Chaque année, lors du nouvel an chinois, la tradition veut que les familles et les amis se remettent une enveloppe rouge contenant de l'argent en signe de chance et de prospérité. En février 2016, les citoyens chinois n'ont pas dérogé à la règle. À la seule différence que 400 millions d'entre eux n'ont pas remis de véritables enveloppes rouges à leurs proches. Ils ont envoyé d'un clic un virement en ligne via l'application WeChat.
Ce détournement virtuel de la tradition en dit long sur le caractère incontournable de WeChat dans le quotidien de ses quelques 700 millions d'utilisateurs. Comme le rappelleThe Economist, l'application est un symbole de l'immense capacité d'innovation de la Chine.
Super-application
WeChat a été lancé en 2011 à la suite d'un appel à projet du géant de l'internet chinois Tencent. À la tête d'un empire qui s'étend de Weibo –l'équivalent local de Twitter– à Ten Pay –le PayPal chinois–, Tencent souhaitait développer un réseau social en ligne de pointe, capable de concurrencer les offres occidentales. Ainsi naquit Weixin, dont le nom fut anglicisé en WeChat en 2012 dans le but de son exportation hors des frontières chinoises.
Et l'application ne se résume pas à une simple copie. Elle représente une véritable révolution technologique dans la perspective d'un monde d'objets connectés. Une vidéo de publicité diffusée sur la chaîne YouTube de WeChat permet d'appréhender toutes les interactions rendues possibles par l'application.
L'utilisateur peut non seulement dialoguer avec ses amis et publier du contenu mais également effectuer des achats en ligne, investir de l'argent sur des places financières, lire le journal, regarder un film et la liste pourrait s'allonger indéfiniment.
WeChat est à elle seule un condensé d'Instagram, Facebook, Viber, Tinder...
WeChat est alors à elle seule un condensé d'Instagram, Facebook, Viber, Tinder, CandyCrush, Amazon et de toutes les autres petites pastilles colorées qui s'accumulent sur votre smartphone. Comme le précise une vidéo du New York Times intitulée «Comment la Chine transforme votre internet», WeChat a même développé des fonctionnalités inédites en Occident, comme de pouvoir estimer la fréquentation d'un lieu avant de s'y rendre.
Big Brother?
WeChat ne pèse pas dans la balance qu'en nombres d'utilisateurs. Comme le rappelle Forbes, sur les premiers mois de 2016, WeChat a généré 1,8 milliard de dollars sur les revenus mobiles envoyant au tapis sans ménagement WhatsApp et ses 49 millions de dollars de bénéfice.
À l'heure du BigData, WeChat a de quoi séduire les utilisateurs comme les investisseurs et ne devrait pas rester plus longtemps au rang des applications de «l'intranet chinois», méconnues en Occident. Elle a déjà été exportée dans plus de 180 pays et traduites dans 20 langues.
Mais comme le souligne le journaliste du NewYork Times, l'essor de ces supers applications –dont Facebook s'est inspiré avec le rachat de Messenger ou WhatsApp– pose également la question du contrôle des données personnelles de ses utilisateurs. WeChat centralise non seulement les données bancaires et la localisation géographique de ses usagers mais aussi leurs habitudes, leurs goûts comme leurs fréquentations et leurs relations privées. De quoi s'interroger: comment dit-on «Big Brother is watching you!» en chinois?
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