L'événement qui débute lundi à Denver est placé sous le signe de la démesure : un budget de 60 millions de dollars pour 50 000 participants, dont 15 000 journalistes.
Barack Obama, à l'écart des micros et des caméras, fait preuve d'une belle assurance. «Je vais gagner, n'ayez aucune inquiétude à ce sujet», aurait-il récemment affirmé devant de riches donateurs à San Francisco.
Propulser le sénateur de l'Illinois vers la Maison-Blanche, c'est bien l'enjeu central de la convention du Parti démocrate qui s'ouvre lundi à Denver (Colorado).
Beaucoup d'électeurs américains attendent ce rendez-vous pour s'intéresser de près à la campagne. Le candidat adoubé par son parti en tire souvent un regain de popularité, même s'il ne garantit pas la victoire.
Conçue comme une fusée à quatre étages, cette gigantesque foire politique, qui tient plus du festival populaire que du Politburo, verra jeudi la nomination officielle du candidat devant 75 000 partisans rassemblés dans l'immense stade en plein air des Broncos, l'équipe de football américain locale. Mais, pour être la rampe de lancement espérée, le show de Denver doit concilier plusieurs impératifs : mettre en vedette le nouveau tandem Obama-Biden (déjà surnommé «Obiden») tout en réunifiant le parti, qui reste divisé après la défaite sur le fil de Hillary Clinton aux primaires ; améliorer l'image du candidat en calmant les craintes suscitées par son parcours atypique ; faire mieux connaître les propositions concrètes de son programme ; projeter l'optimisme et la confiance sans verser dans l'arrogance. À cet égard, la petite phrase du candidat sur sa victoire assurée, prononcée au moment où il recule dans les sondages, montre les risques de l'exercice.
L'équipe d'Obama, réputée pour son sens de l'organisation, a préparé une mise en scène minutieuse de ce qui doit être avant tout un feuilleton télévisé sur quatre jours aux heures de grande écoute :
Lundi soir, Michelle Obama, l'épouse du candidat, tiendra la vedette sur le thème : «Une seule nation.» Elle sera soutenue par d'autres membres de la famille, notamment son frère, Craig Robinson, et la demi-sœur de Barack, Maya Soetero-Ng, dans un effort pour présenter le «parcours américain» du jeune sénateur de père kényan, élevé entre Hawaï et l'Indonésie. D'autres intervenants de choix sont annoncés, comme l'ancien président Jimmy Carter et la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi. Leur mission : défendre le patriotisme et les valeurs du champion démocrate, cibles des attaques de John McCain.
Mardi, le micro sera transmis à Hillary Clinton, toujours à la tête de nombreux partisans motivés. Elle a obtenu que son nom figure sur les bulletins d'investiture au premier tour de scrutin, ce qui ne s'était produit dans aucune convention depuis 1976. Elle sera entourée par une dizaine de gouverneurs et autant d'élus du Congrès, officiellement pour parler de l'économie et de l'assurance-maladie lors d'une soirée intitulée : «Renouveler les promesses de l'Amérique.» En fait, c'est l'unité du Parti démocrate qui se joue là.
Mercredi, Joe Biden, le colistier tout fraîchement désigné, passera son premier examen devant le parti et la nation lors d'une soirée consacrée à la politique étrangère et aux défis énergétiques («Assurer le futur de l'Amérique»). Il sera jugé à l'aune d'un autre orateur, Bill Clinton, jusqu'ici plutôt avare de compliments sur le vainqueur de son épouse.
Jeudi sera le grand soir, celui où Barack Obama doit vraiment apparaître «présidentiel». Comme John F. Kennedy à Los Angeles en juillet 1960, il a décidé de transporter la convention du Pepsi Center de Denver, qui ne contient «que» 20 000 places, à l'Invesco Field, qui en offre 75 000. Le sens du grandiose est censé l'avoir moins motivé que le désir d'ouvrir l'événement aux citoyens ordinaires. Il n'encourt pas moins le reproche d'avoir «l'audace de la vanité», selon la formule du néoconservateur Charles Krauthammer. Le thème choisi pour cette soirée de clôture est celui de la campagne tout entière : «Change we can believe in» («Un changement auquel nous pouvons croire»). Obama y sera précédé par Al Gore, candidat malheureux face à George W. Bush en 2000, mais depuis nobélisé et oscarisé, qui obtient incidemment un traitement de faveur à faire pâlir Bill et Hillary Clinton.
Gagner en crédibilité
Tout cela fait beaucoup de discours, probablement une centaine en quatre jours, dont la plupart n'auront droit qu'à un auditoire distrait. Mais une convention, ce n'est pas que cela. Quelque 50 000 participants, dont 15 000 journalistes du monde entier, sont arrivés à Denver pour la durée des festivités, sans compter le mégasacre de jeudi. Ils s'égailleront dans plus de 1 200 réceptions, concerts et fêtes privées, généreusement financés par les entreprises et les lobbies en quête de connexions avec la relève politique à Washington. Pour réunir les 60 millions de dollars budgétés par le comité d'organisation, l'équipe d'Obama a mis en vente des loges dans le stade des Broncos à un million de dollars pièce : une douzaine d'acquéreurs y ont gagné le droit d'inviter 25 VIP jeudi soir et quelques autres faveurs. Les retombées économiques de ces quatre jours sont estimées à 160 millions de dollars pour la capitale du Colorado.
Une collection de stars confère le glamour qui convient à la manifestation : Madonna, George Clooney, Scarlett Johansson, Ben Affleck, Oprah Winfrey, Bob Dylan, Stevie Wonder et bien d'autres sont attendus. La plupart s'efforceront de rester discrets, les républicains opposant les paillettes qui entourent Obama à «la substance» dont se prévaut McCain. Mais un tournoi de poker réunissant quelque 200 célébrités au profit des vétérans de guerre devrait attirer l'attention. La médiatisation est clairement au cœur de la stratégie démocrate, qui table sur une audience de 20 millions de téléspectateurs en moyenne. Un film à la gloire du candidat sera diffusé pendant la convention, réalisé par Davis Guggenheim, l'auteur d'Une vérité qui dérange avec Al Gore. L'acteur Edward Norton est, lui, derrière la caméra pour tourner un documentaire sur le héros de la fête.
«C'est le plus grand événement que nous ayons jamais vu», dit Richard Grant au Centre de conventions de Denver. La ville n'avait pas accueilli de convention depuis un siècle, et elle n'avait pas réussi à William Bryan, battu en 1908 par William Taft. Mais le choix de l'Ouest lance un signal politique sur l'importance de cette région en novembre prochain : le Colorado, le Nevada, le Nouveau-Mexique, le Montana et les deux Dakotas sont considérés comme «prenables» et, s'ils basculaient dans le camp démocrate, ils pourraient emporter la décision.
Pour tenir compte d'une des préoccupations de cet électorat des grands espaces, un accent particulier a été mis sur l'environnement, avec «la convention la plus verte de l'histoire», du recyclage des déchets à la promotion des deux-roues, jusqu'à la nourriture qu'on y servira. Dans cette région qui reste un bastion des valeurs traditionnelles, une place considérable sera aussi dévolue à la prière et aux débats sur le rôle de la religion dans la sphère publique.
La foule démocrate à Denver sera grossie de milliers de manifestants de tout poil, des partisans déçus de Hillary Clinton à divers groupes «anarchistes». Plusieurs figures proches de McCain se sont aussi invitées en trouble-fête. En 2004, 100 000 personnes avaient défilé à New York pendant la convention républicaine. Les 1 400 policiers de Denver ont reçu des renforts et 50 millions de dollars du budget fédéral pour faire face. Le conseil municipal a désigné une zone ouverte aux protestataires, mais a aussi adopté une loi prohibant le jet de «substances humaines nocives» (excréments) sur la police.
Hillary Clinton a elle-même désigné une escouade de 40 personnes pour faire régner l'ordre parmi ses supporteurs dans l'enceinte de la convention. Afficher l'unité du parti constitue l'un des objectifs majeurs de l'entreprise, alors que les derniers sondages trahissent des doutes de l'électorat au sujet d'Obama. Au-delà la scénographie, c'est sur le fond de son projet politique que le prétendant démocrate doit gagner en crédibilité. «Les conventions réussies tissent en un récit cohérent et convaincant la biographie du candidat, les attaques contre son adversaire, les idées d'avenir et les espoirs de renouveau économique», souligne Matthew Dallek dans le journal Politico.
Barack Obama connaît l'ampleur du défi. Lors d'une visite à Jérusalem, le mois dernier, il a laissé une prière au mur des Lamentations, dévoilée par le quotidien Maariv : «Mon Dieu, protège-moi et ma famille, pardonne-moi mes péchés et garde-moi de l'orgueil ou du désespoir.»
Barack Obama, à l'écart des micros et des caméras, fait preuve d'une belle assurance. «Je vais gagner, n'ayez aucune inquiétude à ce sujet», aurait-il récemment affirmé devant de riches donateurs à San Francisco.
Propulser le sénateur de l'Illinois vers la Maison-Blanche, c'est bien l'enjeu central de la convention du Parti démocrate qui s'ouvre lundi à Denver (Colorado).
Beaucoup d'électeurs américains attendent ce rendez-vous pour s'intéresser de près à la campagne. Le candidat adoubé par son parti en tire souvent un regain de popularité, même s'il ne garantit pas la victoire.
Conçue comme une fusée à quatre étages, cette gigantesque foire politique, qui tient plus du festival populaire que du Politburo, verra jeudi la nomination officielle du candidat devant 75 000 partisans rassemblés dans l'immense stade en plein air des Broncos, l'équipe de football américain locale. Mais, pour être la rampe de lancement espérée, le show de Denver doit concilier plusieurs impératifs : mettre en vedette le nouveau tandem Obama-Biden (déjà surnommé «Obiden») tout en réunifiant le parti, qui reste divisé après la défaite sur le fil de Hillary Clinton aux primaires ; améliorer l'image du candidat en calmant les craintes suscitées par son parcours atypique ; faire mieux connaître les propositions concrètes de son programme ; projeter l'optimisme et la confiance sans verser dans l'arrogance. À cet égard, la petite phrase du candidat sur sa victoire assurée, prononcée au moment où il recule dans les sondages, montre les risques de l'exercice.
L'équipe d'Obama, réputée pour son sens de l'organisation, a préparé une mise en scène minutieuse de ce qui doit être avant tout un feuilleton télévisé sur quatre jours aux heures de grande écoute :
Lundi soir, Michelle Obama, l'épouse du candidat, tiendra la vedette sur le thème : «Une seule nation.» Elle sera soutenue par d'autres membres de la famille, notamment son frère, Craig Robinson, et la demi-sœur de Barack, Maya Soetero-Ng, dans un effort pour présenter le «parcours américain» du jeune sénateur de père kényan, élevé entre Hawaï et l'Indonésie. D'autres intervenants de choix sont annoncés, comme l'ancien président Jimmy Carter et la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi. Leur mission : défendre le patriotisme et les valeurs du champion démocrate, cibles des attaques de John McCain.
Mardi, le micro sera transmis à Hillary Clinton, toujours à la tête de nombreux partisans motivés. Elle a obtenu que son nom figure sur les bulletins d'investiture au premier tour de scrutin, ce qui ne s'était produit dans aucune convention depuis 1976. Elle sera entourée par une dizaine de gouverneurs et autant d'élus du Congrès, officiellement pour parler de l'économie et de l'assurance-maladie lors d'une soirée intitulée : «Renouveler les promesses de l'Amérique.» En fait, c'est l'unité du Parti démocrate qui se joue là.
Mercredi, Joe Biden, le colistier tout fraîchement désigné, passera son premier examen devant le parti et la nation lors d'une soirée consacrée à la politique étrangère et aux défis énergétiques («Assurer le futur de l'Amérique»). Il sera jugé à l'aune d'un autre orateur, Bill Clinton, jusqu'ici plutôt avare de compliments sur le vainqueur de son épouse.
Jeudi sera le grand soir, celui où Barack Obama doit vraiment apparaître «présidentiel». Comme John F. Kennedy à Los Angeles en juillet 1960, il a décidé de transporter la convention du Pepsi Center de Denver, qui ne contient «que» 20 000 places, à l'Invesco Field, qui en offre 75 000. Le sens du grandiose est censé l'avoir moins motivé que le désir d'ouvrir l'événement aux citoyens ordinaires. Il n'encourt pas moins le reproche d'avoir «l'audace de la vanité», selon la formule du néoconservateur Charles Krauthammer. Le thème choisi pour cette soirée de clôture est celui de la campagne tout entière : «Change we can believe in» («Un changement auquel nous pouvons croire»). Obama y sera précédé par Al Gore, candidat malheureux face à George W. Bush en 2000, mais depuis nobélisé et oscarisé, qui obtient incidemment un traitement de faveur à faire pâlir Bill et Hillary Clinton.
Gagner en crédibilité
Tout cela fait beaucoup de discours, probablement une centaine en quatre jours, dont la plupart n'auront droit qu'à un auditoire distrait. Mais une convention, ce n'est pas que cela. Quelque 50 000 participants, dont 15 000 journalistes du monde entier, sont arrivés à Denver pour la durée des festivités, sans compter le mégasacre de jeudi. Ils s'égailleront dans plus de 1 200 réceptions, concerts et fêtes privées, généreusement financés par les entreprises et les lobbies en quête de connexions avec la relève politique à Washington. Pour réunir les 60 millions de dollars budgétés par le comité d'organisation, l'équipe d'Obama a mis en vente des loges dans le stade des Broncos à un million de dollars pièce : une douzaine d'acquéreurs y ont gagné le droit d'inviter 25 VIP jeudi soir et quelques autres faveurs. Les retombées économiques de ces quatre jours sont estimées à 160 millions de dollars pour la capitale du Colorado.
Une collection de stars confère le glamour qui convient à la manifestation : Madonna, George Clooney, Scarlett Johansson, Ben Affleck, Oprah Winfrey, Bob Dylan, Stevie Wonder et bien d'autres sont attendus. La plupart s'efforceront de rester discrets, les républicains opposant les paillettes qui entourent Obama à «la substance» dont se prévaut McCain. Mais un tournoi de poker réunissant quelque 200 célébrités au profit des vétérans de guerre devrait attirer l'attention. La médiatisation est clairement au cœur de la stratégie démocrate, qui table sur une audience de 20 millions de téléspectateurs en moyenne. Un film à la gloire du candidat sera diffusé pendant la convention, réalisé par Davis Guggenheim, l'auteur d'Une vérité qui dérange avec Al Gore. L'acteur Edward Norton est, lui, derrière la caméra pour tourner un documentaire sur le héros de la fête.
«C'est le plus grand événement que nous ayons jamais vu», dit Richard Grant au Centre de conventions de Denver. La ville n'avait pas accueilli de convention depuis un siècle, et elle n'avait pas réussi à William Bryan, battu en 1908 par William Taft. Mais le choix de l'Ouest lance un signal politique sur l'importance de cette région en novembre prochain : le Colorado, le Nevada, le Nouveau-Mexique, le Montana et les deux Dakotas sont considérés comme «prenables» et, s'ils basculaient dans le camp démocrate, ils pourraient emporter la décision.
Pour tenir compte d'une des préoccupations de cet électorat des grands espaces, un accent particulier a été mis sur l'environnement, avec «la convention la plus verte de l'histoire», du recyclage des déchets à la promotion des deux-roues, jusqu'à la nourriture qu'on y servira. Dans cette région qui reste un bastion des valeurs traditionnelles, une place considérable sera aussi dévolue à la prière et aux débats sur le rôle de la religion dans la sphère publique.
La foule démocrate à Denver sera grossie de milliers de manifestants de tout poil, des partisans déçus de Hillary Clinton à divers groupes «anarchistes». Plusieurs figures proches de McCain se sont aussi invitées en trouble-fête. En 2004, 100 000 personnes avaient défilé à New York pendant la convention républicaine. Les 1 400 policiers de Denver ont reçu des renforts et 50 millions de dollars du budget fédéral pour faire face. Le conseil municipal a désigné une zone ouverte aux protestataires, mais a aussi adopté une loi prohibant le jet de «substances humaines nocives» (excréments) sur la police.
Hillary Clinton a elle-même désigné une escouade de 40 personnes pour faire régner l'ordre parmi ses supporteurs dans l'enceinte de la convention. Afficher l'unité du parti constitue l'un des objectifs majeurs de l'entreprise, alors que les derniers sondages trahissent des doutes de l'électorat au sujet d'Obama. Au-delà la scénographie, c'est sur le fond de son projet politique que le prétendant démocrate doit gagner en crédibilité. «Les conventions réussies tissent en un récit cohérent et convaincant la biographie du candidat, les attaques contre son adversaire, les idées d'avenir et les espoirs de renouveau économique», souligne Matthew Dallek dans le journal Politico.
Barack Obama connaît l'ampleur du défi. Lors d'une visite à Jérusalem, le mois dernier, il a laissé une prière au mur des Lamentations, dévoilée par le quotidien Maariv : «Mon Dieu, protège-moi et ma famille, pardonne-moi mes péchés et garde-moi de l'orgueil ou du désespoir.»