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Un second tour aux allures de référendum

Qui de Wade ou de Sall règnera sur le Sénégal, à l’issue du second tour de l’élection présidentielle, le 18 mars prochain ? Tous deux appartenant à la sphère libérale, l’enjeu pourrait se trouver ailleurs, lorsque les citoyens électeurs se retrouveront dans l’isoloir. A priori, Wade peut se féliciter d’être parvenu à se débarrasser de ses opposants les plus radicaux. Les opposants du Mouvement du 23-juin ont sans doute perdu des plumes pour avoir opté pour une stratégie pas nécessairement payante. Ils auront donc perdu inutilement de l’énergie à attaquer le président sortant. Lui, figure bien au second tour. Mais la partie s’annonce on ne peut plus périlleuse pour Me Abdoulaye Wade. Certes, le chef de l’Etat en exercice conserve ses atouts : il est toujours en poste et garde les privilèges qui vont avec.


Rédigé par leral.net le Vendredi 2 Mars 2012 à 01:12 | | 0 commentaire(s)|

Un second tour aux allures de référendum
Très rusé, il connaît bien son pays et les hommes qui l’habitent. Immensément riche, il a toujours su manipuler à sa guise tous ceux qui sont réfractaires aux changements qu’il entreprend. Il est donc hors de doute qu’il reprendra langue avec le pouvoir maraboutique, qu’il sait hostile aux remous, et généralement acquis au régime en place. Dans le même sillage, Wade cherchera certainement à réveiller l’instinct conservateur de l’électorat des campagnes. Il sait pertinemment que sa politique envers le monde rural est loin d’avoir plu à tout le monde. Mais il faut mobiliser pour sortir le vote. Une cour pressante sera donc faite aux abstentionnistes. Les partisans de « Gorgui », autrement dit le « Vieux », redoubleront d’ardeur ; mais ils compteront sûrement sur l’opportunisme de certains politiciens et cadres qui ont l’art de tourner casaque à la dernière minute, pour peu qu’on leur promette le beurre et l’argent du beurre. On trouvera de quoi les appâter.

On le sent déjà, cette campagne électorale à forte saveur libérale, opposera tout de même deux camps bien distincts. Il y a ceux qui veulent garder le Sénégal dans un statu quo désormais légendaire, avec à sa tête l’octogénaire imbu de sa personne, et qui n’entend point céder son fauteuil à plus jeune. Ensuite, en face, les jeunes loups aux dents longues pour qui l’heure de la relève a définitivement sonné. Ils estiment avoir trop patienté, et suffisamment fait preuve de respect à l’égard de celui que la boulimie du pouvoir semble avoir rendu à la fois sourd et aveugle.

Chacun des deux candidats est convaincu de sa victoire prochaine. Cependant, près de la moitié des Sénégalais n’étant pas sortis voter lors du premier tour, il va falloir travailler sans discontinuer pour les motiver à aller voter. D’où les discours pleins de belles promesses, et dans lesquels l’adversaire n’est jamais ménagé. Faut-il s’attendre à des révélations ? Pas évident, les deux hommes étant responsables, même à des degrés divers, de la situation difficile dans laquelle le pays se trouve aujourd’hui. Pour faire la différence, le candidat Macky Sall a choisi de centrer ses premières interventions autour de la durée du mandat qu’il compte ramener à cinq ans s’il est élu, avec possibilité de le renouveler une seule fois. Les projets de réformes politiques qu’il envisage s’attaquent donc à un problème de taille, lequel a ébranlé la démocratie sénégalaise jusque dans ses fondements.

Après de nombreuses années de gestion scabreuse, il est temps en effet de remettre le Sénégal sur les rails. Surtout mettre fin à la confusion qui aura permis à Wade de chercher à se maintenir indéfiniment au pouvoir. Sall promet de prendre le pouvoir pour ne pas le confisquer. Il sait qu’à l’instar d’autres pays africains, le Sénégal a beaucoup souffert du tripatouillage de la Constitution. Il faut recadrer le système sur la base d’un consensus et œuvrer de manière à réhabiliter la démocratie sénégalaise. Cette réhabilitation passe par un scrutin sans tache, des résultats sans équivoque, et la mise en train d’une diplomatie bien élaborée et menée dans des conditions mutuellement avantageuses.

Ancien chef de gouvernement, Macky Sall n’ignore point les difficultés quotidiennes du peuple sénégalais. Aussi s’engage-t-il à revoir les prix des denrées de première nécessité, et à prendre les mesures qui s’imposent pour améliorer les conditions de vie et de travail de ses concitoyens. Pour ce faire, Macky Sall doit remporter le scrutin au second tour. Or, battre un président en exercice en Afrique, n’est pas chose aisée. Et désarçonner ce « parrain » d’Abdoulaye Wade, encore moins. Cela passe nécessairement par le ralliement de tous ceux qui s’opposent depuis toujours au « wadisme ». D’où son appel du pied à l’endroit des candidats battus au premier tour, et à leurs partisans : s’il est élu, Macky Sall composera un gouvernement de large ouverture. Moustapha Niasse et ses compagnons eux, n’ont guère le choix. En toute logique et selon le consensus qui avait émergé de la concertation entre adversaires déclarés de Me Abdoulaye Wade, il faut bien s’aligner aujourd’hui derrière Macky Sall, le mieux placé des opposants.

L’on n’attendait pas forcément l’ancien chef de gouvernement à cette place. A présent, le voilà qui s’apprête à livrer bataille contre son père spirituel, celui-là même qui avait fait de lui un de ses nombreux Premiers ministres. C’est que l’actuel chef de l’Etat a beaucoup déçu les Sénégalais. Ces ressentiments ont peut-être pesé dans le taux de participation qui est relativement élevé : nombre d’électeurs ont préféré rester chez eux au premier tour. Toujours est-il que Macky Sall a réussi la prouesse de mettre son ancien patron en ballotage. Entre lui et Me Abdoulaye Wade, les différences de voix ne sont pas si grandes. La marge pourrait se réduire, à la condition toutefois de savoir motiver les abstentionnistes, de faire sortir les votes et de bien veiller sur ses acquis. Aussi l’ancien chef du gouvernement, lui-même homme du « système », en appelle-t-il à la vigilance de ses compatriotes.

Selon toute vraisemblance, la campagne en vue du second tour ne sera pas de tout repos. Elle donne l’impression que nous sommes en face d’un référendum du type : « Pour ou contre Wade » ? Me Abdoulaye Wade et Macky Sall qui se connaissent bien, ne se ménageront sans doute pas. Celui qui porte les espoirs des opposants saura-t-il profiter de la crise de confiance qui perdure entre le président-candidat et les Sénégalais ? Bénéficiera-t-il vraiment du report de votes ? Face aux enjeux et aux exigences de l’heure, il faut souhaiter que cette campagne et ce second tour se passent sans heurts et dans le respect de l’adversaire.

« Le Pays »

( Les News )