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Trois Kényans poursuivent Londres pour des crimes coloniaux

Rédigé par leral.net le Vendredi 5 Octobre 2012 à 15:08 | | 0 commentaire(s)|

Trois Kényans ont été autorisés vendredi à intenter un procès à Londres pour des crimes coloniaux commis il y a plus de 50 ans lors de la répression de la révolte des Mau-Mau, mais le gouvernement britannique qui plaide la prescription des faits a immédiatement fait appel.


Trois Kényans poursuivent Londres pour des crimes coloniaux
Les avocats des trois plaignants -une femme et deux hommes- ont salué le caractère "historique" du jugement prononcé par la Haute Cour de Londres. L'appel annoncé dans l'heure par le Foreign Office, après un premier recours en 2011, laisse cependant présager de nouveaux délais et fait peser de nouvelles incertitudes sur l'issue judiciaire dans cette affaire. Jane Muthoni Mara, Paulo Muoka Nzili et Wambugu Wa Nyingi affirment avoir été torturés et soumis à des violences sexuelles alors qu'ils étaient en détention dans un camp britannique.

Le juge Richard McCombe a estimé vendredi "qu'un procès équitable restait possible" en raison de l'existence de "preuves pertinentes". Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères a fait valoir que "le délai légal imparti pour saisir les tribunaux était de 3 à 6 ans". Il a aussi souligné une nouvelle fois que "des décideurs clés de l'époque sont morts ou incapables de fournir un témoignage". Il estime enfin que, dans l'éventualité de poursuites judiciaires, l'affaire devrait être jugée non pas à Londres mais devant des tribunaux du Kenya, pays qui a accédé à l'indépendance en 1963.

Le Foreign Office a pour autant répété vendredi qu'il ne contestait pas que les trois plaignants aient "été victimes de tortures et de traitements inappropriés aux mains de l'administration coloniale". Il a cependant réaffirmé sa crainte "des conséquences légales" d'un procès. En clair, Londres craint une contagion au Kenya et dans d'autres territoires de l'ex-empire où pourraient se multiplier les recours.

Des propos tenus vendredi par Martyn Dau, un des avocats des trois Kényans, ont illustré la réalité du "danger" : "A la lumière du jugement (de la Haute Cour de Londres, NDLR), on peut espérer que le gouvernement se comportera de façon honorable pour régler le contentieux. Il n'y a aucun doute que des victimes de tortures coloniales de la Malaisie au Yemen, en passant par Chypre et la Palestine, étudieront de très près les implications de ce jugement", a-t-il fait valoir.

Cris de joie à Nairobi chez les anciens Mau-Mau
Martyn Day a espéré l'ouverture d'un procès "dans les meilleurs délais", mais il a aussi laissé la porte ouverte à un règlement entre les deux parties. A ce propos, David Anderson, un historien spécialiste de l'histoire africaine à l'Université d'Oxford, a expliqué à la BBC qu'au delà des dommages et intérêts les Kényans espéraient deux développements "beaucoup plus importants: une excuse et la reconnaissance des faits".

Les trois plaignants n'étaient pas présents au tribunal vendredi, mais plusieurs de leurs partisans ont pleuré à l'énoncé du jugement. Ils sont les héros d'une lutte menée par les insurgés Mau-Mau contre l'autorité coloniale britannique, étape-clé vers l'indépendance du Kenya. Entre 1952 et 1960, les guérilleros Mau-Mau, souvent vêtus de peaux d'animaux et coiffés de dreadlocks ont semé la terreur chez les colons britanniques.

Si 32 colons blancs ont été assassinés, il n'existe aucun bilan officiel des victimes dans les rangs des rebelles. L'estimation la plus basse fait état de 10.000 morts. A Nairobi, l'annonce du jugement a été accueillie par des cris de joie, des chants et des danses parmi les quelque 150 ancien combattants Mau Mau massés devant le siège de la Commission des droits de l'Homme.

"Du point de vue des droits de l'Homme c'est une victoire d'une importance capitale," a exulté Atsango Chesoni, directrice de la Commission. "C'est un grand moment (...) justice a été rendue", s'est exclamé Gitu Wa Kahengeri, le porte-parole de l'association des anciens combattants Mau Mau. c