L'année 2024 au Sénégal s'achève sur un paradoxe saisissant : d'un côté, une modernisation accélérée des infrastructures de transport, symbolisée par le Bus Rapid Transit (BRT) de Dakar, et de l'autre, une crise sociale profonde marquée par une émigration dramatique. C'est dans ce contexte que le philosophe Souleymane Bachir Diagne, professeur à l'université Columbia de New York, livre une analyse percutante de la situation du pays.
Pour le penseur, consulté à bord du nouveau BRT, la question centrale qui traverse la société sénégalaise aujourd'hui est simple mais fondamentale : "Que nous est-il permis d'espérer ?" Cette interrogation résonne particulièrement face au drame de l'émigration irrégulière, qui a causé plus de 5 000 morts en 2024. Selon Diagne, il ne s'agit pas d'un simple mirage de l'Eldorado européen : "Ces jeunes ne fuient pas tant vers quelque chose qu'ils ne fuient une situation qu'ils vivent comme désespérante." Une analyse qui appelle à dépasser les discours moralisateurs pour mettre en œuvre des « projets qui font que l'espoir soit à nouveau possible ».
Le philosophe aborde également la question sécuritaire, marquée par une série de meurtres dans la banlieue dakaroise. Il met en garde contre la tentation de la xénophobie, appelant ses compatriotes à rester fidèles à leur tradition d'hospitalité, la Teranga. Cette réflexion s'inscrit dans un contexte plus large de questionnement sur la justice, alors que le pays a tenu ses États généraux de la justice en 2024. Pour Diagne, la confiance dans le système judiciaire est "essentielle pour la démocratie", tout en soulignant les défis posés par une société où "tout le monde a l'impression d'être juge."
Sur le plan des infrastructures, l'analyse de Souleymane Bachir Diagne est particulièrement éclairante. Le BRT, qu'il expérimente pour la première fois lors de l'interview, représente selon lui "le symbole à la fois des problèmes de l'urbanisation et des solutions à ces problèmes". Face à une ville de Dakar qui s'étend horizontalement et verticalement, absorbant les villages traditionnels environnants, ces nouvelles infrastructures de transport apparaissent comme une réponse nécessaire aux défis de la mobilité urbaine.
L'année a également été marquée par l'inauguration du Mémorial du bateau Le Joola, un moment de recueillement qui, selon le philosophe, doit servir de rappel permanent à la responsabilité collective en matière de sécurité des transports. Cette réflexion s'étend à l'ensemble des moyens de transport, alors que le pays a enregistré près de 4000 accidents de la route en 2024.
Le regard de Souleymane Bachir Diagne sur 2024 dessine ainsi le portrait d'un Sénégal en transformation, confronté à des défis majeurs mais également porteur d'espoirs de modernisation. Son analyse souligne l'urgence d'apporter des réponses concrètes aux aspirations de la jeunesse, tout en préservant les valeurs fondamentales de la société.
Source : https://www.seneplus.com/seneplus-tv/une-annee-202...