C’est une lapalissade que de le dire. Le théâtre populaire n’a plus le lustre des années qui ont suivi l’indépendance. Période durant laquelle, il a été encouragé pour contribuer à l’éducation populaire des masses. Le tout, autour du slogan "amuser, instruire, émanciper et édifier". C’est pourquoi, en 1965, les autorités, soucieuses de mettre de l’ordre dans ce secteur, avaient mis en place la fédération sénégalaise de théâtre amateur. Celle-ci deviendra plus tard la fédération sénégalaise de théâtre populaire et de musique.
Après des décennies de lumière, le théâtre populaire sombre aujourd'hui dans la torpeur. Beaucoup d'acteurs ignorent la véritable fonction du théâtre populaire. Ils le confondent avec un lieu de « business» dans lequel la fin est de se faire de l’argent.
«Le théâtre doit illustrer les réalités de la société en reflétant le quotidien des citoyens. Seulement au vu de ce qui se passe actuellement dans les télévisions, il y a toute une contradiction », regrette Samsédine Mané, animateur culturel à la Maison de la Culture Douta Seck. Toujours à ce propos, M. Mané s’émeut du fait que certains pensent que pour être un comédien, il suffit juste de faire rire. Or, à l’en croire, "le rire doit servir de méthode pour éduquer la population, il doit aider à corriger les mœurs. Les déguisements qu’arborent certains comédiens n’ont rien à voir avec le théâtre. Au lieu de focaliser le spectateur sur le message, ils préfèrent mettre l’accent sur leur propre personne. C’est pourquoi la plupart du temps, le spectateur est détourné de l’objectif», analyse Samsédine Mané.
Ce que confirme Célestin Tine, directeur de l’Education populaire au ministère de la Jeunesse, qui souligne que "la mission du théâtre populaire est d’être utile à la population en véhiculant des messages de sensibilisation contre certains maux de la société comme l'émigration clandestine, le sida, etc".
L’audiovisuel et le théâtre "business" : des freins
Aujourd’hui certains acteurs du milieu accusent l’audiovisuel d’avoir largement contribué à l’essoufflement du théâtre populaire, en encourageant beaucoup d’acteurs à la compétence douteuse de verser dans le théâtre business. C'est-à-dire un théâtre dont la principale vocation des acteurs est tout simplement de se faire de l’argent au détriment de la mission d'éducation ou d'éveil. « Le malheur pour le théâtre est qu’actuellement, c’est devenu un fond de commerce. Tel ne doit pas être le cas. Les télévisions prennent n’importe qui pour passer des publicités sans pour autant même que ce dernier ait des aptitudes. Cela ne fait que contribuer à encourager la médiocrité», s’émeut Samsédine Mané.
Célestin Tine fait remarquer que dans le théâtre populaire, l’aspect financier ne doit pas être la fin, même si l'artiste a besoin de vivre de son talent. "Ce n’est plus aisé de renverser la tendance, car actuellement beaucoup de gens ont opté pour ce genre de théâtre. Il sera difficile pour qu’ils reviennent là où ils n’espèrent pas gagner mieux", souligne t-il.
Le casse-tête de la formation
Si aujourd’hui le théâtre populaire se trouve dans une situation délicate, cela est dû en grande partie au manque de formation des acteurs. «Le déficit de formation est l’un des obstacles majeurs du théâtre populaire. On a tendance à assister aujourd’hui à un monde à deux situations artistiques : un théâtre sans public, j’entends par là, le théâtre professionnel et puis un public sans théâtre, je veux dire le théâtre populaire. Il est dans une impasse, et avec la fermeture de la section Art dramatique de l'Ecole nationale des Arts, l'on assiste souvent à des pièces de théâtre qui laissent à désirer, sanctionnant ainsi un manque de considération de la part du public », diagnostique Ibrahima Mbaye Sopé, comédien et directeur de la compagnie théâtrale F’Ame. Mais ce qui irrite le plus Samsédine Mané, c’est le fait que les thèmes choisis par les troupes sont originaux, mais quand il s’agit de les monter et de les interpréter, elles passent complètement à côté de la plaque. « Dans le théâtre, il faut nécessairement connaître les rudiments. Cela nécessite une formation. Mais actuellement, avec ce qu’on voit à la télé, le théâtre est danger», regrette Samsidine Mané. Pour sa part, Ibrahima Mbaye Sopé appelle les autorités en charge du secteur à organiser des stages et des ateliers de perfectionnement pour revaloriser le théâtre. « Il y a beaucoup de talents dans ce pays, il faudrait juste revoir et cadrer certaines choses », pense-t-il.
COMITE PROVISOIRE DE RELANCE DU THEATRE POPULAIRE
Le manque de moyens freine son élan
Le comité provisoire de relance du théâtre populaire a été porté sur les fonts baptismaux pour tirer de l'ornière le théâtre sénégalais. Aujourd’hui sa mission est difficile en raison de l'insuffisance de moyens, ce qui ralentit considérablement ses activités.
Constatant la léthargie qui sévit dans le secteur du théâtre populaire sénégalais, le ministre de la jeunesse Mamadou Lamine Keita avait mis sur pied, en avril 2011, un comité national provisoire de relance. Une manière de tourner la page des longues années de torpeur que le théâtre populaire a connues. Mais, après seulement une année d'activités, le comité a du plomb dans l’aile. « Depuis son installation, le comité peine à fonctionner. Je pense qu’on ne peut relancer le théâtre sans moyens. Nous avons écrit à presque toutes les autorités, mais sans succès », regrette Ousmane Diouf, président du comité régional de Dakar de relance du théâtre populaire.
Youssou Mbargane Mbaye, le président du comité, en dressant un bilan d'étape indique que sa structure a déjà recensé toutes les difficultés et qu'elle est en contact avec des partenaires. « Nous avons passé en revu nos forces et nos faiblesses. Actuellement notre seul problème demeure le manque de moyens », laisse-t-il entendre. M. Mbaye espère "un coup de main" de son ministère de tutelle.
Quant à Sénégal Ndiaye, chargé des compétions au sein du comité provisoire de relance, la volonté de l’Etat de vouloir sortir le théâtre populaire de l’ombre doit être matérialisé par des moyens financiers. "Si les autorités veulent qu’on réussisse à rehausser le théâtre, elles doivent nous aider à trouver les moyens. Actuellement nous avons arrêté nos activités en raison d'un manque de moyens. Les membres du comité sont éparpillés dans les régions. Nous avons du mal à nous réunir, car il faut de l’argent pour cela", explique Sénégal Ndiaye. Pour lui, "sans les moyens, les gens ne laisseront pas tomber leurs occupations quotidiennes pour des rencontres qui ne leur rapporteront rien".
Célestin Tine, directeur du théâtre populaire, reconnait que le comité manque de moyens. Seulement, précise-t-il, c’est à eux de trouver les moyens. « Le comité doit élaborer un plan de recherche de financements de la politique de relance et de développement du théâtre populaire à travers le partenariat et le sponsoring », souligne M. Tine.
La mission du comité provisoire de relance du théâtre populaire est entre autres de promouvoir le développement des activités théâtrales sur l’étendue du territoire national, d’organiser des compétions axées sur la sensibilisation sur les fléaux sociaux, d’élaborer un plan de formation en vue d’un renforcement de capacités des acteurs. L’instance entend également identifier les acteurs du théâtre populaire.
Des comités sont installés dans toutes les régions."Il y a un retard dans le démarrage des activités, à l’exception de la région de Saint Louis qui a déjà lancé des initiatives", déplore M. Célestin Tine.
PRATIQUE DU THEATRE POPULAIRE DANS LES ASC
36 troupes identifiées dans le département de Dakar
Le théâtre est aujourd’hui le parent pauvre des activités des Associations sportives et culturelles (ASC). Dans le département de Dakar sur 198 ASC, seules 36 ont une troupe théâtrale et ce, en dépit des amendes infligées par l’Organisme national de Coordination des Activités de Vacances (ONCAV).
Dans les réglements généraux de l'ONCAV, il est précisé que « pour être autorisée à participer aux activités organisées, l’ASC est tenue de pratiquer au moins deux disciplines et des activités socio-éducatives dont le théâtre». L’article 20 précise que « toute ASC programmée par sa structure de base est tenue de se produire sous peine d’une amende de 50 000 francs CFA. En cas de récidive les années suivantes, elle passe du simple au double ».
Toutefois, ces dispoisitions sont loin d'ébranler les ASC. De l’avis d’Ablaye Cissé, premier vice-président de l’ODCAV, chargé de la commission de qualification, des règlements et des pénalités (CQRP), certaines ASC préfèrent plutôt payer l’amende que de présenter une troupe théâtrale. M. Cissé l’explique par le fait qu'une ASC débourse, dans le cadre des activités théâtrales, une somme de loin supérieure à l’amende infligée en cas de non respect des règlements généraux de l'ORCAV. En outre, la participation aux compétions théâtrales ne rapportent pas gros.
Ce que confirme le président de l’ASC Yoon Wi de la zone 4 B, Massamba Ndiaye. « Le regroupement d’une troupe de théâtre coûte excessivement cher car il faut entre autres habiller les gens et payer les batteurs de tam-tam. On dépense mais au finish ça génère rien », indique-t-il. Après avoir payé depuis des années une amende pour n'avoir pas monté une troupe théâtrale, le président de Yoon Wi a décidé de rompre avec cette vielle habitude. «C’est vrai qu’on a payé l'ODCAV, à l’ouverture des navétanes, une amende de 100 000 francs CFA. Mais cette année, on a mis en place une troupe. Même si elle n’a pas gagné grand-chose, elle a contribué à l’animation du quartier. Je pense qu’il ne faut pas perdre de vue le but des navetanes n’est rien d’autre que de créer une ambiance de cordialité». A en croire, M. Ndiaye, sur les 16 ASC que comptait l’année dernière la zone 4 B, seules 6 ont pu présenter une troupe de théâtre.
Dans d'autres ASC, la situation est la même. C'est le cas de l’ASC Dioubo de Khar Yallah. Après avoir remporté plusieurs trophées dans les compétions théâtrales, cette ASC a décidé depuis deux années de ne plus participer aux joutes culturelles en raison d'un manque de moyens et de l'absence d'acteurs culturels, d'après les explications de son secrétaire général, Moustapha Diatta.
De grosses primes pour booster le théâtre
Pour d’aucuns, la meilleure façon de pousser les ASC a accordé un intérêt au théâtre, est de revoir à la hausse les prix des récompenses dans le cadre des compétions culturelles. C'est l'avis du vice-président de l'ODCAV de Dakar, Ablaye Cissé : «Je pense que si les structures en charge du théâtre populaire dégagent de gros moyens pour les compétions, les gens manifesteront un grand intérêt pour le théâtre. Il faut par exemple initier un trophée qui vaut plus que celui du football en termes de récompense». Même son de cloche pour les dirigeants de l’ASC de Yoon Wi et de Dioubo qui pensent que les autorités gagneraient, si elles veulent booster le théâtre, à mettre un gros pactole pour le championnat du théâtre populaire. Par ailleurs, en dépit de la volonté de l’ONCAV de vouloir faire du théâtre une pratique à l’image du football, cet art demeure toujours le parent pauvres dans les activités des ASC.
REACTIONS
Ousmane Faye, cinéaste et metteur en scène : « C’est devenu un fourre-tout »
« Avant, c’était vraiment le grand théâtre. On a la nostalgie quand on pense au vrai théâtre avec les Serigne Ndiaye Gonzales et consorts. Actuellement avec les jeunes on voit du n’importe quoi. Les gens qui se disent comédiens sont généralement des humoristes. Et ils ont fini de faire du théâtre un fourre-tout. Le grand théâtre a été étouffé »
Baye Moussé Fall, manager de la troupe Keur Baye : « L’audiovisuel a tué le théâtre populaire »
« Les troupes n’existent presque plus. Tout le monde est orienté vers l’audiovisuel pour des raisons économiques. Actuellement, je ne connais que trois troupes de théâtre populaire : Koch Barma de Rufisque, Kaduu Yarakh et Keur Baye. A mon humble avis, pour développer ce théâtre, on doit subventionner et encourager les troupes qui existent déjà, organiser un festival national qui va débuter par la base avec des trophées significatifs, exiger aux ASC qui ne pratiquent pas le théâtre une amende qui avoisine les 500 000 francs CFA »
Ablaye Cissé, vice-président ODCAV de Dakar : « Une synergie avec la direction du théâtre populaire »
« Je pense que les amendes ne vont pas régler le problème. Nous sommes en train de voir à notre niveau quelle stratégie il faut adopter pour booster le volet culturel dans les ASC. Je pense aussi qu’il doit y avoir une synergie d’actions entre l’ONCAV, la direction du théâtre populaire et le ministre de la Culture. »
Ibrahima Mbaye Sopé, artiste-comédien : « Absence d'une politique de l’Etat pour le secteur »
« Il faut déjà noter que le théâtre a perdu de son lustre d'antan, si l’on en juge par la situation actuelle des comédiens sénégalais. C’est surtout lié au manque de politique culturelle de l’Etat pour ce secteur. Il faut en faire une activité professionnelle capable de générer des ressources financières, avec des salles de spectacle, des subventions qui permettront aux pratiquants de bénéficier de formations pour améliorer leur niveau. Le Sénégal a combien d'ASC ? Chaque ASC a au moins une vingtaine d'artistes. Il ne faudrait pas sous-estimer l'apport de ce mouvement. Il faut également penser à créer des commissions pour régulariser les diffusions à la télé des pièces de théâtre».
Le Soleil
Après des décennies de lumière, le théâtre populaire sombre aujourd'hui dans la torpeur. Beaucoup d'acteurs ignorent la véritable fonction du théâtre populaire. Ils le confondent avec un lieu de « business» dans lequel la fin est de se faire de l’argent.
«Le théâtre doit illustrer les réalités de la société en reflétant le quotidien des citoyens. Seulement au vu de ce qui se passe actuellement dans les télévisions, il y a toute une contradiction », regrette Samsédine Mané, animateur culturel à la Maison de la Culture Douta Seck. Toujours à ce propos, M. Mané s’émeut du fait que certains pensent que pour être un comédien, il suffit juste de faire rire. Or, à l’en croire, "le rire doit servir de méthode pour éduquer la population, il doit aider à corriger les mœurs. Les déguisements qu’arborent certains comédiens n’ont rien à voir avec le théâtre. Au lieu de focaliser le spectateur sur le message, ils préfèrent mettre l’accent sur leur propre personne. C’est pourquoi la plupart du temps, le spectateur est détourné de l’objectif», analyse Samsédine Mané.
Ce que confirme Célestin Tine, directeur de l’Education populaire au ministère de la Jeunesse, qui souligne que "la mission du théâtre populaire est d’être utile à la population en véhiculant des messages de sensibilisation contre certains maux de la société comme l'émigration clandestine, le sida, etc".
L’audiovisuel et le théâtre "business" : des freins
Aujourd’hui certains acteurs du milieu accusent l’audiovisuel d’avoir largement contribué à l’essoufflement du théâtre populaire, en encourageant beaucoup d’acteurs à la compétence douteuse de verser dans le théâtre business. C'est-à-dire un théâtre dont la principale vocation des acteurs est tout simplement de se faire de l’argent au détriment de la mission d'éducation ou d'éveil. « Le malheur pour le théâtre est qu’actuellement, c’est devenu un fond de commerce. Tel ne doit pas être le cas. Les télévisions prennent n’importe qui pour passer des publicités sans pour autant même que ce dernier ait des aptitudes. Cela ne fait que contribuer à encourager la médiocrité», s’émeut Samsédine Mané.
Célestin Tine fait remarquer que dans le théâtre populaire, l’aspect financier ne doit pas être la fin, même si l'artiste a besoin de vivre de son talent. "Ce n’est plus aisé de renverser la tendance, car actuellement beaucoup de gens ont opté pour ce genre de théâtre. Il sera difficile pour qu’ils reviennent là où ils n’espèrent pas gagner mieux", souligne t-il.
Le casse-tête de la formation
Si aujourd’hui le théâtre populaire se trouve dans une situation délicate, cela est dû en grande partie au manque de formation des acteurs. «Le déficit de formation est l’un des obstacles majeurs du théâtre populaire. On a tendance à assister aujourd’hui à un monde à deux situations artistiques : un théâtre sans public, j’entends par là, le théâtre professionnel et puis un public sans théâtre, je veux dire le théâtre populaire. Il est dans une impasse, et avec la fermeture de la section Art dramatique de l'Ecole nationale des Arts, l'on assiste souvent à des pièces de théâtre qui laissent à désirer, sanctionnant ainsi un manque de considération de la part du public », diagnostique Ibrahima Mbaye Sopé, comédien et directeur de la compagnie théâtrale F’Ame. Mais ce qui irrite le plus Samsédine Mané, c’est le fait que les thèmes choisis par les troupes sont originaux, mais quand il s’agit de les monter et de les interpréter, elles passent complètement à côté de la plaque. « Dans le théâtre, il faut nécessairement connaître les rudiments. Cela nécessite une formation. Mais actuellement, avec ce qu’on voit à la télé, le théâtre est danger», regrette Samsidine Mané. Pour sa part, Ibrahima Mbaye Sopé appelle les autorités en charge du secteur à organiser des stages et des ateliers de perfectionnement pour revaloriser le théâtre. « Il y a beaucoup de talents dans ce pays, il faudrait juste revoir et cadrer certaines choses », pense-t-il.
COMITE PROVISOIRE DE RELANCE DU THEATRE POPULAIRE
Le manque de moyens freine son élan
Le comité provisoire de relance du théâtre populaire a été porté sur les fonts baptismaux pour tirer de l'ornière le théâtre sénégalais. Aujourd’hui sa mission est difficile en raison de l'insuffisance de moyens, ce qui ralentit considérablement ses activités.
Constatant la léthargie qui sévit dans le secteur du théâtre populaire sénégalais, le ministre de la jeunesse Mamadou Lamine Keita avait mis sur pied, en avril 2011, un comité national provisoire de relance. Une manière de tourner la page des longues années de torpeur que le théâtre populaire a connues. Mais, après seulement une année d'activités, le comité a du plomb dans l’aile. « Depuis son installation, le comité peine à fonctionner. Je pense qu’on ne peut relancer le théâtre sans moyens. Nous avons écrit à presque toutes les autorités, mais sans succès », regrette Ousmane Diouf, président du comité régional de Dakar de relance du théâtre populaire.
Youssou Mbargane Mbaye, le président du comité, en dressant un bilan d'étape indique que sa structure a déjà recensé toutes les difficultés et qu'elle est en contact avec des partenaires. « Nous avons passé en revu nos forces et nos faiblesses. Actuellement notre seul problème demeure le manque de moyens », laisse-t-il entendre. M. Mbaye espère "un coup de main" de son ministère de tutelle.
Quant à Sénégal Ndiaye, chargé des compétions au sein du comité provisoire de relance, la volonté de l’Etat de vouloir sortir le théâtre populaire de l’ombre doit être matérialisé par des moyens financiers. "Si les autorités veulent qu’on réussisse à rehausser le théâtre, elles doivent nous aider à trouver les moyens. Actuellement nous avons arrêté nos activités en raison d'un manque de moyens. Les membres du comité sont éparpillés dans les régions. Nous avons du mal à nous réunir, car il faut de l’argent pour cela", explique Sénégal Ndiaye. Pour lui, "sans les moyens, les gens ne laisseront pas tomber leurs occupations quotidiennes pour des rencontres qui ne leur rapporteront rien".
Célestin Tine, directeur du théâtre populaire, reconnait que le comité manque de moyens. Seulement, précise-t-il, c’est à eux de trouver les moyens. « Le comité doit élaborer un plan de recherche de financements de la politique de relance et de développement du théâtre populaire à travers le partenariat et le sponsoring », souligne M. Tine.
La mission du comité provisoire de relance du théâtre populaire est entre autres de promouvoir le développement des activités théâtrales sur l’étendue du territoire national, d’organiser des compétions axées sur la sensibilisation sur les fléaux sociaux, d’élaborer un plan de formation en vue d’un renforcement de capacités des acteurs. L’instance entend également identifier les acteurs du théâtre populaire.
Des comités sont installés dans toutes les régions."Il y a un retard dans le démarrage des activités, à l’exception de la région de Saint Louis qui a déjà lancé des initiatives", déplore M. Célestin Tine.
PRATIQUE DU THEATRE POPULAIRE DANS LES ASC
36 troupes identifiées dans le département de Dakar
Le théâtre est aujourd’hui le parent pauvre des activités des Associations sportives et culturelles (ASC). Dans le département de Dakar sur 198 ASC, seules 36 ont une troupe théâtrale et ce, en dépit des amendes infligées par l’Organisme national de Coordination des Activités de Vacances (ONCAV).
Dans les réglements généraux de l'ONCAV, il est précisé que « pour être autorisée à participer aux activités organisées, l’ASC est tenue de pratiquer au moins deux disciplines et des activités socio-éducatives dont le théâtre». L’article 20 précise que « toute ASC programmée par sa structure de base est tenue de se produire sous peine d’une amende de 50 000 francs CFA. En cas de récidive les années suivantes, elle passe du simple au double ».
Toutefois, ces dispoisitions sont loin d'ébranler les ASC. De l’avis d’Ablaye Cissé, premier vice-président de l’ODCAV, chargé de la commission de qualification, des règlements et des pénalités (CQRP), certaines ASC préfèrent plutôt payer l’amende que de présenter une troupe théâtrale. M. Cissé l’explique par le fait qu'une ASC débourse, dans le cadre des activités théâtrales, une somme de loin supérieure à l’amende infligée en cas de non respect des règlements généraux de l'ORCAV. En outre, la participation aux compétions théâtrales ne rapportent pas gros.
Ce que confirme le président de l’ASC Yoon Wi de la zone 4 B, Massamba Ndiaye. « Le regroupement d’une troupe de théâtre coûte excessivement cher car il faut entre autres habiller les gens et payer les batteurs de tam-tam. On dépense mais au finish ça génère rien », indique-t-il. Après avoir payé depuis des années une amende pour n'avoir pas monté une troupe théâtrale, le président de Yoon Wi a décidé de rompre avec cette vielle habitude. «C’est vrai qu’on a payé l'ODCAV, à l’ouverture des navétanes, une amende de 100 000 francs CFA. Mais cette année, on a mis en place une troupe. Même si elle n’a pas gagné grand-chose, elle a contribué à l’animation du quartier. Je pense qu’il ne faut pas perdre de vue le but des navetanes n’est rien d’autre que de créer une ambiance de cordialité». A en croire, M. Ndiaye, sur les 16 ASC que comptait l’année dernière la zone 4 B, seules 6 ont pu présenter une troupe de théâtre.
Dans d'autres ASC, la situation est la même. C'est le cas de l’ASC Dioubo de Khar Yallah. Après avoir remporté plusieurs trophées dans les compétions théâtrales, cette ASC a décidé depuis deux années de ne plus participer aux joutes culturelles en raison d'un manque de moyens et de l'absence d'acteurs culturels, d'après les explications de son secrétaire général, Moustapha Diatta.
De grosses primes pour booster le théâtre
Pour d’aucuns, la meilleure façon de pousser les ASC a accordé un intérêt au théâtre, est de revoir à la hausse les prix des récompenses dans le cadre des compétions culturelles. C'est l'avis du vice-président de l'ODCAV de Dakar, Ablaye Cissé : «Je pense que si les structures en charge du théâtre populaire dégagent de gros moyens pour les compétions, les gens manifesteront un grand intérêt pour le théâtre. Il faut par exemple initier un trophée qui vaut plus que celui du football en termes de récompense». Même son de cloche pour les dirigeants de l’ASC de Yoon Wi et de Dioubo qui pensent que les autorités gagneraient, si elles veulent booster le théâtre, à mettre un gros pactole pour le championnat du théâtre populaire. Par ailleurs, en dépit de la volonté de l’ONCAV de vouloir faire du théâtre une pratique à l’image du football, cet art demeure toujours le parent pauvres dans les activités des ASC.
REACTIONS
Ousmane Faye, cinéaste et metteur en scène : « C’est devenu un fourre-tout »
« Avant, c’était vraiment le grand théâtre. On a la nostalgie quand on pense au vrai théâtre avec les Serigne Ndiaye Gonzales et consorts. Actuellement avec les jeunes on voit du n’importe quoi. Les gens qui se disent comédiens sont généralement des humoristes. Et ils ont fini de faire du théâtre un fourre-tout. Le grand théâtre a été étouffé »
Baye Moussé Fall, manager de la troupe Keur Baye : « L’audiovisuel a tué le théâtre populaire »
« Les troupes n’existent presque plus. Tout le monde est orienté vers l’audiovisuel pour des raisons économiques. Actuellement, je ne connais que trois troupes de théâtre populaire : Koch Barma de Rufisque, Kaduu Yarakh et Keur Baye. A mon humble avis, pour développer ce théâtre, on doit subventionner et encourager les troupes qui existent déjà, organiser un festival national qui va débuter par la base avec des trophées significatifs, exiger aux ASC qui ne pratiquent pas le théâtre une amende qui avoisine les 500 000 francs CFA »
Ablaye Cissé, vice-président ODCAV de Dakar : « Une synergie avec la direction du théâtre populaire »
« Je pense que les amendes ne vont pas régler le problème. Nous sommes en train de voir à notre niveau quelle stratégie il faut adopter pour booster le volet culturel dans les ASC. Je pense aussi qu’il doit y avoir une synergie d’actions entre l’ONCAV, la direction du théâtre populaire et le ministre de la Culture. »
Ibrahima Mbaye Sopé, artiste-comédien : « Absence d'une politique de l’Etat pour le secteur »
« Il faut déjà noter que le théâtre a perdu de son lustre d'antan, si l’on en juge par la situation actuelle des comédiens sénégalais. C’est surtout lié au manque de politique culturelle de l’Etat pour ce secteur. Il faut en faire une activité professionnelle capable de générer des ressources financières, avec des salles de spectacle, des subventions qui permettront aux pratiquants de bénéficier de formations pour améliorer leur niveau. Le Sénégal a combien d'ASC ? Chaque ASC a au moins une vingtaine d'artistes. Il ne faudrait pas sous-estimer l'apport de ce mouvement. Il faut également penser à créer des commissions pour régulariser les diffusions à la télé des pièces de théâtre».
Le Soleil