Abdoulaye Wade élection présidentielle 2012 M23
Le vent tourne, mais Abdoulaye Wade ne veut rien entendre. Le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé lui conseille-t-il une «relève générationnelle»? Ce sera pour plus tard. A en croire l’explication de texte aussitôt donnée par Serigne Mbacké Ndiaye, le porte-parole de la présidence sénégalaise, Wade et Juppé sont en fait sur la même longueur d’ondes: le président Wade pensera à l’alternance générationnelle —mais seulement «à partir de 2012». Lui demande-t-il de partir? Ousmane Ngom, le ministre de l’Intérieur, prend des accents «gbagbistes» pour dénoncer une «ingérence étrangère dans les affaires intérieures du Sénégal». De même que Madické Niang, le ministre des Affaires étrangères, qui estime que le «Sénégal n’a de leçons de démocratie à recevoir de personne». Wade n’en continue pas moins d’être critiqué de toutes parts… Wole Soyinka, prix Nobel de littérature, l’a comparé le 2 février à Robert Mugabe en tant «qu’octogénaire inamovible» s’accrochant au pouvoir.
«Mais qu’est-ce qui leur arrive pour penser que s’ils quittent le pouvoir, la terre va s’arrêter de tourner?», a ainsi lancé le célèbre auteur nigérian.
Fodé Sylla, ancien président de SOS Racisme en France, a lui aussi appelé Wade à «sortir par la grande porte». Bientôt, c’est l’artiste ivoirien Tiken Jah Fakoly qui va demander aux chefs d’Etat de prendre exemple sur Nelson Mandela, plutôt que de se tailler des Constitutions sur mesure pour rester au pouvoir. Deux nouvelles chansons, Alerte et La porte de l’histoire, vont sortir le 25 février —à la veille du premier tour de la présidentielle au Sénégal. Mais là encore, rien ne garantit qu’Abdoulaye Wade se sente spécialement visé.
Seuls les faucons restent
A l’international, il ne reste plus qu’un seul chef d’Etat pour le soutenir ouvertement, en la personne de son fantasque voisin, Yayah Jammeh, président de la Gambie. A l’intérieur de son propre camp, Abdoulaye Wade, devenu président en 2000 à la faveur d’une large aspiration du Sénégal pour le Sopi («changement» en wolof, son slogan de campagne), est loin de faire l’unanimité. Seuls les faucons et les partisans les plus durs restent autour de lui, parmi lesquels Cheikh Tidiane Sy, ministre de la Justice et ancien conseiller de Mobutu Sese Seko, mais aussi Farba Senghor, ancien ministre et chargé de la propagande du Parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir), ou encore Aïda Mbodj, vice-présidente de l’Assemblée nationale.
Les défections se sont multipliées ces derniers mois. Depuis janvier 2011, un vent de fronde souffle au sein du PDS. Certains ont marqué leur désaccord sur un énième projet de réforme constitutionnelle alors lancé par Abdoulaye Wade. Le président envisageait d’imposer, à quelques mois de la présidentielle du 26 février 2012, un ticket présidentiel (un président et un vice-président) éligible au premier tour avec une majorité simple de 25% des voix. N’ayant pas écouté les critiques au sein de son parti, Abdoulaye Wade a finalement dû renoncer à son projet sous la pression de la rue, après les émeutes du 23 juin.
Opposé depuis le début à cette réforme constitutionnelle, l’idéologue du PDS, Lamine Ba, vice-président de l’Internationale libérale et administrateur général adjoint du parti au pouvoir, a claqué la porte en septembre. Il s’affiche depuis aux côtés d’Idrissa Seck, ex-Premier ministre de Wade et présidentiable. Aminata Tall, une dirigeante historique du PDS, ancienne ministre des Collectivités locales et ex-secrétaire générale de la présidence, a elle aussi démissionné du PDS, en mars 2011. Elle a d’abord préparé sa propre candidature à la présidentielle, avant d’y renoncer pour finalement rejoindre Macky Sall, un autre ancien Premier ministre de Wade tombé en disgrâce.
Craintes de poursuites judiciaires
Autre perte de poids pour le PDS: Abdou Fall, qui a rendu sa double casquette de ministre d’Etat et de directeur du cabinet politique du président, le 25 janvier, alors qu’il était déjà au placard depuis plusieurs mois.
Tout comme Lamine Ba, cet homme avait été l’un des rares à oser critiquer le projet de réforme constitutionnelle abandonné le 23 juin —un projet avec lequel Wade s’est mis une large part de l’opinion à dos.
La liste est longue, de ceux qui ont quitté le navire, comme Serigne Babacar Diop, ancien responsable des cadres du PDS, qui a rejoint Idrissa Seck en septembre, ou encore Bakar Dia, responsable d’un parti allié du PDS, le Front populaire écologiste (FPE), qui s’est désolidarisé en décembre. Jusqu’au niveau local, la grogne monte, comme à Podor, où les jeunes libéraux ont lancé un ultimatum au gouvernement.
Alors qu’on s’interroge sur les perspectives d’avenir de Karim Wade, le très impopulaire fils du président, les mauvaises langues accusent les responsables du PDS de se ménager des portes de sortie dès maintenant, par crainte d’avoir des comptes à rendre plus tard, en cas d’alternance. Moustapha Niasse, l’un des principaux rivaux d’Abdoulaye Wade à la présidentielle du 26 février, a en effet promis des poursuites judiciaires contre les dignitaires du régime Wade ayant notamment détourné des fonds publics.
Sabine Cessou slateafrique.com
Le vent tourne, mais Abdoulaye Wade ne veut rien entendre. Le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé lui conseille-t-il une «relève générationnelle»? Ce sera pour plus tard. A en croire l’explication de texte aussitôt donnée par Serigne Mbacké Ndiaye, le porte-parole de la présidence sénégalaise, Wade et Juppé sont en fait sur la même longueur d’ondes: le président Wade pensera à l’alternance générationnelle —mais seulement «à partir de 2012». Lui demande-t-il de partir? Ousmane Ngom, le ministre de l’Intérieur, prend des accents «gbagbistes» pour dénoncer une «ingérence étrangère dans les affaires intérieures du Sénégal». De même que Madické Niang, le ministre des Affaires étrangères, qui estime que le «Sénégal n’a de leçons de démocratie à recevoir de personne». Wade n’en continue pas moins d’être critiqué de toutes parts… Wole Soyinka, prix Nobel de littérature, l’a comparé le 2 février à Robert Mugabe en tant «qu’octogénaire inamovible» s’accrochant au pouvoir.
«Mais qu’est-ce qui leur arrive pour penser que s’ils quittent le pouvoir, la terre va s’arrêter de tourner?», a ainsi lancé le célèbre auteur nigérian.
Fodé Sylla, ancien président de SOS Racisme en France, a lui aussi appelé Wade à «sortir par la grande porte». Bientôt, c’est l’artiste ivoirien Tiken Jah Fakoly qui va demander aux chefs d’Etat de prendre exemple sur Nelson Mandela, plutôt que de se tailler des Constitutions sur mesure pour rester au pouvoir. Deux nouvelles chansons, Alerte et La porte de l’histoire, vont sortir le 25 février —à la veille du premier tour de la présidentielle au Sénégal. Mais là encore, rien ne garantit qu’Abdoulaye Wade se sente spécialement visé.
Seuls les faucons restent
A l’international, il ne reste plus qu’un seul chef d’Etat pour le soutenir ouvertement, en la personne de son fantasque voisin, Yayah Jammeh, président de la Gambie. A l’intérieur de son propre camp, Abdoulaye Wade, devenu président en 2000 à la faveur d’une large aspiration du Sénégal pour le Sopi («changement» en wolof, son slogan de campagne), est loin de faire l’unanimité. Seuls les faucons et les partisans les plus durs restent autour de lui, parmi lesquels Cheikh Tidiane Sy, ministre de la Justice et ancien conseiller de Mobutu Sese Seko, mais aussi Farba Senghor, ancien ministre et chargé de la propagande du Parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir), ou encore Aïda Mbodj, vice-présidente de l’Assemblée nationale.
Les défections se sont multipliées ces derniers mois. Depuis janvier 2011, un vent de fronde souffle au sein du PDS. Certains ont marqué leur désaccord sur un énième projet de réforme constitutionnelle alors lancé par Abdoulaye Wade. Le président envisageait d’imposer, à quelques mois de la présidentielle du 26 février 2012, un ticket présidentiel (un président et un vice-président) éligible au premier tour avec une majorité simple de 25% des voix. N’ayant pas écouté les critiques au sein de son parti, Abdoulaye Wade a finalement dû renoncer à son projet sous la pression de la rue, après les émeutes du 23 juin.
Opposé depuis le début à cette réforme constitutionnelle, l’idéologue du PDS, Lamine Ba, vice-président de l’Internationale libérale et administrateur général adjoint du parti au pouvoir, a claqué la porte en septembre. Il s’affiche depuis aux côtés d’Idrissa Seck, ex-Premier ministre de Wade et présidentiable. Aminata Tall, une dirigeante historique du PDS, ancienne ministre des Collectivités locales et ex-secrétaire générale de la présidence, a elle aussi démissionné du PDS, en mars 2011. Elle a d’abord préparé sa propre candidature à la présidentielle, avant d’y renoncer pour finalement rejoindre Macky Sall, un autre ancien Premier ministre de Wade tombé en disgrâce.
Craintes de poursuites judiciaires
Autre perte de poids pour le PDS: Abdou Fall, qui a rendu sa double casquette de ministre d’Etat et de directeur du cabinet politique du président, le 25 janvier, alors qu’il était déjà au placard depuis plusieurs mois.
Tout comme Lamine Ba, cet homme avait été l’un des rares à oser critiquer le projet de réforme constitutionnelle abandonné le 23 juin —un projet avec lequel Wade s’est mis une large part de l’opinion à dos.
La liste est longue, de ceux qui ont quitté le navire, comme Serigne Babacar Diop, ancien responsable des cadres du PDS, qui a rejoint Idrissa Seck en septembre, ou encore Bakar Dia, responsable d’un parti allié du PDS, le Front populaire écologiste (FPE), qui s’est désolidarisé en décembre. Jusqu’au niveau local, la grogne monte, comme à Podor, où les jeunes libéraux ont lancé un ultimatum au gouvernement.
Alors qu’on s’interroge sur les perspectives d’avenir de Karim Wade, le très impopulaire fils du président, les mauvaises langues accusent les responsables du PDS de se ménager des portes de sortie dès maintenant, par crainte d’avoir des comptes à rendre plus tard, en cas d’alternance. Moustapha Niasse, l’un des principaux rivaux d’Abdoulaye Wade à la présidentielle du 26 février, a en effet promis des poursuites judiciaires contre les dignitaires du régime Wade ayant notamment détourné des fonds publics.
Sabine Cessou slateafrique.com