Correspondant à Moscou
Voici déjà huit mois que Taïssia Ossipova est en prison et sept années l'attendent encore derrière les barreaux. Mais du centre pénitencier de Smolensk où elle purge sa peine, cette femme de 28 ans affirme qu'elle ne sortira plus. «Dans mon état de santé, je ne survivrai pas à huit ans de cellule», explique-t-elle dans un entretien au Figaro, réalisé via son avocat. Souffrant d'un diabète, elle est soignée, dit-elle, dans des conditions «moyenâgeuses». «Les conditions sont telles qu'une personne en bonne santé sortira malade de cette prison. À tous les malades, les médecins se contentent de distribuer des analgésiques.» Lors de la révision de son procès, Taïssia Ossipova a été condamnée le 28 août pour «trafic de drogue». Une affaire «politique, montée de toutes pièces», dénonce-t-elle.
Neuf grammes d'héroïne
Tout comme son mari, l'un des leaders du parti L'Autre Russie, Taïssia Ossipova milite depuis douze ans dans cette formation radicale créée par l'écrivain Édouard Limonov, bête noire du Kremlin. Son premier fait d'armes, elle l'accomplit à 19 ans, lorsqu'elle gifle avec un bouquet d'œillets l'ancien gouverneur de Smolensk, Viktor Maslov, ex-chef du FSB local. Depuis, elle accuse le Centre de lutte contre l'extrémisme de «harcèlement». Cette structure qui dépend des services de sécurité n'a pas donné suite à nos demandes d'interview.
Le 23 novembre 2010, à l'issue d'une perquisition conduite au domicile de Taïssia Ossipova, les policiers découvrent neuf grammes d'héroïne et interpellent la militante. Leur enquête s'appuie sur le témoignage d'un «indic» qui affirme avoir acheté quatre grammes à la jeune femme, trois semaines plus tôt. S'ensuit, selon son avocate, une succession de «fausses dépositions». L'héroïne aurait été intentionnellement déposée par les policiers. La défense n'a pas pu faire citer le principal témoin à décharge, Anton Mandrik, présent au moment de la perquisition. «Il était sous l'emprise de narcotiques», selon le ministère de l'Intérieur. S'appuyant sur des relevés téléphoniques, l'avocat découvre que le fameux «indic», cité par la police, était absent de l'appartement au moment de la transaction…. «Les différents témoignages écrits produits par la police, émanant notamment des militants de jeunesse pro-poutiniens, ont été tapés au carbone en plusieurs exemplaires, tous identiques à la virgule près», ajoute Taïssia Ossipova. Dans les milieux d'opposition, certains doutent néanmoins de la probité du témoin Anton Mandrik. Ils se demandent comment une activiste politique, qui se savait sous surveillance étroite de la police, a pu «commettre l'imprudence d'héberger chez elle un toxicomane». L'intéressée affirme n'avoir jamais consommé de drogue.
Seconde condamnation
Le 29 décembre 2011, au lendemain d'une énorme manifestation anti-Poutine, la jeune femme est condamnée en première instance à dix ans de camp. Un mois plus tard, elle figure sur une liste de «prisonniers politiques» transmise par l'opposition au président Medvedev. Ce dernier ordonne au parquet russe de réexaminer l'affaire mais le second procès, qui se déroule après le retour de Vladimir Poutine au Kermlin, fait l'objet de dérapages procéduraux identiques. Plusieurs documents compromettants pour la police sont ignorés. Le procureur réclame quatre ans d'emprisonnement, mais à la surprise générale, le tribunal double la mise: huit ans. Un véritable camouflet pour l'ancien chef du Kremlin, aujourd'hui premier ministre.
«L'ordre vient de tout en haut. Après s'être permis d'enfreindre les normes juridiques les plus élémentaires, un simple tribunal local ne peut prononcer seul un tel verdict», affirme Taïssia Ossipova. Cette seconde condamnation n'aurait d'autre but que de «contraindre mon mari à cesser toute activité politique». Ce dernier vit à Moscou et ne remet plus les pieds à Smolensk par crainte de se faire arrêter. «Ce pouvoir ne respecte que la force, tandis que les faibles sont piétinés», conclut-elle. Le procureur vient de faire appel du jugement.
Par Pierre Avril
Voici déjà huit mois que Taïssia Ossipova est en prison et sept années l'attendent encore derrière les barreaux. Mais du centre pénitencier de Smolensk où elle purge sa peine, cette femme de 28 ans affirme qu'elle ne sortira plus. «Dans mon état de santé, je ne survivrai pas à huit ans de cellule», explique-t-elle dans un entretien au Figaro, réalisé via son avocat. Souffrant d'un diabète, elle est soignée, dit-elle, dans des conditions «moyenâgeuses». «Les conditions sont telles qu'une personne en bonne santé sortira malade de cette prison. À tous les malades, les médecins se contentent de distribuer des analgésiques.» Lors de la révision de son procès, Taïssia Ossipova a été condamnée le 28 août pour «trafic de drogue». Une affaire «politique, montée de toutes pièces», dénonce-t-elle.
Neuf grammes d'héroïne
Tout comme son mari, l'un des leaders du parti L'Autre Russie, Taïssia Ossipova milite depuis douze ans dans cette formation radicale créée par l'écrivain Édouard Limonov, bête noire du Kremlin. Son premier fait d'armes, elle l'accomplit à 19 ans, lorsqu'elle gifle avec un bouquet d'œillets l'ancien gouverneur de Smolensk, Viktor Maslov, ex-chef du FSB local. Depuis, elle accuse le Centre de lutte contre l'extrémisme de «harcèlement». Cette structure qui dépend des services de sécurité n'a pas donné suite à nos demandes d'interview.
Le 23 novembre 2010, à l'issue d'une perquisition conduite au domicile de Taïssia Ossipova, les policiers découvrent neuf grammes d'héroïne et interpellent la militante. Leur enquête s'appuie sur le témoignage d'un «indic» qui affirme avoir acheté quatre grammes à la jeune femme, trois semaines plus tôt. S'ensuit, selon son avocate, une succession de «fausses dépositions». L'héroïne aurait été intentionnellement déposée par les policiers. La défense n'a pas pu faire citer le principal témoin à décharge, Anton Mandrik, présent au moment de la perquisition. «Il était sous l'emprise de narcotiques», selon le ministère de l'Intérieur. S'appuyant sur des relevés téléphoniques, l'avocat découvre que le fameux «indic», cité par la police, était absent de l'appartement au moment de la transaction…. «Les différents témoignages écrits produits par la police, émanant notamment des militants de jeunesse pro-poutiniens, ont été tapés au carbone en plusieurs exemplaires, tous identiques à la virgule près», ajoute Taïssia Ossipova. Dans les milieux d'opposition, certains doutent néanmoins de la probité du témoin Anton Mandrik. Ils se demandent comment une activiste politique, qui se savait sous surveillance étroite de la police, a pu «commettre l'imprudence d'héberger chez elle un toxicomane». L'intéressée affirme n'avoir jamais consommé de drogue.
Seconde condamnation
Le 29 décembre 2011, au lendemain d'une énorme manifestation anti-Poutine, la jeune femme est condamnée en première instance à dix ans de camp. Un mois plus tard, elle figure sur une liste de «prisonniers politiques» transmise par l'opposition au président Medvedev. Ce dernier ordonne au parquet russe de réexaminer l'affaire mais le second procès, qui se déroule après le retour de Vladimir Poutine au Kermlin, fait l'objet de dérapages procéduraux identiques. Plusieurs documents compromettants pour la police sont ignorés. Le procureur réclame quatre ans d'emprisonnement, mais à la surprise générale, le tribunal double la mise: huit ans. Un véritable camouflet pour l'ancien chef du Kremlin, aujourd'hui premier ministre.
«L'ordre vient de tout en haut. Après s'être permis d'enfreindre les normes juridiques les plus élémentaires, un simple tribunal local ne peut prononcer seul un tel verdict», affirme Taïssia Ossipova. Cette seconde condamnation n'aurait d'autre but que de «contraindre mon mari à cesser toute activité politique». Ce dernier vit à Moscou et ne remet plus les pieds à Smolensk par crainte de se faire arrêter. «Ce pouvoir ne respecte que la force, tandis que les faibles sont piétinés», conclut-elle. Le procureur vient de faire appel du jugement.
Par Pierre Avril