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Tivaouane : Un joyau médical annoncé de 46 milliards FCfa, qui cache la forêt de maux

Dans 18 mois, Tivaouane va disposer d’un hôpital de niveau 3. D’un coût de 46 milliards FCfa et d’une capacité de 300 lits, l’établissement sanitaire, dont la première pierre a été posée, ce week-end, par le Président Macky Sall, portera le nom de Seydi El Hadji Malick Sy. Toutefois, dans un diagnostic citoyen (critique et non de critique), qui est en même temps, un plaidoyer pour l’intérêt des populations de Tivaouane et environs, Moulay Abdoul Aziz Diop, membre de la cellule de communication de la Hadara Malikiya, petit-fils de Seydi El Hadj Malick Sy et acteur de la Société civile, de s’offusquer d’un « certain nombre de maux dont souffre la capitale de la Tidianiyya ». "Le Témoin"


Rédigé par leral.net le Vendredi 1 Juillet 2022 à 10:56 | | 0 commentaire(s)|

Le 27 décembre 2016, il a été signé le décret 2016/2044 approuvant et rendant exécutoire le Plan directeur d’urbanisation (PDU) de Tivaouane, ville sainte à la croisée des chemins, se trouvant entre espoirs et promesses. Lequel décret prévoit des assiettes foncières nécessaires aux équipements sociaux, aux zones d’habitat et aux zones d’activités.

Une mise en œuvre correcte de ce PDU, qui définit une vision claire et cohérente du développement de la ville sainte, aurait permis à Tivaouane d’être à l’abri de problèmes d’infrastructures de qualité, dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la formation et du développement économique. En plus du PDU, l’Etat du Sénégal a lancé le programme de modernisation des cités religieuses en 2014.

Du coup, la commune de Tivaouane a pu bénéficier de plusieurs infrastructures et réalisations, dont entre autres : l’aménagement de l’esplanade des mosquées, la voirie et l’éclairage public densifiés, de nouveaux locaux pour la police et la gendarmerie. Une liste loin d’être exhaustive.

Toutefois, selon ce membre de la cellule de communication de la Hadara Malikiya, Moulay Abdoul Aziz Diop, petit-fils de Seydi ElHadj Malick Sy et acteur de la société civile, « cet ambitieux programme de l’Etat du Sénégal avec plusieurs volets dont certains très prioritaires a connu un ralentissement voire même un arrêt dans certains domaines comme la santé, l’assainissement, l’éducation en partie ».

Dans le domaine de la santé, la ville, jusqu’ici, disposait d’un établissement public de santé niveau 2, l’hôpital Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh, qui était auparavant un centre de santé. La cité dispose aussi d’un centre de santé fonctionnel au quartier Keur Mass et d’un seul poste de santé au quartier Médine et de quelques rares structures privées. C’est récemment qu’un nouveau poste de santé a été érigé dans l’enceinte de la Zawiya El-hadji Malick Sy (Rta), à Tivaouane, pour la prise en charge des centaines de Talibés sous la houlette de Serigne Babacar Sy Abdou.

Force est aussi de rappeler que ces apprenants sont entièrement et gratuitement pris en charge par la famille (éducation, hébergement, restauration, santé...). Ce poste de santé a été entièrement construit par les bonnes volontés et bénévoles de la Hadra, sous l’autorité du Khalife général. Un poste de santé entièrement équipé par le Ministère de la Santé avec une ambulance médicalisée offerte par l’ancien ministre de la Santé, Abdoulaye Diouf Sarr.

Hopital Mame Dabakh : Des difficultés liées au personnel, au plateau médical et technique, à la maintenance, au déficit de ressources…

Par rapport à l’hôpital Mame Abdoul Aziz Dabakh (Rta) qui fait la une de l’actualité, Moulay Abdoul Aziz rappelle qu’« il a une vocation nationale si on le considère sous l’angle anthropologique et religieux. C’est en effet le seul hôpital du département de Tivaouane, qui polarise plusieurs centres et postes de santé et qui accueille des patients et affiliés à la famille venant de toutes les régions du pays. Certains patients préfèrent quitter leurs localités lointaines pour venir se soigner à Tivaouane, y être suivis et même y être enterrés en cas de décès ».

Toutefois, remarque le petit-fils de Seydi El-Hadj Malick Sy, « malgré les multiples difficultés liées au personnel, au plateau médical et technique, à la maintenance, au déficit de ressources de manière générale, au flux massif des patients, le laboratoire de l’hôpital sous la houlette du Dr. Commandant Sakho et de son équipe, est une référence sur le plan national en termes de prise en charge, de qualité de service, de discrétion, de fiabilité et de célérité dans la délivrance des résultats ».

Aussi, de considérer : « il est vrai que la stigmatisation se généralise facilement, surtout en cas de scandale mais autant il convient de dénoncer certains comportements et manquements, autant il faut valoriser les bons modèles qui, fort nombreux dans le secteur de la santé et dans d’autres secteurs, font preuve de compétence, d’éthique et de responsabilité dans l’exercice de leurs missions et fonctions ».

Il revient sur « la tragédie qui vient de se dérouler sous nos yeux, avec 11 bébés calcinés, qui doit être une leçon apprise pour apporter des solutions structurelles aux nombreux maux dont souffre l’hôpital », mais aussi, « réagir favorablement aux nombreux plaidoyers du Khalife général, de la famille et des populations ».

Il pense qu’« il faut, à court et moyen termes, renforcer les ressources (au pluriel) de l’hôpital, relever le plateau médical et technique pour répondre a u statut d’hôpital niveau 2, renforcer le personnel et surtout, faire le pari d’un personnel suffisant et de qualité, accélérer la construction du second hôpital moderne de niveau 3, prévu dans la ville sainte ».

Le président de la République a annoncé ce 27 mai à Tivaouane, le démarrage des travaux d’ici 3 mois, période du Gamou, délai qui peut être rapproché avec l’espoir que suscite la construction de ce second hôpital auprès des populations.

N’est-ce pas, se demande le petit-fils de Seydi El Hadj Malick Sy, « l’occasion de mettre à contribution les entreprises minières implantées dans le département comme les ICS et GCO, pour accompagner l’Etat et les collectivités territoriales avec des dépenses sociales et une responsabilité sociétale d’entreprise (RSE) orientée vers les besoins et priorités des populations ? »

Malheureusement, constate l’acteur de la société civile, « à la lecture du dernier rapport ITIE 2020, les dépenses sociales des entreprises pour la région de Thiès se chiffrent à 1.346.844.309 FCfa, dont 6% pour la santé, 2% pour la riposte Covid-19, 12% pour l’éducation, 3% pour l’hydraulique et 56 % pour appuis divers, qui ne profitent pas à la communauté ( fourre-tout : billets à la Mecque, appuis aux jeunes, femmes, religieux...). »

Aziz Diop pense que « pour des entreprises qui font des centaines de milliards FCfa de chiffres d’affaires, il faut une RSE plus contraignante en phase avec les préoccupations des populations et surtout, dans le domaine de la santé, pour atténuer les impacts négatifs de l’exploitation sur la santé des populations ».

Le Programme d’assainissement de Tivaouane lancé en 2018 peine à être bouclé

Sur le plan de l’assainissement, Moulay Abdoul Aziz Diop rappelle qu’« en août 2018, 6 mois avant l’élection présidentielle de 2019, l’ancien ministre de l’Assainissement avait lancé le Programme d’assainissement de Tivaouane. Lequel, financé à hauteur de 4, 3 milliards FCfa par la Boad et l’Etat du Sénégal, devait prendre le volet ‘’Eaux usées’’ pour 10 quartiers sur les 72 que compte la ville sainte avec les villages rattachés. Il était prévu la fourniture et la pose de 16, 539 kms de conduites, avec 1558 branchements à l’égout, la construction de 2 nouvelles stations de pompage, la construction de 50 édicules scolaires et la réalisation d’une station d’épuration d’une capacité de 2100m3/jour. Les travaux devraient durer 18 mois et impacter directement, 22.000 personnes ».

Aujourd’hui, s’offusque M. Diop, « nous sommes en juin 2022 et 45 mois après le lancement officiel, en août 2018, devant les autorités religieuses, administratives, locales et les populations, le programme peine à être bouclé ».

Le paradoxe dans tout cela, dit-il, « c’est que le quartier Elhadj Malick Sy qui constitue le cœur de la ville sainte de Tivaouane et qui abrite la résidence du Khalife général, celles de tous les dignitaires de la famille et les différents lieux de culte et mausolées,vient à peine d’être pris en charge récemment et partiellement, à la suite d’un avenant entre l’Onas et l’Ageroute ».

Selon lui, « un Audit technique et financier du dit programme s’impose en plus d’une enquête de satisfaction auprès des populations bénéficiaires ». M. Diop rappelle que « dès 2017, en tant qu’acteur de la société civile, nous avions alerté et fait le plaidoyer pour que Tivaouane et les autres cités religieuses qui accueillent des millions de personnes durant les grands événements religieux puissent bénéficier de programmes spécifiques d’assainissement, afin de faire face au besoin d’évacuation des eaux usées et pluviales ». À partir de 2023, les plus grands événements religieux devront coïncider avec la saison des pluies et ce cycle peut durer jusqu’à 10 ans.

L’un des maillons faibles de l’Education reste le niveau secondaire

Sur le volet « éducation », Moulay Abdoul Aziz Diop de souligner : « La carte scolaire s’est beaucoup densifiée avec un maillage de la ville dans tous les ordres d’enseignement sans compter les écoles privées et les daaras. Cependant, l’un des maillons faibles reste le niveau secondaire. Tivaouane ne dispose que d’un seul lycée, dénommé Khalifa Ababacar Sy qui commence à atteindre ses limites et qui polarise tous les Cem de la ville ».

Il pense qu’« un second lycée est une urgence pour les populations de Tivaouane et pourquoi pas un lycée technique et professionnel à vocation agricole et minière ».

Comme dans le domaine de la santé, M. Diop de remarquer que « les entreprises minières implantées dans la zone pourraient dans le cadre de la RSE et du contenu local (volet formation qualifiante et emplois qualifiants), accompagner l’Etat et les collectivités territoriales pour la construction et l’équipement, d’un second lycée pour Tivaouane et environs ».

Selon lui, « un institut supérieur d’enseignement religieux pourrait être aussi un prolongement des daaras classiques ».

Le «yalwaan» et le «woyaan», deux faces de la mendicité très prisées par les jeunes de Tivaouane, face au chômage galopant

Tivaouane étant une ville composée en majorité de jeunes, la plupart de ces derniers qui ne sont pas dans les structures de formation sont dans le secteur informel, singulièrement sur les « mototaxis Jakarta » réputées dangereuses, dans le petit commerce et dans de précaires emplois de « journalier » dans les entreprises de la place. Le membre de la cellule de communication de la Hadara Malikiya de constater que « les deux métiers les plus prisés par beaucoup de jeunes et même des adultes de la cité religieuse sont le ‘’yalwaan» et le «woyaan», deux faces de la mendicité », sans compter « les nombreux bras valides restant à la charge des chefs religieux de la famille Sy et des hommes politiques, notamment à l’occasion des grands événements religieux (Ramadan, Korité, Tabaski, Gamou, Ziaar…) ». Selon lui, « l’emploi des jeunes est donc une réelle priorité pour les populations ».

L’Etat, dit-il, « ne peut certes pas assurer un emploi à tout le monde mais à travers ses différentes structures dédiées, il peut développer des programmes spécifiques pour la ville, en termes d’emplois ».





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