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UCAD : Choix des filières, orientations imposées, accès au logement… Epreuves difficiles pour les étudiants

A l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, les jeunes bacheliers sont stressés et angoissés à l’entame de leur première année. Si les vocations peuplent la tête de certains dès le bas âge, la réalité impose à certains d’y renoncer : il y a des orientations imposées et le choix des filières… A l’université, il y a un parcours de combattant à faire : entre galères, échecs et déceptions, il faut s’armer de courage pour entretenir ses rêves. Reportage Le Quotidien


Rédigé par leral.net le Dimanche 15 Mai 2022 à 10:27 | | 0 commentaire(s)|

Bac S2 en poche, elle rêvait de faire médecine ou pharmacie. Mais, elle s’est retrouvée à la Faculté des sciences juridiques et politiques pour faire… sciences politiques. C’est un bug dans ses études, mais Houlimatou tient encore le rythme après avoir évacué les déceptions et réussi son adaptation.

«C’est incroyable de subir ça. J’ai réussi à valider ma première année, mais d’autres n’ont pas eu la même chance. Ils ont quitté pour aller faire d’autres formations dans le privé ou des concours après. D’autres ont tout simplement cartcouché», expose cette étudiante de 20 ans.

Avec cette orientation imposée par la plateforme Campusen qui gère tout le processus, les plans échafaudés pour son avenir sont tombés à l’eau. Il faut s’inventer un nouveau destin. «Je n’ai pas le choix de toute façon…», enchaîne-t-elle.

«Mon choix, c’était de devenir avocate. Mais après, j’ai dit non je ne veux pas défendre les criminels, les violeurs. Ensuite j’ai dit, je veux être pilote car ça m’intéresse, mais c’est un choix qui n’a pas duré parce que ça demande trop d’études compliquées et je n’aime pas les mathématiques qui sont compliquées. Et enfin, j’ai dit journaliste, mais il fallait aller en série L et puisque ma mère a fait série littéraire… ; elle n’a pas pu avoir son Bac. Du coup pour moi, aller en série littéraire, c’est vraiment préparer son chômage», explique Awa Valeria Sy, étudiante en licence 3 à la Faculté des sciences et techniques (Fst) de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.

Après plus de trois ans, elle nage dans l’incertitude, ce qui témoigne de la complexité de l’enseignement supérieur et de l’angoisse des jeunes étudiants désireux de poursuivre leurs études supérieures. Quelques années encore à l’université, la plupart des étudiants ont du mal à dissiper les doutes qui les habitaient déjà avant de venir au temple du savoir. «L’université, c’est un monde peu isolé, avec trop de compétitions, trop de monde», enchaîne-t-elle.

La plupart des étudiants qui débarquent à l’Ucad, c’est la grosse découverte, la grande rupture. Sans filet social, l’envie s’éteint pour certains qui ont déjà des difficultés d’hébergement, d’orientations pédagogiques.

«Quand je suis venu en 2020, c’est à Niarry Tally que j’ai fait mes premiers jours. La personne qui devait m’accueillir, je n’ai pas pu la joindre jusqu’à 20h. Je l’ai appelée durant toute la journée, mais en vain. C’est après que j’ai contacté un ami de l’Amicale de la commune de Ndiognick qui m’a finalement hébergé», raconte Aliou Séne, 22 ans, étudiant au département de sociologie.

«J’étais stressé, j’ai perdu le sommeil mes premiers jours à l’université», se rappelle-t-il.

Inscrit au département de philosophie, Abdoulaye Dione, 20 ans, était plein de vie et de rêves après avoir décroché son Bac. A l’Ucad, on doit vaincre ses doutes et les réalités du monde universitaire, il faut les accepter. «Je suis nouveau bachelier et je viens du lycée de Karang. Mais vivre à l’université, c’est vraiment très difficile. Les conditions sont très différentes de celles au lycée. Je suis très loin de chez moi, de tous mes repères. Je stresse. Mais comme on est là, on doit gérer», soutient-il.

Comme lui, Mamadou Diène, 19 ans, étudiant en première année à la Faculté des sciences économique et de gestion (Faseg), abonde dans le même sens.
«Je viens du lycée technique El hadji Abdoulaye Niass de Kaolack. C’était mon rêve de venir à l’université mais ici, c’est un autre univers, contrairement au lycée où j’étais auprès de mes parents. Certes on a une vie collective mais d’autre part, c’est aussi une vie individuelle», commente le bonhomme qui rêve de devenir comptable au niveau international.

La peur du redoublement

A l’université, il faut s’organiser et anticiper. Persévérance et patience sont indispensables. Il est 13h au niveau de la Faculté des lettres et sciences humaines. La zone où se font les inscriptions pédagogiques est très animée, surtout avec le début des cours des nouveaux bacheliers.

Au niveau du département de Lettres modernes (Lm), plusieurs étudiants sont devant le tableau d’affichage où flotte l’emploi du temps des cours. Certains prennent des notes avec des stylos, d’autres profitent des facilités qu’offre la technologie en photographiant avec leurs smartphones. Des appréhensions, Baba Thiam, étudiant au département de géographie en licence 3, témoigne des réalités de l’université.

«Etre étudiant aujourd’hui, c’est très difficile. C’est la galère, surtout ici à l’Ucad, la 15ème région du Sénégal. Il y a un autre problème, c’est le logement», dit-il. C’est une réalité qui pèse sur de nombreux étudiants. En plus de vivre cette angoisse, ils sont tétanisés par une autre peur : le redoublement. Et le système Lmd (Licence, maitrise, doctorat).

«Je ne me sens pas du tout à l’aise ici. Certains cours m’intéressent, d’autres non. Je ne me reconnaissais pas, où est passée l’élève studieuse que j’étais au lycée ? Je risque même de reprendre l’année parce que j’ai raté beaucoup de cours», regrette une jeune fille avec une voix étreinte par la tristesse. Elle est résignée et condamne un système qui est en train de sacrifier plusieurs générations. «Mais il faut avoir un mental fort pour rester à l’Ucad», glisse un autre étudiant juste à côté et qui prêtait une oreille attentive à la conversation.
Le Quotidien