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Tripatouillages constitutionnels et mascarades politiques : Le Sénégal est-il en danger ?


Rédigé par leral.net le Jeudi 22 Décembre 2011 à 01:32 | | 1 commentaire(s)|

Tripatouillages constitutionnels et mascarades politiques : Le Sénégal est-il en danger ?
L'appel à la paix lancé par plusieurs personnalités religieuses la société civile, certains artistes etc. mérite qu’on s’y attarde un peu.

Cet exercice de style, où la substance essaie de l'emporter sur le geste, consiste à rallier par la magie du verbe toutes les forces «démocratiques» face à un danger réputé commun et imminent. Usé jusqu'à la corde, cet appel aux attendus bien importantes est politiquement utile et socialement stabilisateur.

Utile, car le Sénégal est en danger. Sécuritaire, car il n’alimente pas le feu de l’ignorance qui couve avec persistance sous la cendre monarchique. Plus pertinent encore, il offre une perspective politique alternative, ce qui explique d'ailleurs pourquoi certains dirigeants de partis politiques actuels bien inspirés essaient de s’y associer proposer aux sénégalais des « programmes» dont eux-mêmes ne comprennent pas la signification.

Mais qui peut sérieusement ignorer que nous en sommes là ? Abdoulaye Wade mène une politique contestable et de plus en plus illisible. Et cela fait de lui un président dangereux.

L'appel exprime son acceptation du pouvoir personnel confinant à la «monarchie usurpatrice». Mais qui peut attacher la moindre valeur politique à cette fausse découverte, qui semble alimenter quelques stations de radios en place ?

Depuis 2003, et surtout depuis 2007, le Sénégal a été identifié à une monarchie sur laquelle constitutionnalistes, politologues et commentateurs ont disserté à longueur de journée sans produire d'articles ni de pamphlets dignes de ce nom.

On n’a pas du mal à voir où se situe la nouveauté dans la volonté compulsive de Wade de montrer qu'il est au centre de tout et de le rappeler de manière infantile à ceux qui ne l'auraient pas compris.

La raison est simple : Wade pense que nous sommes dans une démocratie d'opinion et les citoyens dupes de son narcissisme aussi outrageant.

Retournant à son avantage les méfaits de la Politique politicienne, il en vient à dévaloriser tous ses premiers ministres pour signifier qu’il reste et demeure le chef de l'Etat que ces derniers sortent de leur rôle avant même d'avoir réussi à l'incarner : Les dérives de Wade sont regrettables et révèlent une immaturité bien inquiétante. Elles ont à voir avec une remise en question des institutions républicaines. Même le dernier épisode, où on voit Wade en difficulté chercher maladroitement à se servir de «constitutionalistes étrangers» pour contourner une future décision du Conseil constitutionnel sur sa candidature, invalide paradoxalement l'appel à la vigilance. Car ce que cet épisode met en évidence, c'est l’agonie des institutions de la République.

Le Conseil constitutionnel doit rapidement faire son travail ou démissionner, comme il l'avait fait Kéba Mbaye pour refuser de se faire instrumentaliser par un président de la « Rue publique» qui n'a jamais caché le peu d'estime qu'il portait au corps judiciaire sénégalais.

Mais, pour cela, les sénégalais, n'ont nul besoin d'un appel à la vigilance pour comprendre que "les petits pois" ne font pas toujours de bons petits soldats.

Par ses excès et ses maladresses, le chef de l'Etat met le Sénégal en danger. Il conforte à son corps défendant l’inexistence d'institutions dont on sur estime le manque de vigueur et leur capacité à jouer un rôle.

C'est cela qu'il faut dire à nos concitoyens trop enclins à surestimer les ressources d’une soit disant démocratie dans laquelle ils survivent malgré tout.

Même la référence dans ce texte aux progrès accomplis avec les «grands travaux» et d'un Sénégal capable de relever les défis du XXIe siècle est purement incantatoire et vide de sens …et que Wade ne facilite pas la vie aux pauvres sénégalais.

Ensuite, parce que le grand paradoxe est que, en matière de politique d’emploi, la discontinuité est toujours au rendez-vous. Souvent pour le meilleur, et pour le pire.

Les pitoyables affaires du Monument et du naufrage du Diola montrent que les limites de ce pouvoir qui est toujours absent. L'appel à la «paix» pour mieux mettre sous le boisseau toute nouvelle politique en matière d’enrichissement illicite prouve que la véritable Realpolitik qui fascine tant la famille libérale est plus que jamais menacée.


Le projet ancien d'Union africaine et sa politique qui se targue d'être si panafricaniste, ce dernier n'a aucun scrupule à endosser les habits classiques pour sauver le reste du monde dès qu'il sent pouvoir tirer à son profit exclusif une initiative politique, même s'il faut admettre que Wade a révélé, sur ce sujet comme sur d'autres, un manque de marge d'autonomie de ses ministres dans l'expression «dissonante» de leurs opinions.

Mais si l'appel pour la Paix n'évoque guère ces affaires nébuleuses, c'est probablement parce que les nombreuses voix qui l’ont relayée auraient sur ce plan beaucoup à redire à la crise politique actuelle délibérément voulue par les inspirateurs du palais. Il faut donc changer de terrain, quitter l'emphase, l'outrance et le verbe pour la politique.

Car ce qui fait problème aujourd'hui, ce ne sont ni les menaces imaginaires qui pèsent sur la «démocratie» mais l'esprit général des pratiques obscurantistes qui anime le président.

Ce qui fait problème, c'est la difficulté manifeste que semble avoir le chef de l'Etat à habiter sa fonction, son incapacité à montrer de manière convaincante que son action s'inscrit dans la durée, son volontarisme presque infantile qui bute sur les contraintes du réel, sa tentation de vouloir incriminer l'Opposition à chaque difficulté, son absence de vision quant à l'avenir du Sénégal et au modèle social qui pourrait la refonder. Le Sénégal est en danger mais Wade aussi l'est assurément.

Ibrahima Diop
Gatineau-Ottawa (Canada)



1.Posté par Moussa Diouf le 22/12/2011 11:56 | Alerter
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Article très pertinent, réflexion pratique ....Bravo monsieur Diop.

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