"Un show". C'est ainsi que le journaliste Roméo Langlois a qualifié mercredi sa capture par les Farc. Pour le journaliste français, il n'y a pas de doute: sa détention et sa libération ne sont qu'une manoeuvre des rebelles colombiens pour se faire de la publicité. "Ce que veulent les Farc, c'est de la publicité. C'est montrer qu'ils sont encore là, contrairement à ce que dit la presse, qu'ils combattent et infligent des pertes tous les jours aux forces colombiennes", assure le journaliste.
Sa libération en est une preuve flagrante. Mercredi, un groupe de rebelles le conduit à San Isidro, un petit village de 300 habitants, situé dans la forêt du département de Caqueta, non loin du lieu où il avait été capturé le 28 avril au cours d'un reportage avec l'armée.
Installé sur le siège passager d'un véhicule de la guérilla, le correspondant de France 24 apparaît, souriant, une petite caméra à la main. Il est accueilli chaleureusement par la population avant une longue cérémonie sur une estrade montée dans l'école du village. Lors de cette mise en scène, le journaliste explique qu'il a été traité "comme un invité". Cette libération a des airs de fête: plusieurs vaches sont tuées pour faire un grand barbecue, "dans une région où la viande est assez rare", raconte Patrick Bèle, grand reporter au Figaro, dans une vidéo. Pour lui, c'est l'organisation de cette libération qui a prolongé la détention de Roméo Langlois, qui aurait pu être libéré plus tôt.
Témoignage d'un chef des Farc
Pourtant, les guerilléros ont d'abord pris le journaliste pour un "prisonnier de guerre". Lorsque Roméo Langlois a été capturé, il se trouvait avec une brigade anti-narcotiques. D'abord troublée par cette méprise, la guérilla prend rapidement avantage de la situation. Le premier exemple marquant est celui de la vidéo de la preuve de vie de leur prisonnier. Le journaliste, interrogé par une femme, se montre détendu, et plaisante: "C'est curieux, d'habitude, c'est moi qui pose les questions". Cette vidéo montre aussi un rebelle, présenté comme Colacho Mendoza, un chef du "front 15" des Farc. En guise de décor: la forêt et des armes. L'homme raconte que l'armée était venue détruire un laboratoire de drogue. "Vous pourrez le vérifier avec le prisonnier lui-même quand vous lui parlerez", indique-t-il, ajoutant que "ce n'est un secret pour personne que dans la région, le paysan n'a pas d'autre choix que de vivre de la coca".
Quant à Roméo Langlois, il peut même réaliser une vidéo de 13 minutes lors de sa détention et a interviewé l'un des chefs du groupe, avec une caméra fournie par la guérilla. Début mai, les Farc posent d'ailleurs la condition suivante à la libération de leur otage: l'ouverture d'un "débat" sur le rôle de la presse en Colombie.
Lettre à Hollande
Ce vendredi, Roméo Langlois, qui doit être reçu à l'Elysée par François Hollande à 16h, devrait remettre une lettre des Farc au président la République. "Je ne peux évidemment pas en divulguer le contenu car c'est adressé au président Hollande. Mais les Farc sont d'accord pour qu'elle soit publiée si lui le souhaite", avait déclaré le journaliste au lendemain de sa libération lors d'une conférence de presse organisée à l'ambassade de France à Bogota.
Le journaliste a seulement indiqué que la missive lance un appel à des "pays amis" afin d'aider à une "sortie négociée" du conflit colombien.