Depuis samedi la fureur des islamistes s'abat sur le patrimoine plusieurs fois centenaire de Tombouctou. Dans la cité malienne, seize mausolées musulmans et trois mosquées sont classés au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1988. Pourquoi ces édifices, qui font la réputation de Tombouctou, sont-ils visés par des islamistes?
• Des «représailles» contre l'Unesco
Oumar oud Hamaha, porte-parole d'Ansar Dine / Capture d'écran Al Jazeera
Avec l'arrivée des islamistes en avril, l'Unesco a classé le 28 juin dernier les édifices de Tombouctou dans la liste du «patrimoine mondial en péril». Une annonce qui a mis la lumière sur ce patrimoine. «Dans un moment de crispation, mettre l'accent sur la préservation des mausolées n'était peut-être pas la méthode la plus habile pour protéger ces sites», croit savoir Roland Marchal, chargé de recherche au CNRS. L'organisation rebelle islamiste qui contrôle Tombouctou, Ansar Dine, reconnaît elle-même avoir mené des actions de «représailles» après l'intervention de l'Unesco.
•Une «inculture générale»
«Personne ne comprend pourquoi les extrémistes islamistes s'en prennent à des mausolées musulmans. C'est paradoxal et incompréhensible», a estimé lundi sur Europe 1 Jean-Michel Djian, professeur à l'université Paris-VIII. Ajoutant: «S'ils le font c'est d'abord parce qu'ils sont globalement incultes (…). Tout cela est surtout lié à une inculture générale, à une forme de violence gratuite.» Les membres d'Ansar Dine ne connaissent pas l'importance historique de ces sites. Cependant, ils comprennent que la destruction de ces mausolées choque les Occidentaux et bouscule les habitudes culturelles de la population locale.
•Confrontation entre deux islams
Les hommes qui composent la rébellion ne sont pas tous maliens. Ce sont des mercenaires et des djihadistes formés sur le modèle wahhabite, le modèle strict de l'islam sunnite appliqué dans les pays du Golfe. Ils pratiquent un islam qui n'est pas le même que celui qui prévaut au Mali. Dans ce pays, c'est un islam d'inspiration maleki qui est ancré. L'idolâtrie est une différence majeure entre les deux croyances.
Dans le sunnisme, la représentation de Dieu est très strictement interdite, tandis que le soufisme autorise les saints et la représentation de ces derniers. «La construction de mausolées est contraire à l'islam et nous les détruisons parce que la religion nous l'ordonne», s'est justifié Oumar oud Hamaha, l'homme qui se présente comme le porte-parole d'Ansar Dine. La doctrine wahhabite «prône un rapport direct du croyant à Dieu, en critiquant les intermédiaires. Même la figure du Prophète n'y est pas centrale. Donc, a fortiori, celle de tous les saints qui se sont construits à l'intérieur du soufisme», a expliqué Roland Marchal à La Tribune de Genève . Le chercheur note tout de même que «la plupart des États qui se réclament du wahhabisme interdisent de telles destructions».
À Tombouctou, la porte de la mosquée Sidi Yahia a été détruite. La légende racontait que son ouverture porterait malheur à la cité. Un responsable de la mosquée affirme que les islamistes ont voulu éradiquer cette croyance locale. «Ils sont venus défier le mystère pour voir si la légende est vraie ou fausse. Ils disent qu'ils veulent voir, et tout ce qui est interdit, ils vont le faire. Ils ont arraché les deux battants, ont pris des haches et des coupe-coupe. Ils ont cassé. Ce sont des gens qui ne savent même pas ce qu'ils font. Ils veulent seulement choquer l'opinion internationale, c'est tout», s'est confié à RFI un témoin de la destruction de la porte sacrée.
Par Tristan Quinault Maupoil
• Des «représailles» contre l'Unesco
Oumar oud Hamaha, porte-parole d'Ansar Dine / Capture d'écran Al Jazeera
Avec l'arrivée des islamistes en avril, l'Unesco a classé le 28 juin dernier les édifices de Tombouctou dans la liste du «patrimoine mondial en péril». Une annonce qui a mis la lumière sur ce patrimoine. «Dans un moment de crispation, mettre l'accent sur la préservation des mausolées n'était peut-être pas la méthode la plus habile pour protéger ces sites», croit savoir Roland Marchal, chargé de recherche au CNRS. L'organisation rebelle islamiste qui contrôle Tombouctou, Ansar Dine, reconnaît elle-même avoir mené des actions de «représailles» après l'intervention de l'Unesco.
•Une «inculture générale»
«Personne ne comprend pourquoi les extrémistes islamistes s'en prennent à des mausolées musulmans. C'est paradoxal et incompréhensible», a estimé lundi sur Europe 1 Jean-Michel Djian, professeur à l'université Paris-VIII. Ajoutant: «S'ils le font c'est d'abord parce qu'ils sont globalement incultes (…). Tout cela est surtout lié à une inculture générale, à une forme de violence gratuite.» Les membres d'Ansar Dine ne connaissent pas l'importance historique de ces sites. Cependant, ils comprennent que la destruction de ces mausolées choque les Occidentaux et bouscule les habitudes culturelles de la population locale.
•Confrontation entre deux islams
Les hommes qui composent la rébellion ne sont pas tous maliens. Ce sont des mercenaires et des djihadistes formés sur le modèle wahhabite, le modèle strict de l'islam sunnite appliqué dans les pays du Golfe. Ils pratiquent un islam qui n'est pas le même que celui qui prévaut au Mali. Dans ce pays, c'est un islam d'inspiration maleki qui est ancré. L'idolâtrie est une différence majeure entre les deux croyances.
Dans le sunnisme, la représentation de Dieu est très strictement interdite, tandis que le soufisme autorise les saints et la représentation de ces derniers. «La construction de mausolées est contraire à l'islam et nous les détruisons parce que la religion nous l'ordonne», s'est justifié Oumar oud Hamaha, l'homme qui se présente comme le porte-parole d'Ansar Dine. La doctrine wahhabite «prône un rapport direct du croyant à Dieu, en critiquant les intermédiaires. Même la figure du Prophète n'y est pas centrale. Donc, a fortiori, celle de tous les saints qui se sont construits à l'intérieur du soufisme», a expliqué Roland Marchal à La Tribune de Genève . Le chercheur note tout de même que «la plupart des États qui se réclament du wahhabisme interdisent de telles destructions».
À Tombouctou, la porte de la mosquée Sidi Yahia a été détruite. La légende racontait que son ouverture porterait malheur à la cité. Un responsable de la mosquée affirme que les islamistes ont voulu éradiquer cette croyance locale. «Ils sont venus défier le mystère pour voir si la légende est vraie ou fausse. Ils disent qu'ils veulent voir, et tout ce qui est interdit, ils vont le faire. Ils ont arraché les deux battants, ont pris des haches et des coupe-coupe. Ils ont cassé. Ce sont des gens qui ne savent même pas ce qu'ils font. Ils veulent seulement choquer l'opinion internationale, c'est tout», s'est confié à RFI un témoin de la destruction de la porte sacrée.
Par Tristan Quinault Maupoil