Sa pensée est la référence spirituelle suprême des salafistes tunisiens. «Quand il prêche dans la région, tous les taxis sont pleins», prévient le chauffeur, qui nous conduit de Sidi Bouzid à Ben Aoun, une trentaine de kilomètres à l'ouest. Le cheikh al-Khatib al-Idrissi, 58 ans, ancien infirmier, notamment à La Mecque, reçoit chez lui. Une maison simple sans protection pour un homme aveugle, à la barbe longue et grise, qui vit très entouré et s'adresse au Figaroassis en tailleur dans son salon.
«Le terme salafiste est une nouvelle création politique, corrige-t-il d'emblée. C'est vous, l'Occident qui nous appelez ainsi, mais nous sommes justes des musulmans pratiquants. Le pratiquant est celui qui ne fait pas ce que Dieu a interdit. Une femme qui ne met pas le voile, comment pouvez-vous dire que c'est une pratiquante? Celui qui se rase n'est pas non plus un pratiquant.»
Pour le cheikh, les événements de Sidi Bouzid, berceau de la révolution arabe où les salafistes font fermer les débits de boissons, ne sont que le résultat de la colère des habitants de la ville. «Ils sont allés parler aux vendeurs illégaux d'alcool parce qu'ils avaient outrepassé leur liberté. La police n'a rien fait. Où est-elle?» Alors les salafistes ont fait régner leur loi. S'en prenant aux débits d'alcool autorisés.
Depuis, le gouvernement islamiste modéré, dont les ambitions pour les prochaines élections pourraient nécessiter le soutien des musulmans radicaux a réagi mollement. «C'est n'importe quoi! Si les salafistes voulaient intégrer la politique, ils gouverneraient déjà!» commente al-Khatib al-Idrissi qui croit en un nouveau califat: «Le dernier ne remonte pas à si loin, 1924 avec l'Empire ottoman.» Il ne veut pas seulement d'une Tunisie sous charia mais d'une oumma, une nation musulmane englobant tous les fidèles de par le monde. Une utopie?
Pourtant, lui, le voit très proche: «Aujourd'hui, c'est l'Occident qui gouverne économiquement, militairement, médiatiquement et politiquement. Mais tout est en train de s'effondrer. Et l'islam en est renforcé. La crise économique a affaibli l'Occident. Ce modèle s'évanouit. C'est là que le califat va apparaître. Et aussi parce que les musulmans se retournent vers leur religion. Surtout en Europe. Ce sont eux, nos frères, qui vont nous rendre forts.».
«L'Occident s'affaiblit!»
Il rejette la politique comme moyen d'y parvenir: «Jabhet el-Islah (le Front de la réforme, premier parti politique salafiste autorisé en Tunisie, NDLR) a choisi cette voie, il est libre. Mais il n'y a pas de réglementation conforme à la charia dans la politique actuelle. Comment accepter de travailler avec des gens qui attaquent ma foi en autorisant l'alcool ou certains types de relations sexuelles interdites (zina) ? Le pays protège celui qui boit, qui fait le zina, qui obtient des intérêts bancaires ou autres, alors que ça n'est pas permis par l'islam.»
Faire accepter la charia
Légiférer avec des textes, le Coran et la sunna, vieux de 1 400 ans, ne semble pas impossible selon le cheikh: «Vous évoquez les heures de travail, la retraite, tout cela le Prophète l'a vécu à son époque. L'État s'occupait déjà des malades, des orphelins, des veufs. Tout est dans la charia.» Mais cette charia il faudra la faire accepter: «Ça n'est pas encore possible car l'Oumma n'est pas unie. Les intérêts de l'Occident et surtout de la France sont encore trop présents en Tunisie. Elle n'est pas indépendante. Ni économiquement, ni culturellement, ni politiquement, ni médiatiquement.» Le sera-t-elle bientôt? «La question est plutôt: “Quand l'oumma existera-t-elle?”. C'est vous qui avez divisé les musulmans avec des frontières. Mais déjà des dictatures chutent: Tunisie, Égypte, bientôt la Syrie… En même temps d'autres pays d'Europe s'affaiblissent, tout comme les États-Unis. Ils vont vers l'effondrement et l'islam en profitera.»
Par Thibaut Cavaillès
«Le terme salafiste est une nouvelle création politique, corrige-t-il d'emblée. C'est vous, l'Occident qui nous appelez ainsi, mais nous sommes justes des musulmans pratiquants. Le pratiquant est celui qui ne fait pas ce que Dieu a interdit. Une femme qui ne met pas le voile, comment pouvez-vous dire que c'est une pratiquante? Celui qui se rase n'est pas non plus un pratiquant.»
Pour le cheikh, les événements de Sidi Bouzid, berceau de la révolution arabe où les salafistes font fermer les débits de boissons, ne sont que le résultat de la colère des habitants de la ville. «Ils sont allés parler aux vendeurs illégaux d'alcool parce qu'ils avaient outrepassé leur liberté. La police n'a rien fait. Où est-elle?» Alors les salafistes ont fait régner leur loi. S'en prenant aux débits d'alcool autorisés.
Depuis, le gouvernement islamiste modéré, dont les ambitions pour les prochaines élections pourraient nécessiter le soutien des musulmans radicaux a réagi mollement. «C'est n'importe quoi! Si les salafistes voulaient intégrer la politique, ils gouverneraient déjà!» commente al-Khatib al-Idrissi qui croit en un nouveau califat: «Le dernier ne remonte pas à si loin, 1924 avec l'Empire ottoman.» Il ne veut pas seulement d'une Tunisie sous charia mais d'une oumma, une nation musulmane englobant tous les fidèles de par le monde. Une utopie?
Pourtant, lui, le voit très proche: «Aujourd'hui, c'est l'Occident qui gouverne économiquement, militairement, médiatiquement et politiquement. Mais tout est en train de s'effondrer. Et l'islam en est renforcé. La crise économique a affaibli l'Occident. Ce modèle s'évanouit. C'est là que le califat va apparaître. Et aussi parce que les musulmans se retournent vers leur religion. Surtout en Europe. Ce sont eux, nos frères, qui vont nous rendre forts.».
«L'Occident s'affaiblit!»
Il rejette la politique comme moyen d'y parvenir: «Jabhet el-Islah (le Front de la réforme, premier parti politique salafiste autorisé en Tunisie, NDLR) a choisi cette voie, il est libre. Mais il n'y a pas de réglementation conforme à la charia dans la politique actuelle. Comment accepter de travailler avec des gens qui attaquent ma foi en autorisant l'alcool ou certains types de relations sexuelles interdites (zina) ? Le pays protège celui qui boit, qui fait le zina, qui obtient des intérêts bancaires ou autres, alors que ça n'est pas permis par l'islam.»
Faire accepter la charia
Légiférer avec des textes, le Coran et la sunna, vieux de 1 400 ans, ne semble pas impossible selon le cheikh: «Vous évoquez les heures de travail, la retraite, tout cela le Prophète l'a vécu à son époque. L'État s'occupait déjà des malades, des orphelins, des veufs. Tout est dans la charia.» Mais cette charia il faudra la faire accepter: «Ça n'est pas encore possible car l'Oumma n'est pas unie. Les intérêts de l'Occident et surtout de la France sont encore trop présents en Tunisie. Elle n'est pas indépendante. Ni économiquement, ni culturellement, ni politiquement, ni médiatiquement.» Le sera-t-elle bientôt? «La question est plutôt: “Quand l'oumma existera-t-elle?”. C'est vous qui avez divisé les musulmans avec des frontières. Mais déjà des dictatures chutent: Tunisie, Égypte, bientôt la Syrie… En même temps d'autres pays d'Europe s'affaiblissent, tout comme les États-Unis. Ils vont vers l'effondrement et l'islam en profitera.»
Par Thibaut Cavaillès