«Je m'appelle El Hadji Assane Fall J'ai 32 ans. Je suis divorcé et père d'une fille de 12 ans. J'habite à l'Unité 10 des Parcelles Assainies de Dakar. Je suis médecin de profession. Je travaille dans un cabinet de Kinésithérapie au centre-ville dakarois depuis 6 ans. Il y a trois ans, plus précisément le 20 avril 2009, un commissaire de Police et sa fille de 25 ans se sont présentés à notre cabinet pour une consultation. La fille était malade, elle a dû faire des analyses et une IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) en plus des scanners. On a découvert qu'elle souffrait d'hémiplégie (paralysie, d'une partie ou de plusieurs parties du corps ou d'un seul côté)». C'était la première fois que je voyais un père de famille pleurer devant sa fille. J'ai essayé de les soulager. Après une longue discussion, je leur ai dit que je pouvais prendre la fille en charge, mais que le traitement prendrait, au minimum, cinq à six mois et qu'elle devrait faire une séance de rééducation physique trois fois par semaine. Et que le coût s'élevait à 15 000 FCFA la séance. Le commissaire m'a dit que c'était cher et qu'il pouvait payer 10 000 FCFA la séance. J'ai fait appel à mon Boss qui m'a donné son aval à la seule condition qu'elle respecte tous ses rendez-vous. Ils ont accepté et nous avons commencé le traitement.
Au bout de trois mois, la fille qui venait toute seule à ses rendez-¬vous est venue accompagner de son père. Je les ai reçus dans notre bureau, en présence de notre secrétaire. Le commissaire m'a fait savoir qu'il était difficile pour lui de débourser chaque semaine 30 000 FCFA en plus du prix du taxi et de l'argent pour les ordonnances. J'ai appelé mon Boss qui était parti en mission en France pour deux mois, il m'a dit que j'étais médecin, mais aussi que j'étais Musulman, donc je devais aider mon prochain. Et comme la situation de la fille commençait à s'améliorer, je devais continuer les traitements même si elle ne paye plus un sou. En tant que médecin, mon métier est d'aider la personne qui est en danger. J'ai pris l'engagement de continuer le traitement. Après quelques semaines, il y a encore eu un changement de programme. C'est ainsi qu'il m'a demandé si je pouvais accepter de faire le traitement à domicile. Je lui ai dit que cela allait être très dur pour moi, car déjà que je soigne sa fille gratuitement, donc si en plus de cela je devais venir chez eux, ce serait très compliqué avec tous les patients que je reçois par jour. Il m'a dit qu'il pouvait m'assurer l'argent du transport et que je pouvais passer après la descente. J'ai refusé dans un premier temps et ensuite, je me suis résigné à accepter juste pour aider la fille.»
«Un jour, la fille m'a appelé au téléphone pour me dire qu'elle voulait qu'on se parle. Je suis passé chez elle, mais au lieu de me recevoir dans le salon comme d'habitude, elle m'a suggéré qu'on discute dans sa chambre. Et à ma grande surprise, elle m'a dit qu'elle était amoureuse de moi. Je n'en revenais pas, car c'est une très belle fille (il insiste). Comme je ne voulais pas la blesser, je lui ai demandé de me donner du temps pour que je puisse réfléchir à cela. Après deux semaines de réflexion, j'ai accepté de sortir avec elle, car j'avais aussi de l'affection pour elle. C'est ainsi que nous avons commencé à sortir avec le consentement de son père et de sa mère. Au bout de cinq mois, alors que tout se passait très bien, elle m'a appelé un jour, très nerveuse et cela coïncidait même avec la date de mon anniversaire pour me dire qu'elle avait un sérieux problème, mais qu'elle ne pouvait pas me le dire au téléphone. Je lui ai dit que je passerais à ma descente. Quand je suis partie chez elle, je l'ai trouvée très triste. A ma grande surprise, elle me dit qu'elle est enceinte de trois mois. J'étais à la fois surpris et déçu, car on n'avait jamais couché ensemble (il observe un long silence). Elle m'a alors fait savoir que c'est son directeur qui l'avait mis dans cet état et qu'il lui avait remis la somme de 1,2 million FCFA pour qu'elle mette un terme à la grossesse.
En tant que médecin, je lui ai demandé de garder l'enfant. Je lui ai conseillé de dire la vérité à ses parents avant qu'il ne soit trop tard. Elle m'a dit que si jamais son père était au courant de cette situation, il allait la tuer et son directeur aussi est quelqu'un de très respecté, donc elle ne pouvait pas garder l'enfant. Je lui ai alors demandé si elle préférait faire du mal à son père et protéger son directeur. Elle a refusé en me disant de l'aider et de la mettre en contact avec un de mes amis médecins pour l'avortement. Je lui ai dit que la seule aide que je pouvais lui apporter, c'était d'être là quand elle avait besoin de moi, malgré tout le mal qu'elle m'a faite et ma confiance qu'elle a trahie. Et je suis rentré vers 23H15mn. J'ai coupé les ponts avec elle. Je suis restée deux semaines sans avoir de ses nouvelles, car j'avais besoin de prendre du recul pour mieux réfléchir sur la grosse erreur que j'ai commise, en tant que médecin ; je n'avais pas le droit de m'amouracher avec une patiente. C'est une erreur grave, mais le cœur a ses raisons, et quand Cupidon décoche ses flèches, il ne prévient pas. On aime et c'est comme ça.»
«Un lundi, je me suis rendu au bureau, comme d'habitude, vers 8H30mn. Deux policiers se sont présentés et m'ont demandé de les suivre au commissariat. J'étais à la fois angoissé et étonné. Je leur ai demandé. pourquoi je devrais les suivre, ils m'ont dit de m'exécuter sans poser de questions. J'ai refusé prétextant qu'il n'avait pas de mandat et que c'était trop facile de me demander de les suivre. C'est ainsi que mon patron qui a entendu le bruit est intervenu et les deux agents lui ont aussi dit de nous suivre au commissariat. Mon patron m'a dit d'obéir sans broncher. Un des policiers m'a alors demandé de tendre mes deux bras pour qu'il puisse me passer les menottes. Je lui ai dit que je n'étais pas un criminel et que je n'allais pas me sauver. Mais il m'a forcé et m'a mis les menottes. J'avais très honte, car je suis quelqu'un de très timide. Tous mes collègues ont assisté à la scène. J'ai été blessé dans ma chair. C'était la pire humiliation de ma vie. Les deux agents m'ont acheminé au commissariat et arrivé au bureau du commissaire, j'ai vu qu'il s'agissait du père de la fille. Et j'ai commencé à savoir le pourquoi de ma convocation. A ma vue, le commissaire a manqué d’étouffer de rage. Il s'est brusquement levé et a commencé à m'abreuver d'injures en me disant : «Non seulement tu engrosses ma fille, mais tu lui demandes d'avorter et voilà qu'elle se retrouve à l'hôpital par ta faute et elle est dans le coma.» J'ai essayé de répondre, mais il m'a giflé, je suis tombé de la chaise où j'étais assis, il m'a lancé, bave à la bouche : «Tu 'vas crever en prison.» Après trois jours de garde à vue, j'ai été déféré au parquet. Mon patron est venu me voir, je lui ai expliqué le problème et il m'a dit qu'il allait engager un avocat pour moi. J'ai fait 20 jours de détention provisoire. Heureusement que la fille est sortie du coma une semaine après et a commencé à demander de mes nouvelles. Elle a tout raconté à son père et lui a dit qu'il ne s'était rien passé entre nous. Le commissaire est venu me voir en compagnie de ma mère, de mon avocat et de mon patron pour me présenter ses excuses. Il m’a dit qu'il ferait tout pour que je sorte de prison. Et après 4 jours, j'ai recouvré la liberté. »
«A ma sortie, je ne pouvais pas supporter le regard des autres. J'avais trop honte. J'ai déserté le Sénégal et je suis parti au Maroc pendant 20 jours. J'ai repris mon travail, mais je ne peux plus faire confiance à une femme. Cette histoire m'a brisé le cœur. Cela me fait trop mal. Je ne peux plus regarder une fille en face et ressentir quelque chose pour elle. Je suis un homme et j'éprouve des sensations, mais je ne peux plus aimer une fille. Même si je pense au mariage.
Dès qu'une fille s'approche de moi, j'ai peur. Certaines me disent même que je suis impuissant. Mais tel n'est pas le cas. C'est pour cela que je suis venu vers vous pour me soulager et pour permettre à mes proches qui ont entendu cette histoire d'en connaître les tenants et les aboutissants pour qu'ils puissent arrêter de me regarder d'un mauvais œil. Que les gens sachent que même si j'ai été menotté, ce n'est pas parce que je suis un criminel. Un jour, j'ai surpris deux dames qui partagent le même immeuble que moi, cassé du sucre sur mon dos en disant : «Il joue au sérieux et au timide mais en réalité, c'est un petit bandit», cela m'a fait trop mal, mais je n'ai pas répondu. Car je laisse tout entre les mains de Dieu.»
SOURCE : L’OBS CODOU BADIANE
El HADJ ASSANE FALL, nom d'emprunt
Au bout de trois mois, la fille qui venait toute seule à ses rendez-¬vous est venue accompagner de son père. Je les ai reçus dans notre bureau, en présence de notre secrétaire. Le commissaire m'a fait savoir qu'il était difficile pour lui de débourser chaque semaine 30 000 FCFA en plus du prix du taxi et de l'argent pour les ordonnances. J'ai appelé mon Boss qui était parti en mission en France pour deux mois, il m'a dit que j'étais médecin, mais aussi que j'étais Musulman, donc je devais aider mon prochain. Et comme la situation de la fille commençait à s'améliorer, je devais continuer les traitements même si elle ne paye plus un sou. En tant que médecin, mon métier est d'aider la personne qui est en danger. J'ai pris l'engagement de continuer le traitement. Après quelques semaines, il y a encore eu un changement de programme. C'est ainsi qu'il m'a demandé si je pouvais accepter de faire le traitement à domicile. Je lui ai dit que cela allait être très dur pour moi, car déjà que je soigne sa fille gratuitement, donc si en plus de cela je devais venir chez eux, ce serait très compliqué avec tous les patients que je reçois par jour. Il m'a dit qu'il pouvait m'assurer l'argent du transport et que je pouvais passer après la descente. J'ai refusé dans un premier temps et ensuite, je me suis résigné à accepter juste pour aider la fille.»
«Un jour, la fille m'a appelé au téléphone pour me dire qu'elle voulait qu'on se parle. Je suis passé chez elle, mais au lieu de me recevoir dans le salon comme d'habitude, elle m'a suggéré qu'on discute dans sa chambre. Et à ma grande surprise, elle m'a dit qu'elle était amoureuse de moi. Je n'en revenais pas, car c'est une très belle fille (il insiste). Comme je ne voulais pas la blesser, je lui ai demandé de me donner du temps pour que je puisse réfléchir à cela. Après deux semaines de réflexion, j'ai accepté de sortir avec elle, car j'avais aussi de l'affection pour elle. C'est ainsi que nous avons commencé à sortir avec le consentement de son père et de sa mère. Au bout de cinq mois, alors que tout se passait très bien, elle m'a appelé un jour, très nerveuse et cela coïncidait même avec la date de mon anniversaire pour me dire qu'elle avait un sérieux problème, mais qu'elle ne pouvait pas me le dire au téléphone. Je lui ai dit que je passerais à ma descente. Quand je suis partie chez elle, je l'ai trouvée très triste. A ma grande surprise, elle me dit qu'elle est enceinte de trois mois. J'étais à la fois surpris et déçu, car on n'avait jamais couché ensemble (il observe un long silence). Elle m'a alors fait savoir que c'est son directeur qui l'avait mis dans cet état et qu'il lui avait remis la somme de 1,2 million FCFA pour qu'elle mette un terme à la grossesse.
En tant que médecin, je lui ai demandé de garder l'enfant. Je lui ai conseillé de dire la vérité à ses parents avant qu'il ne soit trop tard. Elle m'a dit que si jamais son père était au courant de cette situation, il allait la tuer et son directeur aussi est quelqu'un de très respecté, donc elle ne pouvait pas garder l'enfant. Je lui ai alors demandé si elle préférait faire du mal à son père et protéger son directeur. Elle a refusé en me disant de l'aider et de la mettre en contact avec un de mes amis médecins pour l'avortement. Je lui ai dit que la seule aide que je pouvais lui apporter, c'était d'être là quand elle avait besoin de moi, malgré tout le mal qu'elle m'a faite et ma confiance qu'elle a trahie. Et je suis rentré vers 23H15mn. J'ai coupé les ponts avec elle. Je suis restée deux semaines sans avoir de ses nouvelles, car j'avais besoin de prendre du recul pour mieux réfléchir sur la grosse erreur que j'ai commise, en tant que médecin ; je n'avais pas le droit de m'amouracher avec une patiente. C'est une erreur grave, mais le cœur a ses raisons, et quand Cupidon décoche ses flèches, il ne prévient pas. On aime et c'est comme ça.»
«Un lundi, je me suis rendu au bureau, comme d'habitude, vers 8H30mn. Deux policiers se sont présentés et m'ont demandé de les suivre au commissariat. J'étais à la fois angoissé et étonné. Je leur ai demandé. pourquoi je devrais les suivre, ils m'ont dit de m'exécuter sans poser de questions. J'ai refusé prétextant qu'il n'avait pas de mandat et que c'était trop facile de me demander de les suivre. C'est ainsi que mon patron qui a entendu le bruit est intervenu et les deux agents lui ont aussi dit de nous suivre au commissariat. Mon patron m'a dit d'obéir sans broncher. Un des policiers m'a alors demandé de tendre mes deux bras pour qu'il puisse me passer les menottes. Je lui ai dit que je n'étais pas un criminel et que je n'allais pas me sauver. Mais il m'a forcé et m'a mis les menottes. J'avais très honte, car je suis quelqu'un de très timide. Tous mes collègues ont assisté à la scène. J'ai été blessé dans ma chair. C'était la pire humiliation de ma vie. Les deux agents m'ont acheminé au commissariat et arrivé au bureau du commissaire, j'ai vu qu'il s'agissait du père de la fille. Et j'ai commencé à savoir le pourquoi de ma convocation. A ma vue, le commissaire a manqué d’étouffer de rage. Il s'est brusquement levé et a commencé à m'abreuver d'injures en me disant : «Non seulement tu engrosses ma fille, mais tu lui demandes d'avorter et voilà qu'elle se retrouve à l'hôpital par ta faute et elle est dans le coma.» J'ai essayé de répondre, mais il m'a giflé, je suis tombé de la chaise où j'étais assis, il m'a lancé, bave à la bouche : «Tu 'vas crever en prison.» Après trois jours de garde à vue, j'ai été déféré au parquet. Mon patron est venu me voir, je lui ai expliqué le problème et il m'a dit qu'il allait engager un avocat pour moi. J'ai fait 20 jours de détention provisoire. Heureusement que la fille est sortie du coma une semaine après et a commencé à demander de mes nouvelles. Elle a tout raconté à son père et lui a dit qu'il ne s'était rien passé entre nous. Le commissaire est venu me voir en compagnie de ma mère, de mon avocat et de mon patron pour me présenter ses excuses. Il m’a dit qu'il ferait tout pour que je sorte de prison. Et après 4 jours, j'ai recouvré la liberté. »
«A ma sortie, je ne pouvais pas supporter le regard des autres. J'avais trop honte. J'ai déserté le Sénégal et je suis parti au Maroc pendant 20 jours. J'ai repris mon travail, mais je ne peux plus faire confiance à une femme. Cette histoire m'a brisé le cœur. Cela me fait trop mal. Je ne peux plus regarder une fille en face et ressentir quelque chose pour elle. Je suis un homme et j'éprouve des sensations, mais je ne peux plus aimer une fille. Même si je pense au mariage.
Dès qu'une fille s'approche de moi, j'ai peur. Certaines me disent même que je suis impuissant. Mais tel n'est pas le cas. C'est pour cela que je suis venu vers vous pour me soulager et pour permettre à mes proches qui ont entendu cette histoire d'en connaître les tenants et les aboutissants pour qu'ils puissent arrêter de me regarder d'un mauvais œil. Que les gens sachent que même si j'ai été menotté, ce n'est pas parce que je suis un criminel. Un jour, j'ai surpris deux dames qui partagent le même immeuble que moi, cassé du sucre sur mon dos en disant : «Il joue au sérieux et au timide mais en réalité, c'est un petit bandit», cela m'a fait trop mal, mais je n'ai pas répondu. Car je laisse tout entre les mains de Dieu.»
SOURCE : L’OBS CODOU BADIANE
El HADJ ASSANE FALL, nom d'emprunt