A l'initiative de la Ville, la cérémonie devait être retransmise sur écran géant, à l'extérieur de la mairie. "J'ai fait cette suggestion à Hollande qu'il l'a trouvée très bonne", s'est justifié M. Delanoë. Soucieux de couper court aux procès de l'UMP parisienne, qui l'accuse de transformer cette tradition républicaine en "Bastille bis", il a ajouté, narquois : "La droite ne m'a pas soufflé l'idée en 2007 pour la visite de Nicolas Sarkozy !"
Comme il l'avait fait pour le roi d'Espagne, Juan Carlos, le maire de Paris a prévu d'accueillir le président sur le parvis de l'hôtel de Ville. Les deux hommes devaient avoir un tête-à-tête dans le bureau du maire. "Pour l'entretien, j'ai demandé à François Hollande ce qu'il souhaitait, précisait encore M. Delanoë, lundi, aux petits soins. Hollande a souhaité que nous soyons tous les deux."
Conjectures sur l'entrée du maire au gouvernement
Autant que les préparatifs de la venue du nouveau chef de l'Etat, les conjectures sur l'entrée du maire au gouvernement était l'autre motif d'effervescence, lundi, dans les couloirs de la mairie. "Delanoë sera ministre de la justice, voire de la culture", conjecturaient nombre de socialistes parisiens, ces derniers jours. "Ministre de la justice, il légalisera le mariage homo et fera adopter le droit des vote des étrangers aux élections locales", se félicitait, lundi encore, un maire PS d'arrondissement.
Mais entre les pivoines et les pois de senteur qui ornaient la table du rituel déjeuner de chaque conseil de Paris avec la presse, M. Delanoë a nettement contribué à dégonfler la rumeur. Avant même de s'asseoir, il s'est souvenu de Gaston Deferre qui lui a dit, un jour : "J'ai failli être candidat à la présidentielle. J'aurais pu être premier ministre. Mais vous savez, il n'y a rien de plus beau que d'être monsieur le maire."
A la presse, avide de confidences sur ses espérances, M. Delanoë a répondu :"Je suis maire et heureux de l'être. Je n'ai pas besoin d'une place. J'en ai une. On peut être efficace et très engagé dans la réussite du quinquennat en étant dans la fonction de maire de Paris", a-t-il ajouté. Avant de lancer, au moment du café, "une invitation à déjeuner" aux journalistes pour le prochain conseil... le 19 juin.
"Il espère être nommé ministre, mais s'interdit d'y croire", décryptait un maire (PS) d'arrondissement, à l'issue du déjeuner. Certains se disaient au contraire certains qu'"il n'y aura pas de ministre parisien au gouvernement". "Comme à son habitude, Bertrand hésite et ne s'est pas battu pour avoir un portefeuille", confiait un membre de l'exécutif, sous couvert d'anonymat.
Une équation parisienne difficile à résoudre
Pour François Hollande, l'équation parisienne est de fait difficile à résoudre : "Delanoë est un homme, Hollande cherche des femmes. S'il le nomme, c'est à un ministère régalien, poursuivait ce même adjoint du maire. Or, les éléphants du PS se battent déjà pour les places."
Un autre scénario a circulé aussi ces derniers jours : l'entrée au gouvernement d'Anne Hidalgo, première adjointe du maire de Paris. Au déjeuner, lundi, M. Delanoë a toutefois laissé transparaître ses réserves à la perspectives du départ de celle qu'il a intronisée comme sa dauphine : "Anne Hidalgo est une grande fille. Elle a démontré qu'elle avait beaucoup de constance. Je l'apprécie beaucoup comme première adjointe. Je fais partie des Parisiens, plus nombreux que vous ne le pensez, qui associent Anne Hidalgo à l'avenir de Paris", a-t-il lancé en sa présence. Le maire de Paris, qui a annoncé qu'il ne représenterait pas en 2014, redoute qu'une guerre de succession ne s'ouvre si celle qu'il espère voir lui succéder s'éloigne des affaires parisiennes.
En revanche, Mme Hidalgo ne verrait pas, elle, d'un mauvais œil l'entrée de M.Delanoë au gouvernement, selon plusieurs élus PS de la capitale. Maire élue dans la foulée, Mme Hidalgo profiterait de ce passage de flambeau à mi-mandat pour asseoir sa légitimité en vue des municipales. "Cela fait onze ans que je suis première adjointe, je me sens prête pour le job", confiait-elle au soir du second tour de la présidentielle, le 6 mai.
La droite parisienne à l'affût
Si Paris n'a pas d'élu au gouvernement, la capitale ne tirera pas moins bénéfice de la victoire de M. Hollande. C'est du moins ce que pense M. Delanoë qui entend "optimiser" la victoire de la gauche pour "faire avancer les dossiers Parisiens". Il espère ainsi relancer son projet de piétonisation des voies sur berges, stoppé par François Fillon et encourager M. Hollande à mettre en œuvre sa promesse d'encadrement des prix des loyers.
En revanche, le maire de Paris s'est dit prêt, lundi, à faire une croix sur les quelque centaines de millions d'euros qu'il estimait, jusqu'ici, devoir être versés par le gouvernement à la capitale au titre de la compensation de certaines dépenses sociales. "Depuis dix ans, la droite accumule des dettes vis-à-vis des collectivités locales et surtout vis-à-vis de Paris, et vous croyez que je vais présenter la facture à François Hollande quand on voit le montant de dette de l'Etat !", s'est-il exclamé.
La petite phrase a soudain réveillé la droite parisienne, à l'affût d'une polémique qui fasse oublier la liesse socialiste. "La dette de l'Etat vis-à-vis de Paris s'efface quand le gouvernement change de couleur, C'est magique !",s'est exclamé, dans les couloirs, Philippe Goujon, patron de la fédération UMP de Paris et maire du 15e arrondissement. "Que ne s'est-il occupé de la dette de l'Etat avant d'espérer un poste de ministre !", ironisait Jean-François Lamour, le patron du groupe UMP au conseil de Paris, entonnant à son tour le chant du départ de M. Delanoë.
>> Au conseil de Paris bruissent les rumeurs d'un départ de Bertrand Delanoë
Béatrice Jérôme