Les Sénégalais n’ont pas encore réalisé la portée des événements de la nuit. Mais, déjà, c’est la fin d’une tentative d’union entre deux États d’Afrique occidentale nouvellement indépendants et dont l’ambition affichée des dirigeants était d’éviter la balkanisation du continent. Commencée le 17 janvier 1959 à quatre (avec le Dahomey et la Haute-Volta, avant que ces deux pays ne se retirent), l’expérience aura duré 506 jours, pour un fonctionnement effectif de deux mois seulement.
Ambitions personnelles
La Fédération pouvait-elle durer longtemps, résister aux élans nationalistes des deux bords, aux ambitions personnelles de Modibo Keita, Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia ? Quelques anecdotes, rappelées des années plus tard par Amadou Hampâté Bâ, montrent bien que le départ était plus qu’étrange. Le jour où le drapeau de la Fédération du Mali est hissé pour la première fois, il arrive au sommet du mât à l’envers. Tout le monde s’en étant aperçu à ce moment-là, l’opération recommence mais sans la musique d’usage. Autre anecdote, alors que Modibo Keita, président de la Fédération, se prépare à prendre l’ascenseur pour aller recevoir la « clé » de la Fédération des mains du représentant de la France, l’appareil tombe en panne. Et lorsque la clé finit par lui être remise, elle lui tombe des mains ! Des signes annonciateurs d’un échec annoncé ? Peut-être.
Ce 20 août, les dirigeants de la Fédération du Mali avaient prévu une rencontre importante pour clarifier de nombreux points de friction, notamment en ce qui concerne le partage des responsabilités entre Sénégalais et Soudanais. Ce tête-à-tête était l’occasion de mettre les points sur les « i » avant l’élection présidentielle, à laquelle Modibo Keita et Senghor devaient se présenter. Mais, entre les deux parties, la suspicion a pris le pas sur la collaboration. Les Sénégalais, par exemple, trouvent qu’ils sont de plus en plus envahis par des fonctionnaires soudanais. Et que Keita outrepasse ses compétences en s’ingérant dans les affaires internes du Sénégal. Ils lui reprochent surtout d’avoir nommé un chef d’état-major de l’armée de son obédience sans le contreseing du ministre de la Défense et de la Sécurité extérieure, Mamadou Dia, vice-président du gouvernement fédéral et président du Conseil sénégalais. Il s’engage alors une véritable course au pouvoir, chaque camp voulant se donner les moyens de s’assurer le contrôle de la situation.
Le soir du 19 août, lors d’un Conseil des ministres extraordinaire auquel ne participe qu’un ministre sénégalais, Keita ouvre les hostilités en prenant un certain nombre de mesures : instauration de l’état d’urgence, destitution de Mamadou Dia… Dans un message radiodiffusé, il accuse « certains dirigeants maliens [de vouloir] sous le prétexte d’élections présidentielles […]mettre en cause l’intégrité du territoire national et de vouloir créer un état de tension qui risque d’être à l’origine d’incidents extrêmement graves. Mais les Sénégalais, s’estimant chez eux, pensent que leur honneur est en jeu. Et ils anticipent en mettant aux arrêts le chef d’état-major de l’armée nommé par Keita. Tout le reste n’est plus qu’un jeu d’enfant. Un rêve d’union s’éteint, au grand plaisir de ceux qui ne le voyaient pas d’un bon œil : le voisin Félix Houphouët-Boigny et les Français, notamment.
jeune afrique / leral
Ambitions personnelles
La Fédération pouvait-elle durer longtemps, résister aux élans nationalistes des deux bords, aux ambitions personnelles de Modibo Keita, Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia ? Quelques anecdotes, rappelées des années plus tard par Amadou Hampâté Bâ, montrent bien que le départ était plus qu’étrange. Le jour où le drapeau de la Fédération du Mali est hissé pour la première fois, il arrive au sommet du mât à l’envers. Tout le monde s’en étant aperçu à ce moment-là, l’opération recommence mais sans la musique d’usage. Autre anecdote, alors que Modibo Keita, président de la Fédération, se prépare à prendre l’ascenseur pour aller recevoir la « clé » de la Fédération des mains du représentant de la France, l’appareil tombe en panne. Et lorsque la clé finit par lui être remise, elle lui tombe des mains ! Des signes annonciateurs d’un échec annoncé ? Peut-être.
Ce 20 août, les dirigeants de la Fédération du Mali avaient prévu une rencontre importante pour clarifier de nombreux points de friction, notamment en ce qui concerne le partage des responsabilités entre Sénégalais et Soudanais. Ce tête-à-tête était l’occasion de mettre les points sur les « i » avant l’élection présidentielle, à laquelle Modibo Keita et Senghor devaient se présenter. Mais, entre les deux parties, la suspicion a pris le pas sur la collaboration. Les Sénégalais, par exemple, trouvent qu’ils sont de plus en plus envahis par des fonctionnaires soudanais. Et que Keita outrepasse ses compétences en s’ingérant dans les affaires internes du Sénégal. Ils lui reprochent surtout d’avoir nommé un chef d’état-major de l’armée de son obédience sans le contreseing du ministre de la Défense et de la Sécurité extérieure, Mamadou Dia, vice-président du gouvernement fédéral et président du Conseil sénégalais. Il s’engage alors une véritable course au pouvoir, chaque camp voulant se donner les moyens de s’assurer le contrôle de la situation.
Le soir du 19 août, lors d’un Conseil des ministres extraordinaire auquel ne participe qu’un ministre sénégalais, Keita ouvre les hostilités en prenant un certain nombre de mesures : instauration de l’état d’urgence, destitution de Mamadou Dia… Dans un message radiodiffusé, il accuse « certains dirigeants maliens [de vouloir] sous le prétexte d’élections présidentielles […]mettre en cause l’intégrité du territoire national et de vouloir créer un état de tension qui risque d’être à l’origine d’incidents extrêmement graves. Mais les Sénégalais, s’estimant chez eux, pensent que leur honneur est en jeu. Et ils anticipent en mettant aux arrêts le chef d’état-major de l’armée nommé par Keita. Tout le reste n’est plus qu’un jeu d’enfant. Un rêve d’union s’éteint, au grand plaisir de ceux qui ne le voyaient pas d’un bon œil : le voisin Félix Houphouët-Boigny et les Français, notamment.
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