«Je m’appelle Boubacar Mané. J’étais sous-officier (sergent) dans l’Armée sénégalaise. J’ai été incorporé dans l’Armée en 1996. Depuis 2010, je vis un véritable drame qui m’a contraint à fuir mon pays et l’Armée sénégalaise. A l’époque, j’étais en mission en Côte d’Ivoire dans le contingent des forces électorales. Ma tante m’a appelé en me disant qu’un de mes camarades de promo était passé chez moi. Il a dit qu’il est de passage à Faoune (département de Bounkiling, région de Sédhiou). Il a prétexté qu’il était venu me rendre visite parce qu’il est resté un long moment sans me voir. Je lui ai demandé son nom. Elle m’a répondu qu’il s’appelle sergent Bodian. Il a dit à ma tante qu’il sert dans le détachement de Bounghary et qu’on a été ensemble au Congo et au Darfour lors d’une mission des Nations unies. En vérité, il n’est même pas militaire. Alors que les gens l’appelaient sergent. Il est resté chez moi pendant une semaine.
J’ai immédiatement appelé un camarade de promotion qui sert à Wandifa. J’ai saisi Moustapha Diédhiou pour qu’il vérifie l’identité de ce visiteur. Il m’a dit qu’il ne le connaissait pas et qu’il allait se renseigner pour savoir les tenants et les aboutissants de cette affaire. Je lui ai demandé d’appeler à Bounghary où sert un autre frère d’armes qui s’appelle Mbagnick Diouf. Il lui a répondu qu’il ne le connaissait pas et qu’il est inconnu du détachement de Bounghary. Je lui ai suggéré d’appeler directement à Kolda où se trouve le commandement de cette zone militaire. Ce qui nous permettrait d’avoir toutes les informations sur Bodian. On nous a servi la même réponse : il ne fait pas partie du bataillon. Il a expliqué toute l’histoire au commandant Alex Vasse (chef du camp de Wandifa) qui a activé la brigade de gendarmerie de Bounkiling pour tirer cette affaire au clair. C’était un vendredi. J’ai appelé ma famille pour l’informer que les militaires et les gendarmes allaient faire une descente à la maison. Ils sont partis chez moi pour le cueillir. Il a subi un interrogatoire avant d’avouer qu’il n’est pas militaire. Il a été transporté à la brigade de gendarmerie de Wandifa avant d’être libéré. Après cet incident, je suis rentré de la Côte d’Ivoire vers décembre 2010. J’ai rejoint le 26ème Bra (Bataillon de renforcement et d’appui) de Kolda où je servais.
Après mon retour, j’ai évacué toute ma famille à Thiès pour des raisons de sécurité. Je croyais que l’affaire était close. Ma tante m’a appelé une nouvelle fois en me disant que 7 autres individus sont à la maison et veulent me rencontrer. Elle leur a demandé de décliner leur identité. Ils lui ont répondu juste qu’ils étaient mes amis militaires. Ils lui ont posé des questions sur mes jours de repos et la fréquence de mes visites à Faoune. Elle leur a juste dit que je n’avertis pas quand je reviens au village. C’était en 2012. Ils m’ont appelé pour me demander clairement de quitter l’Armée. Je suis issu d’une zone où il y a une rébellion. En vérité, il s’agit de rebelles qui voulaient que je rejoigne le maquis ou que je devienne leur taupe.
Ils m’ont clairement demandé de quitter l’Armée parce que ma place était dans la rébellion. Sinon ils allaient me chercher pour me tuer. C’était compliqué pour moi, car ils étaient avec ma famille. Je leur ai dit que je suis dans l’Armée pour nourrir ma famille. Le gars insiste et me dit qu’il n’allait plus me répéter ça. Ils m’ont clairement dit : soit j’intègre la rébellion ou je suis un homme mort. Incrédule, je lui ai demandé de décliner son identité. «Ce n’est pas ton problème», m’a-t-il répondu sur un ton ferme. Il m’a raccroché au nez. En tant Casamançais, ils ne voulaient pas que je sois dans l’Armée. Je n’ai jamais pensé dans ma vie à le faire. J’ai été contraint de déserter l’Armée car ces hommes ne badinent pas. Et je sais de quoi ils sont capables. J’ai trop peur. Mais, je ne peux pas accepter ce qu’ils me demandaient de faire. D’ailleurs, si je n’avais pas quitté un jour ils allaient me capturer. Parce qu’ils me traquaient pour que je rejoigne le maquis.
Je suis issu du secteur et très connu dans toute la zone parce que j’étais un excellent joueur de navetane. Ce qui fait que je ne peux pas savoir leur identité. Je ne peux plus revenir chez moi parce que ma vie est en danger. Je suis exposé dans cette zone. Je suis issu de Faoune à 2 km de Médina Wandifa où je sers. Quand je pars en mission, les gens m’épient. Par conséquent, je ne peux plus rester dans cette situation.
«J’ai peur...»
Après, je n’osais plus venir chez moi à cause de l’insécurité. J’ai saisi ma sœur qui est à l’étranger pour lui exposer la situation en disant que ma vie est en danger. Je lui ai demandé de me faire une invitation pour que je quitte le pays le plus rapidement possible. J’ai compris que je ne pouvais plus continuer à servir l’Armée. J’ai déposé une permission pour aller à l’étranger.
Aujourd’hui, l’Armée sait que j’ai quitté le Sénégal parce qu’il me fallait une permission avant de voyager. Depuis que je suis ici, je n’ai pas remis les pieds au Sénégal. Je n’envisage pas de revenir au Sénégal tant que la situation perdure.
J’ai l’impression que l’Armée a pris mon histoire à la légère. On aurait dû peut-être m’affecter ailleurs ou traiter ce problème convenablement. Je ne fais plus partie du contrôle de l’Armée. Les responsables de l’Armée ont sans doute déposé une plainte contre moi pour désertion en temps de paix. Cela ne me préoccupe pas parce que je pense plus à ma sécurité.
Depuis janvier 2013, je vis dans ce pays. J’ai pris un risque en désertant l’Armée mais ma sécurité et celle de ma famille priment sur tout. Je vis présentement auprès de ma sœur et je resterai à l’étranger le temps qu’il faut. Je fais le travail au noir. Le salaire me nourrit mais ne me permet pas de satisfaire tous mes besoins. Alors que j’avais une belle carrière dans l’Armée.
«J’ai fui ...»
Aujourd’hui, une partie de ma famille est toujours au village. Mais ma femme et mes enfants sont à Thiès par mesure de prudence. Je pense à mes enfants et ma femme que je n’arrive pas à voir. En 2012, quand le problème s’est accentué, tous les membres de ma famille étaient à Thiès. A cette époque, je ne voulais même pas qu’on m’appelle au téléphone. Ils continuent de venir chez moi pour essayer de me localiser. J’ai dit à ma famille de taire ma destination. J’ai peur qu’on prenne en otage ma famille. Ils veulent mettre la main sur moi.»
Le Quotidien
J’ai immédiatement appelé un camarade de promotion qui sert à Wandifa. J’ai saisi Moustapha Diédhiou pour qu’il vérifie l’identité de ce visiteur. Il m’a dit qu’il ne le connaissait pas et qu’il allait se renseigner pour savoir les tenants et les aboutissants de cette affaire. Je lui ai demandé d’appeler à Bounghary où sert un autre frère d’armes qui s’appelle Mbagnick Diouf. Il lui a répondu qu’il ne le connaissait pas et qu’il est inconnu du détachement de Bounghary. Je lui ai suggéré d’appeler directement à Kolda où se trouve le commandement de cette zone militaire. Ce qui nous permettrait d’avoir toutes les informations sur Bodian. On nous a servi la même réponse : il ne fait pas partie du bataillon. Il a expliqué toute l’histoire au commandant Alex Vasse (chef du camp de Wandifa) qui a activé la brigade de gendarmerie de Bounkiling pour tirer cette affaire au clair. C’était un vendredi. J’ai appelé ma famille pour l’informer que les militaires et les gendarmes allaient faire une descente à la maison. Ils sont partis chez moi pour le cueillir. Il a subi un interrogatoire avant d’avouer qu’il n’est pas militaire. Il a été transporté à la brigade de gendarmerie de Wandifa avant d’être libéré. Après cet incident, je suis rentré de la Côte d’Ivoire vers décembre 2010. J’ai rejoint le 26ème Bra (Bataillon de renforcement et d’appui) de Kolda où je servais.
Après mon retour, j’ai évacué toute ma famille à Thiès pour des raisons de sécurité. Je croyais que l’affaire était close. Ma tante m’a appelé une nouvelle fois en me disant que 7 autres individus sont à la maison et veulent me rencontrer. Elle leur a demandé de décliner leur identité. Ils lui ont répondu juste qu’ils étaient mes amis militaires. Ils lui ont posé des questions sur mes jours de repos et la fréquence de mes visites à Faoune. Elle leur a juste dit que je n’avertis pas quand je reviens au village. C’était en 2012. Ils m’ont appelé pour me demander clairement de quitter l’Armée. Je suis issu d’une zone où il y a une rébellion. En vérité, il s’agit de rebelles qui voulaient que je rejoigne le maquis ou que je devienne leur taupe.
Ils m’ont clairement demandé de quitter l’Armée parce que ma place était dans la rébellion. Sinon ils allaient me chercher pour me tuer. C’était compliqué pour moi, car ils étaient avec ma famille. Je leur ai dit que je suis dans l’Armée pour nourrir ma famille. Le gars insiste et me dit qu’il n’allait plus me répéter ça. Ils m’ont clairement dit : soit j’intègre la rébellion ou je suis un homme mort. Incrédule, je lui ai demandé de décliner son identité. «Ce n’est pas ton problème», m’a-t-il répondu sur un ton ferme. Il m’a raccroché au nez. En tant Casamançais, ils ne voulaient pas que je sois dans l’Armée. Je n’ai jamais pensé dans ma vie à le faire. J’ai été contraint de déserter l’Armée car ces hommes ne badinent pas. Et je sais de quoi ils sont capables. J’ai trop peur. Mais, je ne peux pas accepter ce qu’ils me demandaient de faire. D’ailleurs, si je n’avais pas quitté un jour ils allaient me capturer. Parce qu’ils me traquaient pour que je rejoigne le maquis.
Je suis issu du secteur et très connu dans toute la zone parce que j’étais un excellent joueur de navetane. Ce qui fait que je ne peux pas savoir leur identité. Je ne peux plus revenir chez moi parce que ma vie est en danger. Je suis exposé dans cette zone. Je suis issu de Faoune à 2 km de Médina Wandifa où je sers. Quand je pars en mission, les gens m’épient. Par conséquent, je ne peux plus rester dans cette situation.
«J’ai peur...»
Après, je n’osais plus venir chez moi à cause de l’insécurité. J’ai saisi ma sœur qui est à l’étranger pour lui exposer la situation en disant que ma vie est en danger. Je lui ai demandé de me faire une invitation pour que je quitte le pays le plus rapidement possible. J’ai compris que je ne pouvais plus continuer à servir l’Armée. J’ai déposé une permission pour aller à l’étranger.
Aujourd’hui, l’Armée sait que j’ai quitté le Sénégal parce qu’il me fallait une permission avant de voyager. Depuis que je suis ici, je n’ai pas remis les pieds au Sénégal. Je n’envisage pas de revenir au Sénégal tant que la situation perdure.
J’ai l’impression que l’Armée a pris mon histoire à la légère. On aurait dû peut-être m’affecter ailleurs ou traiter ce problème convenablement. Je ne fais plus partie du contrôle de l’Armée. Les responsables de l’Armée ont sans doute déposé une plainte contre moi pour désertion en temps de paix. Cela ne me préoccupe pas parce que je pense plus à ma sécurité.
Depuis janvier 2013, je vis dans ce pays. J’ai pris un risque en désertant l’Armée mais ma sécurité et celle de ma famille priment sur tout. Je vis présentement auprès de ma sœur et je resterai à l’étranger le temps qu’il faut. Je fais le travail au noir. Le salaire me nourrit mais ne me permet pas de satisfaire tous mes besoins. Alors que j’avais une belle carrière dans l’Armée.
«J’ai fui ...»
Aujourd’hui, une partie de ma famille est toujours au village. Mais ma femme et mes enfants sont à Thiès par mesure de prudence. Je pense à mes enfants et ma femme que je n’arrive pas à voir. En 2012, quand le problème s’est accentué, tous les membres de ma famille étaient à Thiès. A cette époque, je ne voulais même pas qu’on m’appelle au téléphone. Ils continuent de venir chez moi pour essayer de me localiser. J’ai dit à ma famille de taire ma destination. J’ai peur qu’on prenne en otage ma famille. Ils veulent mettre la main sur moi.»
Le Quotidien