
La tenue de combat avec laquelle le Président Macky Sall a sauté sur le tuyau en rébellion de Keur Momar Sarr n’a pas fait rire dans les chaumières, ni même dans le dernier salon où l’on cause ; et où l’on était, ce jour-là, moins à la peine que la moyenne des Sénégalais assoiffés et épuisés par les corvées d’eau nocturnes. Et c’est heureux que personne n’aie ri, parce qu’il n’y avait pas de quoi rire. Certes, et d’abord, l’ambiance de pénurie ne s’y prêtait pas ; mais il y a plus fondamental, ensuite. Cette tenue camouflet de militaire, ou «Fatigue dress», pour parler comme les GI’S, comme si Macky Sall allait à la guerre, a posé plus de questions qu’elle n’a apporté de réponses, et en d’autres domaines tout aussi essentiels qu’une bonne distribution de l’eau.
D’abord, pourquoi le président de la République s’est-il habillé ainsi pour l’occasion ? Réponse banale, admise par tout le monde : c’était une opération de communication. Bien ! Rien, donc, de nouveau sous le soleil. Ensuite, une opération de communication était-elle essentielle pour l’occasion ? Il faut croire que oui, si les gens chargés de la représentation présidentielle l’ont jugée nécessaire, et à travers un accessoire aussi visible et si peu neutre, une tenue de combat -pantalon et treillis militaire. Mais alors, le message est-il passé ? Le symbole véhiculé par le treillis est-il évident, efficace, approprié ? Ici s’enchaînent des questions qui ne peuvent, comme les précédentes, être organisées par des «d’abord» et des «ensuite», tant elles sont nombreuses, s’éprouvent, s’entrechoquent, interpellent et déroutent.
On ne les recensera donc pas toutes et on n’apportera pas de réponse à toutes celles que nous partagerons avec nos lecteurs. Cependant, il est essentiel de rappeler que dans ce pays, le Sénégal, de Senghor à Macky Sall, l’autorité suprême est civile et commande la force publique, qu’elle soit militaire ou policière. Cette autorité suprême, la Présidence de la République, est aujourd’hui incarnée par Macky Sall. Et qu’il soit habillé en Jean ou en "sabador", Macky Sall est le chef suprême (mais civil) des Armées.
D’où, forcément, l’inutilité du treillis, si l’objectif du costume était d’affirmer son autorité et sa force. Ou même sa mobilisation. Parce que dès le jour où il a prêté serment sur notre constitution, le Président Macky Sall est censé être mobilisé, jour et nuit, même en pyjama, pour faire face du haut de son autorité, à une agression militaire extérieure, un acte de terrorisme, une calamité naturelle. Dieu nous garde de tout cela !
Donc, si même cet habit guerrier pouvait être utile pour affirmer l’autorité et la force et la mobilisation du Président, il y aurait quelque disproportion à l’en voir affublé pour aller à l’assaut d’un tuyau desservant Dakar en eau pour 40% de ses besoins. Il faut vraiment n’avoir pas idée de ce que peut représenter le caractère civil de l’autorité au Sénégal, comme en tout pays démocratique, pour concocter un plan de communication à l’intention de son président qui s’appuie sur un symbole militaire aussi chargé qu’une tenue de para commando. Les militaires en tenue, c’est la sécurité, à coup sûr chez nous, mais le président de la République, dans sa nudité constitutionnelle, doit l’être encore plus, puisqu’il est leur chef.
Nous sommes le seul pays africain à avoir complètement, et de tout temps depuis l’indépendance, échappé au « pouvoir kaki », c’est-à-dire au coup d’Etat. Pour le peuple sénégalais, l’autorité, la force publique, « boroom dëkk-bi » est civil. Ça, nos militaires en sont d’accord et s’y plient. Et Macky Sall le sait très bien ; et en se soumettant à ce cirque du treillis, il ne se rend pas service. Les conseilleurs, dit un de ses shadow-consultants, ne sont jamais les payeurs. Faire dire au président de la République, à travers le symbole de la tenue de combat, que pour résoudre les problèmes du Sénégal, il faut une autorité toute militaire, relève d’un délire dont je soupçonne quelque conseiller toubab paternaliste, réactionnaire et nostalgique. Pour dire le moins !
Quand le président de la République, alors au service du Président Abdoulaye Wade, avait fait dissidence (disons le comme ça), cela avait coïncidé avec la disgrâce d’une sorte de gourou de l’Etat libéral wadien, un certain Jean-Pierre Pierre-Bloch dont nous avons appris le décès, hier, en écrivant ces lignes (ne pas confondre avec l’ancien ministre giscardien, son père Jean-Pierre Bloch. Celui-ci avait été cornaqué par le libéral Alain Madelin, ami bien connu de l’ex-président aux visées dynastiques contrariées. Madelin et ses amis sont les fils d’une certaine France, celle de «L’Algérie française», elle-même héritière du pétainisme collaborationniste de Vichy. Elle sera défaite en Algérie, comme son ancêtre le fut en 44, par le Gaullisme. Sous le long règne du «Gaullisme triomphant» débarrassé du fardeau de ses colonies, les barons de «L’Algérie française» prirent leur retraite, tandis que (je résume bien évidemment) ses jeunes loups aux dents longues, les ex- militants de « La jeune France », organisation droitière musclée, se collaient aux vainqueurs comme des teignes. Et ne trouvèrent place que comme supplétifs parasites dans les marges de la « Françafrique » naissante.
Quand cette dernière commence à sombrer dans les gouffres les plus sombres de l’histoire, les supplétifs, toujours parasites, s’accrochent à des chefs d’Etat africains fantasques peu regardants, dont le prédécesseur de Macky Sall. C’est ainsi que le J-P. Pierre-Bloch et sa clique sont arrivés chez nous, avec pour marraine, Mme Vert, épouse Wade. Et quand il a été en disgrâce, cependant que Macky Sall s’éloignait des Wade, le monsieur s’est accroché au wagon de l’histoire. Et c’est avec une équipe de plus en plus étoffée de gens de la même « idéologie » -si ce mot n’est pas de trop ; catégorie siérait peut-être mieux- qu’on l’a vu virevolter autour du pouvoir, quand Macky Sall y est arrivé. Et d’ailleurs, dernièrement, lors du très bel ordonnancement médiatique de la nomination de Mme Aminata Touré Premier ministre, on en a vu un, n’y tenant plus, parader avec ostentation devant les caméras. L’affaire étant rondement menée, il ne fallait que nul n’ignore que la main du toubab de service y avait trempé.
Cela avait choqué certains esprits sensibles à certains signes d’une certaine relation que ce qui reste des restes de la françafrique entretient encore avec certains régimes africains. Et c’est un représentant de «ce qui reste des restes de la défunte Françafrique», seul, qui peut avoir pensé qu’il fallait habiller le quatrième président de la République du Sénégal d’une tenue de para commando, comme un petit lieutenant putschiste, pour faire genre. Ou peut-être pour faire peur, qui sait ? Et ce, en des moments où les Sénégalais avaient seulement besoin, à défaut d’eau, d’une information limpide (viatique essentielle des démocraties). Une information claire comme de l’eau de roche, sur ce à quoi ils devaient s’attendre avec cette conduite d’eau récalcitrante.
Et cette information-là, à l’heure où ces lignes sont écrites, les Sénégalais l’attendent toujours !
Le Populaire
D’abord, pourquoi le président de la République s’est-il habillé ainsi pour l’occasion ? Réponse banale, admise par tout le monde : c’était une opération de communication. Bien ! Rien, donc, de nouveau sous le soleil. Ensuite, une opération de communication était-elle essentielle pour l’occasion ? Il faut croire que oui, si les gens chargés de la représentation présidentielle l’ont jugée nécessaire, et à travers un accessoire aussi visible et si peu neutre, une tenue de combat -pantalon et treillis militaire. Mais alors, le message est-il passé ? Le symbole véhiculé par le treillis est-il évident, efficace, approprié ? Ici s’enchaînent des questions qui ne peuvent, comme les précédentes, être organisées par des «d’abord» et des «ensuite», tant elles sont nombreuses, s’éprouvent, s’entrechoquent, interpellent et déroutent.
On ne les recensera donc pas toutes et on n’apportera pas de réponse à toutes celles que nous partagerons avec nos lecteurs. Cependant, il est essentiel de rappeler que dans ce pays, le Sénégal, de Senghor à Macky Sall, l’autorité suprême est civile et commande la force publique, qu’elle soit militaire ou policière. Cette autorité suprême, la Présidence de la République, est aujourd’hui incarnée par Macky Sall. Et qu’il soit habillé en Jean ou en "sabador", Macky Sall est le chef suprême (mais civil) des Armées.
D’où, forcément, l’inutilité du treillis, si l’objectif du costume était d’affirmer son autorité et sa force. Ou même sa mobilisation. Parce que dès le jour où il a prêté serment sur notre constitution, le Président Macky Sall est censé être mobilisé, jour et nuit, même en pyjama, pour faire face du haut de son autorité, à une agression militaire extérieure, un acte de terrorisme, une calamité naturelle. Dieu nous garde de tout cela !
Donc, si même cet habit guerrier pouvait être utile pour affirmer l’autorité et la force et la mobilisation du Président, il y aurait quelque disproportion à l’en voir affublé pour aller à l’assaut d’un tuyau desservant Dakar en eau pour 40% de ses besoins. Il faut vraiment n’avoir pas idée de ce que peut représenter le caractère civil de l’autorité au Sénégal, comme en tout pays démocratique, pour concocter un plan de communication à l’intention de son président qui s’appuie sur un symbole militaire aussi chargé qu’une tenue de para commando. Les militaires en tenue, c’est la sécurité, à coup sûr chez nous, mais le président de la République, dans sa nudité constitutionnelle, doit l’être encore plus, puisqu’il est leur chef.
Nous sommes le seul pays africain à avoir complètement, et de tout temps depuis l’indépendance, échappé au « pouvoir kaki », c’est-à-dire au coup d’Etat. Pour le peuple sénégalais, l’autorité, la force publique, « boroom dëkk-bi » est civil. Ça, nos militaires en sont d’accord et s’y plient. Et Macky Sall le sait très bien ; et en se soumettant à ce cirque du treillis, il ne se rend pas service. Les conseilleurs, dit un de ses shadow-consultants, ne sont jamais les payeurs. Faire dire au président de la République, à travers le symbole de la tenue de combat, que pour résoudre les problèmes du Sénégal, il faut une autorité toute militaire, relève d’un délire dont je soupçonne quelque conseiller toubab paternaliste, réactionnaire et nostalgique. Pour dire le moins !
Quand le président de la République, alors au service du Président Abdoulaye Wade, avait fait dissidence (disons le comme ça), cela avait coïncidé avec la disgrâce d’une sorte de gourou de l’Etat libéral wadien, un certain Jean-Pierre Pierre-Bloch dont nous avons appris le décès, hier, en écrivant ces lignes (ne pas confondre avec l’ancien ministre giscardien, son père Jean-Pierre Bloch. Celui-ci avait été cornaqué par le libéral Alain Madelin, ami bien connu de l’ex-président aux visées dynastiques contrariées. Madelin et ses amis sont les fils d’une certaine France, celle de «L’Algérie française», elle-même héritière du pétainisme collaborationniste de Vichy. Elle sera défaite en Algérie, comme son ancêtre le fut en 44, par le Gaullisme. Sous le long règne du «Gaullisme triomphant» débarrassé du fardeau de ses colonies, les barons de «L’Algérie française» prirent leur retraite, tandis que (je résume bien évidemment) ses jeunes loups aux dents longues, les ex- militants de « La jeune France », organisation droitière musclée, se collaient aux vainqueurs comme des teignes. Et ne trouvèrent place que comme supplétifs parasites dans les marges de la « Françafrique » naissante.
Quand cette dernière commence à sombrer dans les gouffres les plus sombres de l’histoire, les supplétifs, toujours parasites, s’accrochent à des chefs d’Etat africains fantasques peu regardants, dont le prédécesseur de Macky Sall. C’est ainsi que le J-P. Pierre-Bloch et sa clique sont arrivés chez nous, avec pour marraine, Mme Vert, épouse Wade. Et quand il a été en disgrâce, cependant que Macky Sall s’éloignait des Wade, le monsieur s’est accroché au wagon de l’histoire. Et c’est avec une équipe de plus en plus étoffée de gens de la même « idéologie » -si ce mot n’est pas de trop ; catégorie siérait peut-être mieux- qu’on l’a vu virevolter autour du pouvoir, quand Macky Sall y est arrivé. Et d’ailleurs, dernièrement, lors du très bel ordonnancement médiatique de la nomination de Mme Aminata Touré Premier ministre, on en a vu un, n’y tenant plus, parader avec ostentation devant les caméras. L’affaire étant rondement menée, il ne fallait que nul n’ignore que la main du toubab de service y avait trempé.
Cela avait choqué certains esprits sensibles à certains signes d’une certaine relation que ce qui reste des restes de la françafrique entretient encore avec certains régimes africains. Et c’est un représentant de «ce qui reste des restes de la défunte Françafrique», seul, qui peut avoir pensé qu’il fallait habiller le quatrième président de la République du Sénégal d’une tenue de para commando, comme un petit lieutenant putschiste, pour faire genre. Ou peut-être pour faire peur, qui sait ? Et ce, en des moments où les Sénégalais avaient seulement besoin, à défaut d’eau, d’une information limpide (viatique essentielle des démocraties). Une information claire comme de l’eau de roche, sur ce à quoi ils devaient s’attendre avec cette conduite d’eau récalcitrante.
Et cette information-là, à l’heure où ces lignes sont écrites, les Sénégalais l’attendent toujours !
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