"Le Pays" : En tant que doyen des étudiants burkinabè de l’université Gaston Berger de Saint-Louis, quelles sont vos conditions de vie sur les plans pédagogique et social ?
Roland Goulla : Les conditions de vie des étudiants burkinabè de l’université Gaston Berger de Saint-Louis peuvent se résumer comme vous le dites en deux volets. Sur le plan pédagogique, c’est plus ou moins bien. Dieu merci, les années passent, nous avons des réussites pédagogiques, quelques rares fois des échecs. Il y en a qui reprennent parfois mais il faut inscrire cela dans l’ordre normal des choses même si on peut l’améliorer. Sur le plan social, il y a deux aspects. L’aspect de la vie entre membres et l’aspect relation entre la communauté burkinabè avec les autres communautés.
Entre nous Burkinabè, il n’y a aucun problème. Nous vivons en parfaite convivialité, toutes générations confondues, c’est- à-dire les aînés et les petits, c’est l’entraide, la solidarité. Il y a ce que nous qualifions de conseils de frères qui sont des possibilités pour chaque membre d’accepter un certain nombre de critiques pour l’amélioration de sa propre personne et celle de ses rapports avec les autres. Avec les autres membres de l’espace universitaire, les relations sont également au beau fixe. Jusqu’à nos jours, on n’a reproché à aucun Burkinabè d’être à l’origine d’un mauvais comportement. Sans trop prendre l’avis des autres, les étudiants burkinabè sont considérés comme des gens sociables.
A quoi se résument vos difficultés ici ?
La plus immédiate et la mieux partagée est qu’aucun étudiant burkinabè de l’Université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis, quel que soit le cycle dans lequel il évolue, n’a pu bénéficier jusqu’à nos jours d’une bourse d’étude. C’est une situation assez malencontreuse. Et comme personne d’entre nous ne bénéficie de bourse d’Etat, il va sans dire que tout ce que nous engageons comme dépenses est à la charge de nos parents ou de nos soutiens.
Ce qui n’est pas assez commode pour quelqu’un qui a un programme, des ambitions très poussées car il peut arriver qu’à un moment donné, les parents n’aient plus les capacités pour soutenir l’étudiant, quels que soient ses mérites académiques. Cette inquiétude, nous l’avons posée à l’ambassadeur. La seconde catégorie de difficultés est inhérente à tout le milieu universitaire. On assiste parfois impuissant à l’échec d’un camarade. Il aurait été possible que nous arrivions à un stade où l’étudiant burkinabè puisse être capable de prendre en charge un certain nombre de préoccupations pédagogiques de son camarade. Malheureusement, nous le faisons dans l’informel. Mais nous voudrions que pour une première, nous arrivions à trouver le juste milieu afin que la réussite soit totale pour tous les membres de la communauté burkinabè. De cette manière, l’étudiant pourra être doté de prédispositions, à réussir et retournera au pays en fin d’année avec le succès.
Vous arrive-t-il en tant qu’ancien de partager votre expérience avec les autres ? Concrètement, que faites-vous pour vos compatriotes nouvellement arrivés ?
Le mot concrètement est bien choisi puisque nous agissons depuis l’envoi du dossier d’admission jusqu’à la fin de l’année. Nous appuyons d’abord la demande du futur étudiant à Saint-Louis en prenant contact avec l’ensemble du circuit de sélection des bacheliers. Que ce soit au niveau des Unités de formation et de recherche (UFR) qui envoient le dossier ou au niveau de la scolarisation pour que l’ensemble de l’université valide par l’intermédiaire du rectorat. Il est arrivé plus d’une fois que nous prenions langue avec les responsables de l’UGB pour suivre le dossier et informer l’étudiant qu’il peut prendre le vol. Parfois, nous nous voyons obligés de faire un lobbying dans certains cas. Il y a parfois des gens qui remplissent les conditions pour être sélectionnés ou peut-être se donner la chance pour se faire sélectionner. Mais comme les responsables de l’université ne sont pas convaincus de leur attachement à l’UGB, ils s’y opposent. Il y a aussi ceux qui sont capables de débarquer sans avoir été sélectionnés. Cela montre à quel point l’étudiant tient à venir à Saint-Louis. Vous comprendrez que nous ne pouvons pas rester bras croisés face à un tel engouement de l’étudiant. Nous allons vers les structures concernées pour leur faire part de notre soutien à notre camarade.
Quelles sont les conditions d’admission dans cette prestigieuse université Gaston Berger de Saint-Louis ?
A plusieurs reprises, j’ai interpellé le recteur lors des cérémonies d’accueil des étudiants étrangers. J’ai pris l’habitude de dire à n’importe quelle autorité du campus que chaque étudiant burkinabè, puisque c’est lui que je connais le mieux, est ambassadeur de l’UGB partout où il se trouve à l’extérieur du Sénégal. Ce sera ahurissant de l’apprendre, mais ce n’est pas l’UGB qui fait sa promotion au point d’attirer autant d’étudiants burkinabè. Mais c’est chaque étudiant burkinabè ayant vécu une année, qui, à son retour au pays, fait l’apologie de sorte à susciter un intérêt chez les nouveaux bacheliers. C’est cela qui guide certains qui ont besoin d’informations supplémentaires pour accéder au portail de l’UGB afin de voir la structuration pédagogique, les UFR, les départements ou les sections.
Comment faites-vous pour avoir les nouvelles du pays ?
Nous restons plus ou moins avec le pays, soit en entrant en contact téléphonique avec les parents soit en nous connectant à www.lepays.bf, fasozine.com ou jj.com qui sont les journaux par l’intermédiaire desquels nous accédons aux nouvelles du pays. Parfois, nous avons les informations dans le même état que tous les Burkinabè.
La révision de l’article 37 de la Constitution alimente les débats au Burkina. Quel est votre avis sur la question en tant que citoyen burkinabè vivant à l’extérieur ?
Je ne suis pas sûr de pouvoir livrer mon point de vue. Mais, je peux donner le point de vue de l’apprenti juriste que je suis. Cette décision porte une fois de plus l’écho d’un phénomène qui s’instaure un peu partout en Afrique. Je ne voudrais pas faire de la sociologie politique, mais je sais au moins que ce n’est pas une première en Afrique parce qu’avant le Burkina, d’autres pays l’ont fait. Ce qui est à l’origine, soit on part du principe que dans les grandes démocraties occidentales où la constitution est quelque chose de sacré, on essaie de respecter autant que faire se peut sa lettre et son esprit, soit nous estimons que nous avons une démocratie africaine qui ne peut être rangée dans aucune catégorie de démocratie et nous pouvons appeler un texte "constitution" et la bricoler autant de fois que nous voulons juste pour satisfaire notre clientélisme électoral. C’est cette attitude ou cette situation d’instrumentalisation de la Constitution qui me paraît très déplorable en Afrique.
Ce qui fait la force de la constitution, c’est sa capacité à s’imposer à tout le monde, quels que soient par ailleurs les intérêts lésés ou les intérêts protégés, parce qu’on estime que c’est sa sauvegarde qui préserve l’intérêt général. Mais, si elle devient un instrument à la merci d’une partie de la population, c’est comme si cette population était au-dessus de tout le reste qui subit ce changement sans pour autant être toujours d’accord avec ledit changement. Une appréciation personnelle qui n’a rien de juridique est que celui qui manipule la constitution juste pour satisfaire ses intérêts électoraux peut être discrédité aux yeux de l’opinion nationale d’abord et ensuite de l’opinion internationale.
Il y a des chefs d’Etat qui ont pu renoncer au pouvoir pour garder ou sauvegarder leur image de marque. Je ne citerai pas de nom mais plus proche de nous, des gens sont venus, ils sont partis, ils sont restés dans la mémoire collective et ont pu bénéficier d’un respect quasi mythique. Même au sortir de leur mandat présidentiel en raison de ce départ spontané et volontaire, ils ont encore pu jouir d’une certaine légitimité auprès des communautés supranationales comme l’Union africaine ou la CEDEAO qui les cooptent parfois pour jouer le rôle de médiation ou de conciliation dans les conflits.
Quelles sont vos habitudes alimentaires ici ?
Nous jonglons, passez-moi l’expression, entre les mets sénégalais, les mets du pays et les autres de la sous- région. D’habitude, l’ensemble des restaurants universitaires servent typiquement des plats sénégalais. Il arrive qu’on ait la nostalgie des repas autres que ceux sénégalais. Ou on demande à nos jeunes sœurs de préparer ou bien on se rend dans des familles burkinabè en ville ou à Dakar pour satisfaire notre gourmandise.
Un mot dans une langue nationale pour conclure cet entretien...
Je ne comprends que le bissa Na yada ga fa Burkina (je salue tout le monde)
Propos recueillis par Serge COULIBALY
Le Pays / leral
Roland Goulla : Les conditions de vie des étudiants burkinabè de l’université Gaston Berger de Saint-Louis peuvent se résumer comme vous le dites en deux volets. Sur le plan pédagogique, c’est plus ou moins bien. Dieu merci, les années passent, nous avons des réussites pédagogiques, quelques rares fois des échecs. Il y en a qui reprennent parfois mais il faut inscrire cela dans l’ordre normal des choses même si on peut l’améliorer. Sur le plan social, il y a deux aspects. L’aspect de la vie entre membres et l’aspect relation entre la communauté burkinabè avec les autres communautés.
Entre nous Burkinabè, il n’y a aucun problème. Nous vivons en parfaite convivialité, toutes générations confondues, c’est- à-dire les aînés et les petits, c’est l’entraide, la solidarité. Il y a ce que nous qualifions de conseils de frères qui sont des possibilités pour chaque membre d’accepter un certain nombre de critiques pour l’amélioration de sa propre personne et celle de ses rapports avec les autres. Avec les autres membres de l’espace universitaire, les relations sont également au beau fixe. Jusqu’à nos jours, on n’a reproché à aucun Burkinabè d’être à l’origine d’un mauvais comportement. Sans trop prendre l’avis des autres, les étudiants burkinabè sont considérés comme des gens sociables.
A quoi se résument vos difficultés ici ?
La plus immédiate et la mieux partagée est qu’aucun étudiant burkinabè de l’Université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis, quel que soit le cycle dans lequel il évolue, n’a pu bénéficier jusqu’à nos jours d’une bourse d’étude. C’est une situation assez malencontreuse. Et comme personne d’entre nous ne bénéficie de bourse d’Etat, il va sans dire que tout ce que nous engageons comme dépenses est à la charge de nos parents ou de nos soutiens.
Ce qui n’est pas assez commode pour quelqu’un qui a un programme, des ambitions très poussées car il peut arriver qu’à un moment donné, les parents n’aient plus les capacités pour soutenir l’étudiant, quels que soient ses mérites académiques. Cette inquiétude, nous l’avons posée à l’ambassadeur. La seconde catégorie de difficultés est inhérente à tout le milieu universitaire. On assiste parfois impuissant à l’échec d’un camarade. Il aurait été possible que nous arrivions à un stade où l’étudiant burkinabè puisse être capable de prendre en charge un certain nombre de préoccupations pédagogiques de son camarade. Malheureusement, nous le faisons dans l’informel. Mais nous voudrions que pour une première, nous arrivions à trouver le juste milieu afin que la réussite soit totale pour tous les membres de la communauté burkinabè. De cette manière, l’étudiant pourra être doté de prédispositions, à réussir et retournera au pays en fin d’année avec le succès.
Vous arrive-t-il en tant qu’ancien de partager votre expérience avec les autres ? Concrètement, que faites-vous pour vos compatriotes nouvellement arrivés ?
Le mot concrètement est bien choisi puisque nous agissons depuis l’envoi du dossier d’admission jusqu’à la fin de l’année. Nous appuyons d’abord la demande du futur étudiant à Saint-Louis en prenant contact avec l’ensemble du circuit de sélection des bacheliers. Que ce soit au niveau des Unités de formation et de recherche (UFR) qui envoient le dossier ou au niveau de la scolarisation pour que l’ensemble de l’université valide par l’intermédiaire du rectorat. Il est arrivé plus d’une fois que nous prenions langue avec les responsables de l’UGB pour suivre le dossier et informer l’étudiant qu’il peut prendre le vol. Parfois, nous nous voyons obligés de faire un lobbying dans certains cas. Il y a parfois des gens qui remplissent les conditions pour être sélectionnés ou peut-être se donner la chance pour se faire sélectionner. Mais comme les responsables de l’université ne sont pas convaincus de leur attachement à l’UGB, ils s’y opposent. Il y a aussi ceux qui sont capables de débarquer sans avoir été sélectionnés. Cela montre à quel point l’étudiant tient à venir à Saint-Louis. Vous comprendrez que nous ne pouvons pas rester bras croisés face à un tel engouement de l’étudiant. Nous allons vers les structures concernées pour leur faire part de notre soutien à notre camarade.
Quelles sont les conditions d’admission dans cette prestigieuse université Gaston Berger de Saint-Louis ?
A plusieurs reprises, j’ai interpellé le recteur lors des cérémonies d’accueil des étudiants étrangers. J’ai pris l’habitude de dire à n’importe quelle autorité du campus que chaque étudiant burkinabè, puisque c’est lui que je connais le mieux, est ambassadeur de l’UGB partout où il se trouve à l’extérieur du Sénégal. Ce sera ahurissant de l’apprendre, mais ce n’est pas l’UGB qui fait sa promotion au point d’attirer autant d’étudiants burkinabè. Mais c’est chaque étudiant burkinabè ayant vécu une année, qui, à son retour au pays, fait l’apologie de sorte à susciter un intérêt chez les nouveaux bacheliers. C’est cela qui guide certains qui ont besoin d’informations supplémentaires pour accéder au portail de l’UGB afin de voir la structuration pédagogique, les UFR, les départements ou les sections.
Comment faites-vous pour avoir les nouvelles du pays ?
Nous restons plus ou moins avec le pays, soit en entrant en contact téléphonique avec les parents soit en nous connectant à www.lepays.bf, fasozine.com ou jj.com qui sont les journaux par l’intermédiaire desquels nous accédons aux nouvelles du pays. Parfois, nous avons les informations dans le même état que tous les Burkinabè.
La révision de l’article 37 de la Constitution alimente les débats au Burkina. Quel est votre avis sur la question en tant que citoyen burkinabè vivant à l’extérieur ?
Je ne suis pas sûr de pouvoir livrer mon point de vue. Mais, je peux donner le point de vue de l’apprenti juriste que je suis. Cette décision porte une fois de plus l’écho d’un phénomène qui s’instaure un peu partout en Afrique. Je ne voudrais pas faire de la sociologie politique, mais je sais au moins que ce n’est pas une première en Afrique parce qu’avant le Burkina, d’autres pays l’ont fait. Ce qui est à l’origine, soit on part du principe que dans les grandes démocraties occidentales où la constitution est quelque chose de sacré, on essaie de respecter autant que faire se peut sa lettre et son esprit, soit nous estimons que nous avons une démocratie africaine qui ne peut être rangée dans aucune catégorie de démocratie et nous pouvons appeler un texte "constitution" et la bricoler autant de fois que nous voulons juste pour satisfaire notre clientélisme électoral. C’est cette attitude ou cette situation d’instrumentalisation de la Constitution qui me paraît très déplorable en Afrique.
Ce qui fait la force de la constitution, c’est sa capacité à s’imposer à tout le monde, quels que soient par ailleurs les intérêts lésés ou les intérêts protégés, parce qu’on estime que c’est sa sauvegarde qui préserve l’intérêt général. Mais, si elle devient un instrument à la merci d’une partie de la population, c’est comme si cette population était au-dessus de tout le reste qui subit ce changement sans pour autant être toujours d’accord avec ledit changement. Une appréciation personnelle qui n’a rien de juridique est que celui qui manipule la constitution juste pour satisfaire ses intérêts électoraux peut être discrédité aux yeux de l’opinion nationale d’abord et ensuite de l’opinion internationale.
Il y a des chefs d’Etat qui ont pu renoncer au pouvoir pour garder ou sauvegarder leur image de marque. Je ne citerai pas de nom mais plus proche de nous, des gens sont venus, ils sont partis, ils sont restés dans la mémoire collective et ont pu bénéficier d’un respect quasi mythique. Même au sortir de leur mandat présidentiel en raison de ce départ spontané et volontaire, ils ont encore pu jouir d’une certaine légitimité auprès des communautés supranationales comme l’Union africaine ou la CEDEAO qui les cooptent parfois pour jouer le rôle de médiation ou de conciliation dans les conflits.
Quelles sont vos habitudes alimentaires ici ?
Nous jonglons, passez-moi l’expression, entre les mets sénégalais, les mets du pays et les autres de la sous- région. D’habitude, l’ensemble des restaurants universitaires servent typiquement des plats sénégalais. Il arrive qu’on ait la nostalgie des repas autres que ceux sénégalais. Ou on demande à nos jeunes sœurs de préparer ou bien on se rend dans des familles burkinabè en ville ou à Dakar pour satisfaire notre gourmandise.
Un mot dans une langue nationale pour conclure cet entretien...
Je ne comprends que le bissa Na yada ga fa Burkina (je salue tout le monde)
Propos recueillis par Serge COULIBALY
Le Pays / leral