’a d’ailleurs bien compris : alors que Whatsapp n’était initialement gratuite que la première année, elle l’est désormais entièrement. En juin 2016, la marque, rachetée en 2014 par Facebook pour 22 milliards de dollars, annonçait le chiffre hallucinant de 100 millions d’appels vocaux émis chaque jour dans le monde.
Pour les opérateurs traditionnels, le manque à gagner est donc énorme. Résultat, le service d’appels audio a été bloqué en février au Maroc, sous la pression desdits opérateurs. Qu’importe, Whatsapp prépare déjà la suite : la société envisage de développer une boîte de messagerie vocale et un système d’appels vidéo, pour concurrencer Skype. Autre nouveauté attendue, le partage de la musique stockée sur son smartphone et des morceaux d’Apple Music, sous réserve que les deux interlocuteurs disposent d’un abonnement au service d’Apple.
Ingrédient n°3 : la confidentialité et un intérêt politique
C’est le dernier coup de com’ de Whatsapp: jouer sur la confidentialité des données. « Maintenant, tout message, appel, photo ou vidéo que vous envoyez à vos contacts est chiffré par défaut. Quand vous envoyez un message, la seule personne qui peut le lire est la personne ou le groupe à qui vous l’envoyez. Personne ne peut rentrer dans ce message. Pas même les cybercriminels, les pirates, les régimes oppressifs. Même pas nous », promettaient les fondateurs Brian Acton et Jan Koum alors qu’ils annonçaient un renforcement des mesures de sécurité et de cryptage en avril dernier.
Revers de la médaille : Whatsapp s’est mis à dos, comme Apple aux États-Unis, bon nombre de gouvernements. Fin décembre 2015, après un nouveau refus de fournir à la police des informations sur une affaire criminelle, la messagerie a été entièrement bloquée au Brésil pendant 48 heures. Sur un continent où bon nombre de politiques et d’activistes sont persuadés, à tort ou à raison, d’être écoutés par les gouvernements, Whatsapp fait donc figure de réseau sécurisé.
Lors de la chute de Blaise Compaoré, de nombreuses conversations groupées circulaient entre les manifestants.
Au Burkina Faso, lors de la chute de Blaise Compaoré, de nombreuses conversations groupées circulaient entre les manifestants, qui tentaient d’éviter les contingents des policiers. Au Burundi encore, c’est via Whatsapp, notamment, que les lanceurs d’alerte ont fait circuler des informations, alors que les médias traditionnels avaient été muselés par le régime de Pierre Nkurunziza.
Dans les contextes de crise du continent, Whatsapp est devenu une véritable alternative. Nombre de poids lourds, du côté des oppositions ou des partis au pouvoir, en font désormais un pilier de leur communication.
Source Jeuneafrique.com